A Urval, dans la cour de son château de La Bourlie, Gérard de Commarque, né en 1903, est bien en selle, comme il sied à un descendant d’une lignée de cavalier.
Pomponnette, sa jument, cligne des yeux de plaisir et reste bien placée pour la pose, excepté la houppe de la queue qui fouette l’air.
Derrière Pomponnette, encadrée par deux pieds de lauriers-roses, la chapelle construite en 1865 par Blanche de Cugnac, qui a fait raser une chapelle romane pour édifier ce monument, plutôt que de satisfaire à un voyage de noce en Italie. Blanche n’a pas eu d’enfant. C’est toujours Blanche qui a modernisé une porte d’entrée du logis, sur la gauche.
La porte de la chapelle est surmontée des blasons des deux familles :
A senestre, les armoiries des Commarque = azur avec une arche d’alliance d’argent.
A dextre, les Cugnac sont gironné d’argent et de gueule de huit pièces. La couronne de marquis joignant les deux..
Les vitraux comportent les armoiries des différentes familles qui se sont succédées par héritage dans la Bourlie : les Saint-Ours, les Montalembert, les Cugnac et bien évidemment les Commarque qui ont réussi à y demeurer. Les Cugnac sont bien installés dans le pays puisqu’on en foule l’un d’eux aux pieds dans l’abbatiale de Cadouin.
C’est l’architecte Bouillon, élève d’Abadie le restaurateur de la cathédrale Saint-Front de Périgueux, qui a dessiné les plans de cette chapelle. Chapelle particulièrement grande pour un château, puisqu’elle peut accueillir une trentaine de personnes. Tous ceux qui vivaient alentour, et en particulier la quinzaine des personnes qui travaillaient sur la propriété, étaient priés d’aller y faire leur dévotion chaque matin avant le travail. On aurait pu être mieux inspiré au pays des églises romanes, mais en consultant l’Almanach des paroisses de la Dordogne de 1905, on remarque que pour les curés, et certainement pour les fidèles, les vieilles églises sont appelées à disparaître. Il y a un engouement très fort pour les églises neuves, que nous appelons néo-gothiques, et qui sont en 1905 cataloguées de style " romano-byzantin."
Notre jeune cavalier est vêtu d’un costume marin, qui seyait aux jeunes gens de l’époque. Bien évidemment, ses mains sont gantées. Gérard est l’unique fils de Raymond et d’une mère anglaise, dans la continuité de la présence britannique depuis la guerre de Cent ans.
Les Commarque sont une des plus vieilles familles du Périgord, alliés aux Beynac.
Au XIe siècle, les Commarque occupaient une imposante forteresse, au-dessus du vallon encaissé de la Beune, près des Eyzies. Un peu plus tard, partant à la croisade, un Gérard de Commarque fit don de ses biens à l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem. Ce monument est ouvert au public et mérite la visite.
Bien plus tard, des Commarque furent capitaines au régiment de Beauce Infanterie et, en 1791, plusieurs d’entre eux se portèrent volontaires pour figurer sur la liste des otages pour le roi.
Gérard de Commarque, notre cavalier, s’est impliqué dans la vie locale et fut élu maire d’Urval. Violoncelliste, il travaillait avec le compositeur Louis Aubert.
Pendant la guerre, la chartreuse de la Poujade, propriété familiale voisine, servit d’abri à des toiles du Louvre et à des œuvres d’Ingres venues de Montauban. En 1944 elle abrita l’Etat Major Inter Alliés et André Malraux.
Gérard s’est rangé tout de suite du côté de la Résistance. A quelques mètre de La Bourlie, il possédait une grande et belle ferme, le Mas. En 1943, il y hébergea cinq républicains espagnols, armés, du Groupe Carlos, commandés par Juan Jimenez. Il les occupa à faire du charbon de bois dans la forêt toute proche. En tant que maire, il lui était facile de se procurer des cartes d’alimentation, mais c’est lui même qui allait faire les courses, les guérilleros étant trop voyants.
Dénoncé, Gérard de Commarque a été déporté à Buchenwald où il est mort le 16 février 1944. Des Espagnols, rescapés de cette équipe, me disaient chaque fois qu’ils l’évoquaient : " C’était un homme bon, très bon. "
Cette photo ne montre qu’une aile du château de la Bourlie, (toujours propriété des Commarque)situé sur une butte en lisière de la forêt de la Bessède, tout à côté du village d’Urval. Le parc et le jardin sont ouverts à la visite et même des appartements sont aménagés dans le château pour ceux qui veulent y passer des vacances dans le calme. Jetez un coup d’œil à son site www.chateaudelabourlie.com.
Plaque de verre 13 x 18. Vers 1911
Découvrir Le Périgord d’Antoine Carcenac : (photographies 1899 - 1920).