Belvès a cinquante ans d’avance sur de nombreuses communes pour l’installation de l’eau courante. Les travaux commencent en avril 1908 et vont durer un an et demi. Ils sont effectués par l’entreprise Piketty de Paris, quai de la Rapée. Pour la surveillance, la municipalité a embauché un personnage compétent, M. Pécharmant, de Périgueux, ingénieur des Chemins de Fer à la retraite. L’eau vient du tunnel ferroviaire du Got, à dix kilomètres au sud de Belvès. Ce tunnel mesure 1874 mètres et son trajet est sinueux. La plate-forme est établie pour deux voies et l’intérieur est entièrement bâti en moellons assisés. Les travaux de creusement ont débuté en 1847 pour se terminer en 1852. C’est peu pour un tel ouvrage.
En creusant un des puits d’aération pour le tunnel, les ouvriers découvrent dans la roche une importante source qui nécessite, pour l’évacuation de son eau, la construction d’une rigole le long de la voie.
En 1908, le maire, M. Déjean, n’a pas de mal à obtenir de la direction du P.O., le Paris-Orléans, l’autorisation de capter cette source d’une eau excellente. Seule condition, cette eau sera délivrée gratuitement aux maisonnettes des deux premiers passages à niveau situés sur le trajet. Le captage se fait dans le puits d’aération, à quelques mètres au-dessus de la voie. Les conduites métalliques, fixées sur la paroi du tunnel, sont enterrées à la sortie et l’eau arrive par gravité au réservoir de la Paroisse.
Quarante ans plus tard, une épidémie de typhoïde se déclare à Belvès, occasionnant le décès d’une élève du cours complémentaire. Les médecins font remarquer que le contagion s’effectue par les légumes souillés ou par l’eau de boisson. On soupçonne fortement les légumes venus de Villeneuve-sur-Lot, puis on se souvient que, quelques années auparavant, les tuyauteries du captage s’étant rompues, la " Mairie " avait tout simplement donné l’ordre de capter l’eau... à la sortie du tunnel, dans la rigole. Cette eau avait longé la voie ferrée sur mille deux cents mètres.
L’utilisation des cabinets dans les trains est interdite dans les gares, mais non dans les tunnels, la suite logique en était la typhoïde...
Le creusement de la tranchée est terminé dans la Grand-Rue, les terrassiers sont arrivés sur la place.
A l’angle de la rue de la Brèche, la boucherie Boussat est un parfait panneau d’affichage. La petite fille Menier domine le magasin du Louvre de Paris qui ouvre son exposition générale le lundi 28 septembre et les quatre jours suivants, c’est à dire en 1908 d’après le calendrier universel. Chiffre en accord avec les documents municipaux. La Gauloise est une liqueur " hygiénique " fabriquée par Requier à Périgueux. Quant au Byrrh, il " rafraîchit sans débiliter ", surtout étendu d’eau de Seltz ou d’eau fraîche. L’affiche de M. Serré sur les confetti est partie en confetti, et nous ne saurons jamais en quelle ville a lieu ce festival avec défilé de sociétés musicales et grand bal champêtre. Toujours sous le Louvre, une affiche d’allure officielle donne les " renseignements généraux sur l’école de notariat de Limoges. "
Le vieil homme à la barbe chenue présente la liqueur Kermann de chez F. Casanove de Bordeaux, pour attester que c’est elle qui l’a maintenu en vie aussi longtemps.
Toujours dans les affiches, avez-vous remarqué celle de " Michelin, l’indéchirable. Pneus vélo Michelin " ? Elle représente un sauvage au nez busqué, plutôt un indien, car les cheveux plats sont ornés de grandes plumes. Il arbore un collier de dents de fauves et il essaie en vain de déchirer avec les dents un pneu de vélo !
Ce mur est resté fidèle à sa vocation publicitaire. Il s’est enrichi plus tard de DUBO DUBON DUBONNET, un peu délavé maintenant, mais toujours présent et photographié par des milliers de touristes. Dommage que notre sauvage ne soit plus là, il aurait du succès.
Découvrir Le Périgord d’Antoine Carcenac : (photographies 1899 - 1920).