Laissons à Jean Baptiste Ambroise Marcellin JOBARD la responsabilité de cette ascendance déiste pour se limiter à l’esquisse de son portrait, et tester ainsi ces vers de Boileau :
Si vous ne faites voir qu’une bassesse insigne,
Ce long amas d’aïeux que vous diffamez tous,
Sont autant de témoins qui parlent contre vous ».
L’origine de sa famille est toute terrienne, puisque aussi loin que le permettent les registres paroissiaux elle est attachée au sud haut marnais.
Ambroise Marcellin (dit Jean Baptiste Ambroise Marcellin) JOBARD naît à Baissey (52) le 17 mai 1792, et réclame spirituellement la paternité de Robespierre dont les décisions ont, indirectement, permis le mariage de ses parents. En effet son père qui était destiné à l’état religieux en fut libéré par la Révolution et par celle qui deviendra sa femme.
Ambroise Marcellin adjoint à ses prénoms ceux de son oncle curé, Jean Baptiste, et raconte son éducation en ces termes : « Arrivé à l’âge heureux où la jaquette se bifurque en pantalon comme la queue d’un têtard, on m’envoya recevoir des coups de férule chez le magister du village, à qui je faisais des cornes, le trouvant bête de me faire faire de grandes lettres, pendant que j’avais de petits doigts, pour arriver à faire de petites lettres quand j’aurais de grands doigts ». Puis on « commença par m’enfermer dans un latinoir de Langres qui venait de s’ouvrir ; on me plaça entre deux jolis petits forçats bien peignés, qui sont devenus, l’un l’athée Walferdin ; l’autre le religieux cardinal Morlot, archevêque de Paris. Singulier effet de la même instruction ! ». « Après six ou sept ans de que retranchés, de plus que parfaits, de futurs passés, de pensums, de supins, on m’envoya à Dijon, dans une autre maison de détention et de gérondifs, que je ne comprends pas encore, où se trouvait alors un gros garçon, un vrai piocheur, sans ambition et pas fier du tout, qui s’appelle aujourd’hui le maréchal Vaillant ». « On m’avait envoyé à la recherche de ma vocation, comme Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale. Je suivis donc tous les cours ouverts dans l’ancienne capitale des ducs de Bourgogne. Je faisais de l’anatomie avec Morland, du dessin avec François Desvosges, du modelage avec Rude ; j’étudiais le droit romain avec Jacotot, l’architecture avec le père Antoine, la physique avec le père Fleury, la philosophie avec un grand père jésuite très maigre, dont le nom m’échappe ; je m’occupai aussi du billard avec Chazeau, de la dame de corde avec Godo, et du tambour avec un tapin de la garnison. Je commençais à rouler passablement, lorsque la police vint m’enlever la caisse, sous prétexte que cela ennuyait les voisins, ennemis des arts d’agrément. Si donc ma vocation ne s’est pas révélée, c’est peut être parce que je faisais des armes avec mon maître de musique et de la musique avec mon maître d’armes ». Naturellement cela ne dura pas.
Son père voulu l’envoyer à l’école polytechnique ; il se retrouva en Hollande pour organiser le cadastre de Groningue, et celui de Maëstricht, comme aide vérificateur. Il y restera de 1811 à 1814 juste le temps d’apprendre la langue du pays, et dès la débâcle Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard traverse le pays pour fuir les évènements : Amsterdam, Harlem, Leyde, Rotterdam. Il doit vendre ses instruments géodésiques, son habit brodé et son chronomètre afin de gagner Dordrecht puis Anvers. Sans le sou, il travaille alors comme conducteur des travaux pour la marine de Helwoetsluys. Les chasseurs de Bülow arrivant, JBAM Jobard prend alors la direction de Lille puis de Paris.
Arrivé sur les hauteurs de Belleville on l’attela à une pièce de canon, mais le servant de l’arme s’étant fait grièvement blesser, JBAM Jobard part alors défendre Langres assiégée. Il en sortira avec le grade de lieutenant et rentrera à Baissey, à la fin des évènements, avant de repartir bientôt pour la Hollande, achever les travaux du cadastre, qu’il quittera à cause des ineptie de son supérieur. De là il se rendra à Bruxelles où il fondera en 1818 la première lithographie du monde.
De 1818 à 1830, il y gagne deux millions et reçoit le premier prix au concours général de la Société d’encouragement. La révolution de 1830, et la faillite de ses créanciers, le ruine ; il se fait alors journaliste, moraliste et inventeur. Il trouvait dans la presse le moyen de promouvoir et de défendre ses idées, ce qui n’empêchait pas la gaieté et la facétie ; « son style était clair, il était vulgarisateur par excellence, même dans les matières les plus difficiles et les plus obscures de l’industrie et de la science. Il étonnait par des saillies et par des allusions inattendues où éclatait son immense érudition et son jugement fin des hommes et des choses. Il maniait habilement l’arme de l’ironie et il terrassait ses adversaires en jouant. Spirituel causeur, il semblait converser toujours en écrivant, et même en s’élevant dans les nues il ne quittait jamais la terre, et aux choses les plus sublimes et les plus grandioses, il mêlait souvent des trivialités qui surprenaient et dépistaient le lecteur, tellement que celui ci se demandait étonné si ce qu’il venait de lire était sérieux, ou si l’auteur avait voulu plaisanter… ».
Le journal Le Progrès à une toute autre approche du personnage : « … Savant fantasque, on trouve dans sa forme littéraire les mêmes pointes, les mêmes allures capricieuses que dans son génie primesautier ; très sujet à la contradiction, mais toujours original, hardi, sincère dans ses paradoxes, il est le pamphlétaire des érudits et le vulgarisateur des sciences réservées au petit nombre. Il a le regard perçant et la phrase aiguë ; son esprit humoristique n’est pas toujours irréprochable, il en est de même de son orthodoxie scientifique… ».
JBAM Jobard à d’ailleurs sa propre philosophie à ce sujet : « Je conseille aux hommes d’un mérite réel, d’employer la moitié de l’esprit qu’ils ont, à cacher l’autre moitié ou à se procurer quelque maladie chronique, qui les rende morose ou bourrus : moyens certains de captiver les suffrages de leurs concitoyens. Celui qui se porte bien et n’a pas la conscience bourrelée rit et plaisante volontiers ; on dit alors de lui : ce n’est pas un homme sérieux. S’il marche allègrement, faute de cors aux pieds, on dit : c’est un homme léger. S’il fait des vers, on le regarde comme incapable de rédiger une circulaire ministérielle. En revanche, je connais beaucoup d’hommes qui doivent leurs succès à quelque infirmité cachée, qui les préoccupe sans cesse. Et comme ils ne discutent jamais, leur silence imperturbable captive la confiance. Comme ils ne s’émeuvent pas de peur de déranger leur bandage, on vante leur discrétion, leur sagesse, et leur capacité indiscutable, surtout s’ils n’ont rien écrit. ».
Quoi qu’il en soit, tout le monde est surpris par le personnage. Milon de Villiers, ex auditeur au Conseil d’Etat, fait un article, en 1855, dans l’Illustration et y dit : « tout ce que j’y ai trouvé de science réelle, de philosophie positive et de vérités saisissantes est incroyable… ».
Lorsque le baron de Humboldt traversait la Belgique pour se rendre à Paris, l’ambassadeur de Prusse l’invitait à sa table ainsi que JBAM Jobard sans lequel Humboldt ne voulait pas dîner. S.A.R. le duc d’Orléans, Ferdinand Philippe, ayant lu le rapport fait par Jobard pour l’exposition de 1839 lui fit parvenir un crayon d’or, orné d’un gros diamant, accompagné du billet suivant : « Quand on sait si bien prendre des notes, il ne faut pas perdre son crayon ; si cet accident vous arrivait jamais, veuillez vous servir du mien. ».
Comme le personnage dérangeait, il n’était pas toujours reconnu ; ni même le bienvenu. Jobard avait fondé le musée de l’Industrie Belge et le bulletin correspondant, mais il était contrôlé par un comité qui ne lui permettait même pas d’écrire une ligne dans cet organe officiel. « Imprimez donc à part ces excellentes idées, et répandez les à profusion » lui écrivait le baron Séguier. « Pour beaucoup, elles auront l’inconvénient de ne pas être sorties de leur cerveau… mais vous avez peut être le tort d’avoir raison trop tôt. Dans ce siècle de lumières il y a tant d’aveugles ! ». Jobard publia alors de nombreux livres et opuscules reconnus en France, ce qui lui valu la Légion d’Honneur et la haine du gouvernement belge qui lui interdira pratiquement tout accès à ses expositions.
Après avoir fait fortune, il était maintenant quasiment sans le sou, ce qui lui fit tenir les propos suivants : « Voyez la chance, à dix huit ans, j’étais ignorant et je gagnais 9000 francs par an ; aujourd’hui que j’ai travaillé cinquante ans, j’en gagne moitié moins. De sorte que, en suivant la progression inverse, si j’arrivais à être le plus savant du monde, j’en serais réduit à mourir de faim. Ah ! si j’avais suivi les conseils de mon père, si j’étais resté ignoré, je n’aurais pas aperçu les sottises de mes chefs, je ne me serais pas fait d’ennemis, je serais peut être devenu millionnaire ou ministre, comme plusieurs de mes camarades de lycée, qui ne sont pas plus bêtes que moi et qui me trouvent parfaitement bête d’être resté pauvre ».
La révolution de 1848, qu’il sentait venir à grands pas, lui inspira trois apologues que son éditeur refusa de publier en l’état parce que intitulés « l’Égalité, la Liberté, la Fraternité » ; la caricature était trop voyante, et surprenante de réalité :
A bas ! les ormes et les frênes !
A bas ! les hêtres et les chênes !
Et tous ces géants des forêts,
Qui font un éternel dommage,
A la ronce, à l’épine, aux chardons, aux genêts !
Il faut à tous égal partage,
De terre et d’air, de lumière et d’ombrage !
Sans les taillis, le gazon grandirait,
La mousse aussi s’élèverait ;
Car, devant les lois générales,
Toutes les plantes sont égales ! …
Valeureux bûcherons, frappez tous à la fois ;
Obéissez à Dieu, qui parle par ma voix ;
Pas de pitié, pas de miséricorde,
Mettez moi tous ces bois en corde,
Et même les arbres à fruit ;
Et qu’à la fin de la journée ,
Tout soit tombé sous la cognée !
Enfin, c’est fait, tout est détruit !…
Vous allez voir, comme dans cette enceinte,
Va régner l’égalité sainte !
Comme tout grandira l’été,
Au soleil de la liberté !
En effet, la saison suivante,
On vit la ronce triomphante,
Monter au niveau du chardon ;
Le pas d’âne et le liseron,
Se pavaner d’un air superbe,
Au milieu de la mauvaise herbe,
Qui dominait dans le canton ;
Mais leur règne ne fut pas long.
Au bout de la seconde année,
Cette forêt guillotinée,
A perdu son égalité ;
Et la sève aristocratique,
Retrouvé son allure antique,
Présent de la divinité,
Chêne redevient chêne,
Buisson reste buisson,
Frêne redevient frêne,
Chardon reste chardon,
La mousse reste mousse,
Et tout enfin repousse
Exactement,
Comme avant.
MORALITE
Républicains, Socialistes ,
Radicaux et Communistes,
Quand vous aurez tout rasé,
Tout démoli, tout embrasé ;
Quand vous aurez coupé la tête
A tous les gens d’esprit ,
Le sot en sera-t-il moins bête,
Et le nain moins petit ?
Au diable les rois et les lois,
Les remontrances de mon père
Et les contes bleus de ma mère ;
Je veux jouir de tous mes droits !
Plus de langes, plus de lisières,
Plus de croyances mensongères,
Je suis un homme ; et par ma foi,
L’homme de la terre est le roi :
Liberté chérie,
Seul bien de la vie,
Je te dois la félicité
De marcher dans ma bride et dans ma liberté ! !
Ainsi chantait, en battant la campagne,
Un lycéen sorti des murs de Charlemagne.
La nuit vient, et la pluie, et le vent, et le froid ;
Pas de pain, pas d’argent, et pas le moindre toit
Pour abriter le pauvre diable
Durant cette nuit lamentable.
Vaine leçon
Pour ce disciple de Proudhon,
Le jour renaît, avec lui l’espérance ;
Je le savais, dit il, jamais la Providence
N’abandonna ses enfants ;
Aux petits oiseaux elle offre la pâture,
Et je vois à travers cette mince clôture
Briller des fruits succulents ;
Ma foi, sautons… pan, pan… aie, aie !
Qui tire ainsi de cette haie ?
C’est moi, Jasmin, la fleur des jardiniers,
Qui garde les pruniers
Que j’ai plantés, que j’ai vus naître,
Et dont, pardieu, je suis le maître ;
Allons, mon beau muguet, suis-moi
Devant le procureur du roi,
Qui t’enverra, maraudeur émérite,
Méditer au fond des cachots
Sur le respect de la limite
Et la sainteté de l’enclos.
Plutôt la mort que l’infamie,
Tuez-moi, je vous en supplie,
Ou dans le fleuve du Léthé
Je vais tenter d’une autre vie ;
Tu n’en as plus la liberté !…
MORALITE
Ainsi votre trilogie
Citoyens républicains,
N’est qu’une cacologie,
Que vos sabres africains
Ne rendent pas plus claire…
Egalité, dans la misère ;
Liberté de mourir de faim ;
Et, pour couronner l’affaire,
Fraternité de Caïn !
Deux jumeaux s’aimaient d’amour tendre,
L’un pour l’autre à mourir tout prêts, à les entendre.
Sur un vaisseau royal ils montent, mais, hélas !
D’un horrible naufrage
Le royal ne les sauva pas.
Tous deux, pleins de courage,
S’élancent à la nage,
Comme un brave marche au trépas,
L’un chargé d’or et l’autre sans bagage.
A moi, dit celui-ci, ce morceau d’aviron ;
A moi cet affût de canon.
Avec de l’eau jusques au buste,
Je me sens assez robuste
Pour gagner le port.
Mais mon cher frère, hélas ! il sera mort,
Englouti sous quelque lame :
Que Dieu veuille avoir son âme !
Ami ! s’écrie une voix
Aux abois :
Me voici ; vite une place
Près de toi ; l’or me pèse et je me lasse.
Vois tu cet affreux requin ?
Oh ! pour Dieu, tends-moi la main !
Un requin, c’est une autre affaire !
Dit l’autre, en attrapant la bourse de son frère,
Quand il t’aura dévoré,
Moi, j’en serai délivré
Et pourrai joindre la rive.
Eloigne toi, vogue en dérive,
Ou d’un coup de cet aviron
Je t’assomme, dit il avec un gros juron.
MORALITE
Je crois, en bonne conscience,
Malgré tout ce qu’on nous en dit,
Que la Fraternité finit
Où l’intérêt privé commence.
Si à la lecture de ces fables les thèses socialistes ne semblent pas recueillir son aval, il n’est pas plus tendre pour le libéralisme puisqu’il assimile le monopole et la libre concurrence à des maux aussi redoutables les uns que les autres : « la libre concurrence débridée qu’on devrait plutôt appeler, comme le père Lacordaire , la libre déprédation, mère de la dégradation et de la démoralisation des peuples , sœur de la falsification, de l’adultération et des fraudes commerciales et industrielles de toute nature… », texte qu’il a écrit en 1858 dans ses « lettres sur le commerce et l’industrie russes au point de vue européen adressées à M. Kokoreff ».
JBAM Jobard est alors directeur du Musée royal de l’industrie belge, chevalier de la Légion d’honneur et de François 1er de Naples ; président de la société des inventeurs français, président de l’académie nationale de l’industrie agricole et manufacturière, membre de l’Institut des États Unis, de l’Institut des provinces de France, de l’Institut polytechnique de Berlin, des sociétés d’encouragement de Paris et de Londres, mais encore des académies de Dijon, de Reims, de Rouen, d’Angers, de Lille, etc… Il mentionne parfois « membre étranger à l’Académie de Bruxelles » pour laquelle il répondait aux explications demandées : « Parbleu, c’est que le fait est réel, et c’est de ma faute. J’ai enfreint les statuts de la Société qui veut qu’on ait écrit un ouvrage pour être admis. Or, comme j’en ai écrit deux cents et que dépasser le but n’est pas l’atteindre, on n’a pas voulu de moi. Et puis, franchement, je n’aurais pas pu y tenir ; il m’eut été impossible d’écouter ces graves petits riens qu’on appelle fastueusement des travaux de l’Académie, je suis persuadé que si un homme de quelque valeur ne travaillait pas plus que les deux ou trois cents actionnaires de ces caisses d’épargne de l’esprit humain, on l’appellerait fainéant. Je préfère, d’ailleurs, que l’on me demande pourquoi je ne suis pas de l’Académie. Je puis au moins répondre que je suis un ignorant, ce qui n’est plus permis quand on en est. Je ne tiens pas à passer pour un homme grave, profond et sérieux : ce sont autant d’injures. On appelle, par politesse, graves, ceux qui sont lourds ; sérieux, ceux qui sont tristes ; profonds, ceux qui sont creux. Vous n’avez qu’à regarder autour de vous pour vérifier le fait ».
Le nombre de 200 ouvrages doit être quelque peu exagéré puisque la Bibliothèque Nationale de France n’en recense qu’une quarantaine entre 1840 et 1852, et encore faut il y inclure de nombreux opuscules de quelques dizaines de pages, traitant de sujets divers et variés tels que : « Machines à vapeur, arrêtés et instructions » en 1844 ; « Nécessité de l’instruction professionnelle » en 1847, et surtout « Nouvelle économie sociale, ou Monautopole industriel, artistique, commercial et littéraire, fondé sur la pérennité des brevets d’invention, dessins, modèles et marques de fabrique » en 1844, qui le fera connaître comme économiste. « L’infatigable M.Jobard, est un grand partisan d’un droit de propriété absolu sur les inventions » , et plusieurs de ses ouvrages traiteront de ce sujet même s’il confond droit de propriété et monopole. Il n’en est pas moins à l’origine de la première loi sur le sujet qui donnait, en six articles, les fondements dont la législation actuelle s’inspira.
Il est aussi inventeur puisque les comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences et de l’Institut de France de janvier à juin 1855 s’en font l’écho grâce à un porte parole aussi célèbre que le baron Séguier : « J’ai l’honneur de présenter au nom de M.Jobard, directeur du musée industriel belge, un petit appareil élévatoire d’eau sans piston, à l’aide de l’élasticité d’une boule de caoutchouc et de deux soupapes de même nature fonctionnant comme certains organes du corps humain… ». Il s’agit d’une pompe en caoutchouc, à pression intermittente et à jet continu sans pistons ni soupapes qui sera présentée à l’illustre académie lors d’une séance ultérieure . Peu de temps après, Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard adresse à la même Académie des sciences une note physiologique traitant « de la myopie et du presbytisme » dans laquelle il explique comment en guérir grâce à une gymnastique oculaire bien peu convaincante puisqu’il conclut qu’ « on peut s’habituer à ce régime violent, mais les conséquences peuvent en être fatales… ». Il avait aussi breveté en 1826 un « fusil à quatorze coups », soit bien avant le revolver du colonel Colt, inventé la « plume intarissable » avec son ampoule en caoutchouc contenant l’encre, ancêtre du stylo plume, « le chemin de fer électro-pneumatique » ; ou encore le « gaz à l’eau » qui a permis l’éclairage de quelques villes dont Dijon et Anvers.
Toujours prêt à rendre service il n’hésitait pas à patronner tout inventeur, n’eut il que peu de mérites, pourvu qu’il y eut du bon sens dans son idée ou dans sa découverte ; il s’était dit « qu’il y avait là une source inépuisable de richesses qui tombent chaque jour de l’arbre de la science dans le fleuve de l’oubli… ». Bienveillant, c’était également un humaniste plein de bon sens dont les écrits laissent parfois transparaître son éducation chrétienne : « laissez déblatérer les humanimaux qui ne connaissent et n’estiment que les jouissances de la matière. S’il y a tant de mal sur terre et si peu de bien, l’explication en est simple, c’est que la terre est un lieu d’expiation et d’épuration ; vous pouvez donc vous regarder tous comme des repris de la justice divine plus ou moins avancés, plus ou moins corrigés ; le plus prudent est de vous méfier de tout le monde, tout en vous entraidant, vous tolérant et vous aimant comme des frères aussi malheureux les uns que les autres depuis le roi jusqu’au mendiant ; mais sachez qu’il y a parmi vous de grands esprits en mission de dévouement, comme il y a des aumôniers dans les prisons, suivez leurs conseils et ne les crucifiez pas, car c’est pour votre rédemption qu’ils se sont incarnés parmi vous… ».
Il croit dans « un avenir prochain qui sera le règne de Dieu dans l’humanité destinée à n’avoir qu’une seule religion, une seule patrie, un seul langage et à ne former qu’une seule famille. », mais à d’autres moments il est en relations suivies avec les gnomes et les farfadets des tables parlantes. Ainsi lorsque Humboldt lui pose la question, à la fin d’un dîner, JBAM Jobard lui répondit par ce vers « il est vrai que les bois sont égaux en essence ; c’est ce qu’on en extrait qui fait la différence. ». Jobard prétendait que ses meilleures inventions et épigrammes lui avaient été soufflés par les esprits, et il entretenait une correspondance régulière avec Allan Kardec lui faisant les comptes rendus des centres spirites qu’il visitait, encore quelques mois avant sa mort en 1861, comme à Metz. Intéressé par tout, il se permettait parfois des prédictions hasardeuses et difficilement crédibles puisqu’il pensait qu’il viendra un temps « où la terre sera constituée dans l’unité et ou elle ne sera plus séparée comme elle l’est actuellement par les mers. » qu’il y aura émergence de nouveaux continents, de nouveaux germes d’hommes et d’animaux…
Le parcours professionnel de Jean Baptiste Ambroise Marcellin Jobard est jalonné de nombreux voyages en Angleterre, Allemagne, Suisse et France, au cours desquels il participait à des salons comme membre de jury. A cette occasion il revint en Haute Marne, à Saint Dizier en 1855, mais ne semble pas être retourné dans son village natal, même en allant à Dijon. Il avait épousé à Bruxelles en 1821 Louise Anne Aménaïde QUILLAU, qui ne lui à pas donné de descendance, et il est décédé à Bruxelles le 27 octobre 1861.
Ayant trop bousculé, trop dérangé, peut être trop critiqué, il n’eut droit qu’à des obsèques sans pompe ni honneur officiel. Seuls deux anciens ministres, et Proudhon ont suivi le cortège funèbre. Ainsi s’éteignit-il prématurément, enterré sans espoir d’exhumation dans la concession perpétuelle de l’oubli, mais il ne s’est pour autant cru sorti de la cuisse de Jupiter .
Sources et notes :
- Archives Départementales de Haute Marne. Barotte 729. Extraits du journal La Célébrité. 1861.
- ADHM Barotte 729.
- ADHM Barotte 728. Extraits de l’Industriel français. Pezzani. Lyon 1862
- Revue de Champagne et Brie.
- Lettre du 6 mai 1843.
- ADHM Daguin 827
- ADHM Barotte 831
- ADHM Barotte 728. Lettre du 25 juillet 1861 écrite de Metz.