Service militaire
Né en 1889, Denis Berger appartient à la classe de 1909 (fiche matricule n° 433 du volume 1), il fait partie de la première partie de la liste en 1910 et inscrit sous le n° 263 du service armé. Il est incorporé comme soldat de deuxième classe au 99e régiment d’infanterie de Lyon à compter du 1er octobre 1910, où il arrive le jour même.
Il est envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1912 avec « certificat de bonne conduite accordé ».
Mobilisation
En ce début d’année 1914 le président est Raymond Poincaré et la France compte 39,6 millions d’habitants. La guerre avec l’Allemagne est déclarée en réaction aux mesures équivalentes prises par l’Allemagne. Le samedi 1er août le décret de mobilisation générale est signé et le lendemain, dimanche 2 août premier jour de mobilisation, le décret est apposé sur les murs de toutes les communes.
La France compte, à cette date, 3,6 millions d’hommes mobilisables. La mobilisation française se déroule en 17 jours, du 2 au 18 août 1914, comprenant le transport, l’habillement, l’équipement et l’armement de plus de trois millions d’hommes dans tous les territoires français, en métropole mais aussi dans certaines colonies, puis leur acheminement par voie ferrée essentiellement vers la frontière franco-allemande de l’époque. Cette mobilisation permet de mettre l’armée et la marine françaises sur le pied de guerre, avec notamment le rappel théorique sous les drapeaux de tous les hommes aptes au service militaire. Planifiée de longue date, l’affectation de chaque homme était prévue selon son âge et sa résidence.
Denis, alors âgé de 24 ans et 7 mois, est rappelé à l’activité par ce décret et arrive au corps le 3 août.
Arrivé le 3 août 1914 dans sa garnison il est envoyé sur le front des « Armées du Nord et du Nord-Est » où il participe aux combats du 5 au 20 août dans les Vosges dans le secteur de Bellefosse.
Blessures
Denis n’aimais pas trop parler de « sa guerre », qui le renvoyait à une période douloureuse de sa vie.
Toutefois, à de rares occasions, il s’était confié à son petit-fils Christian. Lors de ces confidences, il lui avait raconté qu’il avait été blessé vers le 15 août par des éclats de « shrapnel » [1] dans le corps.
Cette information se confirme par l’ indication apparaissant sur sa fiche de registre matricule militaire et relative à son passage devant la commission d’attribution de pension d’invalidité : " anciennes plaies par balle cuisse gauche, ancienne plaie hemithorax droit, cicatrice région olécranienne [2], troubles digestifs ".
Captivité en Allemagne
Toujours selon sa fiche de registre matricule militaire il est indiqué : « fait prisonnier le 20 août à Bellefosse » et « interné à Friburg [3] et Munsingen [4] » . Hormis ces indications, on ne sait rien sur sa période de captivité.
Echange de prisonniers par la Croix-Rouge – Martigny en Suisse
Au cours de la guerre, certains prisonniers ont été envoyés en Suisse à cause de leur état de santé. Il semble que ce soit le cas de Denis. Dans ses confidences à Christian il lui a dit avoir séjourné à Martigny en Suisse jusqu’à la fin de la guerre. Les conditions d’internement en Suisse ont été très strictes puis se sont adoucies au fil du temps.
Seules les maladies suivantes pouvaient mener à un départ : maladie du système hématopoïétique, graves problèmes neurotiques, tumeurs et sévères maladies de peau, cécité (totale ou partielle), graves blessures de la face, tuberculose, un ou plusieurs membres manquants, paralysie, problèmes cérébraux comme la paraplégie et l’hémiplégie et les graves maladies mentales.
Par la suite, les prisonniers âgés de plus de quarante-huit ans ou qui avaient passé plus de dix-huit mois en captivité pouvaient en effet prétendre au départ pour la Suisse (ce fut certainement le cas de Denis qui était prisonnier depuis le début du conflit en 1914).
Le Comité international de la Croix-Rouge est à l’origine de ces internements qu’il a proposés fin 1914 mais qui n’ont été mis en place qu’en février 1915. La désignation au départ ne signifie en aucun cas la libération définitive mais le transfert pour Constance, siège d’une commission médicale où l’état des prisonniers est vérifié.
Le séjour en Suisse pour ceux qui ont réussi à passer les contrôles n’est pas de tout repos.
Au 1er mai 1917,13 640 prisonniers français sont internés en Suisse. Les prisonniers sont logés dans des hôtels ou des pensions (Denis a été logé à l’hôtel Clerc à Martigny).
Les repas n’ont au début plus rien à voir avec les repas distribués dans les camps : « Matin, 7 heures, café au lait, confiture, et 225 grammes de pain pour la journée. Midi, soupe grasse, bœuf, patates, salade et café. Le soir à 6 heures 30 soupe légère, langue de bœuf en sauce, patates, épinards et rhubarbe en compote.
Les pays des différents ressortissants internés en Suisse doivent continuer à payer pour entretenir leurs prisonniers. La France par exemple doit payer quatre francs par soldat et par jour, six francs par officier et par jour (en ce qui concerne les tuberculeux, les montants s’élèvent respectivement à cinq et huit francs). Très vite, la situation se dégrade, en particulier l’alimentation qui devient insuffisante.
Les restrictions, caractéristiques de la vie des camps, sont très mal supportées par les prisonniers internés. Les détenus français pointent le gouvernement du bout du doigt. Les prisonniers internés en Suisse sont soumis à un travail obligatoire. En tout, 219 000 prisonniers ont été échangés.
Armistice du 11 novembre 1918
Dans ses confidences à Christian, Denis a raconté « qu’il a été logé à l’hôtel Clerc à Martigny en Suisse et que le jour de l’armistice il jouait au foot avec ses copains, et avait reçu le ballon sur la figure au moment où a retenti la sirène ».
L’armistice signé le 11 novembre 1918 à 5 heures 15 du matin marque la fin des combats de la Première Guerre Mondiale, la victoire des Alliés et la défaite totale de l’Allemagne. Le cessez-le-feu est effectif à 11 heures, et ce pour une durée de 36 jours qui sera renouvelée trois fois.
Dans l’ensemble de la France, des volées de cloches et des sonneries de clairons annoncent la fin d’une guerre qui a fait plus de 18 millions de morts et d’invalides ou de mutilés.
Les représentants allemands et alliés (le maréchal Ferdinand Foch commandant suprême des forces alliées, l’Amiral Rosslyn Wemyss représentant britannique et le Général Maxime Weygand chef d’état-major de Foch) se réunissent dans un wagon-restaurant aménagé provenant du train d’Etat-Major du maréchal Foch, dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne. Plus tard, le 28 juin1919, à Versailles, sera signé le traité de Versailles.
Rapatriement – Hôpital militaire de Moulins
Pour certains, comme Denis, l’armistice signe la fin de quatre ans de captivité.
Lorsque l’armistice est signé le 11 novembre 1918, une clause du traité règle la question du rapatriement des prisonniers de guerre : « Rapatriement immédiat, sans réciprocité, dans les conditions de détail à régler de tous les prisonniers de guerre, y compris les prévenus et condamnés, des Alliés et des États-Unis. Les puissances alliées et les États-Unis pourront en disposer comme bon leur semblera. »
Au 10 octobre 1918, 1million 434 529 Russes ont été faits prisonniers depuis le début de la guerre, 535 411 Français, 185 329 Britanniques,147 986 Roumains, 133 287 Italiens, 46 019 Belges, 28 746 Serbes,7 457 Portugais, 2 457 Américains, 107 Japonais et 5 Monténégrins.
Selon sa fiche matricule militaire, Denis est rapatrié sur l’hôpial militaire temporaire n°31 situé à Moulins dans l’Allier le 27 juillet 1918, afin d’ y être examiné comme tous les prisonniers militaires français libérés.
Décoration
Denis sera décoré de la Croix de Guerre (instituée par la loi du 8 avril 1915 est en bronze florentin du modèle de 37 mm, à quatre branches, deux épées croisées. Le centre représente à l’avers une tête de République au bonnet phrygien ornée d’une couronne de lauriers avec en exergue « République française » et au revers l’inscription 1914-1918)
Retour à la vie civile
La fiche de Denis fiche indique « le 25 novembre 1918 mis en sursis aux mines de Roche-la-Molière et Firminy puis passé aux mines de Montrambert et de la Béraudière le 25 mars 1919, rayé des contrôles par les mines d’après états 64 du 16 septembre 1919, retiré au lieu de La Renaudière au Chambon-Feugerolles ».
A sa retour, Denis est domicilié chez de son père Urbain, alors âgé de 62 ans, retraité des mines, qui réside toujours à « La Renaudière en compagnie de son fils cadet Jean âgé de 25 ans et de sa fille Annette âgée de 20 ans. La mère Annette Berger née Jurine est décédée le 29 décembre 1916, âgée de 58 ans, durant la captivité de Denis.
Son frère Jean, de la classe 1909 a été ajourné du service militaire pour faiblesse en 1913, 1914 et 1915 (il pesait alors 47 kilos pour 1m55), puis a été détaché comme outilleur, ajusteur, puis métallurgiste, aux usines Barbier frères au Chambon-Feugerolles à partir du 8 août 1916, mis en sursis d’appel au titre des usines Barbier frères du 18 août au 4 septembre 1919, et enfin mis en congé illimité de démobilisation. Il aura eu la chance de ne pas connaitre, comme Denis, ni la guerre, ni les blessures, ni la captivité.