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Georges Pageix Médecin-major de la Grande guerre (1880-1921)

4e épisode : Médecin au 6e B.C.A, grave blessure, retour à la vie civile et décès (août 1916 à 1921)

Le jeudi 17 octobre 2019, par Jacques Pageix

Passé sur sa demande à la VIIe Armée le 4 juillet 1916, Georges Pageix fut ensuite affecté, sur sa demande, au 6e Bataillon de Chasseurs le 4 août 1916 (le "6e Bataillon alpin de Chasseurs à pied" comme l’intitule le JMO). Ces bataillons de Chasseurs étaient voués sans exception à combattre en premières lignes. La discipline de fer qui y régnait, l’engagement total des hommes et leur extrême bravoure en faisaient des unités d’élite.

La guerre en première ligne sur le Chemin des Dames avec le 6e Bataillon de Chasseurs (août 1916-août 1917)

L’affectation et la préparation :

Passé sur sa demande à la VIIe Armée le 4 juillet 1916, Georges Pageix fut ensuite affecté, sur sa demande, au 6e Bataillon de Chasseurs le 4 août 1916 (le "6e Bataillon alpin de Chasseurs à pied" comme l’intitule le JMO)
Ces bataillons de Chasseurs étaient voués sans exception à combattre en premières lignes. La discipline de fer qui y régnait, l’engagement total des hommes et leur extrême bravoure en faisaient des unités d’élite.

Le Colonel Messimy, commandant la 6e Brigade de Chasseurs n’écrivait- il pas le 17 novembre 1916 :

"Chasseurs mes fiers camarades,
"Les plus braves et les plus beaux soldats de France ! c’est avec vous que j’ai fait les premières armes, c’est ma gloire et mon orgueil de vous avoir mené au combat. Il n’est pas de plus splendide troupe que vous. Dans quelques mois, vous reprendrez la lutte, vous achèverez ce que vous avez si bien commencé.
Les fanions de vos Bataillons claqueront joyeusement au souffle de la Victoire ; vous l’enlèverez au pas de charge. Vous redonnerez à la France ses provinces perdues ; vous effacerez le deuil qui depuis un demi-siècle a voilé son regard.
"Chasseurs de la 6e brigade ! mes amis ! mes frères d’Armes ! à ce moment, votre ancien Colonel, si loin soit-il, sera au milieu de vous !"

La devise du 6e était "Serre les dents" et je trouve qu’elle convenait parfaitement à notre médecin-dentiste !...

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Insigne du 6e B.C.A
L’insigne du bataillon, très bucolique, était une hirondelle traversant un cor de chasseurs marqué du chiffre 6. Son origine datait de la période où le bataillon stationnait à Nice. À l’automne, il quittait ses quartiers niçois pour passer l’hiver en montagne. Il revenait dans ses quartiers au printemps en même temps que les hirondelles.

Ce Bataillon était composé d’un état-major dont fait partie Georges Pageix, de 5 compagnies commandées par des capitaines, de deux compagnies de mitrailleuses d’une compagnie de grenadiers et du canon de 37, et d’une compagnie de dépôt. Il avait commencé la guerre à l’île de Corfou (Grèce) où il passa trois mois, sous les ordres du Général de Mondésir, au sein de la mission militaire française auprès de l’armée Serbe.

Le 14 mai, le bataillon quitta l’île et embarqua pour Marseille ; il arriva à Frioul le 18 où il fut confié au chef de bataillon Beauser, puis dirigé vers son dépôt de Nice le 26 mai, où il perfectionna son instruction et son organisation. Le 12 juin, il fut transporté en chemin de fer sur le front des Vosges. (Corcieux, etc). Le journal de marche du bataillon précise que le 20 juin, il s’établit d’abord à Louchpack, et son état- major au Linge Kopf.

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Ordre de bataille au 2 septembre 1916
Journal de Marche et Opération du 6e B.C.A
26 N 817/11

Lors de l’arrivée de Georges Pageix, le 4 août 1916, le 6e Bataillon est cantonné à Archettes (près d’Épinal, Vosges), exécutant au Camp d’Arches des exercices de combat. Le 15 août 1916, le Bataillon est transporté par chemin de fer dans la région d’Héricourt où il arrive le 16 août.

Combats des bois Reinette et Marrières, Bouchavesnes (Somme), 4 au 14 septembre 1916

Le Bataillon fait étapes successivement à Brévillers et Bauvillars, puis à Méroux, Réchezy où il séjourne jusqu’au 23 août, puis repart en chemin de fer, destination Longeau dans la Somme où il bivouaque au Bois l’Abbé près de Cachy. Il fait ensuite étape à Cérisy-Gailly, puis au camp de Suzanne.

  • Le 3 septembre, le Bataillon est engagé. "Il se porte du camp de Suzanne à Curlu, Chapeau de Gendarme", puis le 4 septembre, il relève sous des bombardements le 229e aux tranchées de Mossoul et du Bois des Riez. Le bombardement allemand sème la mort et une pièce de canon de 37 est volatilisée !

À 13 heures, il reçoit l’ordre d’attaquer. L’ordre est exécuté, non sans une certaine confusion : "Quelques minutes avant l’attaque, une section de mitrailleuses échappant à la surveillance du Commandant de la 1re ligne, ouvre le feu sur des travailleurs à l’Est de la Ferme de l’Hôpital. Résultat : bombardement de l’aile gauche des tranchées de Mossoul. Pertes : 1 section de Mitrailleuses"
À 14 heures, l’attaque se déclenche, le bataillon d’attaque sort des tranchées, se forme dans un ordre parfait et s’avance avec un entrain admirable (C’est une surprise pour l’adversaire). L’attaque progresse au pas de charge, atteint son dernier objectif : la Crête des Observatoires, puis occupe le Bois Reinette près du vallon des Marrières, défendu par les allemands dans leurs tranchées protégées par un réseau de fil de fer d’une "profondeur d’environ 20 mètres".

  • Le 5, les unités se renforcent sur leurs positions sous un "bombardement violent et en général long". La nuit du 5 au 6 est calme, "les Boches ne réagissent pas".
  • Le 6 septembre, commence un tir de préparation d’artillerie. On note que la coordination entre la troupe et les artilleurs pour ajuster les tirs en fonction des positions et des progressions au sol reste sommaire : "Après lancement d’un nombre considérable de fusées et l’envoi de quatre courriers rapides, l’artillerie se décide à allonger légèrement son tir qui reste encore court".

Une "reconnaissance Boche" essaie de pénétrer dans le bois Reinette, accompagnée d’un tir de barrage très violent et de rafales de mitrailleuses : "la séance dure une heure, puis tout rentre dans le calme. La reconnaissance Boche n’a pas pu déboucher".

  • Le 12 septembre, l’attaque est déclenchée à 12h30 à partir des tranchées du Bois Reinette. Peu après, une solide position aux abords de Bouchavesnes est prise : 420 prisonniers sont faits et 6 mitrailleuses sont prises. Vers 19 heures, Bouchavesnes est pris et le 6e Bataillon s’y installe.
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Les combats de Bouchavesnes
  • Le 14 septembre, le Bataillon est relevé et est dirigé vers La Neuville sur Bray, puis, le lendemain, il est acheminé par train militaire vers son cantonnement à Vraignes. Les étapes suivantes sont Bougainville, Formerie, Criquiers où il s’installe au repos.
  • Entre les 4 et 14 septembre 1916, les pertes ont été de 5 officiers tués, 78 sous-officiers, caporaux et chasseurs tués, 43 disparus ; 8 officiers blessés, 369 caporaux et chasseurs blessés.

Lors de ces courtes périodes de repos en 2e ligne ou à l’arrière, le bataillon reçoit par paquets des centaines d’hommes pour remplacer les soldats morts ou évacués. Dans ces conditions, on comprend pourquoi ces période de "repos" sont vouées à des séances d’instruction continuelles rendues nécessaires par l’arrivée massive des nouveaux-venus.

Ces mêmes périodes de repos sont mises à profit pour se livrer à des travaux de propreté et d’exercices physiques.

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La tondeuse mécanique fait son office..
Mon grand oncle Joseph Pageix avait pris cette photo au Bois des Loges d’une séance de coupe de cheveux.
Le 6e Bataillon reçoit successivement trois belles citations :

1-Le Général commandant le 7e Corps d’Armée envoie par l’intermédiaire de la 6e Brigade l’ordre général suivant :

"Ordre Général N° 134 : Entré dans la bataille à l’allure de la charge, ne marquant le pas que sur ordre et pour mieux reprendre son élan, la 6e Brigade de Chasseurs n’a connu l’obstacle que pour le renverser.
À la rescousse des Bataillons du 44e et du 133e, elle n’a fait qu’un bond jusqu’à "Bouchavesnes. Sur elle ensuite la contre-attaque s’est usée.
Chasseurs de la 6e Brigade, l’ennemi sait par expérience que les Alpins des 6e, 27e et 28e Bataillons sont aussi ardents en plaine qu’en montagne et que bois ou tranchées, ils enlèvent tout
Je m’incline devant vos morts. Je salue votre glorieux Drapeau. Au P.C. le 17 septembre 1916. Le Général de Bazelaine Commandant le 7e Corps d’Armée.
Signé de Bazelaine".


2-Ordre Général N° 399 "Est citée à l’ordre de la 6e Armée :
La 6e Brigade de Chasseurs Alpins sous les ordres du Colonel Messimy. Entrée dans la bataille à l’allure de la charge, y a apporté une ardeur magnifique, dépassant nettement ses objectifs pour étendre l’occupation du terrain conquis. Arrivée à la rescousse des unités entrées à Bouchavesnes a vigoureusement arrêté les contres-attaques de l’adversaire et maintenu énergiquement les positions enlevées de haute lutte à l’ennemi.
Au P.C. le 9 Octobre 1916 Le Général Fayolle Commandant la 6e Armée. Signé Fayolle"


3-Ordre du Bataillon N°296 Par décision en date du 14 Octobre le Général Commandant en Chef a conféré le port de la fourragère au 6e Bataillon de Chasseurs Alpins.

Citation du Bataillon : "Bataillon d’élite ayant déjà été cité à l’ordre de l’armée. Dans les attaques des 4 et 12 septembre, a progressé dans les lignes allemandes avec une énergie et une audace dignes d’admiration, réalisant dans ces deux attaques successives, malgré de très lourdes pertes, un gain de 4 kilomètres, faisant 500 prisonniers, prenant 5 canons et 9 mitrailleuses et contribuant pour une large part, grâce à l’habileté manœuvrière et à la hardiesse de son chef le Commandant Beauser, à faciliter la marche des troupes placées à sa gauche".

La conduite de Georges Pageix au cours de ces opérations fut très courageuse, comme le montre la belle citation qu’il obtint (la deuxième) pour souligner à la fois sa conduite aux 46e et 6e bataillons de chasseurs :

"Citation à l’ordre de la 41e Division du 13 octobre 1916 (N° 115) :
"Évacué pour blessure [1], est revenu sur sa demande à un bataillon de chasseurs, a donné les 4 et 5 septembre 1916, un très bel exemple de courage en allant diriger le service médical de 1re ligne sous un bombardement très violent"

Il faut dire que son chef de Bataillon, le commandant Beauser, avait apprécié sa conduite :

"Commandant Beauser, 6e alpin, 2e semestre 1916 : "Arrivé depuis 2 mois au 6e Bataillon. S’y est fait apprécié. Sous des dehors très dégagés cache une grande part de sérieux. S’est particulièrement fait remarquer par son dévouement et son courage au combat du 4 septembre et pendant la journée du 5. À proposer pour le grade supérieur à la première occasion".

Le 22 octobre, le bataillon est acheminé en train (train régimentaire et train de combat), fait étape à Forvincamps, et parvient le 23 octobre au camp de Suzanne où il occupe les baraquements. Les 29 octobre et 2 novembre 1916, il participe à des manœuvres sur le plateau de Bronfay.

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Chasseurs Alpins
Aquarelle de Maurice Toussaint, 1911
(Collection personnelle)

Combat du Bois Saint-Pierre-Vaast (Somme), 4 au 10 novembre 1916

Le 4 novembre 1916, la nuit venue, le bataillon continue sa marche et, par le Bois Aiguille et le boyau Paul Martin, va prendre sa position d’attaque, en réserve derrière les lignes du 28e bataillon de chasseurs alpins ; à minuit, il est en position. L’objet de l’attaque est le Bois de Saint-Pierre-Vaast.

Le 5 novembre, après une matinée assez calme, l’attaque est déclenchée à 11h10 ; le bataillon se porte par les boyaux d’accès aux positions occupées par le 28e BCA que celui-ci doit quitter. Ces trois colonnes s’y trouvent bloquées par des compagnies des 27e et 28e BCA qui n’ont pu évacuer leur tranchée de départ. La tête du 6e bataillon utilise alors une tranchée de doublement.

Mais l’attaque générale est arrêtée devant la tranchée de Brosse où se livre un combat à la grenade. "Les différentes vagues d’assaut sont plaquées sur la pente par le tir des mitrailleuses et le tir de barrage qui s’étend au sud du boyau Paul Martin jusqu’à la tranchée allemande".
La situation devient alors très confuse : le commandant du 28e (Coquet) a disparu depuis le début de l’attaque, toutes les communications téléphoniques sont coupées, aucun courrier n’est possible ; on envoie "un message exposant la situation par pigeon voyageur".

Suite au "repliement des éléments engagés du 28e, la densité devenant trop forte, les fractions du 6e qui occupaient la tranchée de 1re ligne sont ramenées en arrière dans leur position primitive. Vers 17 h 50, des chasseurs du 27e se replient, répandant le bruit que l’ordre de battre en retraite est donné. Ces gens sont arrêtés et renvoyés vigoureusement en première ligne".

Le lendemain 6 novembre vers les 2 heures (!) le bataillon reçoit l’ordre de se porter au Bois des Aiguilles. À 11h10, une nouvelle attaque est déclenchée : "les vagues d’assaut quittent la tranchée de première ligne et s’élancent vers les lignes boches séparées des nôtres par un glacis de 400 mètres de profondeur complètement bouleversé par les obus et fortement détrempé par les pluies diluviennes des journées précédentes".

"Malgré un tir de barrage effrayant, des nappes de feux de mitrailleuses et des pertes très lourdes les éléments d’attaque atteignent la tranchée boche. L’ennemi se défend avec acharnement ; un combat à la grenade s’engage violent et court. Environ 150 boches se rendent et sont renvoyés vers nos lignes. Quelques sections pas tout à fait désorganisées continuent la progression vers la ligne de soutien".

Peu après, vers midi, c’est un véritable carnage : "Vers midi, l’ennemi en force contre-attaque à la grenade. Nos mitrailleurs n’ont pu suivre les vagues d’assaut, les fusils mitrailleurs sont enrayés par la boue, l’approvisionnement de grenades épuisé, nos chasseurs entourés par un ennemi très supérieur en nombre et sortant frais de profondes carrières sont tués ou pris.
Quelques uns peuvent s’échapper et regagner nos parallèles de départ. Ils sont relevés dans la nuit du 5 au 6 en même temps que le reste du bataillon et vu leur état d’épuisement envoyés immédiatement en cantonnement de repos à Suzanne
 [2].

Malgré ce fiasco (on ne peut le nommer autrement), à 21 heures, le reste du bataillon, rassemblé dans le ravin des Aiguilles, est dirigé dans les abris du Bois Marrières, et reçoit l’ordre de se tenir prêt à relever dans la nuit le 27e BCA : trois compagnies du bataillon récupèrent le 7 novembre les tranchées de premières lignes.
Cette journée du 7 novembre est néanmoins assez calme, contrairement à celles des 8 et 9 novembre, où "le boche est agité. Nombreux et violents tirs de barrage de tous calibres [3] sur tout le secteur". De 16 heures à 18 heures, violent tir de démolition sur nos premières lignes et boyaux de communication (3 tués et un blessé).

Enfin, après ces jours de cauchemar, le bataillon est relevé dans la nuit du 10 novembre et se rend au repos à Suzanne. Les pertes subies par le bataillon pendant la période du 4 au 10 novembre sont très lourdes : 2 officiers et 35 sous-officiers, caporaux et Chasseurs tués ; 6 officiers, 187 sous-officiers, caporaux et Chasseurs disparus, 5 officiers et 180 sous-officiers, caporaux et Chasseurs blessés.

Le 11 novembre 1916, le bataillon est enlevé en train militaire à destination de Theulloy-la Ville, Arnière et Andicourt où il est mis au repos puis passé en revue le 15 novembre par le Colonel Messimy, commandant la 6e brigade de Chasseurs. Celui-ci remet des décorations pour les combats du 4 au 12 septembre et, quittant la 6e Brigade de Chasseurs, fait un vibrant et élogieux adieux à ses 6e, 27e et 28e Bataillons :

"Ordre général N° 55 de la 6e Brigade en date du 17 Novembre 1916. "Officiers, Sous-Officiers, Capiraux et Chasseurs 6e Brigade.
"Par ordre du Général Commandant en Chef, la 6e Brigade de Chasseurs est dissoute. Ses Bataillons sont incorporés dans la 66e Division, son Chef est nommé au Commandement de l’Infanterie de la 46e Division.
Notre séparation, mes amis, est consommées, mais il nous reste la gloire qu’ensemble nous avons conquise et la fraternité d’armes que nous avons scellée du plus pur de notre sang.

"6e, 27e, et 28e Bataillons de Chasseurs ! "Vos fanions étaient déjà lourds de lauriers quand l’honneur m’échut de vous commander. L’ennemi avait éprouvé votre valeur sur l’Yser et dans l’Artois ; vous aviez été de toutes les grandes journées d’Alsace et de Lorraine.

Sur les larges croupes de la Somme, où la Gigantesque bataille a déchaîné sa tragique grandeur, vous vous êtes surpassés. Les 4 et 12 Septembre votre assaut impétueux bouscula deux Divisions Saxonnes et avança de 5 kilomètres les lignes françaises. Le 5 Novembre votre attaque héroïque infligea à 4 régiments Prussiens Saxons et Bavarois les plus lourdes pertes. En quinze jours de combat, vous avez pris à l’ennemi plus de 2000 prisonniers, 20 canons, 40 mitrailleuses et un important butin. 71 Officiers et 3000 Chasseurs mis hors de combat furent le prix de votre gloire. "La Fourragère, emblème envié des braves parmi les braves, vint honorer à la fois nos camarades tombés et vous-mêmes dont la vaillance les vengea si bien.

"Chasseurs mes fiers camarades. "Les plus braves et les plus beaux soldats de France ! c’est avec vous que j’ai fait les premières armes, c’est ma gloire et mon orgueuil de vous avoir mené au combat.
Il n’est pas de plus splendide troupe que vous. Dans quelques mois, vous reprendrez la lutte, vous achèverez ce que vous avez si bien commencé.
Les fanions de vos Bataillons claqueront joyeusement au souffle de la Victoire ; vous l’enlèverez au pas de charge. Vous redonnerez à la France ses provinces perdues ; vous effacerez le deuil qui depuis un demi-siècle a voilé son regard.
"Chasseurs de la 6e brigade ! mes amis ! mes frères d’Armes ! à ce moment, votre ancien Colonel, si loin soit-il, sera au milieu de vous !"
Le Colonel Messimy, Commandant la 6e Brigade de Chasseurs.
Signé : Messimy Le 17 novembre 1916
  • Le 16 novembre, le Bataillon est enlevé en gare de Gramavilliers et arrive le 17 à 17 heures en gare de Corcieux Vanemont. Le commandant Beauser nommé lieutenant-colonel prend la tête du 1e Groupe de BCA et le capitaine Barthélémy prend alors le commandement du 6e BCA.
  • Du 18 au 20 novembre, c’est le repos au camp de Corcieux où le général Lacapelle commandant la 65e Division d’Infanterie à laquelle appartient le 6e BCA, vient au camp inspecter les 6e et 46e Bataillon.
  • Le 26 novembre, le commandement du 7e corps de BCA (6e, 27e et 46e) est confié au lieutenant-colonel Devincet et le commandant Brisson prend le commandement du 6e BCA.
  • Les 27 et 28 novembre sont consacrés à des exercices de tir, le 29 à la revue de la division par le Général d’Armée ("tenue de campagne, sac vide, capote, casque") et le 30 au repos, douche et travaux de propreté.

Le 3 décembre 1916, départ de Corcieux à 6 heures, étapes à Fraize et Rudlin et cantonnement à Plainfaing dans les Vosges. Le 4, il occupe le secteur du Linge où il se rend par le col de Louschbach. Il s’y installe en décembre, et ne subit que "quelques crapouillotages qui n’ont d’effet sur les boyaux et quelques abris qu’ils nous démolissent".
Le rédacteur du JMO ajoute : "La température, quelquefois assez basse, des chutes de neige suivies de bourrasques violentes puis d’un copieux dégel
rendent la vie assez dure et le travail à fournir pour le déblaiement énorme"
.
Dans la nuit du 27 décembre, le Bataillon est relevé par le 27e BCA et rejoint Plainfaing dans la matinée.

Les jours suivants, du 28 décembre au 8 janvier 1917 sont consacrés eu repos, à l’instruction et à l’entraînement et, le 9 janvier tombe l’ordre de se tenir prêt à faire mouvement. Le 10 janvier, c’est le départ de Plainfaing à 7 heures pour Raon aux Bois où l’on arrive le 12.

Cette période de "repos" du 13 au 30 janvier est mise à profit, une fois de plus, pour se consacrer aux séances d’instruction, et fournir une participation active aux manœuvres combinées des Bataillons de la 66e Division : marches et formations diverses sur de longs parcours avec direction de marche donnée à la boussole.

Ensuite, c’est une suite quasiment ininterrompue de déplacements en tous sens : le 31 janvier, Remiremont, Aumontzey, jussaupt, puis le 3 février 1917 embarquement à Laveline en deux détachements qui sont acheminés en chemin de fer jusqu’à Fontaine, via Belfort, pour rejoindre le cantonnement de Guevenatten en Alsace.

  • Du 7 février au 3 mars, le Bataillon est chargé de l’exécution de nuit de travaux de deuxième ligne dans la région de Gildwiller pour aménager des tranchées et boyaux, établir des réseaux de fil de fer, creuser des saignées ou des puisards pour l’évacuation des eaux.
  • Le 4 mars, le Bataillon stationne à Offémont et, le 5 mars, se rend à Ronchamp (Haute-Saône), puis le 6 à Lure où il défile devant le Général commandant la 7e Armée.
  • Le 9 mars, le Bataillon cantonne à Raon aux Bois : travaux de propreté, instruction des spécialistes, tir, exploitation du succès.
  • Le 13 mars, il fait mouvement vers Bruyères et y cantonne à la caserne Mangin. Le lendemain, le Bataillon va occuper le secteur de Combrimont, près de Saint-Dié, où il entame le 16 et jusqu’au 19 mars des travaux de creusement de tranchées et de pose réseaux de fils de fer. "Heures de travail : de 7 à 17 heures. Soupe mangée sur le terrain".
  • Le 17 mars arrive leur nouveau chef, le commandant Frère (le futur Général Frère).
  • Le 20 mars à 13 heures, départ pour Arnould par le moulin de Chipal, le col de Mandray et Fraize. Le détachement part de Combrimont "par section à 200 mètres d’intervalle, les hommes par deux en rasant les haies ou les talus de manière à ne pas être vues"..

Enfin, les 22 et 23 mars, le Bataillon en deux éléments embarque en chemin de fer en gare de Lachapelle. Le premier élément qui embarque le 22 à 23 heures est composé de la demie compagnie H.R. (hors rang) de la demie compagnie de Mitrailleuse, des 1re et 2e compagnies. Le 2e élément embarque pendant la nuit du 23 à 2 heures ; il est composé de la demie compagnie Hors Rang, de la demie compagnie de Mitrailleuse, des 3e et 4e compagnies et du canon de 37.
Le Bataillon débarque à Montmirail (Marne), le 1er élément à 5h 30 et le 2e à 9h 10. Il y cantonne jusqu’au 28, puis fait étape à Courcelles (Aisne), puis à Lhéry et enfin Romain (Marne) qu’il atteint le 12 avril et où "tout le bataillon cantonne dans des grottes".

Le 15 avril, le Bataillon quitte les grotte à 8 heures du matin et vient se former dans le ravin des Beaugilet où toute la division rassemblée pour entendre l’allocution du général Lacapelle sur les opérations du lendemain.

Bois de Beau Marais (Aisne), attaque du bois en Mandoline, 16 au 22 avril 1917

Au début de 1917, la conduite de Georges Pageix suscite toujours les mêmes éloges : "Remplit les fonctions de médecin-chef de service d’une façon parfaite en tous points. Esprit large et cultivé. Sympathique. A été proposé 2 fois pour le grade supérieur. 4 mars 1917. Capitaine Brissey".

Le 16 avril 1917, le Bataillon se positionne à 5 h 30 à la lisière sud du bois des Couleuvres. L’attaque doit se déclencher à 6 h 30, le Bataillon se forme en colonne double "les compagnies très largement articulées". "On attend avec impatience le moment de bondir"

"Hélas, l’attaque a échoué. On est sans nouvelle du 208e régiment parti à l’attaque et, à 12 h, le Bataillon reçoit l’ordre d’occuper la tranchée de départ de ce régiment". Sous le bombardement ennemi, la situation n’est pas brillante pour les unités qui occupent la Tranchée Turque et Onret-Pacha, le bastion du Bois de Chevreux.

Le 16 avril à midi vient l’ordre d’attaquer à 16 h la tranchée allemande. Quatre minutes avant l’assaut, un tir de barrage très violent se déclenche et les boyaux "sont arrosés copieusement". "Cependant, à 16 h précises, le Bataillon franchit le parapet et part à l’assaut dans un élan magnifique".

"Hélas, les destructions sont insuffisantes et toute progression est impossible". "Les éléments du bataillon et du 208e rejoignent à la nuit les anciens emplacements et s’organisent défensivement". Deux officiers sont tués, un autre grièvement blessé, et presque tous les chefs de section sont hors de combat !"Les compagnies, ajoute le rédacteur du JMO, ont été très éprouvées, mais le moral reste très bon".

Les 17 et 18 avril, l’artillerie allemande est toujours très active ; des tirs de barrage très violents se déclenchent sur les tranchées de départ et sur la lisière du bois ; le Bois de Beau Marais est copieusement arrosé avec des obus lourds.
Néanmoins, signale le JMO, "le moral de la troupe est toujours excellent, le physique devient mauvais, il pleut, les boyaux sont remplis de boue".
Le 20 avril, le 5e Chasseur tente une progression à la grenade dans la tranchée d’Enret-Pacha vers la Caponnière qui ne réussit pas. L’ennemi déclenche alors un formidable tir de barrage sur le bois de beau Marais. Un obus lourd tombe sur le P.C. du Commandant et tue deux officiers et blesse un troisième.

Ces combats non loin de Craonne, au Chemin des Dames, se soldent par de lourdes pertes pour le Bataillon : 4 officiers tués, 50 sous-officiers tués et 17 disparus, 5 officiers blessés et 318 sous-officiers, caporaux et chasseurs blessés.
Le 23 avril, c’est la relève et le bataillon se replie au Grand Hameau près de Romain (Marne). Après 6 jours de repos et d’entraînement physique, le bataillon part le 4 mai pour Courville où il stationne. Il y reçoit un "renfort" de 161 hommes pour compenser les pertes.

Le séjour est ponctué par des remises de décoration (Georges Pageix n’y échappa probablement pas) et des visites de généraux : les officiers (Georges Pageix devait en faire partie) sont présentés par le général Brissaud-Desmaillet au général Niessel, commandant le 9e Corps d’Armée.

Combats de Craonne du 3 au 17 juin 1917

Le 15 mai, les officiers assistent à une conférence sur l’aviation au Camp de l’escadrille Vidal. Le 24 mai, on part à destination de Romain pour un nouveau repos ponctué d’exercices jusqu’au 31 mai (lancement de grenades et entraînement physique) et d’une remise de Croix de guerre par le chef du bataillon.

Le 2 juin, le bataillon est mis en alerte et les officiers et les chefs de sections ont une conférence consacrée à leur future opération ; le lendemain il reçoit l’ordre de "se porter le plus rapidement possible à Champ d’asile".
"Les unités traversent l’Aisne en conservant entre elles un assez grand intervalle". Tout le bataillon est rassemblé à Champ d’Asile ; le chef de bataillon part en automobile et se rend au PC Langlois du sous-secteur de Craonne.
Les Allemands ont déclenché le matin même une forte attaque sur le plateau de Californie et le village de Craonne qui réussit, mais une contre attaque nous rend presque toutes nos positions précédentes et une compagnie du 6e occupe en avant du cimetière de Craonne une tranchée que les allemands occupaient encore avant la nuit.

Le 4 juin est occupé à reformer les Bataillons qui ont subi une attaque et exécuté la contre-attaque. Ils occupent les emplacements du Plateau de Californie, des Carrières , du Chemin Creux, de Cheneguy, avec une réserve dans les caves du château de Craonne. Le Commandant Frère prend le commandement du sous-secteur de Craonne.

Le 5 juin, le Bataillon occupe enfin ses positions définitives. Les tranchées sont complètement bouleversées. Les boyaux de communication et les deuxièmes lignes sont inexistantes ; le travail d’organisation du secteur de Craonne commence.
Le Bataillon est soumis toute la journée et une partie de la nuit à un violent bombardement de pièces de gros calibres. Les premières lignes dépourvues d’abris à l’épreuve sont épargnées parce que trop rapprochées des lignes allemandes. Le 8 juin, le feu des batteries allemandes se concentre sur le village de Craonne.
Le lendemain, les bombardements sont toujours aussi violents. Des bruits de travaux en avant des premières lignes laissent supposer un instant que l’ennemi tente de faire sauter les positions avancées à coup de mine ; une patrouille sort dans la nuit, le génie pose des écoutes, mais rien n’apparaît anormal.

Le 10, la nuit est assez calme. Vers 4 heures, au lever du jour, coup de théâtre : l’ennemi déclenche sur nos positions un barrage d’une violence inouïe. Tout le monde est à son poste de combat. Mais les allemands ne passent pas à l’attaque, le bombardement diminue d’intensité et la journée se termine dans un calme relatif qui se maintiendra les jours suivants.
Le 13, on installe l’artillerie de tranchée qui "tire un peu court et nous avons deux blessés".
Après une journée du 14 à peu près calme, celle du 15 juin est un peu plus active que les précédentes : l’aviation ennemie se montre très entreprenante. Le bombardement est assez vif. Le Bataillon qui devait être relevé dans la nuit du du 15 au 16, le sera la nuit suivante. La relève est terminée dans la matinée du 17. "La fatigue commençait à devenir extrême".

Le 18 juin, le Bataillon va cantonner à Mareuil en Dôle, au nord est de Fère en Tardenois. Le lendemain, il poursuit jusqu’à La Croix, puis Hautevesne où il parvient le 21. Le 23, il se trouve à Lizy sur Ourcq où il se consacre à des travaux de propreté et à la baignade. Le 25, il arrive à Lagny après avoir fait étape à Meaux et cantonne à Saint Thibault du 27 au 13 juillet, veille du 14 juillet et du défilé auquel il doit participer.

Au cours de ce repos, des hommes sont détachés aux travaux des champs, et le temps est voué aux exercices ; tir et entraînement physique par compagnie.
Le dimanche 8 juin, des fêtes nautiques sont organisées à Chelles. Les 9 et 10, le Bataillon assiste à des représentations de théâtre aux armées qui sont données à Lagny.

Au cours de cette période, la belle conduite de Georges Pageix lui valut une troisième citation tout aussi élogieuse que les précédentes :
"Ordre du Bataillon N° 37 (Service médical du 6e BCP sous les ordre du
Médecin Aide-Major de 1re classe Pageix) : "Pour le zèle et le dévouement dont il a fait preuve au cours des opérations du 16 au 21 avril 1917, ramenant dans ses lignes tous les blessés et tués du Bataillon sous un bombardement parfois extrêmement violent"
.

Le défilé à Paris du 14 juillet 1917

J’ignore si Georges Pageix participa réellement à ce défilé. Si ce fut le cas, je suppose que son épouse Marie fut du nombre des spectateurs qui acclamèrent les troupes de Chasseurs, défilant comme l’on sait avec leur pas si caractéristique qui confine à la course à pied...

Le 12 juillet, la fanfare désignée pour faire défiler les Bataillons de Chasseurs part par chemin de fer et se rend à la caserne de Reuilly. Le 13, le Bataillon va cantonner à Ivry, après avoir fait halte sur les bords de la Marne.
Enfin, le 14 juillet, c’est le départ d’Ivry à 5 heures ; le 7e groupe des Bataillons marche en une seule colonne et dans l’ordre 27e, 6e, 46e et se porte à l’emplacement qui lui est fixé place de Vincennes. Le Président de la République (Raymond Poincaré) les passe en revue, puis les régiments défilent devant lui et suivent l’itinéraire Bastille, Boulevard Saint-Michel, et Place Denfert-Rochereau où se fait la dislocation. Le Bataillon fait "grand’halte" sur les boulevards extérieurs et rentre au Fort d’Ivry à 4 heures.
Ainsi, on voit que les défilés sur les Champs-Élysées n’étaient pas encore de mise.

Tranchée de la Gargousse sud de la Royère (Chemin des Dames), 4 juin-31 juillet 1917. La blessure et l’évacuation

Le retour de Paris se fait par Vierzy pour un premier élément qui cantonne à Rozières et par Soissons (débarquement le 17 juillet à minuit) pour le deuxième qui va cantonner à Septmons.

  • Les 20 et 21 juillet, le général Pétain vient visiter les cantonnements.
  • Le 23 juillet, le Bataillon reçoit l’ordre de faire mouvement pour aller occuper un secteur sur le Chemin des Dames.
  • Le 25, le Bataillon est cantonné au bois Morin et monte le soir à 20h30 en secteur, chaque compagnie observant 100 mètres d’intervalle pour traverser le canal et l’Aisne vers Ostel.

Là, elles se rendent en ligne par un boyau passant par la ferme de Certeaux où se trouve le PC du chef de Bataillon, le capitaine Marchand. Il occupe ce que le JMO désigne curieusement par le "Centre de Résistance Auvergne (Chemin des Dames, sud-est de la Royère)" où il relève le 61e Bataillon de Chasseurs. La relève est terminée vers 2 heures du matin sans incidents.

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Fiche conservée au Val de Grâce
  • Le 26 juillet est une journée calme employé aux travaux, à l’organisation et aux préparatifs de l’opération prévue sur la Tranchée de la Gargousse pour le 30 juillet.
  • Le 27, autre "journée calme", est mise à profit pour mener une "reconnaissance de nuit établissant qu’il n’existe pas de tranchée entre les lignes allemandes et notre première ligne".
  • Les 28 et 29, notre artillerie exécute des tirs de préparation.

Le 30 juillet, l’attaque est déclenchée le soir à 8h15. Voici un extrait du compte rendu : "Le poste allemand du boyau Barret a été refoulé jusqu’au Chemin des Dames par l’équipe de grenadiers du sergent Ballet de la 1re compagnie. Cette opération me paraît avoir été conduite par ce sous-officier avec un cran et un à propos digne des plus grands éloges".
L’opération a parfaitement réussie : le poste Barret est enlevé ; on s’est emparé de la Tranchée de la Gargousse et l’on a creusé une tranchée aussitôt baptisée "Tranchée du Sabre" reliant l’extrémité droite de la tranchée de la Gargousse à notre première ligne.

Le 31 juillet, la nuit est "relativement calme", si l’on excepte une tentative d’attaque à la grenade de l’ennemi sur la gauche (Chemin Creux) qui est facilement repoussée. Il y a toutefois quelques blessés au 6e Bataillon et deux officiers d’artillerie en reconnaissance sont grièvement blessés. C’est alors que l’artillerie allemande devient de plus en plus violente ; les liaisons deviennent absolument impossibles.

Le lendemain 1er août, journée funeste pour Georges Pageix, est une période d’accalmie. Cette absence de combats et ces apparences de calme n’en étaient pas pour autant sans danger : des tirs de l’artillerie lourde et de l’artillerie de tranchée, pouvaient se déclencher à tout moment.
Le journal de marche note qu’au cours de cette "journée plus calme", on procéda à l’"organisation du terrain conquis"
C’est dans cette circonstance, ce 1er août, que Georges Pageix et ses brancardiers parcoururent le terrain en avant des lignes pour recueillir les blessés et les morts.
C’est alors qu’un obus, en éclatant, dispersa ses mortelles balles de schrapnell et l’une d’entre-elles l’atteignit à l’œil gauche, le blessant grièvement. Ce fait malheureux se produisit à l’emplacement de la ferme de Certeaux, située en bordure du plateau, à laquelle on accédait par un ravin. Ce n’était alors qu’une ruine, car tous les bâtiments avaient été détruits par les bombardements.
Georges ne portait probablement pas le casque Adrian en service depuis septembre 1915, étant noté que tous les combattants ne furent pas équipés de suite...Quoi qu’il en soit, ses yeux n’auraient pu être protégés par le casque.

Le journal de marche du 6e Bataillon de chasseurs alpins, note de manière laconique à la page 39, "1er août 1917 : le médecin chef et docteur Pageix est grièvement blessé. Œil gauche crevé".

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1er août 1917
Journal de Marche et Opération du 6e B.C.A
26 N 817/11

Sa conduite courageuse fut notée ainsi par son commandant :
"Chef de service modèle. Instruit, cultivé, d’un dévouement inlassable que rien n’arrête. A été blessé grièvement en août 1917 au moment où il se portait en ligne. A reçu la Croix pour sa belle conduite sur le champ de bataille. Le commandant Frère Commandant le 6e Bataillon. Signé Frère".

Georges Pageix fut évacué le jour même vers le Val de Grâce et il fut aussitôt transféré, le 4 août 1917 vers l’Hôpital Auxiliaire 513 qui se trouvait 7 rue Duguay-Trouin à Paris. Après sa convalescence du 20 décembre 1917 au 31 décembre 1918 à l’Hôpital de Nice (dépôt du 6e BCA), il fut rendu à la vie civile.
Malgré ses longs mois d’hospitalisation, son oeil n’a pu être sauvé et a du être énucléé. Sur sa fiche matricule, il est indiqué qu’à Clignancourt, le Docteur Pageix est "proposé pour une pension de retraite le 6 février 1918" suite à la perte de son oeil. Il est également écrit : "envoyé en congé illimité par le 6e Bataillon de Chasseurs Alpins de Nice le 8 février 1918. Réformé N°1 le 30 septembre 1918".

Cité à l’Ordre N° 5437 D du Grand Quartier Général du 11 août 1917, il fut décoré de la Croix de Guerre avec étoile d’argent et étoile de bronze.

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"Journal Officiel" du 5 octobre 1917
Nommé Chevalier de la Légion d’Honneur en date du 3 octobre 1917
pour prendre rang le 3 août 1917

La médecine à Paris jusqu’à son décès prématuré (1918-1921)

Demeurant toujours à Paris au 20 rue de Lacépède (5e arrondissement), Georges avait son cabinet dentaire au 29 avenue Niel, dans un immeuble Hausmannien cossu. Dans cet immeuble habitait un professeur de violoncelle, et une boulangerie occupait le rez-de-chaussée, tout comme aujourd’hui. Il y avait à côté un marchand de vins (succursale des Vins Nicolas !) [4]

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L’immeuble 29 Avenue Niel (angle de la rue Laugier)
A cette adresse se trouvait le cabinet dentaire de Georges Pageix
Photo Google Streetview

Il était abonné au journal des mutilés de guerre. En 1921, il figure parmi les membres de l’Association médicale mutuelle, où l’on trouve son ancien professeur de la faculté, M. Nogué. Ce journal ne manqua pas d’annoncer son décès.

Georges Pageix meurt soudainement le 31 octobre 1921, très probablement affaibli par sa blessure et la perte de son œil qui ne devait pas faciliter sa tâche. Son décès survient rue de Picpus au numéro 10.
J’ai supposé en premier lieu qu’il était mort chez un malade lors d’une visite à cette adresse, car celle-ci n’est pas située sur le trajet entre son domicile rue Lacépède et son cabinet avenue Niel. Michel Guironnet m’a appris que se tenait à cette adresse la maison de santé de Picpus, où étaient soignés pour des maladies mentales et nerveuses les soldats revenus du front avec des séquelles de cet ordre... Ceci constitue pour moi un mystère de plus...

Épilogue

Marie survivra longtemps à son époux ; elle décédera à 90 ans à Châteldon, le 22 mai 1971, soit 50 ans après la disparition de Georges. Dans le fond Leonor de la Légion d’Honneur, on trouve une lettre de sa part, adressée au Grand Chancelier de la Légion d’Honneur. Elle lui envoie le certificat de décès de son mari, afin de bénéficier du traitement annuel des membres de la Légion d’Honneur (250 francs).

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Lettre au Grand Chancelier

"Paris le 19 avril 1922 "Monsieur, Je vous envoie le bulletin de décès de mon mari. Recevez, Monsieur, mes meilleurs compliments. M. Pageix 6 rue Lacépède, Ve"

Les mentions relevées dans les recensements attestent qu’elle conserva son domicile parisien, 20 rue Lacépède. Elle s’absentait toutefois au cours de la période estivale pour se rendre à Châteldon où elle avait probablement conservé la résidence de ses parents. Ces absences de la capitale étaient signalées dans le journal « le Figaro » où elle figure entre Madame la Marquise de Marmier et Madame de Parage de Masquard !

Quant à Georges, une part d’ombre recouvrira toujours son destin :

  • Pourquoi prit-il tant de risques alors qu’il venait tout juste de se marier ?
  • Quel fut l’existence de ce couple au cours du séjour tunisien, séjour qui aurait pu se terminer par une autre affectation militaire, bien moins exposée ?
  • Que se passa-t-il pour que Georges revienne une seconde fois au sein d’un bataillon de Chasseurs, pour retrouver au 6e, à l’identique du 46e, un quotidien fait de combats meurtriers ?

Je pense, bien sûr, qu’un tel esprit de sacrifice fut avant tout motivé par de profondes convictions patriotiques. On aura noté, j’en suis bien sûr, le contraste entre sa vie de médecin civil, dans un paisible cabinet parisien, et sa vie de médecin militaire soumise au chaos des champs de batailles et des tranchées.

Faute d’avoir questionné mon grand père Pierre Pageix qui connaissait certainement la clé de cette énigme, ou d’avoir visité Marie à Châteldon avant sa mort, en 1971, tout ce mystère demeurera à jamais inexpliqué.

Sources

  • Archives de la Défense, dossier militaire de Georges Pageix, 5Ye 143108 ;
  • JMO en ligne du 46e Bataillon de Chasseurs à pied (23 août 1914 - 10 mai 1916, JMO du 6e Bataillons Alpin de Chasseurs à pied (18 janvier 1916 - 11 juillet 1918) et JMO du service de santé en campagne de la 63e Division de Réserve (63e DR) ;
  • Archives Nationales, base Leonor, dossier Légion d’Honneur L 2033029 ;
  • Archives du Val de Grâce, Centre de Documentation, collection des JMO des hôpitaux et ambulances : 63e Division de Réserve (63e DR), Ambulance N° 5/63-1 vol (05/08/14-06/05/16), cote 905.

[1Il s’agit bien sûr de sa première blessure, le 21 juillet 1915 au Reichacker, qui entraîna son départ du 46e bataillon et son hospitalisation, puis son départ pour Bizerte, avant son retour au 6e Bataillon.

[2Un prénom de femme qui rappelle un peu les postes de défense de Dien-Bien-Phu.

[3L’artillerie allemande était plus diversifiée, plus nombreuse et plus moderne que la nôtre et donc nettement supérieure. Voir "lettre à un soldat mort pour la France 3e partie.

[4Source : Archives de Paris.

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