Un mariage clandestin
Il me parait évident quand je trouve, en janvier 1720, le baptême d’un enfant ‘‘légitime’’ de rechercher le mariage de ses parents avant ce baptême. Eh bien, non ! Dans la vie de cet homme rien n’est simple. L’acte de mariage du 10 septembre 1721, est curieusement la réhabilitation d’un mariage contracté clandestinement auparavant…
Anno 1721 die 10 septembris rehabilitatum est matrimonium ante clandestine contractum…
L’an 1721, le 10 septembre est réhabilité le mariage contracté clandestinement auparavant…
Revenons un peu en arrière. Le curé de l’époque avait baptisé en janvier 1720 un enfant du couple CHOULLE-VARNAY, couple qu’il connaissait sans doute très peu, ils n’étaient pas du pays. Claude CHOULLE venait de Marsal en Lotharingie et Jeanne Françoise VARNAY de Moson(?) en Ardenne. Cet enfant avait été déclaré légitime sur la foi sans doute d’un document que le curé avait trouvé suspect. Au baptême du second enfant, en juillet 1721, le curé avait demandé des explications aux parents et dans le doute, après conseils de l’évêché, avait organisé la réhabilitation du mariage en septembre 1721.
L’acte est décevant car rien n’indique où et quand a eu lieu le mariage clandestin, qui était le prêtre ayant béni ce mariage, qui sont les parents des époux …
Pourquoi faire un mariage clandestin ? J’ai peut être un début d’explication. Le père était sans doute opposé à ce mariage. Dans un acte notarié de 1742 le père du marié, François Choulle, déclare au notaire avoir déshérité son fils en décembre 1728 à cause ‘‘… du mariage qu’il a contracté sans son consentement et le manque de respect qu’il a eu pour lui…’’. Cela semble aussi indiquer que les rapports entre le père et le fils n’étaient pas très fréquents
La vie continue et aux baptêmes des cinq autres enfants, on trouve rien de bien particulier, simplement des variations sur le nom CHOULE ou Choule dit de la Pelletière.
En 1748, Jean François, un des fils de Claude Choulle de la Pelletière épouse Jeanne Françoise Folley, sœur du curé. Les mauvaises langues du village auront vite colporté que la nouvelle épouse était venue accompagnée de son bébé de deux mois né et baptisé à 20 lieues de là…
Un baptême très tardif et absence des prénoms
On peut imaginer l’embarras de notre personnage devant dire à son curé, frère de sa belle fille, qu’il n’est pas en situation régulière depuis plus de 57 ans ayant - j’imagine - dû produire de faux certificats pour se marier à l’église ou pour être simplement officier dans l’armée…
Le curé Folley a lui aussi dû faire attention dans la rédaction d’un acte devant mentionner les prénoms d’un baptisé qui depuis 1747 n’avait pas le droit d’utiliser son prénom …
Le 4 octobre de l’an susdit Monsieur Choule de la Pelletière s’est présenté à l’église de Cresancey par devant moi curé soussigné pour suppléer aux cérémonies de son baptême omises l’ayant reçu à Marsal le 3 avril 1694. Il a pris les noms de Claude-Hugues et a eu pour son parrain noble Jean Hugues Brullon seigneur de Cresancey et pour sa marraine Madame Marie Thérèse Belin dame de Cresancey soussignés avec le dit sieur de la Pelletière.
Les prénoms Claude-Hugues sont ici précisement indiqués mais ne sont jamais employés avec le nom de famille pour désigner le baptisé qui signe d’ailleurs sans ses prénoms.
On pourrait penser à une erreur du curé, mais l’oubli du prénom est bien volontaire car on retrouve clairement cette volonté dans un acte notarié.
Cet acte passé en 1742, en présence de Claude-Hugues Choulle de la Pelletière, son épouse et ses enfants, le désigne « Sieur Anonyme Choulle de la Pelletière » ou plus vaguement « sieur Choulle de la Pelletière ».
Bien entendu, il ne s’agit pas d’une erreur, dans les actes concernant ses proches où il est mentionné, on prend bien soin de ne pas indiquer ses prénoms. Au décès de son épouse en 1758, il est mentionné ‘‘Monsieur Choule de la Pelletière’’. Ce n’est qu’à son décès qu’il retrouve enfin l’usage de ses prénoms…
On peut estimer que la perte de l’usage de son prénom a débuté en 1747. Cette perte de prénom est valable à Cresancey, à Sandaucourt (à 100Km) et même à Paris. A 25 ans, il est déjà ancien officier d’infanterie (parfois d’artillerie). A-t-il été blessé et devenu inapte ou a-t-il été licencié pour faute grave ?
Interrogé sur cette absence de prénom, un fin connaisseur en généalogie m’a indiqué penser à une forme de ‘‘mort civile’’ qui aurait frappé notre personnage, suite par exemple à un duel…