En passant par Moulis...
A la suite de cette découverte en 1996, je rêvais de me rendre dans ce département du moins dans le village où naissait Pierre GALEY, mon ancêtre et arrière grand-père, portant le sobriquet "Raspé", né en 1805.
Au mois d’août 2003, nous décidions avec mon mari de réserver in extremis une maison à quelques kilomètres de Laserre de Moulis, village tant espéré. Le but du voyage était également de faire des recherches aux Archives départementales de Foix afin de poursuivre ma généalogie.
Ma fille et sa copine avaient souhaité nous accompagner dans ce périple pour le moins intéressant.
L’émotion fut grande lorsque nous arrivions à Moulis, village désert parce qu’il était treize heures et que ce mois d’août était exceptionnellement chaud.
Nous décidions de déjeuner avant de prendre la direction de Laserre de Moulis. Un seul restaurant à Moulis, aucune alternative ! Le restaurant ou le pique-nique ? Après avoir consulté la carte, à pied nous enjambions la rivière par une étroite passerelle en bois superbement fleurie qui menait au restaurant "Le Moulin", ancien moulin à grains et à huile.
En route pour Laserre de Moulis !
Comme nous l’avait indiqué le personnel du restaurant : "En sortant de Moulis, longez la rivière en passant devant l’église qui est à droite, puis prenez la direction de Laserre". Il fallait donc prendre un chemin de terre, passer devant l’église, puis le cimetière où mes ancêtres reposaient en paix, et entrer dans un magnifique décor de verdure. C’est à l’intersection qu’il ne fallait pas se tromper, le panneau en bois planté dans la terre indiquait Laserre. Un étroit chemin nous emmenait dans les montagnes.
Quelques vaches broutaient en bordure de route, plus loin des chèvres se bousculaient dans un enclos. Une belle maison en contre-bas nous semblait inhabitée, son champ attenant cachait sous les herbes hautes un vieux tracteur et divers outils abandonnés après une dure journée de labeur, il y a peut-être quelques décennies.
Qu’allons-nous découvrir plus haut ?
Enfin, nous voilà arrivés à destination ! Une seule maison à l’entrée de Laserre, sans clôture mais bien gardée, une meute de chiens hurlait à notre arrivée... cela nous semblait imprudent de nous arrêter. Pas question de descendre de voiture ! La curiosité nous poussait plus loin. Des granges... du moins deux granges côte à côte au milieu d’une prairie puis une autre plus cossue... et des outils à l’ombre d’un bel arbre, déposés là peut-être le temps d’une sieste...
Mais c’est Laserre !
Je décidais de descendre de voiture malgré la ruée des chiens ! Un homme alors s’approcha de moi en écartant d’un geste les animaux en furie, calma la meute en les caressant... et me fit signe d’avancer : "Ne vous inquiétez pas, je suis là, ils ne vous feront rien. Qui cherchez-vous ?". C’est alors que je courais vers la voiture où ma fille, sa copine et mon mari m’attendaient. "Venez, ce monsieur me paraît sympathique, n’ayez crainte des chiens, le maître est là".
Je pris sous le bras le classeur qui pouvait m’aider à justifier ma présence sur ses terres. Deux dames alors s’approchaient doucement de moi et au-dessus de mon épaule regardaient l’acte que je lisais à haute voix : "Je recherche le lieu de naissance de mon arrière grand-père Pierre GALEY, né à Laserre de Moulis". L’une d’entre elles me dit : "C’est bien ici, on ne connaît pas de GALEY à Laserre, par contre à Moulis des GALEY il y en a !". Je savais qu’à Moulis de nombreuses familles GALEY y vivent encore, la veille nous avions rencontré une veuve GALEY.
Je leur dis que mon arrière grand-père Pierre GALEY Raspé avait épousé une certaine Mariane BERNE de Moulis. "BERNE ? Nous avons une BERNE ici. Et Raspé c’est là-haut", me dit la dame qui portait des lunettes. Je croyais fondre au soleil ! Une famille BERNE ? Le Raspé là-haut, où ? Mes yeux pétillaient de bonheur, je souhaitais qu’ils nous amènent dessuite au Raspé ! Je me ressaisis alors. "On vous dérange peut-être ? Nous repasserons plus tard."
Il était déjà quinze heures. Le temps passait très vite. Nous nous présentions alors. A mon étonnement je venais de comprendre qu’ils étaient frère et sœurs et vivaient ensemble. Un homme d’une cinquantaine d’années et deux femmes à peine plus, tous trois célibataires. Le quatrième, l’aîné, marié tardivement et divorcé depuis peu, élevait sa petite fille dans une maison tout près du Raspé. Ce dernier partageait les tâches et corvées de la ferme avec sa fratrie.
Tout en marchant en direction du Raspé, la dame "aux lunettes" nous racontait leur dure vie à la campagne qui ne leur a pas laissé le temps de chercher mari ou femme... "Enfants nous descendions à pied à travers champs pour nous rendre à l’école, au village le plus proche. L’hiver était rude nous nous déplacions avec des pelles pour se frayer un chemin dans la neige. Aux beaux jours, il fallait aider les parents aux corvées de la ferme, les garçons dans les champs, les filles aux tâches ménagères et à la cuisine. La vie devenait difficile, je décidais alors de partir... j’ai été séparée plusieurs années de ma famille. A Paris j’exerçais le métier de nourrice, une expérience enrichissante (...)".
Que signifie Raspé ?
C’est formidable ! mes ancêtres portaient le sobriquet Raspé qui les différenciait d’autres GALEY habitant à Laserre... Il y avait la famille GALEY Raspé et peut-être la famille GALEY D’enbas, la famille GALEY Laplante que j’ai vu dans mes recherches, etc... Depuis deux siècles, Raspé, lieu non indiqué est resté dans la mémoire des riverains de Laserre. La famille NONGAS appelle ce lieu Raspé, sans en connaître la signification. Lorsqu’ils parlent du Raspé, tous montrent du doigt les deux granges côte à côte. Ce qui me fait dire que ces deux granges pouvaient être le lieu d’habitation de mes ancêtres.
C’est à "La Revue Française de Généalogie" que j’ai posé la question. Réponse de M. Jean GASQUES que je remercie :
"Le nom Raspé est peut-être issu de l’ancien occitan : raspalh "balle de blé" et a pu ainsi désigner une grange dans laquelle on entreposait le produit des moissons".