Les 27 et 28 août 1914, Dancourt voit passer les premiers convois de réfugiés, des Belges puis des Français. Au soir du 28 août l’armée française apparaît, battant en retraite. Les habitants de Dancourt eux-même désertent le village. Dans le désordre le plus complet, les réfugiés encombrent les routes et les cours des fermes abandonnées où ils cherchent un abri momentané.
Au matin du 30 août, rappelé en toute hâte de Lorraine, le 276e régiment d’infanterie avec dans ses rangs Charles Péguy, débarque en gare de Tricot et traverse Dancourt pour rejoindre Roye à six kilomètres avec pour mission de stopper l’avance allemande.
Au cours du mois de septembre, la course à la mer étire chaque jour un peu plus le front et le secteur de Dancourt ne connaît que de
- L’église de Dancourt
simples escarmouches. Cependant, la commune voisine de Beuvraignes, tombe le 3 octobre, les Allemands incendie le malheureux village qui, au soir du 5 octobre, n’est plus qu’un brasier. Les bombardements sur Dancourt et Tilloloy commencent.
Dancourt n’est pas occupée, mais de novembre 1914 jusqu’en mars 1917 la ligne du "front stabilisé" passe à quelques centaines de mètres du village, de part et d’autre les adversaires creusent tranchées et cagnas.
La grande offensive franco-britannique de juillet 1916 se déroule plus au nord et le secteur reste relativement calme. Le village se trouve dégagé à partir de mars 1917 par le repli allemand sur la " ligne Hindenburg ".
En revanche, au cours de l’offensive allemande de mars 1918, Dancourt est le théâtre de sanglants combats. Dans la nuit du 27 mars 1918 le 19e régiment d’infanterie de Brest, chassé de Roye par l’avance ennemie, s’installe dans les anciennes tranchées françaises de Dancourt-Popincourt-Tilloloy. A l’aube, une intense préparation d’artillerie annonce une attaque. Dans la brume épaisse du matin mêlée à la fumée des obus les Allemands s’avancent mais un réseau de barbelés caché par de hautes herbes les surprend et les bloque juste devant les lignes du 19e. Mitrailleuses et fusils-mitrailleurs français entrent alors en action et provoquent un carnage chez les assaillants. Un instant les Allemands reculent mais des renforts arrivent sans cesse et, en dépit de pertes très élevées, l’ennemi, poursuivant son attaque, franchit les barbelés. Dés lors, les défenseurs bretons de Dancourt se battent pour chaque mètre de tranchée, pour chaque boyau, à la grenade, au revolver et à la baïonnette. Submergés par le nombre et menacés d’un encerclement définitif nos soldats se replient sur ordre en direction de Grivillers où tente de s’établir une nouvelle ligne de défense. Dancourt est tombé ! Les braves du 19e doivent, pour assurer leur retraite, s’ouvrir une brèche à la grenade et à la baïonnette. La conduite héroïque du 19e lui vaut une citation à l’ordre de l’armée.
Au sud de la Somme, à partir du 8 août 1918, commence l’irrésistible contre-attaque de la 1re armée française du Général Debeney et de la 4e armée britannique du Général Rawlinson. En dépit de la résistance acharnée des Allemands, Dancourt est libéré le 11 août, après seulement quatre mois d’occupation, en même temps qu’Armancourt et Tilloloy. Les Français retrouvent, dans ce secteur, la ligne de front de 1917 puis la dépassent en libérant Laucourt le 16 août, et Beuvraignes le 20 Août. Le 26 août l’armée Debeney pénètre enfin dans la ville de Roye totalement détruite. La ligne de front s’éloigne définitivement de Dancourt.
Dans son livre " la main coupée ", Blaise Cendrars cite plusieurs fois les environs de Dancourt où plusieurs des légionnaires de son escouade trouvent la mort.
Par arrêté du 30 octobre 1920, le ministre de la guerre André Lefèvre confère à Dancourt, ainsi qu’à huit autres communes voisines la Croix de Guerre avec palme accompagnée de la citation suivante : " Situées pendant quatre années sur la ligne de bataille, ont fait l’objet de violents bombardements qui les ont complètement détruites. Envahies en 1918, ont supporté vaillamment les exigences de l’ennemi, attendant sans défaillance l’heure de la victoire. "
Au lendemain de l’Armistice la commune est dévastée, son territoire est parcouru de tranchées et parsemé de trous d’obus. La terre est encombrée de projectiles non éclatés, de kilomètres de fils de fer barbelés et autres ferrailles abandonnées par les combattants. Aucun bâtiment, excepté une petite écurie, n’a été épargné par les combats.
Les courageux habitants rejoignent le village dès qu’ils le peuvent et se logent tout d’abord dans les caves, sous des abris de fortune ou dans quelque demi-ruine rapidement retapée. Bientôt, les services de l’état montent des baraquements et distribuent toile goudronnée et papier huilé qui tiennent provisoirement lieu de toiture et de vitre. Les jardins sont nettoyés, les animaux sommairement installés. Avec l’aide de prisonniers allemands, commence la difficile et périlleuse remise en culture des champs, il faut combler les tranchées et les trous d’obus, arracher les réseaux de barbelés, enlever les projectiles et quelques fois...les morts. Ensuite seulement on se préoccupe de la reconstruction du village qui ne débutera réellement qu’à partir de 1920.
Plus de quatre vingt ans ont passé, les hommes ont peu à peu oublié, mais la modeste écurie, unique et muet témoin du Dancourt d’avant 1914 et du fracas de la bataille, est toujours debout.