Question n° 1 : Pouvez-vous nous expliquer comment est né votre intérêt pour la recherche généalogique ?
Vers 1990, et me trouvant en quasi retraite, j’ai découvert dans les papiers de mes parents plusieurs documents oubliés. D’abord le journal intime écrit par mon arrière-grand-mère paternelle (Mélina née MOULINE - La Voulte 1824 / Lyon 1880). Egalement une lettre annonçant le décès de mon grand-père paternel et en décrivant les circonstances (1917 à Hanoï).
Du très peu que j’en savais alors, ce grand-père semblait avoir été tantôt un planteur opiniâtre des premiers temps du protectorat du Tonkin dans la bouche de mon père, tantôt quelqu’un qu’il valait mieux oublier de l’opinion de ma mère. Sa mère, elle, m’était jusqu’alors absolument inconnue. Enfin j’avais entendu parler d’un autre de ses fils, frère de mon grand-père donc, le poète Charles MORICE, dont l’une des petites-filles a été l’objet d’un brin de cour de ma part dans des temps devenus anciens.
J’ai donc entrepris de découvrir cette famille : Mélina, son mari Ansbert MORICE, leurs amis, leurs enfants et leurs petits-enfants, mes cousins. J’ai alors eu bien des surprises avec l’un ou l’autre : des on-dit familiaux s’avérant être des légendes, des enfants adultérins, des démêlés avec la police, un trésor englouti par naufrage, ...
Ces recherches m’ont amené à prendre contact, outre des mairies et centres d’archives divers (Armée, Marine, Outre-mer, A.N., B.N., ...), avec le musée Guimet à Paris, le muséum de Lyon, le jardin des plantes de Paris, un plongeur sur épaves de réputation mondiale, les archives de Hanoï, une université américaine, plusieurs médecins, des associations d’anciens d’Indochine, le collège qui a succédé au couvent de Mélina, ...
Et j’ai pris le virus.
Question n° 2 : Vous avez-mis en ligne le journal de votre arrière-grand-mère, pouvez-vous nous présenter votre aïeule et nous exposer les circonstances de la rédaction de ses mémoires ?
D’écrire un journal intime, Mélina, mon arrière-grand-mère, me semble en avoir pris l’habitude au sortir du couvent, un peu par désœuvrement et parce que ses états d’âme pouvaient lasser son entourage : sa belle-mère, son frère, ses cousins. Elle le commence en 1843 alors qu’elle a 20 ans et déserte après 6 mois son premier et seul emploi. Sa mère est morte à sa naissance, son père est décédé depuis 10 ans après s’être remarié, c’est sa belle famille qui prend soin d’elle. Elle ne sait, ni ne voudra, rien faire de ses dix doigts, est déjà confite en religion et se complait dans la mélancolie.
Cependant, a partir du mariage qui lui sera arrangé en 1847, elle passera une quinzaine d’années assez heureuse. Beaucoup de mouvement à suivre un mari officier dans ses changements de garnison. Les enfants qui naissent et qu’on met en nourrice pour ne les récupérer que quand ils sont moins encombrants. Une vie qui semble aisée et dans laquelle on en oublie même les devoirs religieux.
Puis viennent des jours plus sombres. Le mari à la retraite avec une faible pension et la gêne. Un enfant qui meurt à 18 ans d’une longue tuberculose. Les aînés qui quittent la maison dans des conditions "inacceptables", suivis bientôt par le benjamin dans des conditions jugées encore pires. Bref, à nouveau une quinzaine d’années, mais de neurasthénie, pendant lesquelles elle ne se confie plus qu’épisodiquement à son journal. La dernière note est de 1878, 18 mois avant de disparaître à 55 ans.
En filigrane de la petite histoire de cette famille, au milieu du XIX° siècle, on entraperçoit celle du pays : les secousses politiques (royautés, second empire, république), les grandes grèves de canuts ou de mineurs des années 1840, la campagne au secours du Pape, la guerre de 1870, la colonisation de l’Algérie et de la Cochinchine, l’ouverture du canal de Suez, ...
Question n° 3 : Actuellement, faites-vous des recherches historiques et/ou généalogiques sur un sujet particulier ? Si oui, lequel ?
J’ai buté en Vivarais, au début du XVII° siècle, sur un Denis de BRUEYS impliqué dans les guerres de religion. Faire sa découverte et celle de ses parents m’ont pris 2 ou 3 ans et a débouché sur une famille languedocienne, à la noblesse de robe établie par Louis XI et aux alliances soigneusement négociées.
Généalogiquement, provoqué par le peu de traces qu’elle a laissé, j’ai entrepris de trouver ses représentants depuis les plus lointains, ainsi que leurs descendants. Je collectionne à ce jour près de 500 individus de ce nom entre 1250 et aujourd’hui, et je suis entièrement ouvert à échanger sur ce sujet. Disparu de France, le patronyme se perpétue au moins aux U.S.A. et aux Pays-Bas.
Historiquement, je m’intéresse à l’histoire de l’Uzège et particulièrement à la brusque ascension de cette famille autour de Saint-Chaptes (Gard), parallèle à celle du protestantisme, et, plus tard, au rapide déclin de ses branches les plus en vue autour de 1700.
Accessoirement, je suis amené à m’intéresser aux généalogies moyenâgeuses à cause des familles alliées à "mes" BRUEYS et se trouvant de ce fait dans mon ascendance.