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Journal de voyage de Jean-Louis Isaac Tardy (1e épisode)

De Toulon à Ténériffe

Le jeudi 1er novembre 2007, par André Vessot

Après que le gouvernement chinois ait montré sa volonté de ne pas appliquer le traité de Tien Tsin sur l’ouverture de certaines villes chinoises au commerce occidental, Napoléon III et Victoria décident de mettre sur pied une expédition commune. 8 000 français, aux ordres du général Cousin de Montauban, sont embarqués à Toulon en décembre 1859. Ils partent rejoindre 12.000 Anglais à Hong Kong. Jean-Louis Isaac Tardy, médecin militaire, fait partie de cette expédition ; Il écrit un journal de voyage au cours de la traversée et des 8 mois passés en Chine, à Tchéfou puis Shangaï.

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La feuille de route

Mais présentons d’abord le personnage. Jean Louis Isaac Tardy est né le 6 octobre 1834 à Gex (Ain), fils de Jean et de Marie Humel. Engagé volontaire comme soldat infirmier à l’hôpital du Val de Grâce, il obtient son diplôme de docteur en médecine le 3 décembre 1858 à la faculté de Strasbourg en soutenant une thèse sur l’empoisonnement thébaïque [1]. Il se marie à Versailles le mardi 1er décembre 1874 avec Palmyre Lemaire (cousine germaine de mon arrière grand-père Victor Jean Baptiste Deroubaix). Mais auparavant, en tant que médecin aide major de 2e classe, il est désigné pour faire partie du corps expéditionnaire de Chine. Il embarque le 9 décembre 1859 sur l’Isère.

Vendredi 16 décembre 1859

A 7 heures du matin on aperçoit Gibraltar (le rocher). Malgré un vent assez favorable on n’avance pas à cause du courant contraire qu’offre la mer en cet endroit aussi on chauffe la machine à gaz. Vers 10 heures elle fonctionne et on se trouve en face du rocher et de la ville de Gibraltar à 1 heure après-midi. Vue du centre, vue d’Algésiras ; montagnes garnies de verdure, pays charmant ; nombreux marins appartenant à différentes nations. Le temps est magnifique.

3 heures après-midi, à peine achevais-je d’écrire ces lignes que je pris mon absinthe, au bout d’un instant on vient nous prévenir que ceux qui auraient des

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Extrait de la feuille de route

lettres pourraient les donner. Un bâtiment des messageries impériales, le Henri IV nous suivait. On hèle le bâtiment, on lui demande de se charger de nos lettres il consent à les porter à Cadix où il se rendait… Ces moments furent plein d’émotion. Bon dîner, vin extra en l’honneur du passage de Gibraltar. Le soir jeu de loto effréné. On est en plein océan, bonne brise, temps magnifique, chaleur modérée, on file à 10 h1/2 5 nœuds. Je monte sur le pont prendre l’air et me couche à 11 h ½.

Samedi 17 décembre 1859

Le matin du 7 je me lève avec un mal de tête affreux, après une mauvaise nuit passée, le matin je me retrouve fatigué, appétit à peu près nul. Dans la journée rien de nouveau, en plein océan marche peu rapide dans la journée mais augmente vers le soir, pluie abondante. Je me trouve assez bien.

Un marin tombe du grand mât

Mardi 20 décembre 1859

Voilà deux jours que je n’ai pu écrire après un jour dans l’océan, la mer qui jusqu’alors avait été assez calme s’est levé. Dans la nuit du 17 au 18, aussi fatigué et éveillé la nuit, le matin du 18 je fus pris quand je voulus me lever du mal de mer qui me tint assez violemment tout le jour. Le temps était pluvieux, cependant je restais sur le pont jusqu’à 1 h de l’après-midi et je me couchais qu’un malheur vint encore m’attrister à cette heure-là, un marin tomba du grand mat sur le pont et se tua sur le champ. Me trouvant déjà mal disposé, cet événement me troubla beaucoup. La nuit la mer continua à grossir, aussi le lendemain j’eus encore le mal de mer mais cependant moins que la veille. Je mangeais un peu au dîner. Rien de particulier dans la journée, temps pluvieux, le vent continue. Le soir je me porte assez bien pour rester au carré et jouer au loto. Nuit mauvaise, peu de sommeil, beaucoup de vent et de roulis. Le matin du 20 je vais bien quoique la mer soit aussi agitée que les deux jours précédents. Je déjeune au carré, je ne suis pas indisposé. J’inscris seulement à cet endroit parce que cela me frappe en cet instant que les soldats à bord, travaillent comme les matelots, ils ont un air burlesque avec leur nouveau costume spécial, savoir : bonnet rouge, blouse grise. Le vent depuis ces 3 jours est très favorable, aussi approchons rapidement de Ténériffe. Nous filons 8 à 9 nœuds à l’heure, il est probable que nous arriverons demain à Ténériffe.

Mercredi 21 décembre 1859

Temps ordinaire, vent favorable, on file bien dans la journée. Le soir pluie, le roulis est un peu plus fort que dans la journée. On dit qu’on ne relâchera pas à Ténériffe. Je n’ai pu l’apercevoir. On a vu le matin une île nommée Salvage [2] . Il paraît qu’on relâchera au cap vert (pas de mal de mer).

Jeudi 29 décembre 1859

Le vendredi matin et même le jeudi soir nous étions en regard de Ténériffe. Vers midi le vendredi nous avons débarqué, nous avons trouvé là les passagers de la Nièvre [3] et du Rhin [4]. Je n’ai pas grand-chose à dire de Ténériffe ; la ville est sale, les habitants ne sont pas propres. Nous sommes allés au café chez un français nommé Mr Guérin, mauvaise consommation très chère. J’y ai dîné (4 francs) mauvais dîner. Le soir promenade dans la ville, nuit passée au poste espagnol. Nous embarquons à 2 h après-midi, on part vers 4 heures, pas de vent. Le soir aussitôt après dîner, je me jette sur mon lit tout habillé. Je dors jusqu’à 2 h du matin sans pouvoir être éveillé par le bruit que font les passagers dans le carré et cependant on fait assez de tapage depuis 10 h du soir jusqu’à 1 h ½ du matin à l’occasion du réveillon. Le 26 je suis malade toute la journée, je ne déjeune ni ne dîne ; on est en calme plat, on ne marche pas. Le 27 roulis très fort et cependant pas de vent. Le 28 au soir on passe sous le tropique, le soleil a été chaud dans la journée mais le soir la température est assez fraîche. Le 29 aujourd’hui soleil chaud, fraîcheur très agréable à l’ombre. J’ai eu comme les jours précédents un peu de fièvre. Je suis très enrhumé, il me semble le soir que je vais mieux. Le vent est favorable, nous sommes dans les vents alizés. On file 5 à 6 nœuds à l’heure. Inutile de dire que depuis 3 jours on porte pantalons blancs et vêtements d’été. Le dîner a été bon, on a bu du St Georges et le soir sur le pont on a chanté.

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Sources :

  • Archives familiales : journal de Jean Louis Isaac Tardy.
  • L’Univers Illustré, 1860.

[1la thébaïne est un alcaloïde toxique rencontré dans l’opium

[2Petite île portugaise de l’archipel de Madère, à 700 km de la côte Nord-ouest de l’Afrique

[3Bâtiment parti de Toulon le 8/12/1859 avec 146 passagers

[4Bâtiment parti de Toulon le 8/12/1859 avec 109 passagers

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