Le 7 Juin 1904, un cyclone, suite de violents orages, presque sans précédent dans l’ouest de la France, ravagea la Sarthe et causa d’irréparables dégâts.
La ville de Mamers perdit dix sept de ses habitants.
Le mardi, à deux heures, le temps était bas et lourd. Tout à coup l’orage éclata violemment sur Mamers. Il devint tempête et déluge, un déluge de plusieurs heures, qui allait causer d’irréparables dégâts.
- Mamers 1904 - Rue Cinq ans
A Mamers, il y a une petite rivière, la Dive, qui traverse la basse ville entre deux coteaux formant cuvette. Ce cours d’eau, à l’allure tranquille d’ordinaire, mesure deux mètres de largeur et a cinquante centimètres de profondeur. C’était du moins l’état de celui-ci à cette époque. Il était endigué entre des murs de maisons particulières et une rue, la rue des Tanneries, et quelques ponts de pierre le traversaient. La Dive se jette dans l’Orne.
- Mamers 1904 - rue des Ormeaux
Une avalanche d’eau transforma en quelques instants la Dive en un gros torrent dévastateur de plus de 120 mètres de largeur et de quatre mètres de hauteur, renversant tout ce qui se trouvait devant lui, emportant des immeubles, faisant un million de dégâts et entraînant des habitants sous les ruines.
- Mamers 1904 - rue du Hupry
Le collège, l’hospice militaire et civil, l’asile de vieillards ont subi de graves dégradations. Des moulins furent jetés bas, dont un destiné par la Ville à améliorer le service des eaux.
Aussitôt que la catastrophe se fut produite, un mouvement d’émotion étreignit tous les cœurs et la population civile fraternellement unie au 115e régiment d’infanterie, dans un commun élan de dévouement, rivalisa de zèle et d’efforts pour organiser le sauvetage des habitants des maisons emportées. Tous ces actes héroïques ne purent empêcher d’enregistrer des victimes. Voici le nom de celles-ci :
Madame RICHARD, rentière, Madame AUBRY, journalière, Madame veuve FOUQUET, journalière, Monsieur DUBOIS-SILLE, journalier, Madame REGNIER, journalière, Mademoiselle LOCHET, Madame CONTREL née FARCY, une jeune femme de dix neuf ans, noyée en compagnie de son beau-frère, Maurice CONTREL et de son père, René FARCY, trois vieillards hospitalisés, PETRONY, veuve LEMAINE, la veuve AUGAN, le cantonnier BARBIER, une jeune mère, Madame PICHON et son enfant qu’elle tenait dans ses bras lorsqu’on découvrit leurs cadavres, et enfin Madame veuve PHILIBIEN et Monsieur DESHAYES, jardinier.
Partout l’eau, trouvant un passage, pût gagner la plaine. Dans la boue, sous les maisons effondrées, au pied des arbres, enfouis sous des haies, on trouva dix sept corps. La plupart des victimes furent surprises au moment même où elles essayaient de fuir.
L’extraordinaire vitesse avec laquelle l’avalanche d’eau s’était abattue les ayant surprises dans leur course et leur ayant coupé toute retraite néanmoins quelques uns purent se sauver. Dans leur demeure même, trois vieillards de l’Asile qui étaient couchés au rez-de-chaussée furent noyés dans leur lit. Quatre autres personnes furent ensevelies sous les décombres d’une maison qu’elles n’avaient osée quitter.
Le 9 juin, les cadavres furent exposés dans une salle de la Mairie. Quatorze des corps avaient été apportés là et couchés côte à côte sur de la paille. Les familles de trois des victimes avaient demandé que les cadavres leur furent rendus.
Le spectacle de ces malheureux corps livides et gonflés, dont les silhouettes imprécises apparaissaient à peine sous l’épaisse couche de boue qui les couvrait, aspirait surtout, en même temps qu’une immense pitié, le sentiment d’un douloureux étonnement.
Le commissaire de police présidait à l’opération de la mise en bière. Il commandait aux assistants « le Père untel » et les hommes de service prenaient le « Père untel », le roulaient doucement dans un drap de grosse toile et le déposaient dans un cercueil dont ils vissaient le couvercle.... La « Mère une telle »...... et quand tous les « Pères untel » et « Mères une telle » furent mis en bière, on alluma des cierges.
Les actes de dévouement ne se sont pas comptés à Mamers. Quatre hommes, le caporal DERIF et trois soldats du 115e, PAQUET, COMOCHE et BERARD enlevèrent de terre deux immenses mâts qui avaient été élevés dans le jardin du collège Saint Paul à l’occasion d’une fête. A force de bras ils apportèrent ces deux mâts sur la rive, les inclinèrent dans la direction du moulin de telle façon que l’une des extrémités s’appuyât sur le rebord d’une des fenêtres, l’autre restant fixée à terre. Sans s’inquiéter même de savoir si cette passerelle n’allait pas céder au premier heurt, à la force des poignets, ils franchirent le vide, au-dessus du torrent, prenant à bras le corps un homme, une femme et les ramenant sains et saufs au pensionnat Saint Joseph.
Le plancher du rez-de-chaussée, soulevé tout d’une pièce était collé au plafond. Le Commissaire de Police DELAVERGNE, aidé du cantinier du 115e, le soldat DELAROCHE, et du lieutenant de réserve LOYSSET entrèrent dans l’eau. S’aidant de matériaux de toutes sortes, ils parvinrent aux fenêtres du premier étage et, un à un, sauvèrent les enfants.
- Mamers 1904
- Grande Rue - Sauvetage des enfants du pensionnat Saint Joseph
Dans une prairie voisine des abattoirs, un homme qui put échapper par miracle à l’effondrement d’une maison sous les décombres de laquelle quatre personnes venaient de trouver la mort, était réfugié au sommet d’un arbre.. L’Abbé TEYSSIER, se défaisant de sa soutane, se faisant attacher une corde aux reins, se mit à la nage. Un remous, un instant, l’engloutit. Sous le choc la corde se rompit. Le Lieutenant ANTOINE s’élança. L’abbé réapparut à la surface de l’eau et, tous deux, prêtre et soldat, réussirent, avec l’aide d’un troisième sauveteur, nommé CHAUDEMANCHE, à saisir l’homme an danger.
D’abord l’eau vint battre les murs de l’Asile où une vingtaine de vieillards étaient abrités. Elle s’éleva à hauteur du premier étage rendant impossible tout accès au rez-de-chaussée où trois malheureux devaient trouver la mort. Mais le désastre eût été plus terrible encore si, sans la présence d’esprit du Sous Préfet, l’organisation des secours n’avait été assurée de façon ingénieuse.
Il se plaça au fond d’une cuve qu’il laissa filer dans le terrible courant du torrent. Tournant, tourbillonnant, il heurta le mur de l’asile et, à travers une lucarne du toit, il apprit d’une Sœur garde-malade, que toute issue praticable était hors-service. On ne pouvait songer à sauver les vieillards qu’en les aidant à passer par les fenêtres du premier étage.
Sur un radeau improvisé, on assembla des matériaux, bois et poutres. On plaça sur ses radeaux une échelle et on embarqua. Accompagné du Docteur BLONDEAU, du menuisier GENESLAY et du cimentier WENATIER, le Sous Préfet HERSANT prit le chemin de l’Asile. Au moyen de l’échelle, on descendit un à un les vieillards réfugiés au premier étage et le radeau revint à terre.
Dans un second voyage, le Sous-Préfet et son équipe de dévoués sauveteurs s’en vinrent chercher les Sœurs Gardes-Malades. Elles aussi embarquèrent sur le radeau et aussitôt se mirent en prières à genoux. Le spectacle était curieux, en particulier de voir ce fonctionnaire guidant une embarcation pleine de religieuses.
A l’Hospice, le sauvetage put se faire.
Trois femmes, occupées à laver, étaient en danger. Les eaux montaient et, déjà, le faîte d’un petit mur qui les abritait disparaissait sous les remous. Une religieuse se dévoua. La sœur ANASTASIA, âgée et peu ingambe, n’hésita pas. Elle se plaça à califourchon sur le faîte du mur, les jambes pendant dans l’eau puis, s’aidant des mains, elle entreprit de faire, au long du faîte du mur, le parcours qui allait l’amener auprès des femmes.
Un Officier, le Capitaine DEROMME, vit l’héroïque tentative de la sœur. Il s’élança sur le mur, suivi de son ordonnance, le soldat LE HOUX, et ils rejoignirent la religieuse au moment où celle-ci tendait le bras vers l’une des malheureuses.
- Catastrophe de Mamers 4 juin 1904
En présence d’un pareil désastre, la levée des corps donna lieu à d’imposantes manifestations. Le Président de la République envoya mille francs. Le Préfet se joignit à Monseigneur de BONFILS, Evêque du Mans, pour présider aux obsèques. Elles eurent lieu le 10 Juin, au milieu d’une affluence consternée.