La petite commune de Void, aujourd’hui Void-Vacon, près de Bar-sur-Ornain, abrita au 19e siècle un individu pour le moins étonnant, en la personne du sieur Claude ROUGET.
Il était cul-de-jatte, un état déjà sans doute difficile à vivre mais, nous l’allons voir, pas un cul-de-jatte comme les autres.
L’existence de cet homme était un phénomène ! Né vers 1745, il éprouva dès le plus jeune âge "une compression graduée et longtemps continue, à partir du cartilage xiphoïde", ce qui aboutira à un état extraordinaire : l’abdomen collé à l’épine du dos, les extrémités inférieures atrophiées, et... l’anus oblitéré et clos.
Le pylore, les intestins, le foie, la rate, les reins, la vessie, le pancréas, les glandes du mésentène, et tous les organes qui servent aux secrétions "ont éprouvé un tel affaiblissement qu’ils semblent n’avoir jamais existé".
De plus "les glandes de l’estomac pompent une légère portion du chyle délayé par les sucs salivaires et gastriques ; mais une demi-heure après avoir mangé, il rejette les aliments par la bouche avec aisance."
Qu’on imagine la situation de ce pauvre homme !
Pourtant Claude Rouget, dans son malheur, avait provoqué de l’intérêt pour sa personne chez un important personnage.
En effet, le roi de Bavière qui passait paraît-il régulièrement par Void, s’informait de l’étonnant personnage. Un peu avant la Révolution, le monarque avait fait construire, à ses frais, le petit chariot en forme de couchette qui était le domicile permanent de Rouget, la nuit et le jour.
A chacun de ses passages, ce roi lui faisait remettre une petite somme d’argent. En décembre 1809, par exemple, "Sa Majesté se l’est fait amener et lui a donné 72 francs".
Claude Rouget avait alors 64 ans, et semblait être au mieux, si l’on peut dire, au vu de son état.
On disait de lui "qu’il mange fréquemment, jouit d’une bonne santé, a le son de voix agréable, une tête ordinaire, assez de barbe, et s’est habitué à rester dans son chariot exposé à l’air les trois quarts de l’année".
Comme quoi l’existence humaine a cette caractéristique formidable d’avoir la vie bien chevillée au corps, même comme celui d’un personnage comme Claude Rouget, quelque puissent être parfois les aléas physiques et les infirmités.
Nous devrions nous en souvenir pour relativiser quelque peu nos soucis quotidiens.
D’après : ANNALES PERIODIQUES DE LA VILLE D’ORLEANS
6e année - 2e semestre - numéro 625
Paru le mercredi 27 décembre 1809