Bien avant les BRUEYS on trouve :
- que Charles Martel, après avoir chassé les Sarrasins, commence en 737 les déprédations ; il fait abattre partie du frontispice nord pour marquer au front des édifices publics son irritation contre ses sujets ;
- que quand Nîmes obtint ses franchises des comtes de Toulouse, la Maison "Quarrée" devint son Capitole, siège consulaire, et les syndics y apportèrent nombre de modifications plus ou moins heureuses dont certaines ont bien failli en entraîner la ruine.
Venons-en à l’époque des BRUEYS :
- un Louis BOYS, laboureur de Nîmes que sa profession enrichit et qui teste en 1522, laisse à sa mort 3 fils (Bérenger, Jacques et Pierre) et 2 filles (Etiennette et Louise) ;
Louis et son fils Pierre investissent leurs coquets revenus dans de nombreux achats de terres et autres immeubles à Nîmes et dans les environs.
- son fils Pierre, aussi laboureur de Nîmes, continue d’arrondir la pelote commencée par son père ; ce sont les syndics de la ville qui échangent avec lui la Maison Carrée (qui servait donc de maison commune, mais devenue trop petite) contre un plus grand immeuble près de la Tour de l’Horloge, et ce malgré l’opposition de la population ;
C’est ce Pierre BOYS qui continue les transformations pour pouvoir se servir de son acquisition comme entrepôt. Il la divise par une voûte en 2 étages. Il y ajoute un pigeonnier. Une maison y est accolée à la façade Sud. De plus les guerres de religion accumulent les décombres de l’église St-Etienne au point de faire disparaître les soubassements.
- vers 1570 Pierre décède en laissant ses 2 filles pour héritières ; preuve de l’ascension sociale de cette famille terrienne, Louise et Claude de BUYS (BOYS, BOIS) portent maintenant particule et sont mariées à une noblesse confirmée ;
Le changement d’orthographe de BOYS en BUYS serait-elle volontaire pour créer une confusion (ou rétablir un lien légitime) avec l’ancienne famille provençale de ce nom, les seigneurs d’Albaron ?
Claude est épouse de Jean de GONDIN, seigneur de Carsa et receveur particulier du diocèse, acquéreur en 1597 de la baronnie d’Aramon.
Louise est épouse de Robert d’ALBENAS, seigneur de St-Ferréol, Valeyrargues (dont elle devient la dame), Seynes et Servier.
Claude et Louise se répartissent les biens leur venant de leur père en 1590 et c’est à Louise qu’échoit la Maison Carrée.
- dans le même temps, fin 1576, la duchesse d’Uzès, Louise de CLERMONT-TONNERRE tente sans succès de racheter aux 2 demoiselles cet ancien temple pour en faire le tombeau de son défunt mari, Antoine de CRUSSOL ;
- Louise, veuve depuis longtemps, fait en 1626 sa fille Marguerite son héritière universelle, ce qui la rend propriétaire, outre de la Maison Carrée, de l’hôtel d’ALBENAS sise au 7 rue Dorée à Nîmes ; Or Marguerite a épousé en 1585 Tristan de BRUEYS, seigneur de St-Chaptes, Poulx et Cieure. Celui-ci décède en 1617 lors d’un séjour à Milan, non sans que le couple ait eu une dizaine d’enfants.
Les BRUEYS n’ont donc pas eu à acheter la Maison Carrée comme on peut parfois le lire.
Par contre ils aménagent ce qui est en train, à nouveau, de devenir une ruine pour y parquer des bestiaux les jours de marché.
- au décès de sa mère, avant 1630, la Maison Carrée revient à l’aîné des fils de Marguerite, Denis de BRUEYS, seigneur de St-Chaptes et Poulx ; puis, au décès de ce dernier en 1647, c’est son fils Jean-Félix qui hérite des biens, des dettes et du bâtiment ;
- Louise avait aussi doté sa petite-fille Gabrielle de BRUEYS, lors de son mariage en 1623 avec Benony de BORNE, seigneur d’Auriolles et autres lieux, en lui allouant 1500 livres à prendre sur ses biens ;
En 1650, Gabrielle, déjà veuve, et lasse d’attendre le paiement de sa dote, obtient du juge des conventions que la jouissance de la Maison Carrée lui soit allouée ; elle va bénéficier de sa location pendant une vingtaine d’années.
- viennent 1670 et la convergence de la nécessité de mettre fin à un procès d’un demi siècle des Augustins contre les habitants RPR (de la "Religion Prétendue Réformée" c’est-à-dire des protestants) de Nîmes ; le besoin d’assainissement de ses finances par Jean-Félix de BRUEYS assailli par ses cohéritiers et d’autres créditeurs ; l’intérêt que semble porter COLBERT à notre antiquité qu’il aurait envisagé de faire transporter à Versailles ; l’intervention de l’évêque de COHON ;
Jean-Félix, baron de St-Chaptes et seigneur de Cieure, vend la Maison Carrée le 28 mai 1670 pour 5650 livres aux syndics des habitants RPR de Nîmes pour qu’ils en dédommagent les Augustins de Nîmes ; ceux-ci envisagent d’en faire leur église en remplacement de celle détruite quelques dizaines d’années plus tôt.
Cette vente permet à Jean-Félix de se débarrasser de la saisie de tous ses biens obtenue par sa tante Gabrielle de BRUEYS pour paiement de 2000 livres de sa dot plus les intérêts de retard et frais divers. Il devait aussi en règlement d’hoirie 3610 livres à son oncle Jacques de BRUEYS, prieur de St-Chaptes et de St-Geniès de Claisses. Faites le compte...
- Jean-Félix de BRUEYS n’est cependant pas débarrassé de ses soucis car le contrat à peine signé, la légitimité de sa possession du bien vendu est contestée et des procès sans fin s’ensuivront qui ne seront toujours pas terminés en 1734 ;
Jean-Félix meurt en 1688, laissant à son fils Henri cet héritage plus un procès en restitution de biens dépendant du domaine royal.
Pour brouiller les cartes et gagner du temps face aux graves problèmes financiers de la famille, Henri émancipe son fils, autre Henri, en 1711 (le jeune homme a alors 14 ans), et meurt en 1730.
Le dernier baron de St-Chaptes, ce second Henri, mourra ruiné en 1760, n’ayant rien pu conserver des biens de ses aïeux.
Les tribulations de la Maison Carrée n’en seront pas terminées pour autant...
Mais elle est quand même encore debout.