Mon ancêtre Benoit AUBONNET [1]
(1697-1777) habitant la paroisse de Saint Bonnet le Troncy (Rhône), exerçant la profession de voiturier a été condamné en 1754 et est parti comme bagnard à Toulon.
On trouve sa trace sur "La liste des galériens Rhône-Alpins à Marseille ou bagnard à Toulon" établie par Sylvain Poujol d’après le Registre d’enregistrement des bagnes (Bibliothèque Généalogique de Paris), et le Service historique de la marine à Toulon.
A son arrivée à Toulon, Benoit a été inscrit sur le registre du bagne avec :
- son nom : AUBONNET Benoit
- son âge : 62 ans (en réalité il a 57 ans mais il s’est déclaré plus agé, car il sait que les prisonniers de plus de 60 ans sont un peu moins maltraités).
- l’année de condamnation : 1754
- le prénom de son père : Jacques (mentionné décédé)
- le nom de sa mère : GUEYDON Pierrette (mentionné décédée)
- le nom de sa femme : GIROUX (GIRAUD Marie)
- son lieu de naissance : St Borme ? (St Bonnet)
- son matricule : 7960
Comme tous les détenus, après avoir certainement croupis quelques mois dans la prison la plus proche de St Bonnet le Troncy, il intègre "la Chaîne" des prisonniers qui descend du nord de la France et passe par le Beaujolais pour rejoindre à pied la ville de Toulon.
Ces groupes de plusieurs dizaines de forçats sont enchaînés deux à deux (d’où le nom de chaîne) et sont conduits sous la contrainte par des gardes, avec peu de nourriture en passant par les places publiques des villes afin que ces hommes soient vus par les habitants pour faire dissuasion auprès du peuple.
Tous les condamnés n’arrivent pas à destination ; une partie (les plus vulnérables), meurt en route.
A partir de 1748, sous Louis XV, les galères sont plus ou moins abandonnées car elles ne sont plus assez efficaces pour la guerre, si bien que les prisonniers sont cantonnés dans des bagnes.
Au bagne de Toulon, les détenus sont employés à travailler au port et à la construction de l’Arsenal de Toulon.
A partir de cette époque les conditions des forçats sont un peu moins inhumaines, ils sont mieux nourris que sur les galères et ils touchent une solde.
C’est le cas pour Benoit car il en est revenu. On ne connaît pas la durée exacte de sa peine qui a été de moins de 5 ans car il était présent chez le notaire le 11/01/1759 pour un acte de reconnaissance de dette. On peut en déduire que Benoit devait être solide car il a vécu jusqu’à l’âge de 80 ans.
II faut dire que 50% des prisonniers mouraient sur les galères.
Il est probable (cela reste à vérifier), que Benoit a été condamné pour commerce illicite de sel (faux saunage) comme beaucoup de bagnards.
En effet à cette époque existe la GABELLE, un impôt très impopulaire et très élevé sur le sel, dont le montant est inégalement réparti suivant les régions de France. Ceci favorise un marché noir du sel très important malgré la grande répression de la sénéchaussée.
Le prix du sel est donc très différent entre le Lyonnais (petite gabelle) et la Bourgogne (grande gabelle).
St Bonnet le Troncy se trouvant à la limite des deux régions reliées par le chemin appelé maintenant GR7 et à l’époque Route du sel, Benoit étant voiturier, on peut imaginer la suite de l’histoire ! ...
Nota : Il devrait être possible de consulter les anciens registres du bagne de Toulon au Service Historique de la Marine à Toulon (Impasse de la Corderie) afin de verifier le motif de la condamnation, le signalement du condamné et aussi d’autres précisions, ce que je n’ai encore pu faire. Si certains d’entre-vous fréquentent ces archives...
Sources :
- Recherches généalogiques aux Archives départementales du Rhône.
- Liste des Galériens Rhône-Alpins à Marseille ou bagnards à Toulon établie par Sylvain Poujol.
Les gravures proviennent de :
- Pierre Zaconne, Histoire des bagnes, Paris, Victor Bunel, 1870.
- Maurice Alhoy, Les bagnes, histoire, types, mœurs, mystères, édition illustrée, Paris, G. Havard, 1845.
Ces deux ouvrages sont disponibles chez les bouquinistes et consultables à la Bibliothèque Municipale de Caen ou au CRBC (Centre de Recherche Celtique et Bretonne) à Brest.
Complément :
Les lecteurs intéressés par le sujet peuvent aussi lire le parcours de sébastien Paturel lui aussi condamné au bagne.