En 1905, Maurice ROUVIER est président du conseil (3e République), il fait voter une loi le 14 juillet qui impose aux hôpitaux et hospices « de porter assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables privés de ressources ». Cette assistance obligatoire devait être mise en place à partir de Janvier 1907. Les préfets ont relayé cette loi du 14 juillet 1905 auprès des hôpitaux et des hospices. Dans le Rhône, c’est chose faite le 31 mars 1906, l’hôpital de Grandris reçoit la note suivante :
Ce devoir d’assistance est double : versement d’une « pension de secours » ce qui concerne les communes ou hospitalisation ce qui concerne les hôpitaux.
J’étais persuadé que la sécurité sociale avait été créée en 1945 seulement et qu’avant cette date, les soins à domicile ou à l’hôpital étaient payants et que les personnes malades et indigentes bénéficiaient uniquement de l’aide des œuvres caritatives, en particulier religieuses, sans que les gouvernements ne s’en soucient vraiment.
Mon idée était bien fausse ! Le texte fait référence à une loi du 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale gratuite. Cette loi est consultable sur le site Gallica. En avant-propos du texte de loi, il est expliqué que le principe d’assistance médicale gratuite pour les plus pauvres est ancien « un siècle », qu’il a été plutôt bien mis en place par la majorité des départements et communes mais comme il y a encore des résistances dans le pays, il a semblé nécessaire au gouvernement de voter cette nouvelle loi.
Visiblement, ce n’était pas encore suffisant et 12 ans après il a fallu rappeler communes et hôpitaux à leurs obligations. Finalement, la première assurance maladie a vu le jour en 1928 sous le ministère de Raymond Poincaré mais la mesure a été vivement critiquée en particulier par les syndicats ouvriers. Depuis, les lois sur l’assurance maladie s’enchainent et le principe d’assistance pour tous me semble toujours aussi mal accepté.
Le gouvernement de 1905 compte fermement sur les communes et les hospices pour appliquer la loi et surtout en assumer le coût. Le texte se poursuit avec les moyens financiers que les communes et les hospices peuvent utiliser :
Le texte n’évoque pas de participation financière de l’état et j’imagine que ce document était accompagné d’une décision du Conseil Général du Rhône qui désignait l’hôpital de Grandris comme étant un des hospices « tenus de recevoir les vieillards, les infirmes et les incurables ».
La suite du texte fait comprendre que la loi est valable à partir de 1907 et pour toutes les années à venir. La stabilité financière des établissements devant cependant être préservée, la loi prévoit que le nombre de patients « gratuits » sera fixé par le Conseil Général pour chaque hospice. Les personnes de la commune de l’hôpital sont prioritaires, un prix de journée est évoqué sans précision pour les autres personnes.
A Grandris, en 1905, l’hôpital a une capacité de 10 lits, je n’ai pas trouvé de texte qui indiquerait combien de lits ont finalement été réservés pour l’accueil des indigents.
A la fin du texte, une main a écrit des chiffres en colonne, est-ce une première estimation du nombre de vieillards, infirmes et incurables qui pourront être reçus à l’hôpital de Grandris ou l’estimation des dépenses que l’hôpital va devoir assumer ?
La loi date du 14 juillet 1905, la note de la Préfecture à tous les hôpitaux et hospices du Rhône date du 31 mars 1906 et la date d’application de la loi est le 1 janvier 1907. Il est marqué « très urgent » sur le document ! La notion du temps a bien évolué en 110 ans, et pourtant l’assistance aux plus pauvres est encore d’actualité.
En 1893, on parlait déjà des immigrés, la loi du 15 juillet dans son article premier mentionne : « Les étrangers malades, privés de ressources, seront assimilés aux Français toutes les fois que le gouvernement aura passé un traité d’assistance réciproque avec leur nation d’origine ». Encore un sujet d’actualité !
Mon exemplaire de Contexte n’est jamais bien loin quand j’écris un article, bravo pour son contenu, les lois de 1893 et 1905 appliquée en 1907 y sont mentionnées dans la rubrique Société et Hygiène, Santé, Médecine.