Les travaux et les jours
Pendant le Premier Empire et la Restauration, Salernes compte 2300 habitants (3200 en 2000) dans 595 maisons habitées par une population en majorité agricole. Il y a 5 fours à pain, 4 moulins à farine, 10 moulins à huile, 2 pressoirs, 2 filatures de laine et de soie, 2 fouloirs, 2 fabriques de briques et malons exploitées par des ménagers qui partageaient leur temps entre cette activité et l’exploitation de leurs biens agricoles. Dans le village, les artisans, barillards (fabricant de barils ?), bastiers (fabricant de bâts pour les chevaux), taillandiers (fabricant d’outils à la forge), parenduriers (ou paranduriers ?) et gipiers (fabricants et artisans du plâtre) fournissent les objets usuels nécessaires.
Les cultures sont principalement l’olivier et le figuier ainsi que la vigne, un peu de blé et 5 ou 6 bergers conduisent les troupeaux de moutons. On exporte l’huile et le vin, surtout par transport maritime, par Saint Raphaël vers Marseille, parce que cela coûte moins cher que par les routes laissées en très mauvais état par les transports militaires ( citation de Maurice Agulhon dans la vie sociale en Provence intérieure au 19° siècle).
Ce début de siècle met les habitants face aux réquisitions militaires et beaucoup de réfractaires sont poursuivis après des heurts avec les colonnes mobiles, pendant que la disette sévit en 1812 et 1817. Le Tribunal criminel spécial de 1811 doit juger quelques troubles causés par la présence de soldats hanovriens et russes.
Disettes, maladies et misère
Dès 1817, il sévit une forte sécheresse et en 1819 les oliviers sont malades. Selon le registre des Marchés et Subsistances, ils ont le pou noir et tombent la feuille c’est à dire la cochenille et la fumagine, il n’y a pas de récolte possible. En 1820 et 1821, il fait moins 10°C en Janvier, et donc des dégâts aux arbres fruitiers suivis d’une grande misère chez les agriculteurs. En 1829, il fait moins 12°C et en 1831, le choléra fait son apparition pendant un hiver extrêmement rigoureux. Il s’avère nécessaire de formuler une demande de secours auprès du Préfet pour que le Bureau de Bienfaisance puisse soulager les habitants.
En 1834 de nouveau une sécheresse. De 1835 à 1837, épidémie de choléra et de variole (91 décès enregistrés en 1 mois et 12 jours)... Ces même années, il fait si froid qu’une réduction du montant des contributions paysannes est accordée en 1837 et 1839 ( réduction de 1/10e). En 1852, après les troubles qui ont suivi le référendum ,les hommes étant partis ainsi que quelques femmes, les récoltes sont restées sur pied.
Même succession de fléaux dans la seconde partie du siècle : en 1855 retour du choléra, très meurtrier : 124 décès de salernois. En 1859 c’est l’oïdium qui anéantit la récolte dans les vignes. En 1860 retour d’un un grand froid. En 1864 à nouveau l’oïdium .
En 1865 et en 1867, la variole qui fait 350 malades et 45 morts. En 1868, 1871, 1872, toujours le choléra et, en plus, le phyloxera et de mauvaises conditions climatiques : moins 11° C en 1882 !
La révolte républicaine
La seconde moitié du siècle s’ouvre aussi sur des drames familiaux : arrestations et déportations qui ont lieu à la suite de la révolte de décembre 1851, conséquence du coup d’état du 2 décembre de Louis-Napoléon Bonaparte. Cette révolte " républicaine " à mobilisé les hommes en plusieurs points du département du Var, ces hommes, formés en colonnes marchent vers les Basses Alpes. A Salernes, les nuits des 11 et 12 décembre, ils sont 3500 dans le village et se dirigent sur Aups où les troupes gouvernementales les anéantissent.
Ceci a entraîné 110 arrestations de Salernois suivies d’emprisonnements et déportations après des jugements très sévères : par exemple André Vaillant dit " Eclair ", journalier agricole, 50 ans, marié, un enfant, il ne sait pas lire ni écrire, il a " une vie privée irréprochable, réservé, gros travailleur, estimé, est affilié à une Société Républicaine ", il aurait mis dans l’urne, lors du vote referendum ,un bulletin négatif : il est condamné à 5 ans en Algérie.
Le registre des tournées journalières du garde champêtre conservé dans les archives communales fait état des recherches d’insurgés dans les bois.
Naissance d’une industrie et mouvements de populations
Cependant se fait jour la vocation industrielle de Salernes avec l’accroissement notable du nombre de fabriques de céramique. Auparavant celles ci étaient réparties entre de nombreux propriétaires agriculteurs qui pratiquaient parallèlement le travail de fabrique et des champs. On trouve alors des dizaines de petits ateliers de tuiles, de briques, de céramiques, de poteries utilitaires et du fameux malon hexagonal rouge qui deviendra « la tomette de Salernes ». Dès 1835, des usines se développent et l’industrie progresse et atteint son apogée en 1880 avec 40 fabriques, ensuite elle décline à la fin du siècle.
L’industrialisation entraîne l’arrivée d’ouvriers italiens à la recherche de travail dans les usines de céramique : 8 sont recensés et domiciliés au village en 1850, 250 en 1881.
Parallèlement se produit une émigration de la population à partir de 1845, on en trouve la trace dans les souches de passeports. Emigration vers Marseille, Aix en provence et Paris mais aussi vers la Nouvelle Orléans et l’Amérique du sud.
- De 1845 à 1848 , 23 familles (50 personnes de tous âge vers Buenos Aires).
- De 1848 à 1869, 34 familles (38 personnes vers la Nouvelle Orléans.
- En 1882, 9 familles (13 personnes vers Buenos Aires et Montevideo).
Sans pouvoir vraiment établir si les départs se décident à l’appel des familles déjà exilées ou si la motivation est d’ordre familial, social ou politique. Mais en 35 ans, à partir du milieu du siècle 56 familles c’est à dire 102 personnes ont quitté Salernes.
Sources :
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