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Jean Bié, maître d’école à Courtacon

Une étude généalogique réalisée par Christian Bié, un descendant direct

Le jeudi 9 juin 2016, par Christian Bié

Jean Bié était le fils de Jean Bié, né en le 24 février 1701 à Barbuise [1], et de Marie Vignon, née le 13 octobre 1710 à La Villeneuve-au-Châtelot, deux paroisses voisines, aujourd’hui situées dans le canton de Villenauxe-la-Grande, dans le département de l’Aube, à la limite de la Seine et Marne.

Ils s’étaient mariés le 17 novembre 1727 à la Villeneuve-au-Châtelot [2], comme il était coutume, dans la paroisse de résidence de la fiancée. Ils étaient issus l’un et l’autre de famille modeste : les Bié à Courtavant, hameau de Barbuise, les Vignon à La Villeneuve, aucun n’était propriétaire, et tous travaillaient comme "manouvrier".

Le jeune couple vivait dans la paroisse de Barbuise où était installée la famille Bié depuis des générations. Un premier fils Nicolas naquit le 8 octobre 1728, mais l’enfant ne vécut qu’à peine deux mois, et mourut le 29 novembre 1728. Un peu plus d’un an plus tard, Jean naquit le 26 avril 1730 [3]. Il eut comme parrain Barthélémy Bié, un oncle, et pour marraine Anne Jeanson.

Quelques mois plus tard, le 16 octobre 1730, Jean, le père, décéda brutalement : accident ? maladie ? On l’ignore. Il fut enterré le lendemain dans le cimetière de Barbuise en présence de Barthélémy et de Nicolas Bié, ses frères. Ainsi, Marie Vignon se retrouva veuve à l’âge de vingt ans, avec un bébé à charge, le petit Jean âgé de six mois. On peut penser qu’elle s’en alla aussitôt avec son enfant à La Villeneuve, sa paroisse d’origine où vivaient encore ses parents.

Peu de temps plus tard, vers 1733, un jeune maître d’école célibataire, Pierre Ruby, arriva à La Villeneuve-au-Châtelot. Il était originaire de Montgenost, aujourd’hui dans le département de la Marne, où son père François Ruby était vigneron. Le jeune homme épousa Marie Vignon le 8 février 1734 [4]. Ce qui les a peut-être rapprochés, c’est que le beau-père de Marie, Louis Bié, le père de Jean, toujours vivant à Barbuise, avait été manouvrier à Montgenost auparavant, et avait donc pu connaître les parents de Pierre Ruby.

Un fils, Pierre Jérôme naquit le 30 septembre 1735, puis un autre, Charles, né le 18 juillet 1738, et un autre encore, Claude, le 10 octobre 1742, qui décèda le 13 mars 1744 à La Villeneuve. La famille accueillait en outre des enfants en nourrice et l’un d’eux, Marie Gendre, fille d’un pâtissier de Villenauxe, mourut peu de temps après, le 27 mars de la même année.

Ainsi, Jean grandit avec ses deux demi-frères, bénéficiant d’un environnement favorable. La perte de son père, simple manouvrier illettré, fut une chance pour lui : Son beau-père, maître d’école, va l’initier à la lecture et à l’écriture. Sa mère Marie Vignon, apprendra également au moins à signer son nom. Jean apparaît pour la première fois comme parrain de Magdelaine Amable, fille de Pierre Thomas, le 23 août 1747, et il signe le registre paroissial. Il est alors âgé de 17 ans.

Par la suite, la famille quitte la paroisse de La Villeneuve-au-Châtelot, pour Voulton, actuellement en Seine et Marne, où Pierre Ruby remplace comme maître d’école, Nicolas Thierry, décédé en octobre 1747.

La signature "Rubi" apparaît pour la première fois sur le registre paroissial de Voulton en décembre de cette année 1747.

Jean Bié, alors âgé de vingt ans, arrive à Courtacon, au cours de l’année 1750, comme maître d’école, peut-être recommandé par son beau-père, Pierre Rubi. Il remplace à ce poste Claude Picot au cours de cette année 1750. Il est célibataire et n’a que 21 ans. A partir de ce moment, on peut voir sa signature sur les registres de l’état civil.

Courtacon est un petit village de Seine et Marne, dans l’arrondissement de Provins, situé sur la route Paris – Nancy, aujourd’hui RN4, à environ 84 km de Paris, à une douzaine de kilomètres de Voulton.

Le "lundy treize novembre 1752" , il épouse une jeune fille du village, Marie Anne Hardouin. De ce document, il existe deux versions [5]. Sur ces documents, on peut voir, outre sa signature, celle de sa mère, Marie Vignon et celle de Pierre Rubi, son beau-père, celles de ses fils, demi-frères de Jean, ayant été élevés ensembles.

Marie Anne Hardouin, est de cette paroisse, mais je n’ai pas trouvé trace de sa naissance, car les archives manquent pour cette période. Elle est née en 1728 [6] et n’est pas d’origine aisée, car son père était manouvrier. De cette union, naissent plusieurs enfants. D’abord, un garçon mort-né le 11 septembre 1753, puis un autre : Jean Denis, né le 19 janvier 1755 [7]. Puis vient un autre garçon, Nicolas
 [8], né le 11 mai 1757. A partir de 1759, Jean Bié signe avec le titre de "Recteur des Ecoles", ou parfois "des "petites écoles". S’agit-il d’un changement de statut ? De ces deux fils, nous reparlerons plus tard. Le 13 mai 1760, une première fille vient au monde, Marie Anne Thérèse Bié [9], nommée ainsi en l’honneur de sa grand-mère. Vient ensuite un autre fils, Jean Louis, né le 4 septembre 1762 [10], et deux ans plus tard, une fille, Marie Louise [11], née le 12 février 1764. Puis, le 18 septembre 1766, naît Louis (Nicolas) [12]. En septembre 1768, naît encore une petite fille Marie Jeanne, mais elle décède un mois plus tard [13]. Puis un garçon, Pierre François, le 5 octobre 1774 [14]. Sauf omission de ma part, dans la lecture du registre, la descendance de Jean Bié s’arrête là. En 1776, apparaît la première signature, encore hésitante, de Marie Anne Thérèse Bié [15], alors âgée de 16 ans, marraine de Laurent Sulpice Binard, dont le père est marchand. Sans doute la condition sociale des Bié, liée à la fonction de maître d’école de Jean Bié s’est bien améliorée.

La vie continue à Courtacon… Jean Denis, le fils aîné, se marie en 1777 et quitte le giron familial. Quelques années plus tard, le 21 février 1780, Marie Anne Hardouin
 [16], alors âgée de 52 ans, décède. En plus de la famille proche, un fils Ruby assiste à l’inhumation dans le cimetière de Courtacon. Jean Bié exerce toujours comme recteur des petites écoles. Apparemment, Jean Denis n’assiste pas à l’inhumation de sa mère ? Il exerce le métier de laboureur aubergiste à Courtacon. En l’année 1783, François Hardouin, le beau-frère de Jean Bié décède à son tour, à l’âge de 47 ans, et Jean Denis assiste à l’inhumation, mais il a perdu sa fonction d’aubergiste ?

Le mariage de Marie Anne Thérèse Bié avec François Simon Courtois, marchand de bois, le 24 janvier 1786, est l’occasion d’une grande réunion de famille rassemblant, outre les Bié, Pierre Jérôme Rubi [17]. Marie-Louise Bié, alors âgée de 22 ans apparaît comme marraine d’un neveu, fils de sa sœur Marie Anne Thérèse.

Il ne semble pas que la révolution qui a éclaté à Paris, à moins de cent kilomètres de là, ait beaucoup changé la vie du village dans l’immédiat. Jusqu’en 1792, le registre de l’état civil est toujours paroissial. Jean Bié est toujours maître d’école, et à ce titre, il signe le registre paroissial. Ainsi, le 13 février 1792, il paraphe le registre qui atteste du mariage de sa fille Marie Louise, âgée de 27 ans, avec Paul Viennot [18]. Le 17 septembre de la même année, c’est le mariage de son fils Louis Nicolas [19], âgé de 26 ans, avec Marguerite Victoire Hureau ; et à cette cérémonie, assiste Pierre Jérôme Rubi. Le 11 octobre de cette année, Jean Bié, veuf depuis 1780, se remarie avec Jeanne Marguerite Guion (ou Guyon) [20]. C’est la dernière fois qu’il paraphe le registre paroissial. Avec l’avènement de la république, âgé de 63 ans, il abandonne ses fonctions de maître d’école à Courtacon.

A partir de là, la formulation des actes change, ce n’est plus le curé qui gère l’état civil. La municipalité a remplacé la paroisse. Le maire de la commune est Pierre Eluard, et c’est lui, l’officier de l’État Civil, qui signe le registre, ou en son absence, un certain Pierre Louis Guyon, membre du conseil général de la commune, et sans doute apparenté à l’épouse de Jean Bié. C’est maintenant la naissance et non le baptême qui est enregistré. Tout se passe à la "maison commune". Et c’est même le calendrier qui se trouve aussi modifié ! Jean Bié n’exerce plus aucune fonction perceptible dans ces années de tourmente. Lui, et sa nouvelle épouse traversent sans trop de préjudice, semble-t-il, cette période agitée.

En l’an V de la république, soit 1797, apparaît dans le registre un "ministre du culte catholique", qui n’est autre que Nicolas Bié, le second fils de Jean Bié [21].

En thermidor de cet an V, Jean Bié, âgé de 68 ans est présenté comme exerçant le métier de marchand de bois [22], et il signe "Bié père", la signature Bié étant celle de Nicolas, ministre du culte catholique.

Quelle est cette fonction de ministre du culte catholique ? C’est un laïc, qui assure certaines fonctions au nom de l’Église Catholique, aujourd’hui, ce serait un diacre. Non ordonné, il ne fait pas partie du clergé. Il peut être marié, ce qui sera le cas de Nicolas Bié, avec Marie Anne Hardy, et il aura des enfants. Dans le cas présent, il prolonge sans doute un peu certaines fonctions de sacristain qu’exerçait avant lui son père.

Dans ses fonctions de maître d’école, Jean Bié est remplacé par Pierre Louis Guillou qui assure les fonctions d’instituteur et de secrétaire de mairie, et à ce titre, il signe les registres de l’état civil.

A partir de l’an VIII, soit 1800, Nicolas Bié est élu maire de Courtacon. J’imagine quelle a dû être la fierté de son père quand il a appris cette élection !

On peut dire que pour cette famille, l’ascenseur social a bien fonctionné. Nicolas Bié reste maire pendant de nombreuses années, et à ce titre il paraphe les documents de l’état civil, comme l’avait fait avant lui son père. En outre, il est percepteur de l’arrondissement d’Augers [23]. Après une vie très riche, Jean Bié décède le 14 septembre 1807, à 8 heures du matin. Il est âgé de 78 ans, et il est "propriétaire", ce qui signifie qu’il a acquis de la terre… Combien ?

A ses obsèques assistent de nombreuses personnes : son épouse Marguerite Guyon, son fils Jean Denis, et un Rubi, instituteur à La Croix en Brie, et d’autres personnes très liées à lui… mais pas de trace de Nicolas, représenté par son adjoint ! Nicolas Bié, dans certains actes, est désigné comme propriétaire. Il reste maire jusqu’en 1821, où il est remplacé par son adjoint.

Au décès de Jean Bié, en 1807, une rétrospective s’impose : Fils d’un simple manouvrier illettré et d’une femme de condition modeste, orphelin de père, il a bénéficié du remariage de sa mère avec un maître d’école, Pierre Ruby, qui l’a instruit. Il était arrivé seul dans ce village de Courtacon, avec pour seul bagage son savoir. A son décès, il laisse à sa femme, un petit patrimoine, et plusieurs enfants, plus ou moins bien installés : Un fils aîné Jean Denis, âgé de 52 ans, laboureur qui a été aubergiste, mais qui n’y est plus, et sa famille, un fils cadet Nicolas, âgé de 50 ans, qui a été ministre du culte catholique pendant la Révolution, et qui est maintenant maire de la commune et sa famille, un autre fils Jean Louis, marchand de bois, et sa famille, une fille, Marie Anne Thérèse, épouse Courtois, et leurs enfants, une autre fille Marie Louise, épouse de Paul Vienot, un fils Louis, et un autre fils Pierre François.

A cette génération s’ajoute, la suivante : Geneviève Rose Bié, fille ainée de Jean Denis, et son mari Pierre Eluard, et leurs enfants… C’est donc maintenant tout un clan Bié qui s’est constitué et qui réside à Courtacon.

Surprenant : En l’an XI, soit 1803, apparaît comme témoin du décès d’un voisin, un Jean Bié, âgé de 66 ans, manouvrier ? Il serait donc né vers 1737 ? D’où vient-il ? Ce pourrait être un Bié issu de la région de Montmirail, fils de Jean Bié et de Nicolle Boucher, né au Thoult Trosnay, lointain cousin de ceux de Courtacon ? et qui aurait quitté sa Brie Champenoise natale pour la Brie ?

Je me sens très proche de cet ancêtre direct. Depuis cette époque, tous les Bié savent lire et écrire. Sans être lettrés, ils sont instruits. Mon père n’a pas vécu assez longtemps pour en apporter la preuve, mais j’ai conservé des lettres où il écrivait très correctement. Je n’ai pas connu mon grand-père, mais j’ai bien connu sa sœur, que nous appelions Tante Anise, de son nom Athénaïs Bié, qui était titulaire du brevet qui lui aurait permis d’enseigner, et qui était très cultivée. J’ai moi-même terminé ma carrière professionnelle comme professeur à l’université du Maine, digne descendant de ce Jean Bié.


[1AD de l’Aube, Barbuise 4E03101 vue 329/509.

[2AD de l’Aube, La Villeneuve au Châtelot 4 E 42101 vue 150/184

[3AD de l’Aube, Barbuise 4 E 03101 vue 495/509.

[4AD de l’Aube, La Villeneuve au Châtelot 4 E 42101 vue 165 / 184.

[55MI7835 1737-1766 et 6E142/1/1 1737-22/09/1802.

[6voir acte de décès 6E142/1/1 1737-22/09/1802.

[76E142/1/1 1737-22/09/1802 p.94.

[86E142/1/1 1737-22/09/1802 p.105.

[96E142/1/1 1737-22/09/1802 p 121.

[106E142/1/1 1737-22/09/1802 p.132.

[116E142/1/1 1737-22/09/1802 p.139.

[126E142/1/1 1737-22/09/1802 p.148.

[136E142/1/1 1737-22/09/1802 p.156.

[146E142/1/1 1737-22/09/1802 p.178.

[156E142/1/1 1737-22/09/1802 p. 185.

[166E142/1/1 1737-22/09/1802 p. 200.

[176E142/1/1 1737-22/09/1802 p. 228.

[186E142/1/1 1737-22/09/1802 p. 258.

[196E142/1/1 1737-22/09/1802 p. 260.

[206E142/1/1 1737-22/09/1802 p. 260.

[215MI7837 1793-1805 p. 44.

[225MI7837 1793-1805 p. 50.

[235MI7838 1806-1830 p. 73.

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3 Messages

  • Jean Bié, maître d’école à Courtacon 10 juin 2016 19:06, par Jean Bernard Duval

    Bonjour, belle ascension sociale.
    J’ai quelques documents sur les maîtres des petites écoles engagés par le curé de la Chapelle Rablais, Seine et Marne, dont les délibérations des paroissiens sous la houlette du curé Huvier, qui termina son sacerdoce à Cerneux, commune limitrophe de Courtacon :
    http://chapellerablais.pagesperso-orange.fr/site%20archives/html_clubinfo/1752-maitre-ecole.htm
    J’ai aussi trouvé des documents dans les actes notariés, dont d’autres comptes rendus d’assemblées, que je n’ai pas encore publiés.
    Cordialement. Jean Bernard Duval
    PS : auriez vous des informations sur Courtacon au XVIII° siècle ?

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    • Jean Bié, maître d’école à Courtacon 12 juin 2016 08:57, par martine hautot

      Merci,Jean-Bernard ,de nous partager une nouvelle fois vos archives très riches : être maître d’école sous l’ancien régime et tout à la fois ,sonneur de cloches ,chantre ... ,ce n’était pas une sinécure !et il fallait encore se faire accepter parla population.
      Bien cordialement,
      Martine

      Répondre à ce message

  • Jean Bié, maître d’école à Courtacon 10 juin 2016 08:55, par Baroche

    Au cours de mes recherches, dans ma généalogie paternelle, aux confins de l’Yonne de l’Aube et de la Côte d’Or, j’ai rencontré des recteurs d’école et des instituteurs. Certains deviennent instituteurs, après avoir été recteur d’école (fin XVIIIe. Il me semble que le recteur d’école était un enseignant "basique", souvent charron, cordonnier... à d’autres moments de sa vie, alors que l’instituteur était un professionnel. Je serais heureux d’avoir l’avis des lecteurs à ce sujet.

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