Fils d’un "patron" ou d’un tonnelier très occupé ?
Depuis longtemps je cherche à mieux connaître la vie des familles de mariniers sur le Rhône et à savoir si ce métier se perpétue entre les pères et leurs garçons.
Nombre de mariniers et de "patrons" sur le Rhône à Condrieu s’appellent Chevalier (et diverses autres orthographes !) Je plonge donc dans les registres paroissiaux à la recherche de Jean Chevalier, identifié comme marinier dans les dernières années de la batellerie à chevaux (entre 1830 et 1850).
Jean naît, c’est sûr, en pleine Révolution. Mais j’ai le choix entre deux actes "homonymes" :
- Jean serait le fils de Fleury Chevailler, tonnelier absent à la déclaration en mairie tant il est "en ce moment à vaquer à ses affaires",et de Marie Paret (25 nivose an II - 14 janvier 1794).
- Jean serait le fils d’Etienne Chevalier "patron sur le Rhône" et de Jeanne Verrier (10 frimaire an II) Jeanne a accouché la veille "à onze heures du soir" Ce Jean est donc né le 29 novembre 1793. Je penche pour ce dernier acte car le père est déjà marinier...mais cela ne prouve rien, et ma recherche en reste là !
Quelques temps plus tard, au hasard d’une recherche sur Gallica, je déniche le livre de Louis Edouard Vialla de La Valfère, publié à Lyon en 1831 : "Manuel du poitrinaire"
Vialla est, entre autres, "Docteur-Médecin de la faculté de Montpellier" et "membre correspondant de l’Athénée de Médecine de Paris" et il est aussi "ex-médecin de l’hospice de Condrieu" Tiens, tiens !
Et si c’était lui ?
Chose incroyable, je viens (peut être) de retrouver la trace de Jean Chevalier dans ce livre... et même encore mieux, cette source inattendue me permet de découvrir un moment d’existence de ce personnage, de connaître son état de santé comme on peut le lire dans l’observation suivante qu’en donne le médecin [1] :
"Jean Chevalier, marinier à Condrieu, âgé de vingt-huit ans, d’une forte constitution, peau brune, cheveux châtains foncés, arriva de Provence, se disant malade depuis quinze jours.
Il avait contracté en route, le 17 février 1826, une toux qui bientôt s’était trouvée compliquée de lassitude, douleur de reins et des membres, d’anorexie et d’une petite fièvre accompagnée de frissons presque continuels.
Accablé de fatigue, il se reposa quelques heures sur la route près de Valence ; saisi par le froid, il ne put que difficilement et pédestrement continuer sa route. Ce ne fut qu’au mois de mars que je le vis pour la première fois.
L’immobilité où il était resté plusieurs heures sur la route avait considérablement augmenté son catarrhe, et avait allumé une forte fièvre, qui ne le quitta pas jusqu’à Condrieu, qu’il ne put atteindre qu’après une marche précipitée et au-dessus de ses forces.
Pendant huit jours Jean Chevalier fut dans un état presque désespéré, en proie à une fièvre vive, avec pouls fréquent, fort, développé ; chaleur, peau humide, toux continuelle, expectoration opaque, épaisse et très abondante.
La parole devint rauque et pénible, les joues s’excavèrent, la dyspnée [2] s’exaspéra les jours suivans au point que le malade était obligé, pour exécuter la respiration, de se tenir assis sur son lit, le cou tendu, et tout le tronc en contraction ; il s’exténuait rapidement, et quand le trentième jour la fièvre s’éteignit, je crus qu’il allait entrer en agonie.
Mais tout à coup la maladie prit l’aspect du catarrhe chronique, il se trouva d’une faiblesse extrême, décoloré, crachant beaucoup et ayant un léger râle ; sa face et ses extrémités s’infiltrèrent.
Les boissons émollientes furent continuées, deux vésicatoires qu’il avait aux cuisses furent entretenus, le repos et le silence furent observés, et une guérison assurée vint couronner mes efforts après deux mois de traitement.
Quel généalogiste n’aimerait pas trouver de telles infos sur un de ses ancêtres ?
Catarrhe Ce terme a disparu du vocabulaire médical,il signifiait écoulement, flux. Selon les tenants de la théorie des humeurs, le catarrhe nasal était un flux humoral qui s’écoulait par le nez et provenait du cerveau. Au XIXe siècle, cette curieuse étiologie étant abandonnée, « catarrhe » devint un terme général pour énoncer toute espèce d’inflammation muqueuse, précisée par une épithète. Ainsi la coqueluche, l’angine, l’entérite, la rhinite, la conjonctivite, l’otite, la bronchite, l’urétrite, la leucorrhée et la cystite étaient appelées (à condition qu’il y eût écoulement) catarrhes, qualifiés respectivement de convulsif, guttural, intestinal, nasal, oculaire, de l’oreille, pulmonaire, urétral, vaginal ou vésical. |