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Jusqu’où peut mener une folle passion ? 1re partie

Plozévet (Finistère) 1841

Le vendredi 19 novembre 2021, par Pierrick Chuto

Cette histoire à ne pas lire avant de se coucher fait partie des 17 histoires vraies que je raconte dans le livre Hors-la-loi en Bigoudenie. Elle vous donnera peut-être envie de lire les autres crimes et forfaits (1830-1916) contenus dans cet ouvrage.

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En jaune, carte des vingt communes du Pays bigouden. Plozévet et Landudec, les deux communes concernées par cette histoire, sont en haut.

De Landudec à Plozévet

Je, soussigné Guillaume Le Louet, recteur de la paroisse de Plozévet, m’apprête en ce mois de mai 1850 à quitter mes ouailles pour celles de Plougastel-Daoulas. Ainsi en a décidé Mgr Graveran, évêque du diocèse de Quimper et Léon. C’est le cœur lourd que je fais mes maigres bagages, car j’avais mes habitudes ici et je connaissais bien mes paroissiens, certes ni meilleurs ni plus mauvais qu’ailleurs, mais qui étaient présents en grand nombre chaque dimanche aux offices et aux vêpres. Peu à peu, au gré des confessions et des rencontres officielles ou non, j’ai appris à les connaître et même parfois à entrer dans leur intimité, en m’efforçant d’oublier bien vite les racontars colportés par des mauvaises langues. Aujourd’hui, l’on ne parle plus guère d’une affaire qui, il y a moins de dix ans, a bouleversé la commune de Plozévet. J’estime de mon devoir de la raconter pour éviter que de pareils faits ne se reproduisent et que des femmes innocentes soient encore les victimes de tels individus. Ne comptez pas sur moi pour trahir le secret de la confession, mais les témoins se sont tellement exprimés en public et devant les juges que je n’aurai aucun mal à reproduire ici le déroulé de ce que l’on a appelé l’affaire Le Goaër. Je ne pourrai m’empêcher de donner parfois mon sentiment. Soyez indulgent !
Natifs de Landudec, Yves Le Goaër , dix-huit ans, et Anne Le Coroller , vingt-cinq ans, s’y marient le 18 octobre 1824. Au village de Ty-Varlen, ce couple de cultivateurs forme un ménage apparemment sans histoire. Anne, douce, effacée et très pieuse, met au monde six enfants, et a le chagrin d’en perdre deux en bas âge. Yves, grand et fort, est colère et violent d’après le maire qui le connaît depuis longtemps. Selon ce dernier, il ne se gênerait pas pour donner un coup de fusil à quelqu’un à qui il en voudrait. Il se raconte aussi que ce propriétaire, qui fait partie des vingt plus gros contributeurs de Landudec, use et abuse de son droit de cuissage auprès de quelques jeunes domestiques peu farouches. C’est malheureusement une pratique répandue dans nos campagnes et qui conduit les jeunes mères désemparées à abandonner le fruit du péché et à le placer dans le tour de l’hospice de Quimper.
Lorsque, en septembre 1837, venant de Plougastel-Daoulas, je suis arrivé à Plozévet, le couple Le Goaër est installé depuis le 29 septembre 1833 à Trébrévan Izella , village situé à la limite des communes de Landudec et de Plozévet. Un petit Louis y est né le 17 mars 1834 et, le même jour, à la même heure, Yves, dix-huit mois, a quitté ce monde. Imaginant la douleur des parents, je n’aurais pas aimé officier pour les funérailles. Ne se laissant pas abattre, Anne a mis au monde un autre Yves, moins de deux années plus tard .
Le couple, secondé par deux ou trois domestiques, par les plus âgés de ses enfants et par Anne Le Cœur, mère d’Yves Le Goaër, est donné en exemple dans le canton. Leur affaire est prospère, et Yves est devenu rapidement le douzième contributeur de la commune. D’un caractère assez secret, il ne fréquente presque personne et passe beaucoup de temps à la chasse. Parfois accompagné dans la traque du gibier par Jacques Le Guellec, maire, il se laisse convaincre de devenir conseiller municipal. Élu en juin 1837, il est réélu peu après, les opérations de vote ayant été annulées pour irrégularité . Ses avis sont très appréciés et aucun autre conseiller n’était plus capable que lui d’éclairer le conseil .
À la ferme, Anne ne chôme pas. Levée la première chaque matin que Dieu fait, elle se couche souvent bien après le soleil. C’est une maîtresse exigeante qui, si elle gronde parfois, n’est pas rancunière. Combien de fois, l’ai-je vue si recueillie, le dimanche à la première messe ? Son dialogue avec le Seigneur semblait intense et je me suis souvent demandé comment ce petit bout de femme, si prude et si timide, pouvait réfréner les ardeurs de cet époux de sept ans plus jeune qu’elle. Au risque de me répéter, cet homme impulsif ne chassait pas que le lapin et les jeunes domestiques embauchées pour l’année s’empressaient à la fin de leur contrat, de changer d’employeur. Mais je m’égare et il est temps de reprendre le cours du récit.

Anne et Marie-Jeanne

Nous sommes en décembre 1838 et Anne, en quête d’une nouvelle servante, entend parler d’une jeune fille, employée depuis deux ans chez Jean Gourmelon, cultivateur au village voisin de Trébrévan Huella. Son patron dit qu’il en est très satisfait, et l’affaire est vite conclue. C’est ainsi que Marie-Jeanne Autret , vingt et un ans, originaire de Pouldreuzic, fête Noël à Trébrévan Izella. D’un physique assez quelconque, petite, les yeux roux, dotée d’un nez pointu et d’une grande bouche, la nouvelle servante ne devrait pas plaire au maître de maison et tomber dans ses bras. C’est ce que sa gentille épouse pense sans doute, mais elle se rend vite compte qu’elle s’est trompée. Yves jette son dévolu sur Marie-Jeanne qui, flattée, se laisse séduire par ce premier amant. Il a de l’argent et cela la change de tous les garçons de ferme qui, auparavant, ont échoué à entrer dans sa couche. Peu à peu, Le Goaër se détourne d’Anne, lui reprochant tout ce qu’elle fait. Selon lui, Marie-Jeanne s’occupe bien mieux que sa femme des deux mères d’abeilles et de la basse-cour. Les paroles blessantes sont quotidiennes et René Coroller, frère de la malheureuse Anne, embauché depuis deux ans à Trébrévan, ne supporte plus le traitement infligé à sa sœur. Il menace Le Goaër de le quitter si celui-ci ne chasse pas l’intruse. Le maître refuse malgré les larmes d’Anne.
En mars 1840, la situation est de plus en plus tendue. Certains paroissiens me parlent, hors confession, des humiliations et autres brimades supportées sans broncher par Anne. Ainsi, Yves Kerlouédan, journalier à la ferme pendant quatre mois, me raconte l’épisode de la soupe au lait survenu un jour de juin, alors qu’Anne s’active pour préparer le dîner destiné aux hommes venus livrer un charroi d’ardoises. Les travailleurs rassasiés, elle peut enfin s’asseoir et s’apprête à porter à la bouche une cuillerée de soupe au lait. Elle lui trouve un goût si curieux que, préférant se passer de repas, elle propose le breuvage aux trois chiens de chasse qui, après avoir flairé l’écuelle, détalent au plus vite. Anne, terrorisée par ce qui semble être une tentative d’empoisonnement, se confie à Kerlouédan. Peu après, celui-ci est renvoyé par Le Goaër qui prétexte une baisse d’activité. Le journalier paie chèrement son rôle de confident auprès de celle que l’on a voulu tuer.
Au matin de la Saint-Jean, Marie-Jeanne n’est pas à l’étable pour traire les huit vaches. Comme elle est toujours ponctuelle, Anne s’en inquiète et la trouve alitée. Anne n’en serait pas offusquée si Le Goaër, affairé auprès de la soi-disant malade, n’était à lui administrer un liquide pour faire couler le fruit de leurs amours criminelles. C’en est trop pour Anne qui fait sortir du lit sa rivale et lui dit qu’elle ne la gardera pas plus longtemps chez elle, dût-elle la chasser à coups de croc à frambois (croc à fumier). Malgré les vociférations de Le Goaër, Anne tient bon. Marie-Jeanne part chez sa sœur pendant quelques jours, avant de revenir comme si rien ne s’était passé. Anne, résignée, ne dit rien. Il faut vraiment qu’elle aime cet époux qui, pendant l’absence de sa maîtresse, a gardé le lit, refusant de s’alimenter.

Manqué deux fois

Un vendredi de juillet, dans la semaine qui précède le pardon de Landudec, Anne, épuisée par une longue journée de travail, se couche avec son fils Yves, quatre ans. Son mari entre à son tour dans le lit-clos. Très surprise, car il y a bien longtemps qu’il n’a pas daigné partager sa couche, Anne pousse l’enfant au fond du lit pour faire de la place à son époux. Sur le point de s’endormir, les mains de Le Goaër la saisissent à la gorge et la pressent avec une telle force qu’elle s’évanouit. Revenue à elle, elle demande grâce à son bourreau et implore la permission de se confesser avant qu’il ne la tue. Il lui répond : Div wech am eus c’hwitet, met, evit an trede, e vo echu ganit. Dre ma Zorn nemetken e vioc’h lazet. (Je t’ai manqué deux fois, mais, la troisième, je te finirai. Tu ne mourras que de ma main).
Anne passe le reste de la nuit à prier et, dans la journée, alors que courageusement elle s’affaire dans la basse-cour, le Goaër lui demande si elle a fait sa réflexion. Quelle réflexion, répond-elle. Sans doute, vous n’avez pas l’intention de me tuer. Quand vient le soir, tremblante, elle trouve refuge à Ty-Treuz, une petite maison voisine où habite Anne Le Cœur, sa belle-mère. Le surlendemain, à Landudec, elle montre sa gorge encore toute noire à sa mère, son frère et plusieurs autres personnes choquées par cette tentative d’assassinat. Et le dimanche, à confesse, elle me raconte son calvaire. Mon Dieu, comment laissez-vous accomplir de telles abominations ? Jusqu’où cet homme va-t-il aller dans l’horreur ? Certes, cette fois, la puissance divine l’a emporté contre Satan, mais le Malin, entré dans le corps de Le Goaër, n’attend qu’une occasion pour triompher. J’ai conseillé à Anne de rester à Landudec chez Catherine Trépos, veuve Le Coroller, sa mère, et de ne jamais retourner à Trébrévan. Ce sont aussi les recommandations de la vieille femme chez qui elle reste plusieurs jours, mais comment Anne pourrait-elle abandonner ses cinq enfants mineurs ?
Son époux lui ayant fait dire qu’elle pouvait rentrer, elle quitte ses proches et, après avoir pris de l’eau bénite, elle fait un signe de croix et prononce ces mots terribles : Autant périr chez moi qu’ailleurs.
La vie reprend à Trébrévan, mais y a-t-il quelque chose de changé ? Marie-Jeanne est de nouveau partie après mon intervention et celle du juge de paix, mais pour combien de temps ? Sur la recommandation d’Yves Le Goaër, elle a été embauchée par Philibert Le Hénaff, dont la ferme n’est séparée de celle des Le Goaër que par quelques prairies. Les deux amants se retrouvent chaque nuit et les Le Hénaff, lassés des fugues de leur servante, la renvoient au bout de six semaines. La voici de nouveau à Trébrévan et pour Anne, le cauchemar reprend. La maîtresse, se prenant désormais pour la patronne, ne semble plus vouloir travailler. Un jour, alors qu’elle la voit flâner dans l’aire à battre, Anne le Cœur, mère d’Yves Le Goaër, fait de vifs reproches à son fils. Pour toute réponse, celui-ci la jette trois fois à terre en lui disant : Mère, vous sortirez avant elle. La pauvre femme, venue à l’église me montrer sa main ensanglantée, m’a annoncé son intention de quitter Trébrévan à la Saint-Michel (29 septembre).

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L’aire à battre.
Olivier Perrin La galerie bretonne

Une conduite scandaleuse

Partie chez ses autres enfants à Landudec, son penty est libre et Le Goaër s’y installe avec sa maîtresse. À ceux qui s’étonnent de le voir s’établir à Ty-Treuz, il répond qu’il lui faut veiller sur le mobilier de sa mère, la porte d’entrée ne fermant pas à clé. Foutaise, quand, comme moi, on connaît le confort rudimentaire du logis et les pauvres meubles, bien en peine d’intéresser un voleur. Mais l’essentiel est là pour les deux amants : une couchette de lit, deux couettes de balle, deux draps et un traversin.
Si les nuits sont chaudes et agrémentées de plusieurs bouteilles d’eau-de-vie, les journées le sont aussi pour Anne, car tous les prétextes sont bons pour la brutaliser. Lorsqu’elle souhaite récupérer la clé de l’armoire détenue par la fille Autret ou, quand elle montre son irritation à la vue des hardes de sa rivale apportées à Ty-Treuz, Le Goaër assène des coups de pied et des coups de poing à la malheureuse. Il la traîne ensuite dans la maison où il recommence à la frapper avec un bâton. Anne appelle au secours Alain Le Goff, un domestique, et le supplie de l’aider, sinon elle va être tuée. Le Goaër abandonne sa proie et, de rage, se précipite vers les enfants qui s’enfuient. Appelé au chevet d’Anne, elle me raconte en sanglotant ce qu’elle vient d’endurer et qui la cloue au lit. Les coups du bâton étaient si forts que la tête de celui-ci s’est cassée. Ma vie est en danger, ils me tueront. Une fois encore, je lui conseille de quitter Trébrévan avec ses enfants et je préviens le juge de paix.
Celui-ci intervient vers la mi-octobre, après que la fille Autret ait frappé Anne avec une quenouille. Elle s’est ensuite attaquée avec une telle violence à Magdeleine, l’aînée des Le Goaër, que la pauvre enfant en a longtemps boité. Cette fois, le juge, excédé, menace Marie–Jeanne de l’emprisonner. Mais, dans son état, où peut-elle aller ? Qui ouvrira sa porte à une femme à la conduite aussi scandaleuse ? Comme elle est proche d’accoucher, c’est par pitié et par considération pour sa femme que Michel Le Douce , son beau-frère, accepte de l’accueillir au village de Queldrec, distant d’un quart de lieue environ. À Trébrévan, Anne pense enfin respirer, mais son époux, accablé par le départ de Marie-Jeanne, lui dit devant un domestique : Vous croyez que vous serez mieux maintenant, mais c’est tout le contraire. Quand je devrais vivre cent ans, je n’oublierai jamais cette fille.
Le 22 janvier 1841, la dite fille accouche de jumeaux. Le premier, Michel, ne vit que quelques heures et le second, Yves (prénom du géniteur), est fêté comme il se doit. Le Goaër offre en abondance du vin vieux et de la très bonne eau-de-vie, même à une voisine qui donne le sein au nourrisson ! Le père avait confié que si l’enfant à naître était un garçon, il aiderait à l’élever, mais que si c’était une fille, elle serait abandonnée à l’hospice. Yves a été baptisé le lendemain, mais j’ai laissé mon vicaire s’en charger. J’avais sans doute mieux à faire !

En me relisant, je m’aperçois que j’insiste sur l’amour fou qui lie les deux êtres, amour irrationnel qui se moque des contingences et du qu’en-dira-t-on, amour cruel qui ne peut que se terminer tragiquement. Mais alors, comment expliquer ce qu’une paroissienne m’a chuchoté à l’oreille ? Catherine Le Goff, une autre domestique des Le Goaër, a quitté Trébrévan à la Noël 1840. Quatre mois plus tard, à Pouldergat, elle a accouché d’un petit Vincent avant de mourir le même jour. Il se dit que le père ne peut être que Le Goaër, mais l’on ne prête qu’aux riches, n’est-ce pas ? Alors, oublions cet aparté et revenons à notre histoire qui réserve encore de nombreux rebondissements.
À Queldrec, Michel le Douce et sa femme Anne sont vite exaspérés par les allées et venues de Le Goaër. Un jour, il vient demander à Marie-Jeanne si le petit Yves a besoin de souliers, une autre fois, il lui apporte un peu d’argent. Ses visites sont de plus en plus fréquentes et, parfois, à la nuit tombée, il frappe à la fenêtre et Marie-Jeanne, à ce signal, s’éclipse discrètement. En journée, elle se rend souvent à Trébrévan sous le prétexte d’y prendre, prétend-elle, une chemise ou des coiffes. Puis elle s’installe de nouveau à Ty-Treuz, comme maîtresse du propriétaire et non plus comme domestique. Son fils Yves est resté en pension chez le couple Le Douce auquel Le Goaër a promis cinq francs par mois, plus trois aunes de toile et un boisseau de sarrasin à la fin du contrat.

La jeter dans les flammes

Devenue la servante du couple infernal, Anne se voit sans cesse rabaisser. Elle subit quolibets et coups, comme ce soir des Gras de 1841 où, parce qu’elle refuse de mettre la viande dans la marmite, Le Goaër lui donne un soufflet. Quelque temps après, dans un champ où il déracine une souche avec Corentin Le Hénaff, le patron dit à propos de sa femme : Si on pouvait s’en défaire, ce ne serait pas péché de la tuer. Je ne peux plus supporter sa vue. Voilà qui est clair et sans équivoque ! Une autre fois, alors que le même domestique allume le four à pain, Le Goaër lui demande d’aller chercher sa femme et de la jeter dans les flammes. Voyant sa dernière heure arriver, Anne se confie à ses proches et ses voisins. On s’apitoie sur le calvaire enduré par cette pauvre femme qui s’imagine déjà au cimetière. Mais comment lui venir en aide, puisque, comme hypnotisée, elle veut rester près de ses bourreaux ? Apportant des pommes à une vieille meunière, elle lui confie qu’elle aurait préféré perdre tout ce qu’elle possède et même la vie, plutôt que de prendre la fille Autret comme domestique.
Nous sommes en avril 1841 et le dénouement est proche. Il s’accélère lorsque Le Douce, ne touchant plus la pension mensuelle promise, ramène le petit Yves à Trébrévan. Mais la famille fait front et Marie-Jeanne doit repartir avec son fils. Personne ne voulant cette fois encore l’accueillir, elle doit se résoudre à aller chez son père. Sa maîtresse partie, Le Goaër change d’attitude envers son épouse. Devenu aimable et attentionné, il partage même certains soirs son lit. Le 9 mai, à la sortie de l’office dominical, Anne, radieuse, confie que tout va revenir comme avant. Malgré ses torts, elle dit aimer toujours son mari.
Le 11 mai au soir, elle met de l’empois sur des coiffes qu’elle doit repasser le lendemain, puis soupe de bon appétit avant de se coucher à la tombée de la nuit avec Magdeleine et Yves, cinq ans. Vers minuit, celui-ci, faisant un cauchemar, pousse un cri et réveille sa sœur qui constate que leur mère n’est plus dans le lit. Elle est sans doute partie rejoindre son mari, pense-t-elle. Le lendemain matin, vers quatre heures et demie, la jeune fille sort de la maison pour traire les vaches et rencontre son père qui lui reproche son retard. Je suis seule, répond-elle, mère ayant passé la nuit avec vous. Le Goaër est surpris ; non, il n’a pas vu Anne. Lui serait-il arrivé malheur ? Comme ses hardes sont sur son lit, elle serait donc partie en chemise. Chargeant enfants et domestiques d’aller à sa recherche, il se dirige vers le village voisin de Trébrévan Huella où il rencontre des hommes qui pilent de l’ajonc. Mais aucun d’eux n’a vu la disparue, et le maître rentre à la ferme, l’air triste. À sa fille Magdeleine, il raconte que ce n’est pas la première fois qu’Anne sort la nuit en chemise. Un jour, il l’a vue, revenant d’une chapelle voisine où elle prétendait avoir entendu des voix. Magdeleine peine à croire son père et, angoissée, court partout à la recherche de sa mère.

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Chapelle Saint-Ronan. Plozévet
Photo Laurence Prime.
C’est dans cette chapelle, proche du village de Trébrévan
qu’Anne Le Goaër venait souvent prier.

Triste et boudeuse

Bien plus calme, Le Goaër, croisant Vincent Bozec qui mène les vaches à la pâture, lui commande de reconduire les bêtes à l’étable et de fouiller partout. Le jeune domestique entre dans la masure nommée Craou ar mam goz (crèche de la grand-mère), une vieille étable où la mère Le Goaër mettait sa vache. Il en sort en criant : Elle s’est pendue. À ces mots, la jeune Anne qui traverse la cour, laisse tomber son lait et pleure. Le Goaër pénètre à son tour dans la crèche et découvre la morte, assise le dos contre le mur et une corde autour du cou. Elle ne porte que sa chemise qui la recouvre jusqu’aux genoux, un serre-tête de toile et un bonnet bleu tenu par un ruban noir. À son voisin Gourmelon, le veuf dit qu’il est désolé de trouver sa femme dans cet état. Selon lui, le suicide est évident, car depuis quelque temps, elle était triste et boudeuse. Il est le seul à croire ou à vouloir faire croire qu’elle s’est donné la mort. Le scélérat ! Comment une chrétienne aussi attachée à la religion, qui, chaque année, avait ses Pâques, aurait pu commettre le péché mortel d’attenter à sa vie.
Sitôt la nouvelle du drame parvenue, la mère de Le Goaër accourt. Ne croyant pas non plus une seconde à la version du suicide, elle commande de vider et de laver l’intérieur du lit où, elle en est convaincue, son fils a étouffé sa bru. Il n’est pas question que ses petits-enfants reposent un jour dans une couche où leur mère a été assassinée. Involontairement, elle supprime ainsi des indices compromettants pour l’assassin présumé.
Un présumé coupable qui, suivant les gens avec qui il parle, a une attitude des plus curieuses. À l’un, il déclare : Voilà une fâcheuse affaire pour nous tous et qui pourra nous mener au marché aux bestiaux . À un autre : Je ne sais comment un tel malheur est arrivé chez moi, j’ai assez de chagrin comme cela. L’instant d’après, assis sur le seuil de sa maison, il joue calmement avec son fils Yves, assis sur ses genoux. Il souhaite aussi que les obsèques se déroulent rapidement, car il a du travail. Aurait-il déjà perdu la tête ?

Réaction bien surprenante de ce veuf ! Est-ce un suicide ou un meurtre ? Si c’est un meurtre, qui est le coupable ? Sera-t-il démasqué et puni comme il se doit ? Prenez patience ! Vous le saurez la semaine prochaine...

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