Les chasseurs donnent l’échelle pour ce magnifique sanglier de 130 kilos. Les chiens qui approchaient d’un peu trop près ce fauve impressionnant devaient se faire vite éventrer par les défenses coupantes. Acheté par Marcel Boussat, il est exposé à l’entrée de sa boucherie avant d’être débité et vendu. Les deux chasseurs ne sont pas peu fiers de leur exploit. Gonflés d’orgueil, ils sont irrésistibles dans leur costume trois pièces, chaîne de montre et chapeau. Ingénus l’un et l’autre, posant comme des héros, ils sont d’une naïveté qui les rend sympathiques. Le petit garçon à l’arrière plan doit avoir deux ans. C’est Raymond Boussat, né en 1898, ce cliché est donc de 1900. De nos jours, les chasseurs se partagent le gibier, et comme ils chassent en nombre, cela ne fait pas gros pour chacun. Il y a cinquante ans, ils chassaient à deux ou trois et la vente aux bouchers était d’un rapport intéressant. Il y a cinquante ans, on pouvait voir des sangliers comme celui-ci, suspendus à l’étal des boucheries. Le Périgord est une région boisée où les sangliers abondent. S’ils ne font pas de dégâts dans les forêts, ils ne se gênent pas pour saccager les champs de maïs ou de pommes de terre. Dans la forêt de la Bessède, entre Couze et Dordogne, les loups étaient les prédateurs des sangliers en dévorant les marcassins. La disparition des loups après 1900 a permis aux sangliers de se multiplier, mais maintenant, c’est l’homme qui a remplacé le loup. Dans la forêt de la Besséde et sur ses franges, plus que le sanglier, le loup fait partie de la vie quotidienne au début du siècle. Quand on entendait le loup le soir autour de la ferme, on ne lâchait pas le chien, car si le loup s¹enfuyait, il revenait le lendemain tendre une embuscade et tuer le chien. A la Salvetat, un village au milieu de la forêt, les gens faisaient leurs besoins autour de la ferme et le loup ne franchissait pas la frontière ainsi délimitée. Quant au père Raynaud de Fromental, pour les éloigner il leur donnait à la tombée de la nuit un concert de cor de chasse. Antoine Carcenac, mon père, m’a souvent raconté que les loups venaient à l’entrée de Belvès jusqu’après la guerre de 14-18. Ils disputaient aux chiens les déchets de boucherie abandonnés dans un petit cabanon sans porte. Quelques vers de Guy de Lanauve évoquent ce passé récent :
Découvrir Le Périgord d’Antoine Carcenac : (photographies 1899 - 1920).