Jean Beroud, « Le jeune », laboureur-vigneron, (1706-1740)
Jean Beroud, laboureur-vigneron, (1730 -1789)
au Mas du Petit, paroisse de Messimy en Dombes (Ain)
Louis XIV est sur le trône de France. Le roi respecte les privilèges des petits pays qui ne peuvent lui porter ombrage. Ainsi, depuis 1525, la principauté de Dombes a son propre parlement à Trévoux. En 1699, le Duc de Maine, fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, érige en comté la terre de Messimy au profit d’Antoine Desrioux, président à mortier au parlement de Trévoux.
Le 28 août 1705, dans l’église St-Pierre, paroisse de Messimy, Benoît Beroud (1670-1719), laboureur, fils de Jean Beroud (1640-1705) et Benoîte Gerbon se marie avec Benoîte Pilon.
- L’église de Messimy
De cette union naîtront quatre enfants. Jean, l’aîné, voit le jour le 8 février 1706. Baptisé le jour même, son parrain est Jean Beroud, son oncle. Sa marraine est Françoise Pellet, sa grand-mère maternelle. Suivent les naissances de Benoît en 1707 et Françoise en 1708.
Les hivers de leur jeune enfance sont rudes. Ils resteront certainement près de l’âtre au Mas du Petit. La Saône est gelée. Son léger courant et sa faible profondeur font qu’il ne se passe pas un hiver sans que la rivière soit prise ou qu’elle charrie des glaçons. En 1707 et 1708, les récoltes de grains sont médiocres. C’est la famine. L’hiver 1709 est le plus froid que l’on ait connu depuis 1500. Les blés sont gelés, la vigne est gelée, les arbres éclatent. En Bresse, il commença le 6 janvier par une bise si grande que dans les vingt-quatre heures les rivières portaient chars et charrettes. Les pauvres fuient les campagnes pour se réfugier dans les villes où il existe des réserves et des établissements de charité. Il y a des milliers de morts dans le royaume. Les semailles sont tuées, ce qui engendre une famine terrible en 1709 et 1710. Les réserves de blé sont quasiment vides. L’orge a été ressemée au printemps.
1710 sera une année terrible pour le jeune laboureur. Le 28 avril, il perd sa fille Françoise âgée de dix-huit mois.
À cette époque, venir au monde vivant est déjà un miracle. Les ondoiements sont fréquents. Ainsi, Jean Beroud, frère de Benoît (père), est ondoyé en 1664. Il n’y a pas de sage-femme et les accouchements ne concernent pas les hommes. Le 18 octobre 1691, Françoise Pellet, veuve de Claude Pilon (marraine de Jean Beroud), accompagnée d’Anne Blessy et Jeanne Passion aident une sage-femme pour la mise au monde des jumeaux de Claude Galland, tisseur en toiles à Messimy.
À la mi-novembre 1710, un enfantement se prépare au Mas du Petit. C’est l’hiver. Le 16 novembre 1710, Benoîte voit le jour dans des conditions certainement difficiles puisqu’elle décède deux jours plus tard. Le 20 novembre, c’est sa mère qui décède, probablement des suites de sa délivrance. Benoît se retrouve seul avec ses deux garçons âgés de quatre et trois ans. Il lui faut retrouver une femme au plus vite.
En 1711, le 28 mai, Benoît Beroud, veuf, se remarie avec Claudine Thomasse originaire de Chaleins.
En ce temps-là, il y a beaucoup d’épidémies telles que la typhoïde ou le scorbut. Il y a aussi l’ergotisme dont le champignon toxique se développe dans la fleur du seigle et qui engendre une gangrène sèche chez l’être humain. Souvent il n’y a que les rituels qui font partie des espoirs de guérison.
Le 27 janvier 1714, Benoît enterre le second de ses fils, Benoît, âgé de sept ans. Jean, son premier et désormais unique enfant, est présent lors de l’inhumation au cimetière de Messimy.
En 1715, Louis XIV décède. La France est épuisée par les guerres incessantes qu’elle a soutenues. Le trésor public est vide. Le règne a pourtant été glorieux. Louis XV monte sur le trône, il n’a que cinq ans.
1718 est une année caniculaire, le tarissement des sources d’eau salée dans le Jura a des conséquences catastrophiques, car sans sel il était devenu impossible de faire du pain.
1719 fut une année identique à la précédente, ce qui engendra encore des milliers de morts, dont Benoît Beroud. Le laboureur s’éteint à l’âgé de 49 ans. Jean Beroud, son frère, devient le tuteur et le curateur de son fils. La robe portée par Claudine Thomasse pour son année de deuil est évaluée à douze livres et dix sols.
1721, à la cure, Jean Joyeux, curé de la paroisse ordonné l’année précédente, s’applique à instruire la jeunesse en tant que maître d’école. Les enfants sont-ils nombreux ? Pas sur ! Les bras même petits sont utiles pour les travaux de la terre.
Très tôt, Jean prend la relève puisqu’en 1724 les héritiers de Benoît Beroud remboursent les arrérages de leur père au dénommé Chaintron, fermier du comté de Messimy. En 1728, ces arrérages sont remboursés pour trois quarts avec six coupons de seigle et un quart en argent (sept soles et sept deniers). C’est à cette période sans doute que Jean Beroud sera surnommé « le jeune ».
1725 est une année pourrie. L’été est sombre et nuageux, les récoltes sont médiocres, le peuple a faim.
Le 29 mars 1726, Jean Beroud « le jeune » (il n’a alors que dix-neuf ans) achète, avec la permission de son oncle Jean, une vigne à Georges Guillard, laboureur, et Etiennette Beuffard sa femme, habitants de Messimy. Cette vigne est située au territoire de Perrucé sur ladite paroisse, le long de la route Lyon - Macon. Sa contenance est d’environ une coupée de semailles (la coupée de Bresse est de 6 ares 595, celle de Trévoux ???). Il la paiera 80 livres à la fête de la St Martin, plus 18 livres d’impôts aux Rentes nobles de Fléchères.
Le 9 février 1728 est un grand jour pour lui. Dans la petite église de Messimy, qui est déjà tricentenaire, il se marie avec Jacquème Rivière. Dans la nef, les toiles et les statuettes n’ont que quelques dizaines d’années. Non loin de là, un imposant château de près déjà de cinq siècles, avec ses tours et son pont-levis, veille sur la petite paroisse.
Le 10 juillet 1729, un accord de quittance est établi entre Jean Beroud « le jeune » et Claudine Thomasse.
En 1729, le 27 septembre, Benoît, son premier fils, arrive au monde. C’est également l’année de naissance de Bougainvillier dont il n’entendra certainement jamais parler. En ce qui concerne les récoltes, l’année est abondante dans le Maconnois, notamment en vin. En fut-il de même sur la vallée de la Saône ?
En 1730, sa famille s’agrandit encore avec la venue de Jean. Suivront ensuite, Geneviève, le 13 mai 1733, puis Marie et la dernière, Claudine.
En 1733, Louis XV déclare la guerre à Charles VI. De son côté, Jean Beroud « le jeune » obtient, le 25 octobre, de Jean Debuis, laboureur habitant de Fareins, un bail à cultiver, à moitié frais, pour une durée de six ans. Celui-ci commence chaque année à la fête de la St-Martin et se termine (terme employé : s’avernissant) à la fête de Notre-Dame d’août. Il est situé au mas du Guillermin sur la paroisse de Fareins. Il comprend le pourpier dépendant de la maison, les pourpiers en chenevier vigne. Il jouit de la maison, de la cour, du jardin, d’un espace de terre d’un coupon de semaille. Il se réserve seulement la moitié des noix qui viendront des arbres et la même chose pour le jardin. Il doit travailler la vigne à la pelle deux fois dans l’année. Les semences, les fruits, les récoltes sont partagés par moitié pour les deux parties. Il doit faire les fossés, charrier les chaintres et tenir clôt ce qui doit l’être. Il doit semer des raves dans un des cheneviers. Les déchets des cultures seront transformés en fumier qu’il devra enterrer. Il bénéficie d’un droit de basse-cour, et encore de ce qui proviendra d’un petit pré attenant, de la verchère et du bois duquel il ne pourra couper que le tiers. Il doit battre le grain, rentrer le foin et la paille dans les greniers. Pour tous ces travaux, il doit payer annuellement 40 livres (soit 760 francs de 1999) à la fête de la St Martin.
En 1734 : il y a des inondations au mois de juillet sur la vallée de la Saône. Les moissons en pâtissent.
Ainsi va la vie du laboureur rythmée par les saisons. Les journées sont variées et la durée du travail est tributaire de l’éclairage naturel. La notion du temps qui s’écoule est donnée par le soleil et par l’angélus. Le dimanche est la journée de repos consacrée également au Seigneur. Il y a aussi les jours fériés de l’Église obligatoirement chômés. Les fêtes religieuses étaient nombreuses et différentes suivant les diocèses.
L’échéance de ces dates était parfois redoutée par les gens de la terre, car le moment arrivait de payer les impôts et autres redevances. Certaines dates sont directement en rapport avec le travail quotidien. Sous Louis XIV, le premier décembre (période attestée de 1661 à 1710), une messe est dite à l’intention des laboureurs (ou bordier). En 1719, selon l’archiprêtre de Dombes, les paroissiens de Messimy se rendent deux fois par an en pèlerinage à la chapelle des Minimes à Montmerle. Les rogations (demandes humbles) précèdent l’Ascension et durent trois jours. Les fidèles suivent en procession leur prêtre allant bénir les champs pour favoriser les récoltes futures. Dans certains villages, chaque jour a sa propre rogation. Le premier jour pour protéger la fenaison, le deuxième pour les moissons et le troisième pour les vendanges. Jean Beroud « le jeune » suit-il ce cortège ? Il y a forte chance, c’est un chrétien assidu comme le prouve son testament.
Au Mas du Petit (qui existe toujours), les conditions de vie sont difficiles à imaginer de nos jours. Le verbal de description après décès nous éclaire un peu plus.
Il n’y a qu’une seule pièce, certainement sombre, faisant office de chambre et de cuisine. Quand on s’allume, c’est avec la lampe à huile. Il y a une cheminée avec sa crémaillère, qui est le coin primordial de la « survie ». Il y a deux lits à colonnes, l’un en noyer, l’autre en poirier, mais les fonds (ais) sont de mauvaise qualité. Le linge de maison est composé de toiles de serpillière et de bourras (chanvre grossier), de toiles de lin et de nappes de chanvre.
Comment la famille se nourrit-elle ? Le chaudron doit être régulièrement pendu à la crémaillère. Au XVIIIe siècle, dans les environs de Trévoux, le premier repas est constitué d’une soupe au pain de seigle. On cuisine aussi des soupes à l’huile de noix, des soupes au chènevis. Le pain bien sûr est l’un des aliments majeurs. Jean Beroud « le jeune » le fait lui-même puisqu’il a une grande pelle à four, une « patière » (pour faire la pâte), et un tamis à farine. Les farines utilisées pour le pain sont celles de blé, de froment et de seigle et parfois de châtaigne. Dans la vallée de la Saône, on se régale fréquemment avec des gaufres réalisées avec de la farine de sarrasin. Jean possède un gaufrier.
On consomme des raves, des fèves, du pourpier qui, à cette époque, est cultivé comme légume. La pomme de terre n’est pas encore là. On mange des fruits bien sûr.
- Un testament
- Archives de l’auteur.
Dans le descriptif après décès, aucune vache n’est mentionnée dans l’étable ? Étaient-elles en pâture au moment de l’inventaire ? Ce qui est sur, c’est qu’il fait son beurre puisqu’il possède une beurrière avec son battoir. Peut-être que Jacquème sa femme fait des fromages ? La salade fait également partie de l’alimentation du foyer, un panier d’osier à secouer la salade est rangé dans la cave. La famille Beroud possède quelques poules donc elle mange des œufs. En ce temps-là, la viande et le lard sont pour les jours de fête. Le braconnage est-il d’usage ? On peut le supposer. Quant à la boisson, on boit bien sûr de l’eau. Près du Mas du Petit, il y a une fontaine avec un ruisseau. Il y a aussi le petit vin clairet produit par le propriétaire. Comment est-il élaboré ?
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, dans certaines régions du Royaume de France, la vigne est encore pleinière. C’est-à-dire que les ceps étaient plantés sans alignements réguliers. Dans la région, à Guéreins, Lurcy, Montmerle, Chaleins, Fareins et Messimy entre autres, le vignoble est important. Il subit deux voir trois labours dans l’année. Ces opérations se font à la bêche ou à la houe. La taille se fait à la serpe. Les raisins sont cueillis par les femmes et les enfants. Les bennes sont portées par les hommes. Une fois la vendange faite, celle-ci est écrasée à pied d’homme. Jean et Jacquème le font certainement dans la grande cuve en frêne et en bouleau. Cette dernière est d’une teneur de neuf anées. À l’origine, l’anée correspond à la quantité de terre pouvant être ensemencée avec la charge d’un âne soit sept arpents. Mais elle pouvait être aussi la quantité de vin qu’un âne pouvait porter. L’anée était à peu près la même dans les cantons de Montmerle et de Pont de Veyle. Elle valait dans le premier 277,43 litres et, dans le second, 272,58 litres. Par contre, dans le Rhône, à Lyon, l’anée de vin valait 93,222 litres et à Belleville 108,726 litres. Celle de Messimy devait dépendre de celle de Trévoux. Elle faisait 154,442 litres. La cuve était donc d’une contenance de 1387,778 litres. Une fois le vin tiré, celui-ci est stocké dans des tonneaux. Dans la cave, il y a deux tonneaux beaujolais d’une teneur de cinq anées chacun et douze tonneaux maconnais (teneur 200 litres). L’un des tonneaux appartient à son beau-frère, Benoît Rivière, qui exerce la profession de tonnelier à Messimy. Mais ce petit vin clairet, à qui le vend-il ?
Les céréales cultivées par Jean Beroud « le jeune » sont assurément le seigle, le blé et peut-être le sarrasin. En Bresse, on cultive le maïs depuis environ un siècle. Ce qu’il y a de plus surprenant dans l’inventaire de ses effets, c’est qu’il n’y a pas de charrue ni d’araire, mais des bèchelettes et trois pelles à bêcher usées.
On peut donc en conclure avec certitude qu’il était un laboureur à bras. Entre les labours, les semailles, les fenaisons, les moissons, la vigne, le bail à cultiver, le bois à couper, le chanvre, on s’aperçoit que les tâches manuelles étaient variées et pénibles.
Le blé est coupé à la faucille. Il en fait certainement des gerbes. Comment les ramène-t-il ? Les épis sont probablement battus, l’hiver. Le rendement de la culture est faible. En moyenne le laboureur du XVIIIe siècle s’échinait pour cinq misérables quintaux à l’hectare (de nos jours les meilleures terres, sur les mêmes superficies, produisent plus de cent quintaux à l’hectare). Il emmène les sacs de grain au meunier de la paroisse. Il y a deux moulins à eau sur la Mâtre à Messimy (voir carte de Cassini). Le plus proche est au hameau de la Rivière. Il ramène certainement une partie de la farine pour faire son pain.
Et le chanvre ? À cette époque, sur les bords de Saône, dans les arrondissements de Trévoux entre autres, les chenevières sont très répandues. La plante atteint ordinairement deux mètres de hauteur, sa grosseur est extraordinaire (5 à 6 cm de diamètre) sa qualité est réservée au service de la marine. En effet, certains bateaux sur la Saône sont encore tirés à dos d’homme par une corde de chanvre appelé la « bricole ». Un dénommé Jean Bichonnié (témoin dans une quittance concernant Jean Beroud) est maître cordier à Beauregard. Le chanvre se sème tous les ans. Il s’élève rapidement en arbrisseau. Sa tige est creuse et son écorce est un tissu de filaments. Il s’arrache en août. Puis il se rouit dans les rivières, se teille à la main. Dans certains endroits, on le passe au battoir avant de le peigner. Jean Beroud le « jeune » en cultive au mas du Guillermin, il possède un ferret à chanvre et un peigne. Les « dévideures » servaient peut-être l’élaboration des écheveaux. Dans l’ancien français, le mot dévider est synonyme de démêler. Dans le grenier se trouve une dizaine de glennes (gerbes) de petit chanvre.
Toujours dans les environs de Trévoux, on trouve partout des tisserands qui travaillent la fameuse toile, l’hiver et les jours pluvieux, où ils n’ont point d’ouvrage à la campagne. Par ce moyen, la grande majorité des laboureurs n’achètent et ne vendent pas de toile. Chaque ménage fait lui-même ou fait faire sa pièce de toile, et souvent aussi la quantité d’étoffes grossières en laine, en lin et en fil de chanvre nécessaire à la famille. D’ailleurs, le grand-père maternel de Jean, Claude Pillon était en 1663 (date de son mariage) tisseur en toiles et tisseur d’habits. À Messimy, une autre lignée Beroud était tailleur d’habits. Dans les effets de la masure au « Petit », il y a plusieurs toiles dont l’une mesure une aune et demie soit environ 1,80 mètre l’aune de Lyon : 1,187891 m. L’aune de Villefranche : 1,193383 m.
Dans la cour de la maison se trouvent quatre bigues de bois de dix pieds chacune (3,3 m). La bigue est une chèvre de deux ou trois poutres liées par le haut. Il y a également deux poutres de chêne de huit pouces de carrures (21,6 cm) et de sept pieds de long (2,3 m). Ces pièces de charpente, Jean les avait-il achetées ? Les avait-il fabriquées lui-même avec des arbres qu’il avait abattus ? Le 24 mai 1740, Jacquème règle à Antoinette Pelet, veuve de Charles Pelet, charpentier, une quittance finale pour des réparations dont le prix a été fixé en 1736. La loge attenante à la maison est dépourvue de toit, et les murs sont en partie éboulés. Il y a de fortes chances pour que ces éléments de charpente soient destinés à la reconstruction de celle-ci.
Et le soir ? Veille-t-on ? Certainement. En tout cas, on ne traîne pas seul dehors. Il ne faut pas oublier que le loup est encore présent. À quelques lieues de là, de juin à août 1738, 22 enfants sont tués par les loups sur les paroisses de Neuville-les-Dames, Sulignat, Fleurieu, St-Jean-sur-Veyle, l’Abergement et Clémenciat. En 1757, une battue à l’échelle régionale est organisée entre Bourg-en-Bresse et Macon.
Et à la veillée, que fait-on ? Il y a les noix à défaire, et aussi des châtaignes à ouvrir. Tresse-t-on l’osier ? On se raconte peut-être des histoires ou des légendes devant les flammes qui dansent dans la cheminée. Ce sont les seuls moments de loisir.
Au chant du coq, il faut se lever et retourner à une journée de dur labeur.
Le 4 décembre 1737, une nouvelle cloche se fait entendre dans la paisible campagne de Messimy. Il y a un baptême peu ordinaire. Messire Jacques Antoine Desrioux, comte de Messimy, conseiller d’honneur au Parlement de Dombes et ancien procureur général en est le parrain. Dame Marie Belet de Tavernot, épouse de Messire Daniel Léviste de Briandas, seigneur de Chaleins, Grand Bailly de Dombes et Chevalier d’honneur au Parlement en est la marraine. C’est le curé Joyeux qui baptise la cloche qui a pour prénom Marie. Ceci est fait en présence d’une nombreuse assemblée.
À pied, en famille ou seul, Jean « le jeune » va certainement de temps en temps à Montmerle. À cette époque, la route n’est même pas empierrée. Elle est en terre battue et boueuse quand il pleut. Que va-t-il y faire ? Il va vendre ou acheter quelques denrées aux foires qui sont si nombreuses. Il y en a une le 3 février, une le lundi avant la St-Jean-Baptiste, une le lundi après Notre-Dame d’août, une le lundi après la St-Martin, une le 28 octobre et une le 9 décembre, sans oublier celle qui commence le 8 septembre et qui dure huit jours. Peut-être y achète-t-il du sel, des semences ou une paire de sabots ? À moins qu’il y ait un sabotier à Messimy. Revient-il par le même chemin ? Il y a aussi les bords de Saône où naviguent les cadoles (60 pieds soit 20 m) chargées de fourrage et de vin (pour les besoins de la ville de Lyon). C’est le temps où l’on marche beaucoup par tous les temps. Et Dieu sait si le climat de la vallée de la Saône n’est pas le meilleur.
1740, L’hiver est froid. Jean Beroud « le jeune » est malade. Qu’a-t-il ? Cette année-là, en Dombes, il y a beaucoup de maladies broncho-pulmonaires dues au froid. Le vigneron laboureur est couché dans le lit de la chambre cuisine.
Le 9 février, sain de corps et d’esprit il rédige son testament en présence de Maître Moyne. Il est entouré par François Lambert, Claude Lambert, Claude Perier, Claude Martin et Jean Carra tous habitants de Messimy. Jean les connaît tous. Il y a également Claude Beroud, laboureur demeurant au dit lieu. Qui est-il ? Cela est une énigme. Le malade recommande son âme à Dieu et souhaite être enterré à Messimy au tombeau de ses parents. Son testament, il ne peut le signer, ne sachant ni lire ni écrire. Le triste son du glas va bientôt se faire entendre. Le 10 février, il est inhumé dans le cimetière de Messimy. Jean Beroud dit « le jeune » n’avait que 34 ans.
Le 1er mars, le verbal de description de ses effets est établi par Maître Moyne.
Les trois saisons qui suivent sont froides. Les récoltes sont mauvaises, c’est la disette. Les autorités du Royaume de France s’en contrefichent, ce qui est à l’origine de l’expression célèbre encore usitée : « Je m’en fous comme de l’an quarante ! »
La vie continue malgré tout. Jean Beroud « le jeune » lègue à chacun de ses enfants 150 livres qu’ils toucheront à leur majorité ou à la date de leur mariage. Jacquème Rivière, en tant qu’héritière usufruitière, s’occupe des enfants jusqu’à leur majorité.
1747 est une année caniculaire.
Le 12 mars 1748, Jacquème achète un verger d’une demi-bicherée (soit 650 m2) situé au hameau du Petit. La bicherée correspond à l’étendue de terre suffisante pour semer un bichet de blé sachant que le bichet de Lyon fait 34,27 litres et celui de Villefranche 25,7 litres. Elle l’achète 150 livres à François Guillard, boulanger à Neuville en Franc Lyonnois. Les paiements sont étalés sur plusieurs années.
Les années qui suivent l’an quarante sont très bonnes et les récoltes sont abondantes. Du coup, on libère le commerce des grains en 1764. Il y a aussi une amélioration des transports. C’est le siècle des Lumières avec Diderot, Rousseau, Voltaire, Montesquieu. Les gens de la terre n’en entendront pas parler puis qu’ils ne savent ni lire ni écrire.
Désormais, et ce certainement depuis plusieurs années, Jean Beroud succède à son père dans le domaine du travail de la terre. Une charrette, un tombereau (sans roues), une herse en bois, un joug prouvent qu’il travaille avec ses deux vaches. L’araire ou la charrue ne sont toujours pas mentionnés dans ses effets personnels.
Le 27 février 1753, à Cesseins, deux femmes se marient le même jour. Jacquème Rivière, veuve Beroud, se remarie avec Claude Loup, et Geneviève Beroud, sa fille, se marie avec Antoine Loup, granger laboureur. La robe de mariée de Jacquème, constituée par Benoît Moyroud son beau-père, vaut vingt livres (380 francs de 1999). Elle ne dispose plus des biens de Jean Beroud « le jeune ».
Le 7 mars 1753, Jean échange un chenevier de deux bicherées et demi (3200 m2) situé au hameau du Petit contre une vigne située également au même lieu. Cette transaction se fait avec Benoît Chanay, laboureur. Cette parcelle étant semée en partie en blé, Jean se garde la récolte et la paille à venir. En contrepartie, il cède la moitié de la vendange de sa nouvelle vigne.
Le 27 octobre 1753, Jean règle une quittance à sa sœur Geneviève.
En 1753, 1755, 1756, Jean règle des quittances à son frère Benoît, tailleur d’habits laboureur à Cesseins. Ces règlements se font en argent, mais aussi en bon vin clairet.
En 1757, un arrêté de compte est établi entre Jean et Jacquème qui est de nouveau veuve.
Le 17 janvier 1758 : Tout semble aller pour le mieux pour Jean qui achète une nouvelle vigne. Celle-ci toujours située au hameau du Petit, jouxte le ruisseau, elle est de la contenance d’une bicherée (1293 m2). Il la paie cent livres (1900 francs de 1999 ou 290 euros).
Le 6 mars 1759, Jacquème Rivière, pour remercier son fils Jean des services qu’il lui a rendus et qu’elle espère qu’il lui rendra encore à l’avenir, cède et donne à Jean Beroud le verger acheté par elle-même en 1748. Celui-ci n’étant pas fini de payer, c’est Jean qui règle la quittance finale.
Le 19 janvier 1760, est un grand jour. Âgé de trente ans, Jean Beroud se marie avec Jeanne Perier, habitante de Messimy. En dot, celle-ci apporte une garde-robe avec deux portes de bois noyer et autre bon bois fermant à clef, vingt aunes toile de ménage, vingt aunes de bourras, 200 livres monnayés en blé froment. Sept cents livres sont données par ses père et mère dans leur donation du 7 janvier 1752.
De son côté, Jacquème donne une terre seiglière située à Chaleins de la contenance de trois bicherées (4000 m2). Le jeune marié en jouira une fois que le blé actuellement semé sera moissonné. En compensation, sa mère demande que lui soit payée tous les ans la somme de neuf livres et une feuillette de bon vin clairet à chaque récolte. Jean demande que le tonneau une fois vide lui soit restitué. Suite à ce don, pour ne pas désavantager ses frères et sœurs, il doit également leur donner annuellement la somme de 15 livres, jusqu’au décès de Jacquème.
En ce grand jour, Jean fait également une belle promesse. Il promet d’acheter à son épouse, deux bagues d’or et une robe de drap de laine fine de la couleur qu’elle désire. Tout ceci est établi en présence d’Antoine Loup, beau-frère de l’époux, Claude Perier frère de l’épouse, André Chassipol beau-frère, Benoît Chanay, Claude fils d’André Bernard et Loup Louis laboureur à Cesseins. Comment se passe le mariage ? En Bresse, l’époux est conduit à l’église par son père, son tuteur ou son curateur, et l’épouse de même. La cérémonie terminée, on se rend au domicile du marié, on s’arrête un moment à la porte, et l’on jette du haut du grenier du blé sur les époux pour leur souhaiter abondance. Puis on fait bombance. Cette coutume est-elle usitée sur les bords de Saône ?
26 février 1760, Jean règle une quittance finale avec sa sœur Geneviève.
Cette année-là naît un certain Rouget de Lisle qui laissera un chant célèbre, à la postérité.
Le 29 juin 1760 Jean règle une quittance de 102 livres à sa sœur Marie, mariée avec Claude Perron, laboureur à Agnereins. Sur les 102 livres, vingt seront payées avec deux ânées de vin soit dix livres l’ânée.
1761 voit la naissance de sa fille Louise.
28 mars 1762 : Le Comte d’Eu, fils du Duc de Maine, cède la Dombes à Louis XV. La région appartient désormais au Royaume de France.
1763, la famille s’agrandit avec Geneviève.
Le 23 octobre 1764 : Jean achète à Gaspard Champion, boulanger à Fareins les Beauregard, une terre de six bicherées (7800 m2) situé au territoire des Perret sur la paroisse de Messimy. Il la paie 549 livres.
Le 20 novembre 1764 : Peut-être en charrette, ou à pied, Jean part en direction de Fareins. Il passe devant le château de Mondbriand qui n’est peut-être pas terminé et se rend au château de Fléchères. L’imposante bâtisse a déjà près d’un siècle et demi. Le vigneron laboureur y règle une quittance contenant subrogation. Celle-ci payée à François Lambert et Gaspard Champion, s’élève à 197 livres et 15 sols.
Le 24 juin 1765, Jeanne met au monde, un garçon prénommé Jean.
Un mois plus tard, c’est la canicule dans le royaume. Il y a beaucoup de décès dus à la dysenterie. Sa fille Louise âgée de quatre ans décède le 23 août. Elle est inhumée le 24 août en présence de son père et de son oncle Claude Perrier. Trois jours plus tard, le malheur frappe encore la famille. Cette fois c’est Geneviève âgée de deux ans qui décède. Le 26 août donc, Jean Beroud et Claude Perrier retournent au cimetière.
1766, l’hiver est rigoureux. Il commence le 15 décembre et dure jusqu’au mois de mars. À Garnerans en Dombes, aux confins de la Bresse, le curé note dans ses registres que suite au mandement de l’Archevêque il est autorisé de manger de la viande pendant le carême, le dimanche, le lundi et le jeudi à cause de la rareté des légumes herbages et racines que le gel a détruit.
Le 2 octobre 1767, Messire Jean Joyeux ancien officier de Marine sur les vaisseaux du Roi (né en Bretagne en 1681), curé de la paroisse, est inhumé dans le cimetière par les curés de la congrégation de Montmerle dont il était le doyen.
En 1767, selon le curé Peysson de Montmerle : « l’hiver a été très froid et a gelé plusieurs vignes. Celles qui étaient échappées ont éprouvé une gelée au printemps qui a emporté presque toute la récolte de vin. Le blé a été fort cher ».
Le 17 décembre 1767 est un jour plus gai pour Jean Beroud car son fils Benoît voit le jour.
1768, toujours d’après le curé Peysson : « Il s’est fait peu de vin et mauvais ; son prix à 3 louis la botte et celui du blé à 43 livres, l’asnée ». Les récoltes sont mauvaises dans tout le Royaume ce qui entraîne une hausse considérable du prix du blé. Cette année-là, Benoît Beroud fils décède.
Le 9 décembre 1769, c’est la naissance de Jeanne.
1770 est une année froide et pourrie. C’est la période de l’apparition de la pomme de terre en Dombes et sur la vallée de la Saône. Le laboureur vigneron cultivera les fameuses treuffes. De même qu’il produit des choux.
En 1772, son premier fils, âgé de sept ans, décède. Il n’a plus d’héritier masculin. Quels sont les frais funéraires ? Fait-il appel à Antoine Guillard ? En 1764, celui-ci tailleur d’habits est également marchand au bourg de Messimy. Il vend (document à l’appui) des cierges, des planches, des mouchoirs, des coiffes, de l’huile, du fromage, du savon et autres marchandises. À l’enterrement, Jean porte-t-il son habit « deroy » bon gris ?
D’ailleurs comment s’habille-t-on à cette époque ? En Dombes, les hommes portent des effets en drap grossier l’hiver et en toile l’été. Pour le travail, presque tous portent un tablier en peau de veau ou basane. Les femmes sont vêtues d’une robe d’une seule pièce en drap. Beaucoup d’entre elles portent une coiffe blanche en toile ou en mousseline, garnie de dentelle. Sur le rivage de la Saône, elle s’élève en pointe arrondie au-dessus de la tête. Grâce au descriptif de ses effets, on sait que Jean Beroud possède dix-sept chemises, une veste de ratine (étoffe de laine croisée, dont le poil est tiré au dehors et frisé), un gilet de coton, deux paires de culottes de peau jaune, une paire de bas de laine, une paire de souliers et un chapeau de laine et le fameux habit « deroy ».
Heureusement pour Jean Beroud, toujours en 1772 un garçon voit le jour. Son prénom ? Jean bien sûr !
1774 est chaude et entièrement pluvieuse. Une fois encore, les récoltes de blé sont médiocres. Louis XVI est sur le trône de France.
1779 : C’est la canicule. On annonce déjà une baisse du niveau des nappes phréatiques. Les eaux pourrissent dans les rivières ce qui entraîne une épidémie de dysenterie, des infections. Le taux de mortalité est énorme.
Le 01 avril 1781, Jean Beroud se porte caution pour une quittance d’Antoine Robelet, vigneron à Lurcy. La somme avancée est de 157 livres et quelques sols. En novembre, la Saône sort de son lit.
1782 et 1783 sont de mauvaises années pour les récoltes. On n’est pas loin de la disette dans certaines régions. 1784 par contre, est une très bonne année.
1785, l’hiver est rude. Il y a beaucoup de neige. Elle tient jusqu’au mois d’avril en Beaujolais et sur la vallée de la Saône. Le métier à tisser vient d’être inventé.
1786 : La population de Messimy est de 241 âmes selon le registre paroissial. Il y a de bonnes récoltes de blé seigle malgré des orages de grêle en juin sur la vallée de la Saône. Le 28 décembre, la Saône est prise par les glaces.
Dans le royaume de France, les débuts de la révolution se font sentir. Les difficultés financières, sociales, et économiques obligent Louis XVI à envisager des réformes importantes. Dans les campagnes, qui se soucie de cela ? Car à cette crise politique s’ajoute une crise économique.
1787 : Encore de mauvaises récoltes. À cela s’ajoutent des inondations. L’automne pourri gêne les semailles.
1788 : Le printemps est très chaud. C’est la sécheresse. À Pâques, les blés sont échaudés. Le 13 juillet de cette année-là, plus de mille villages sont touchés par la grêle. Il y a de fortes pluies au mois d’août. La mauvaise récolte est nationale. Tout ceci entraîne une hausse des prix. Cette sous-production rurale déclenche une sous-production industrielle et le chômage. Les paysans manquent de semence en raison de la récolte de blé déficitaire. De plus, l’hiver est précoce et rude. Il commence à la saint Martin. À partir du 11 novembre, le froid ne cesse de croître. À dix-neuf lieues de Messimy, en Bresse, près de la paroisse de Lescheroux, il gèle dans les caves de la Chartreuse de Montmerle. Sur la Reyssouze, la glace atteint une épaisseur record. Bien des moulins ne tournent plus. La famine menace. Il est interdit de moudre pour le bétail. Les meuniers sont contrôlés par la marée chaussée. La Saône est gelée, la terre également à 30 pouces (un mètre environ) de profondeur.
- Le château de Borde à Messimy
1789 : Que d’événements ! Janvier, la Saône est toujours gelée. La débâcle des glaçons entraîne des inondations. À la mi-février, l’hiver se radoucit enfin.
Dans tout le Royaume, le peuple gronde.
20 juin 1789 : Serment du Jeu de Paume.
14 juillet 1789 : Prise de la Bastille.
4 août 1789 : C’est l’abolition des privilèges et des droits féodaux.
26 août 1789 : C’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
5 octobre 1789 : Les Parisiennes manifestent au château de Versailles. Elles réclament du pain.
À Messimy, le clocher est partiellement démoli, l’intérieur de l’église est en partie détruit, le château est pillé.
Les habitants de la paroisse et Jean Beroud parlent-ils de ce changement qui se profile ? Le laboureur vigneron du Mas du Petit en aura guère le temps.
14 octobre 1789 : Jean Beroud est malade. Il est couché dans la chambre « chauffure » de la maison. Sain de corps et d’esprit, comme son père l’avait fait auparavant, il rédige son testament. Les témoins requis sont Jean Loup, Etienne Faucher, Benoît Sandron tous trois laboureurs, Claude Joseph Luzy jardinier et Claude Dubost tous habitants de la paroisse. Il y a également Noël Prudhommme qui est au service de Madame la Comtesse de Château Vieux, présente au château de Montbrian, Claude Platard cocher au service de Monsieur le Chantre de Briandas, également présent au château de Montbrian.
Le 11 novembre 1789 : Jean Beroud est inhumé au cimetière de Messimy en présence de Jean Claude Rivière de Fareins et de Jean Beroud, son fils. Il avait 59 ans.
Le verbal de description de ses effets est établi. Jean laisse deux enfants. Seuls restent Jean et Jeanne qui sont mineurs. Jeanne Perier devient la tutrice de ses enfants. Elle jouit des revenus, biens et immeubles de son défunt mari jusqu’à la majorité de l’héritier universel. En pension viagère et alimentaire, Jean lègue à sa femme douze bichets (20 à 40 litres suivant les contrées) de blé froment, deux anées de bon vin rouge de pays, une anée de petit vin et cinquante javelles ou fagots de bois, huit dizaines de chanvre sec et roui, huit livres de beurre fondu, huit livres d’huile de choux, une coupe de sel, plus la jouissance d’une chambre dans les appartements.
Que laisse-t-il au Mas du Petit ? Les ustensiles sont sensiblement les mêmes que ceux dont ’il avait lui-même hérité de son père. On peut s’apercevoir que le niveau de vie a quand même évolué.
Dans la chambre basse faisant office de cuisine, il y a une chaise à sel vide, un buffet-vaisselier à deux portes dans lequel se trouvent douze assiettes, quelques pots de terre, deux pots à eau de faïence, un plat à salade, cinq cuillers à bouche d’étain, deux fers à repasser. Il y a un grill de fer, une servante à poêle, un chauffe-lit en cuivre. Il y a deux garde-robes fermant à clé dont l’un contient seize draps toile de ménage, une pétrière et son couvercle plus deux bancs. Les lits à colonnes à « ciel d’aix » sont toujours là avec leurs coussins de plumes et leur couverture de laine. Dans un coin, il y a deux mauvaises couchettes d’enfant. On trouve également cinq marmites en fonte avec leur couvercle, quatre paniers d’osier, deux bichets (20 à 40 litres suivant les contrées) de graine de gros blé (blé noir). En tissu, il y a cinq aunes de toile rousse, six draps de lit, six nappes de bourras (grosse toile d’étoupe).
Dans la cave se trouvent seize tonneaux dont dix de bon vin rouge de pays pleins, et six de petit vin, un entonnoir de bois et sa douille de fer.
Dans l’écurie, il y a deux vaches, une génisse, un veau et deux brebis. Il y a quatre « combles » de truffes (pomme de terre), un joug garni de ses cordes et chevilles.
Dans la cour se trouvent un tombereau sans roue, une charrette garnie de ses roues ferrées, deux bayards, deux échelles, une brouette, une auge à côté de laquelle se trouve un cochon. Il y a cent javelles et cent fagots, une scie à main, un trident, deux fourches de fer, une herse de bois, douze perches à faire rouir le chanvre, cinquante tuiles et treize pierres de taille. Six poules picorent ainsi qu’un coq. La cuve à vin n’est plus la même. Les duelles sont reliées avec des cercles de fer et sa contenance est de vingt-quatre anées, soit presque trois fois plus que celle du pauvre Jean Beroud « le jeune ».
Dans un petit cellier on trouve une gerle à lessive et son étèpe, un petit banc à lessive, deux paniers « d’ambre ».
Dans la fenière, il y a une charge de foin et dans le suel, six charges de paille.
Dans le grenier, accessible par un escalier et un trapon, il y a six neuvaines de blé mesure locale de 27,254 décalitres (total 1635 litres de blé) et quatre bichets de blé froment (bichet de Fareins : 3,029 décalitres), un crible à vanner le blé, des bichets de haricots, un sac de graine de choux et vingt chevrons de bois chêne. Encore une fois, la présence de tuiles, de pierres de taille et de vingt chevrons peut laisser supposer des projets.
Le total des effets (sans le mas et les terres) s’élève à 1507 livres et 10 sols (soit environ 29000 francs de 1999 ou 4421 euros).
Jeanne est l’héritière et légataire particulière. Elle hérite d’une garde-robe à deux portes fermant à clef et nouvellement faites.
Jean, son fils, est âgé de dix-sept ans. Il deviendra l’héritier universel.
Il continuera l’œuvre de ses aïeux.
Ceci est encore une autre histoire.
Sources et bibliographie :
- Archives familiales Manuscrites :Quittances, baux, contrat de mariage, testaments, descriptifs d’inventaires après décès.
- Arbre généalogique familial.(Voir généanet)
- Revue Nos ancètres : Les laboureurs dans le monde rural.
- Montmerle, La chartreuse oubliée.
- Messimy-sur-Saône, par Maurice Gelas.
- Caprices de Saône : Crues et glaces.
- La Saône, une rivière, des hommes.
Internet : magazine-web Histoire et généalogie : La vie et la mémoire des hommes, La France pittoresque, La Dombes : Messimy sur Saône, Gen Com : Cartes de Cassini, Antan : Arts et métiers du XVIIIe siècle.
Archives départementales de Bourg en Bresse : Le département de l’Ain au XVIIIe siècle (canton de Trévoux).