- A mon frère regretté
- Livre de pierre ouvert pour l’éternité sur le caveau de la famille Olagnon.
C’est l’hommage de son frère Marc.
« Ministère des Pensions. Service de la restitution des corps des militaires & marins Morts pour la France » « Brienne le Château le 24 mai 1921,
L’inspecteur de la Gare Régulatrice de Brienne le Château à Monsieur le Préfet du département de l’Isère à Grenoble.
J’ai l’honneur de vous adresser la confirmation de mon télégramme de ce jour ainsi conçu : le train spécial N° C.B.I du 27 mai à destination de la gare régionale de Bourg (en Bresse) comprend un wagon à destination de votre département. Ce wagon arrivera à la gare de Grenoble le 29 mai à 8 heures 47 »
Dans la liste des 22 cercueils de soldats pour l’Isère [1]
- Détail d’un document des archives de l’Isère.
« St Clair du Rhône Ollagnon Laurent 172e Inf Les Roches de Condrieux Mme Ollagnon 13, rue Jean Blachon à St Fons (Rhône) »
Laurent Marius Olagnon nait le 27 octobre 1893 à Saint Fons (Rhône), fils d’Etienne Laurent Olagnon, 28 ans, "serrurier" habitant 21 rue Carnot, et de Marie Louise Ferrand, 20 ans, son épouse. En mairie le lendemain, est présent avec son père : « Olagnon Laurent, âgé de cinquante six ans, épicier » domicilié à Saint Fons. C’est le grand-père du nouveau-né. Comme le père de l’enfant, il signe « Ollagnon »
Etienne Olagnon nait le 5 juillet 1865 aux Roches de Condrieu, fils de Laurent Olagnon et de Claudine Barjon. Il épouse Marie Louise Ferrand le 27 septembre 1892 à Heyrieux. C’est là qu’elle est née le 22 mars 1873, fille de Ferdinand Ferrand et de Marie Danon. Le couple Olagnon-Barjon, précédemment cultivateurs aux Roches mais nés à Saint Clair, "montent" à Lyon vers 1880 et s’installent comme épiciers à Saint Fons.
Dans le recensement de 1901, les époux Olagnon-Barjon sont toujours épiciers rue Carnot à Saint Fons. Etienne Laurent Olagnon, lui, est indiqué « entrepreneur de serrurerie » à la même adresse. A Saint-Fons, rue Devanlay, le 6 mai 1902, nait Marc, son deuxième garçon.
Vers 1905, les époux Olagnon-Barjon retournent s’établir comme agriculteurs à Saint Clair du Rhône. Le recensement de 1906 nous apprend que le couple Olagnon-Ferrand habite alors rue Blachon à Saint Fons, « maison Ollagnon ». Le 5 décembre 1908, Etienne se noie dans le Rhône à Ternay, au sud de Saint Fons.
Au Bois d’Ailly
Classe 1913, numéro matricule 1780 [2], Laurent Olagnon est incorporé comme soldat à partir du 29 novembre 1913 au 35e régiment d’infanterie. En août 1914, le jeune soldat encore sous les drapeaux "entre en guerre". C’est avec ce régiment qu’il combat durant les premiers mois de guerre.
Le 24 octobre 1914, il passe au 172e Régiment d’Infanterie.
« Dans la Forêt d’Apremont, où il est engagé dans les premiers jours d’octobre, (le 172e RI) fait preuve d’un tel allant dans les charges répétées qu’il exécute au Bois d’Ailly que l’ennemi, quoique très supérieur en nombre, s’arrête dans son avance et s’organise sur les positions qu’il occupe » [3]
- Fin 1914, dans la forêt d’Apremont
- Les Archives de la Grande Guerre
Carte tirée du tome VII des "Archives de la Grande Guerre" illustrant l’article très documenté du Général Jean Rouquerol, "Devant Saint Mihiel (1914)" paru en épisodes dans les numéros de 1920 et 1921. |
Dans la liste des soldats Morts pour la France du régiment : Ollagnon Laurent, classe 1913, « tué à l’ennemi » le 30 octobre 1914 "dans les combats du Bois d’Ailly, vers Saint-Mihiel (Meuse)". Il était à la 1re compagnie du régiment. Son acte de décès n’est rédigé à Marbotte que le 20 novembre 1914, transcrit dans les registres de Saint Fons le 11 juin 1915.
Du cimetière de Marbotte à celui de Mécrin
D’après sa fiche matricule, il est "inhumé au cimetière communal N°6 de Marbotte"
- L’un des nombreux cimetières de Marbotte
Le 7 janvier 1920, ses restes mortels ont été exhumés pour être réinhumés à la même date dans le cimetière militaire à Mécrin. [4]
Restitué à sa famille [5]
- "Moniteur viennois" du 7 mai 1921
Après la bataille Je reviens de Marbotte, village dont il ne reste plus rien, à l’orée du bois d’Ailly...J’ai trouvé là-bas de nombreuses personnes venues de tous les coins de France pour disputer à la terre meusienne les restes des leurs : épouses dont les années n’ont pas effacé le deuil ; mères dont la peine déchire le cœur, vieillards à la tête chenue qui sanglotent comme des enfants. Au terme de la route qui, par Sampigny, Mécrin et Marbotte serpente dans la vallée de la Meuse, j’ai trouvé un de nos plus délicats lettrés troyens chez qui de longues années de pratique militaire n’ont pas émoussé la sensibilité et la bonté. Je l’ai trouvé chargé du service de contrôle des exhumations, service dont il s’acquitte avec un tact au-dessus de tout éloge et qu’il élève à la hauteur d’un apostolat. C’est qu’il faut dans ces fonctions un cœur accessible à toutes les minuties de ceux qui viennent là et dont le culte des morts est si grand qu’ils traversent la France en diagonale pour venir recueillir dans un suaire quelques ossements que le temps a ménagés. Quelle horrible chose que celle de voir disputer à la terre des lambeaux de cadavres enfouis à même à une profondeur qui ne dépasse pas par endroits soixante-quinze centimètres. Une mère est devenue folle, il y a quelques jours, me disait mon interlocuteur. Je le crois sans peine, la guerre, longtemps après que le canon s’est tu, fait encore des victimes. Quand on revoit ces vallons et ces coteaux où la nature reprend peu à peu ses droits avec une luxuriance qui fait disparaître les traces du grand crime, quand on revoit toute cette campagne verdoyante que le printemps vient de parer et dont la verdure est tachetée çà et là par la blancheur des petites croix des cimetières militaires, on ne peut s’empêcher de maudire ceux qui sont responsables du carnage, à quelque nation qu’ils appartiennent. En foulant les chemins par lesquels tant de jeunes hommes sont montés vers les tranchées et vers la mort, on ne peut s’empêcher de faire à soi-même le serment de lutter de toutes ses forces contre la guerre et contre les bellicistes avoués ou inavoués. Il faudrait, pour la punition de ces derniers, qu’ils fussent condamnés à procéder eux-mêmes, en ce moment, à l’exhumation des restes de tant de malheureux enfants. .../... Je reviens de ce pèlerinage, aux champs que mon frère a foulés de son pied, avec l’enthousiasme de ses vingt ans, et dont les dépouilles de vingt-mille soldats comme lui ont amendé le sol dont l’herbe pousse drue ; plus anti-guerrier que je l’étais hier. « Je hais la guerre », disait Romain Rolland, mais je hais encore plus ceux qui la vantent sans la faire ». Aujourd’hui je hais même ceux, qui, l’ayant déjà faite, seraient disposés à la recommencer. Il est vrai qu’ils doivent être peu nombreux. René PLARD. "La Dépêche de l’Aube" du 31 mai 1921 |
- Souvenir des exhumations à Marbotte
La dépouille du Poilu Olagnon part de la gare régulatrice de Brienne le Château le 24 mai 1921. Arrivée à Grenoble le 29 mai, le même jour à la gare des Roches de Condrieu, ses obsèques sont célébrées le 30 mai 1921. Il est inhumé dans le caveau familial des Olagnon au cimetière de Saint Clair du Rhône. Ses ancêtres y sont nés et y reposent.
Il figure sur le monument aux morts de Saint Fons, là où il est né et où sa mère réside encore après la guerre avec son fils Marc.