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L’État-civil nous réserve parfois quelques surprises de taille…

Le jeudi 19 mars 2015, par Pascale Chevallier

A la recherche de quelques uns de mes ancêtres dans les registres d’État-civil de le Renouard dans l’Orne, et amenée à lire tous les actes les uns après les autres, je dois dire que j’ai été récompensée, car de mes ancêtres point, mais l’histoire incroyable d’une jeune servante. Oui ! ce genre d’anecdote est véritablement un petit bijou.

Un beau jour d’avril 1731, Louise Joanne, jeune servante au service de la famille de Pierre Chauffour Beauchamp, à Ticheville dans l’Orne (61), est renvoyée dans ses foyers car elle est prête à accoucher. C’est un valet qui la conduit à cheval depuis Ticheville jusque chez elle au Renouard, paroisse éloignée d’une quinzaine de kilomètres. Sur le chemin non loin de Croutte où le valet venait de recruter deux hommes pour l’aider, la pauvre fille se sentant très mal demande à descendre de cheval en apercevant une maison. Le valet s’y oppose, probablement qu’il a reçu ordre de la laisser le plus vite possible chez elle et ce avant la nuit. Ils vont même jusqu’à lui tenir les pieds le long des flancs du cheval pour qu’elle n’accouche pas ! Imaginez un peu la scène, cette pauvre fille dans les douleurs de l’accouchement, à cheval avec des hommes qui lui serrent les jambes. Mais l’enfant se présente et ils finissent par accepter de la faire descendre. Il sont alors sur la commune du Renouard leur lieu de destination, mais dans un champ de blé ! Le soleil est déjà couché... Ce sont des bergers qui accourent à ses cris et découvrent la pauvre fille perdant son sang accompagné d’un homme également couvert de sang qui leur demande d’aller chercher du secours en montrant une maison puis qui remonte à cheval et s’en retourne...

C’est la tante de Louise qui arrive, trouve l’enfant face contre terre (la mère s’est peut-être évanouie), le prend et le réchauffe puis ramène et la mère et le bébé chez elle. Là la jeune femme raconte son histoire et donne le nom du père de l’enfant qui est celui de son maître.

Le lendemain 17 avril 1731, le baptême a lieu au « vu du péril » assisté de trois femmes dont une qui fait office de sage femme et de l’oncle François Joanne. Il est prénommé Pierre par son parrain Pierre Hauton et sa marraine Anne Le Blanc. A la l’issue de la cérémonie, les femmes font une croix, les parrain et marraine signent, l’oncle signe avec paraphe ainsi que deux autres témoins.

Voilà une aventure bien émouvante. On imagine quelle fut la peur de cette jeune femme sur un cheval alors que l’enfant se présentait, la peur de mort aussi, la nuit arrivant loin de son foyer et ces hommes semblant ne pas avoir beaucoup de pitié !

JPEG - 34.2 kio
Chemin probablement emprunté par Louise et le valet
Cliquez sur l’image pour l’agrandir

En faisant quelques recherches, j’ai retrouvé cette famille Joanne à Le Renouard. François l’oncle est marié à Catherine Pinel, il aura trois enfants : Françoise, François Charles et Jacques Louis.

La famille Chauffour (parfois d’Echauffour) du val Beauchamp existe bien à Ticheville. Un certain Pierre ( 1688-1741) y vit avec femme et enfants.

Par contre aucune trace de Louise et de l’enfant par la suite, ni de décès ni de mariage pour elle. Peut-être est-elle partie vers une autre paroisse pour se mettre au service d’une autre famille... Mystère ! Mais peut-être qu’un lecteur croisera sa route au hasard des registres et des arbres généalogiques... Qui sait !

Transcription du texte :
« Le dix sept ieme jour davril mil sept (sic) trente et un, nous soussigné avons donné le sacrement de baptème à un enfant que nous a aussy été présenté par Gabrielle Polin de cette paroisse faisant les foncions de sage femme, assistée de Jeanne Le Grain et de Catherine Moisson et de François Joanne aussi de cette paroisse, lequel nous avoit déclaré que ledit enfant est sorti de Louise Joanne sa nièce, laquelle étant ci devant servante chez le nommé Le sieur de Chaufour Beaucham de la paroisse de Ticheville. Y étant demeuré deux ans ou environ suivant sa déclaration et que par cette déclaration de la ditte sudite Louise Joanne, elle auroit été conduie à cheval par le valet du dit Sieur de Beaucham, accompagné de deux autres hommes que la suditte a déclaré que le dit valet avoit pris dans la paroisse de Croute et que se sentant pressée du mal d’enfant, elle auroit demandé sa liberté de descendre dans la première maison trouvée, ce qui luy a été refusé et que même on luy serroit les pieds sur le bas du cheval et qu’enfin ils furent contraints de la laisser descendre dans une pièce de bled appartenant à un particulier du Regnouard où elle a accouché ; et par le bruit commun des bergers qui gardoient leurs moutons s’aperçurent au sang que la suditte perdoit, leur donna la curiosité de voir ce que c’étoit. Ils apercurent un homme plein de sang, lequel dit a ces bergers : allez je vous prie avertir dans cette maison, que l’on vienne bien vite icy. Ce que s’étant ainsi passé il remonta à cheval et s’en retourna ; et les bergers ayant averti la tante, elle vint dans la pièce (de blé) où elle trouva l’enfant face contre terre qu’elle réchauffa et conduisit chez elle et la mère et l’enfant.
Lequel nous avons baptisé à la requète de la mère représentée par François Joanne son oncle, laquelle a déclaré par laditte Catherine Moisson femme de Pierre Chevin et François Joanne son oncle que le dit enfant est produit des œuvres du dit Sieur Pierre de Chaufour de Beaucham et veu le peril nous avons procédé à l’administration du baptème et il a été nommé Pierre par Pierre Hauton et Anne Le Blanc en présence de Maître Ambroise Tuïllier curé de la Lande, du Sieur Jean Baptiste Garnier et de Jacques Manouri. Témoins ce même jour et an que dessus le dit enfant ayant été trouvé le jour d’hier après soleil couché.
Marqué Gabrielle Polin, marqué Jeanne Le grain, marqué Catherine Moisson, Pierre Hauton parain et Anne Le Blanc, signé François Joanne, A. Thuïllier, Garnier, Jean Leriche avec paraphe et Jacques Manouri avec paraphe. Le présent attesté véritable ; Signé Deschampeaux Reoult curé ».

Archives Départementales de l’Orne – (le) Renouard BMS 1700-1739 vue 240.

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14 Messages

  • BRAVO pour ces investigations dignes d’un Sherlock Holmes ! dans les arcanes de l’Histoire, grande et petite !
    Elles montrent encore une fois, le peu de considération qu’avaient les femmes, de toutes conditions, coupables de leurs grossesses.
    Mises à part quelques matrones peu scrupuleuses et bienveillantes, c’est toujours la gente masculine qui organisait, diligentait, paraphait tout ce qui les concernait -> pas étonnant après qu’elles ne soient pas considérées !
    Autre temps autres moeurs ? pas sûre !

    En tout cas je me délecte et vous félicite de toutes les recherches dans ces archives anciennes.

    Requête : comment retrouver un acte de baptême fait à l’hospice d’Alençon en 1924 ? je n’ai jamais fait, suis un peu perdue ; mais je sais que cet acte me permettrait d’en savoir plus sur les conditions de la naissance de ma mère
    => merci d’avance à tous ceux qui pourront me donner des pistes !

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  • en effet c’est pas tous les jours que l’on trouve un acte pareil, moi j’en ai trouvé un sur la commune d’Ottrott (67), mais d’un jugement rendu ou la fille ayant accouché désigna le géniteur qui porta son refus d’en être le père devant la justice qui lui donna raison, aujourd’hui avec l’ADN c’est plus simple

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  • L’État-civil nous réserve parfois quelques surprises de taille… 20 mars 2015 21:10, par christine Castéran

    Lu dans les registres de Montrichard (1681-1690) vue 89 :

    Le 16 Avril 1685 est décédée dans la grande maison de Montrichard Dame de Masancourt femme et légitime épouse de François delagarde (sieur de...).estant grosse de 7 mois laquelle ayant été ouverte après sa mort par l’ordonnance des médecins par Louis Dalidon chirurgien ordinaire de la maison de feu monsieur son altesse royale le duc d’orléans,lieutenant du premier barbier du roy et maistre chirurgien à Montrichard et Toussaint Soudée compagnon chirurgien aussi à Montrichard ont trouvé un enfant masle encore vivant à qui j’ay conféré le sacrement du baptesme et qui a paru encore vivant quelques moments après et est dédédé en foy de quoy nous avons signé le présent acte audits chirurgiens."

    On sent ce prêtre plus fasciné par les titres du chirurgien et par l’opération elle-même que préoccupé de la mère dont il ne donne ni le prénom, ni l’âge et dont on ne sait pas si elle a reçu les derniers sacrements.

    La pauvre femme a-t-elle eu conscience des préparatifs ?!

    "Le lendemain 17 fut inhumé dans l’église de ND de Nanteuil le corps de ladite deffunte avec son enfant par moy curé soussigné ..."

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    • l’ondoiement et ou le baptème sont systématiques en ces temps là,concernant des rejetons dont l’espérance de vie apparait-quasi instantanément-,dès la sortie du sein de la mère,nulle et non avenue—pour assurer(c’est le terme fréquemment employé),éviter un passage par les limbes et obtenir un gage d’un strapontin au Paradis-d’une part cela permet à l’ecclésiastique d’encaisser des honoraires,d’autre part de "rassurer",quoique,et même "réassurer"la parturiente et ses proches-on voit assez souvent une femme sage,accoucheuse,sage d’autant que formée aux procédures de l’ondoiement et "jurée",certifiée compétente,intervenir in situ-quand l’ondoiyeur est considéré incompétent,quel pataquès !!

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    • Ben oui, c’est sûr, il fallait bien le baptiser ce petit, sinon il allait finir dans les limbes.. Quand ils disent " encore vivant", c’est que s’il était mort, ça ne comptait pas. Alors, ils disaient qu’ils l’avaient vu cligner un oeil 😉...Je suppose que le Sieur delagarde était très à cheval sur ces principes.
      Cela dit, je viens de trouver, et c’est la première fois que je vois ça, dans les archives de la Cote d’Or, de petits enfants qui n’ont pas eu cette chance et qui ont été "mis au charnier". C’est sûr, ça ne fait pas envie. Au moins celui-là a pu être enterré avec sa mère.

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  • Bonjour,
    Je viens tout simplement de faire une recherche dans les arbres en ligne sur Geneanet et j’ai trouvé un mariage entre une certaine Louise JOANNE ou JOUANNE et un certain Pierre CHAUFFOUR BEAUCHAMP dont serait issu un certain Pierre JOANNE ou JOUANNE né le 16/04/1731 à Renouard dans l’Orne. Une petite annotation rappelle les conditions de sa naissance qui sont celles que vous avez relatées.
    Je pense que cette personne se reconnaîtra et pourra peut-être venir compléter l’histoire de cette jeune servante.
    Cordialement,
    P. MYSAK

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    • L’État-civil nous réserve parfois quelques surprises de taille… 21 mars 2015 11:16, par Pascale Chevallier

      Formidable ! Je n’ai donc pas cherché suffisament....donc le pierre que j’avais trouvé n’était pas le bon et il a fini par l’épouser. C’est donc une belle histoire celle de la servante qui épouse son maître.
      Merci !
      Pascale

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      • Bonjour,
        Il n’est pas certain que le sieur Chauffour Beauchand ait épousé cette pauvre Louise Joanne. L’arbre sur Généanet ne le précise pas.
        Je pense que l’auteur de cet arbre a simplement voulu indiquer le nom du père de l’enfant relevé sur son acte de baptême. S’il utilise Heredis par exemple, il n’y a pas moyen d’indiquer une liaison qui ne soit pas considérée comme un mariage !!!
        Robert

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        • J’utilise Heredis 12pro et je suis certaine que je ne connais pas encore toutes ses fonctionnalités, mais j’ai découvert que lorsqu’on enregistre un mariage on peut le transformer en concubinage ou autre. D’abord on ajoute la personne comme conjoint soit via l’onglet "noyau familial" soit avec le + dans la case des unions de l’onglet "saisie individu", on ajoute le nom de la personne souhaitée.
          Ensuite, toujours dans l’onglet "saisie individu" dans la colonne de gauche du pavé en dessous des unions on clique sur M ou Mr (mariage ou mariage religieux) ce qui nous permet d’inscrire une date, un lieu etc., même sans le faire, on double-clic sur le mot "mariage" ou "mariage religieux" qui vient d’apparaître dans la colonne de gauche et là apparaît une petite fenêtre qui nous permet de changer le nom de l’évènement.
          Cordialement

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        • L’État-civil nous réserve parfois quelques surprises de taille… 21 mars 2015 18:09, par Pascale Chevallier

          Oui c’est moi qui les ai mis sur généanet afin qu’un descendant éventuel ai une piste....mais comme en effet cela peut prêter à confusion je viens de retirer le père avec juste la mention du nom de celui-ci sur la fiche de la mère.
          Donc cette pauvre Louise comme je le pensais n’a pas été mariée avec Pierre Chauffour qui lui, est déjà marié de son côté....

          Répondre à ce message

  • Bonjour,

    Peut être que vous devriez chercher dans le site :geneanet.org. La plus grande encyclopédie de la généalogie.

    Bon courage

    Alain

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  • L’État-civil nous réserve parfois quelques surprises de taille… 20 mars 2015 10:50, par Ruellot Jean-François

    bonjour,
    Une intéressante piste à suivre malgré les malheurs des servantes de l’époque ; un précision : Le numéro de département de l’Orne est 61 et non 31 beaucoup plus au sud
    cordialement
    JF R

    Répondre à ce message

  • Bonjour Pascale,

    Merci de nous faire partager cette histoire très émouvante. Comme vous, j’aimerai savoir ce qu’est devenue votre Louise.

    Bien cordialement.

    André VESSOT

    Répondre à ce message

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