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Bastian Gerber, un pêcheur sur la rivière de l’Ill au 16e siècle

Les pêcheurs et les bateliers de Sélestat, en Alsace (chronique familiale)

Le vendredi 1er septembre 2006, par Jean-Pierre Bernard

La connaissance de notre passé, de nos ancêtres, l’étude de leurs moeurs, leur manière de vivre, leurs métiers, nous aide à appréhender le présent.

Notre famille possède des origines diverses, pour la moitié, disons, alsacienne, le reste se répartissant surtout entre la Normandie, le Loir-et-Cher, le Loiret et aussi la Sarthe.

Aujourd’hui nous étudierons, succinctement, une lignée alsacienne, à travers la descendance de Bastian GERBER, un pêcheur sur la rivière de l’Ill, à Sélestat (Bas-Rhin).

GERBER est un patronyme dérivant du métier de tanneur. Bastian, qui n’exerçait pas ce métier, avait probablement des ancêtres qui l’avaient pratiqué. On le trouve aussi orthographié : GERWER.

Bastian, né vers 1550 à Bühl, dans la région de Haguenau (Bas-Rhin), s’installe à Sélestat en 1582 et y exerce le métier de pêcheur, entrant ainsi dans une communauté nombreuse qui peuplait la région à cette époque, le long de l’Ill. Il porte le numéro 11.008 dans la numérotation dite Sosa-Stradonitz.

Aux Archives municipales de Sélestat (série CC.1550-1599), on trouve trace de lui dans un registre intitulé "Burger und Soldner" (bourgeois et manants). A l’époque, il fallait payer un "droit de ville" pour être accepté comme résident, et Bastian y est consigné, pour le second trimestre de 1582, pour une somme de 10 florins. C’est probablement vers cette date (peut-être un peu avant) qu’il arrive à Sélestat. On ne connaît pas encore le nom de son épouse ni la date exacte de son décès.

Il semble que deux autres membres de sa famille soient venus aussi s’installer à Sélestat un peu plus tard. En effet, on remarque dans le même registre :

  • Sambstag (ancienne forme de Samstag : samedi) den 14 december (1586) : GERBER Balthassar, von Bühel (de Bühl), pour 5 florins ;
  • 3 juin 1587 : GERBER Wendel, von Bühel, der Miller (meunier).

Plus tard, un autre GERBER est signalé dans un registre "Schutz und Schirm" (protection et résidence) - (séries BB.82 et BB.83).

Dans ces registres du magistrat du Conseil, il est question de :

  • Droit de protection et de résidence (Schutz und Schirm) ;
  • Promesses d’attribution du droit de bourgeoisie ou de manance (Verströstung Stattrechtens) ;
  • La réception comme membre de la Stubengesellschafft (sorte de conseil de ville) ;
  • L’autorisation de résidence simple (Hintersäss).

Y figure donc : "Lunae (lundi) 13 avril 1654 - Lorenz GERBER sonsten Burger zue Amerschweiler ist in Schuz undt Schirmb aufgenommen, und ihme monatlich von newen Jahr 1 R. (la somme) Schirmbgelt aufferlegt worden".

Ce Lorenz est donc accepté pour la nouvelle année, s’étant acquitté de la taxe. Mais est-il de cette famille ?

En effet, on précise qu’il venait d’Ammerschwihr, cité du Haut-Rhin.
On trouvera d’autres GERBER, au long des temps, à Sélestat. (voir documents 1 et 2).

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Document 1
Autres GERBER trouvés à Sélestat
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Document 2
Extraits des recensements de Sélestat - 1841 et 1856

Le fils de Bastian, Grégorius GERBER, le 5.504, naît à Sélestat vers 1585 et y décède après novembre 1649. Il épousera Margreth BEYCHTER(IN) (le 5.505), qui elle aussi décède après novembre 1649.
Grégorius sera pêcheur comme son père.

Un détail : le nom de son épouse est orthographié BEYCHTERIN. A cette époque, pour marquer le féminin, on ajoutait le suffixe "IN" : Beychter était "Beychterin", Rohmer : Rohmerin, Kayser : Kayserin...
Cet usage se perpétuera longtemps, et on le retrouve dans les actes d’état civil et autres.

Trois autres générations de pêcheurs de l’Ill vont suivre avec les couples :

  • GERBER Jacques (le 2.752), né vers 1640 et décédé avant 1705, avec son épouse N... (le 2.753) ;
  • GERBER Frédéric-Georges (le 1.376), né vers 1680, avec son épouse GUNTZ Catherine (le 1.377). Le mariage eut lieu à Sélestat le 25/5/1705 ;
  • GERBER Joseph (le 688), né vers 1720, avec son épouse HéMERLIN Madeleine (le 689). Mariage le 8/1/1748 à Sélestat.

La ville de Sélestat est située en plein coeur du Ried, en Centre-Alsace, entre Colmar et Strasbourg, et entre le Rhin et les premiers contreforts des Vosges.

Le nom de Ried dérive d’un ancien vocable alémanique, Rieth, qui signifie : roseau.

Entre Ill et Rhin, ce sont près de cinquante mille hectares qui s’étalent, milieu naturel exceptionnel, immense marécage plein de vie en grande partie préservé, avec des paysages de toute beauté. Vastes prairies humides, canaux naturels, haies, bosquets et grandes surfaces de forêts, malheureusement un peu malmenés par d’intensives pratiques agricoles, en particulier le maïs, excluant en grande partie la vie de certaines espèces animales.

L’Ill serpente au milieu, traversant l’Alsace du sud au nord sur 217 kilomètres, absorbant 908 filets d’eau différents, du tout petit ru à des rivières plus importantes. Les multiples canaux construits par les hommes, de nombreux petits cours d’eau issus de la nappe phréatique, irriguant les bois et les prés, favorisant l’épanouissement d’une faune et d’une flore encore exceptionnelles et générant des paysages extraordinaires.

Notes sur les inondations de l’Ill

1277 - On vint en bateau par les champs depuis Ostheim jusqu’à Colmar.

1289 - Vers l’Epiphanie, l’Ill inondait Herckheim et d’autres villages voisins. Annales et chronique des dominicains de Colmar.

« Les inondations fréquentes ne permettent même pas à la pratique d’avoir accès au moulin et au prêtre curé de la paroisse... d’administrer le viatique, ni d’enterrer les morts suivant l’usage de l’église ». Curé de Sermersheim 1781.

En 1750 les bans de Andolsheim, Fortschwihr, Bischwihr, Riedwihr, Wickerschwihr, Holtzwihr furent ravagés, l’Ill menaça même de changer de lit à Sundhoffen.

En 1752, il se produisit entre Andolsheim et Sundhoffen une brêche de 91 toises, dans la digue principale, par suite de la violence des eaux.

En 1760, l’Ill inonda Horbourg à plusieurs reprises ; quantité d’habitants durent se réfugier dans le haut de leur maison ; le 17 mars on ne communiquait avec Colmar qu’en bateaux.

En 1784, la digue qui défendait Horbourg fut détruite sur une longueur de 528 pieds, et le village (...) risqua d’être emporté.
Hoffmann. L’Alsace au XVIIIe siècle, p.177-178.

« Lundi dernier (le 12 décembre 1836) les habitants de la partie basse de notre ville ont craint un moment de voir se renouveler l’inondation de 1831. Le débordement de l’Ill ayant rempli tous nos canaux, nous avons vu en 2 ou 3 heures l’eau s’élever à une hauteur considérable et menacer d’envahir les maisons qui avoisinent ces canaux... Les campagnes avoisinantes sont submergées et les communications ont été pour un instant interrompues sur la route de Mulhouse à Colmar ». L’Industriel Alsacien - 17/12/1836

« Une pluie de 48 heures, jointe au radoucissement de la température, a provoqué, lundi 27 février 1860, une fonte subite des neiges amoncelées en quantités considérables, sur les hauteurs du Sundgau et la partie du Jura suisse qui nous avoisine.
L’Ill grossie outre mesure a bientôt débordé sur plusieurs points de son parcours. Aux environs d’Altkirch, entre autres, elle est devenue un torrent impétueux, enlevant digues et ponts, charriant des poutres et des débris de bâtisses, s’étendant dans la plaine entre Tagolsheim et Illfurth et roulant par flots jaunis jusqu’à Mulhouse qu’elle submergeait en partie (...).

A quatre heures avis était donné, aux établissements industriels et aux écoles, de la crue subite des eaux et en effet, nos ruisseaux et le canal de déversement, construit il y a quelques années pour préserver la ville des inondations, avaient atteint en quelques minutes la plus grande hauteur de leurs eaux.

A cinq heures les Stadtbaechlein débordaient et la ville basse (...) était littéralement envahie. L’inondation s’est étendue jusqu’à la rue du Sauvage, à la hauteur de la place des Victoires.
Le Nouveau Quartier a été préservé grâce aux mesures prises par l’administration des ponts et chaussées, qui avaient ordonné l’ouverture des écluses du canal du Rhône au Rhin. Un danger sérieux a existé durant quelque temps à la Porte Haute, au point de jonction des deux Cités, traversées par le canal de déversement. Le pont de bois qui relie les Cités a été en partie enlevé par la violence du courant (...). L’Industriel Alsacien - 1/3/1860.

« L’Ill, après son débordement, envahissait toute la plaine de Didenheim à Brunstatt et les abords de la ville. Le ban de l’Ill a été emporté en partie par le courant ; toutefois, la circulation sur la ligne de chemin de fer n’a pas été interrompue ».
L’Express - 24/10/1896

"La plus belle rivière est l’Ill qui coule en longueur à travers toute l’Alsace, et qui prend sa source dans le Sundgau, derrière Altkirch, et coule à côté de Mulhouse, Ensisheim, Colmar, Sélestat de Benfeld jusqu’à Strasbourg, alors seulement elle se jette dans le Rhin, mais auparavant elle draine toutes les eaux qui descendent des massifs".
(Sébastien Munster - Cosmographia - 807-BMM.800317)

Ne dit-on pas que la rivière aurait donné son nom au pays : Illsass, qui se transformera en Ellsass puis Alsace ! On retrouve l’Ill associé à de nombreux noms de lieux et lieux-dits anciens : Illfurth, Illzach, Illhaeusern, Illkirch, Illwickersheim (l’ancien Ostwald).

Et encore : Illacker (Werentzhouse), Illberg, Illbruck (Brunstatt), Illbrunnen (Winkel), Illgasse (Reguisheim), Illkapelle ou Illmühle (Sélestat), Illbrunz (Horbourg), Illwassen (Hirtzbach)...

Dans la réglementation et la navigation aussi : Illkorn (cens dû aux bordiers de l’Ill en dédommagement de l’entretien de la rivière), Illordnung (réglement de l’Ill), Illsasse (association des riverains de l’Ill navigable, entre Colmar et Strasbourg), ou encore Illnachen (sorte de bateau), Iller (pêcheur de l’Ill), et même les prises réputées comme les Illanke (saumons de l’Ill).

Beaucoup de pêcheurs vivaient alors et pratiquaient au long de l’Ill, et le poisson était largement consommé sur toutes les tables. Ne dit-on pas que les choucroutes originelles étaient faites... au poisson ! (certains restaurateurs Strabourgeois en fabriquent... goûtez-y si vous venez chez nous !).

Les pêcheurs portaient des surnoms ou sobriquets en rapport avec l’eau : Fröschevertränker (noyeurs de grenouilles !), Berschiklopfer (frappeurs de perches), à La Wantzenau, les Fischer (pêcheurs) d’Oberhergheim, les Nasswäddel (queues mouillées...!) d’Ebersmunster.

Sur leurs barques à fond plat (Weidling) construites en bois de pin, les pêcheurs exerçaient leur métier dans la rivière qui était très poissonneuse.

Que ramenaient-ils dans leurs filets et leurs Wartloff (nasses en osier) ? :

  • des perches, certaines de plus de 4 livres 1/2, appréciées des fins gourmets,
  • des brochets, qu’on appelait "brigand" ou Wolf (loup),
  • des barbeaux, dont on disait que ceux de l’Ill étaient meilleurs que ceux du Rhin,
  • des carpes, de toutes tailles,
  • des lottes, de différentes espèces, dont on consommait surtout le foie pour sa succulence,
  • des saumonneaux,
  • des rotengles (de l’allemand Rottel, venant de Rot : rouge, pour la couleur de leurs nageoires), qui étaient bons toute l’année sauf en avril, mois où il fraie et maigrit,
  • des lamproies (en mars),
  • des écrevisses, à pinces rouges (les meilleures !) ou à pinces blanches,
  • des anguilles, que certains ne mangeaient pas, car la légende voulait qu’elles s’accouplent avec des serpents !

L’Ill recélait bien d’autres choses : la grenouille verte (grien Fresch) et la grenouille rainette (Laubfrosch) verte comme le feuillage qui, mieux que les autres monte aux arbres, des coquillages : moules, buccins... les crapauds (Krott)... à ventre jaune (Moenel). Sans oublier le castor (Biber), la loutre (Otter), le rat d’eau (Wasser Ratt), la musaraigne (Wassermauss), le canard. Et aussi le grand courlis (rare de nos jours), la bécassine (appréciée pour sa chair), le martin-pêcheur, le plus beau de tous les oiseaux d’eau qui, lorsque les eaux sont gelées, vole vers les Brunnwasser (rivières phréatiques) qui ne gèlent jamais et qui, quand il est affamé, crie : "gibt’s nichts ? gibt’s nichts ? (n’y a-t-il rien ?). Et encore la cigogne, bien sûr, oiseau mythique de l’Alsace, dont les vols étaient fréquents et importants en nombre.

Tout cela sur l’Ill, constellé de ports, de moulins et de maisons.

Souvent, surtout dans les villes, les pêcheurs sont groupés en corporations, ou "tribus", et ont leurs coutumes et leurs costumes caractéristiques ; leurs attributs, épuisette, nasse, rappelle leur profession.

Extraits des statuts de la corporation des pêcheurs d’Illhaeusern en 1787

Nous Maximilien, par la grâce de Dieu prince palatin du Rhin, duc de Bavière, de Juliers, de Clèves et de Berg, prince de Mœurs, comte de Veldence, de Sponheim, de la Mark, de Ravensberg et de Ribeaupierre, seigneur de Ravenstein et de Hahenau, etc...

Savoir faisons que les maîtres-pêcheurs établis dans notre village d’Illhaeusern nous ont très humblement supplié de confirmer les statuts donnés à leur maîtrise par nos ancêtres et prédécesseurs dans le comte de Ribeaupierre, le 24 may 1564, et notemment par Eguenolf, comte de Ribeaupierre, pour les objets auxquels la révolution des tems et des circonstances n’ont pas apporté de changements de les rendre analogues au temps actuel et d’y ajouter ceux qui peuvent avoir été omis, nous avons en conséquence ordonné ce qui suit.

Article 1 - Le corps des pêcheurs d’Illhaeusern aura son assemblée principale tous les trois ans le lundi de Pentecôte. Cette assemblée sera présidée par un de nos officiers que nous nous réservons de nommer.

Article 2 - Dans cette assemblée principale on procèdera à l’élection d’un chef de tribu et de deux préposés qui seront reçus à serment...

Article 3 - Le chef de tribu sera tenu de faire les fonctions de receveur et de rendre annuellement son compte...

Article 4 - Outre l’assemblée triennale il y aura tous les ans une autre à la fête de Saint-Pierre et Saint-Paul à laquelle les membres du corps seront tenus de se trouver, pour payer leurs deniers de contribution appelés Aufflaggeld avec six sols, sous peine...

.....

Article 8 - Le dernier maître reçu au corps qui porte le nom de Fischerweibel sera tenu de faire les fonctions de sergent...

.....

Article 12 - Ceux qui seront reçus maîtres au corps des pêcheurs payeront : savoir un fils de maître 8 livres, celui qui aura épousé une veuve ou fille de maître 50 livres, et tout autre 120 livres pour droit de réception, puisque tel est l’usage immémorial.

Article 13 - Nul ne pourra être reçu maître bien moins pêcher dans aucune des eaux dépendantes du ressort de la tribu, à moins d’être propriétaire d’une longueur de 40 toises du roi en rivière ou en ruisseau.

.....

Article 17 - Défenses sont faites à tous les pêcheurs de poser ou se servir d’hameçons ou de grands paniers, bires ou nasses d’oziers depuis la Pentecôte jusqu’à la Nativité Notre-Dame pour y prendre du poisson, sous peine de 3 livres d’amende pour chaque hameçon ou grand panier qu’il aura posé. Les verges de ces paniers ne seront pas éloignées les unes des autres que de coutume, à peine de 10 livres d’amende ; l’on ne prendra aucun brochet à coups de lance puisque cette forme endommage beaucoup de poissons sans qu’ils fussent pris.

Les linteaux de leurs maisons s’ornent de poissons taillés dans la pierre, indiquant le métier de celui qui a construit la maison (on en trouve encore des exemples à Sélestat). A côté des pêcheurs des villes, organisés en corporations, de nombreux paysans de l’Ill vivent assez pauvrement. Ils sont paysans-pêcheurs, habitant dans des huttes qui sont à la fois étable et poulailler.

Petit à petit, la profession s’organise et se structure. Des réglements interviennent, encadrant les droits et les devoirs du métier. Ces textes, complets et très précis, tiennent même compte du temps de reproduction des poissons : chaque pêcheur disposait de "mesures-étalon" pour la taille des brochets, perches et écrevisses ; ces dernières ne devaient pas pouvoir passer au travers d’un trou, en forme de losange, pratiqué sur une pièce de métal. On tient compte aussi du respect et de l’entretien de la rivière, et de l’environnement.

Plus tard, on créa des contrats d’apprentissage et de fin d’apprentissage. La profession était bien encadrée et la nature sauvegardée au maximum.

Voilà l’environnement dans lequel ont vécu les ancêtres GERBER.

Le dernier ascendant à être pêcheur sera Joseph GERBER, cité plus haut.
Un peu avant la Révolution, son fils, GERBER Jean (vers 1757-1830), le 344, deviendra batelier, vivant toujours ainsi lui aussi sur l’Ill. Il l’était à son compte, ayant pu s’acheter un bateau.

Jean épousera en 1786, à Sélestat, Anne-Marie GANTER (décédée à Sélestat en 1814), le 345.

Deux autres générations vont suivre, exerçant sur l’Ill la profession de batelier :

  • GERBER Georges, né le 7/3/1808 à Sélestat, le 172, décédé après 1856, et son épouse BODEMER Elisabeth (1810-1878), le 173. Mariage le 29/7/1829 à Sélestat
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Mariage Georges GERBER/Elisabeth BODEMER
Copie de l’acte de mariage du 29 juillet 1829, à Sélestat
  • GERBER Ignace, né le 14/7/1844 à Sélestat, le 86, et son épouse SCHULTZ Madeleine (1843-1903), le 87. Mariage le 26/11/1866 à Sélestat.
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Mariage Ignace GERBER/Madeleine SCHULTZ
Mariage le 26 novembre 1866, à Sélestat

Ignace sera le dernier batelier dans cette famille. Sa fille, Marie GERBER (1875-1939), le 43, se souvenait encore, paraît-il, de son père et de son bateau, se laissant porter par le courant.

Détail curieux : aucun de ces ascendants ne fut tanneur, métier dont ils portaient le nom, et Marie GERBER (dernière à porter ce patronyme dans cette lignée) épousera un tanneur de métier, nommé Georges KOHLER (1876-1942), le 42, dont le nom signifie charbonnier !

Les bateliers utilisaient des bateaux à fond plat, relevés sur l’avant, avec une plate-forme à l’arrière, d’où l’on maneuvrait le gouvernail.

Il en existait de plusieurs tailles et longueurs, de tonnages différents. Le bateau typique de l’Ill est le Illnachen, bateau allongé et pointu, en bois de chêne, d’environ 12,5 mètres sur 3 mètres, qui peut porter jusqu’à 12 tonnes et qui avance poussé grâce à de longues perches.

Sur le Rhin, évoluaient de plus gros bateaux, les Schnieke, qui mesuraient 20 mètres de long et portaient jusqu’à 20 tonnes.

Les bateaux de l’Ill transportaient toutes sortes de marchandises, des produits divers, des animaux, des légumes, des fruits, du fromage, des étoffes, des tonneaux de vin... voire même des personnes. Plus en aval, les bateliers emmenaient du gravier.

On allait jusqu’à Strasbourg, en acquittant les péages, où les marchandises étaient déchargées et stockées au Kaufhaus (Ancienne Douane) dont les grosses grues, capables de porter une tonne, étaient installées depuis le 14e siècle.

Pour les personnes, là où les ponts étaient peu nombreux, il y avait tout un trafic de proximité. En 1548, un voyageur de Masevaux paya 2 livres 6 sous et 8 deniers à un batelier de Sélestat pour le trajet de Strasbourg à Illhaeusern.

En 1746, on accorda un laissez-passer à un bourgeois de Guémar, qui se rendait à Strasbourg avec deux bateaux chargés de céréales, et qui ramènera... le nouvel orgue Silbermann pour l’église de Guémar.

Laissez-passer accordé à un bourgeois de Guémar qui se rend à Strasbourg, avec ses deux bateaux chargés de céréales, et va y chercher le nouvel orgue Silbermann pour l’église de Guémar

Vorweisser dises Theobalt Georgenthumb burger zü Gömar, welcher mit früchten auf der Ill nacher Strasburg mit zweyen schiffen abgefahren, hat commission bey Her Silbermann allda eine nuöe orgel für die pfarrkirch zu gemeltem Gömar abzuhohlen und bey seiner zuruckhleufft durch seine schiffleuthe bis nacher Illhaüsseren führen zu lassen so er und die schiffleuthe auch gratis zuthun versprochen da hero die hoch Edtle undt gestrenge herren löhlicher Statt Strassburg, sonderlich aber die herren zolls vorsteheer und beambte dienst freundlich ersucht worden furweissern dises mit solichen kirchen sachen passieren zulassen und des zolls halben männierlich zu tractieren welches die Statt Gömar hinwiderumb zu reciprocieren so willig als geneigt.
Zu Gömar den 22 ten 7bris 1746.

Signé : Fels stattfgreffier.

Laisser passer sans faire payer les droits du domaine un orgue pour la Ville de Guémar à la charge de viser le présent.
A Strasbourg le 24 7bre 1746.

Signé : Fleureau.

Veu sortir au pont couvert le 24 7bre 1746
Signé Bernardt.

ADHR dépôt 30 DD 16/20

Les bateliers transportaient également les troupes, en particulier celles qui étaient en garnison dans la ville fortifiée de Neuf-Brisach.

Le transport des troupes

Description de la rivière d’Ille : La rivière de l’Ille n’estant navigable qu’a une heure au desous de Colmar est bordée jusqu’à Strasbourg des villes de Sélestatt, Benfeld et plusieurs autres bourgs et villages ou il se trouve des bastelliers en abondance qui se nourrissent des voitures des marchandises et effets qu’on fait descendre et remonter sur ladite rivière en sorte qu’il n’y a jamais de manque n’y de bastelliers n’y de basteaux tant grans que petits.

Que s’il plaisoit au Roy d’accorder quelque privilege pour les dittes voittures a un particulier les bastelliers susdits ressentiront un prejudice notable dans l’exercice de leur mestier et seront reduits a la neccessité de labandonner estant d’ailleurs a craindre que le manque de bastelliers aussi bien que des basteaux n’apportat prejudice au service de Sa Majesté attendu que dans les guerres precedentes ils ont rendu de bons services sur le Rhin ou ils ont estez employer utilement pour la construction des ponts de batteaux.

Il est a remarquer qu’attendu qu’il y a abondance des bastelliers et basteaux le long de la ditte rivière entre Colmar et Strasbourg que la voitture des marchandises est a un prix raisonnable et qu’on n’en paye actuellement par quintal de celle qu’on fait descendre de Colmar à Strasbourg que cinq sols, et de celles qu’on fait remonter de dix sols.
Pour ce qui regarde le transport des esquipages et troupes du Roy qui passent et repassent, ledit privilege ne peut etre de grande utilité pour le service de Sa Majesté puisqu’il faudra les transporter par terre de la ditte ville de Colmar un heure jusques au bord de la rivièrre et en esté quand elle est basse a cause de la secheresse jusque à Illheüsern trois heures de la ditte ville lesdits esquipages des troupes payent moins pour la voitture de maniere qu’un bateau de cent cinquante jusques à deux cents quintaux chargés des esquippages ne payent a l’ordinaire que vingt quatre livres et qu’en hyver les glaces ainsy qu’en esté la secheresse empeschent biens souvent la navigation.

Les trouppes de Sa Majesté qui descendent de Beffort a Neuf Brisack passant à Ensisheim qui est le chemin le plus court peuvent se servir du canal qui commence audit lieu et sestent jusqu’a Neuf Brisack.

Les trouppes qui vent de Sélestat à Neuf Brisack passant par Colmar font de detour de plus de quatre heures au lieu qu’allant tout droit audit Neuf Brisack elles gagneront autant de chemin et l’estape d’un jour attendu que la distance de la ville de Sélestat à Colmar et à Neuf Brisack ne differe point.

AMC DD 130/

Dès 1685, il y eut même un projet pour la création d’un coche d’eau entre Colmar et Strasbourg.

Lettre envoyée au magistrat de Colmar :

A Strasbourg le 2 février 1685

L’on propose d’establir un coche par eau de Strasbourg à Colmar et de Colmar à Strasbourg qui partira une fois la semaine de chaque ville a jour et heure normée soit qu’il y ayt voiture ou non, pour le transport des marchandises qui descendront à Strasbourg et qui remonteront par la Haute Alsace a raison de 12 s. de quintal de celles qui iront jusques à Colmar et 8 s. des autres qui descendront et de celles qui ne passeront pas Schelstat a proportion comme cet proposition m’a parue juste pour le bien du public, je prendray des mesures pour le faire executer, cependant je vous prie de me mander auparavant s’il n’y a point d’inconvenient et si vous trouverez quelques choses à redire à leurs propositions qui fasse tort au commerce.

Je suis, Messieurs, vostre très humble et très obéissant.

(signé illisible)

(AMC. AA 170 149)

Les Feirge (bateliers) s’étaient également groupés en corporation, et des réglements se faisaient respecter. Ils avaient eux aussi leurs costumes et leurs coutumes bien particuliers. L’Ill était réglementé, et la navigation devait respecter les édits et les lois, et cela depuis longtemps. Il existe un "réglement de la rivière de l’Ill" qui remonte à l’année 1530.

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Il y avait parfois des problèmes entre pêcheurs et bateliers. En 1735, les bateliers firent une requête contre les pêcheurs, qui coupaient les herbes et les plantes dans la rivière, abaissant ainsi le niveau de l’eau et leur procurant des difficultés pour la navigation et pour les chargements dans les bateaux.

Requête des bateliers pour que le niveau de l’Ill ne soit pas abaissé par la coupe des herbes

A Monseigneur de Brou, chevalier, seigneur, conseiller d’Etat, Intendant de justice, police et finances en Alsace et en l’armée en Allemagne.

Les soussignés batteliers le long de la rivière d’Ill, ont l’honneur d’exposer très respectueusement Monseigneur à Votre Grandeur, comme quoy que les habitants et notament les pêcheurs le long de la dite rivière savisent de couper et enlever les herbes qui croissent dans la dite rivière, et ce au préjudice de la navigation des batteaux.
Considérant qu’en ottant et enlevant lesdites herbes les eaux se diminueroient de plus de deux pieds, en sorte que lesdits batteliers ne pourroient presque rien charger dans les batteaux, ce qui empêcheroit entièrement la navigation pour le service de Sa Majesté. A cet effet lesdits Suppliants prennent la liberté de recourir Monseigneur à la justice ordinaire de Votre Grandeur et de présenter cette bien humble requête tendante à ce que ce considéré Monseigneur eû égard à l’exposé cy-dessus, il plaise à Votre Grandeur ordonner par grâce à ce que inhibition soit faite à tous les habitans et pêcheurs le long de la rivière d’Ill, de ne point toucher encore moin enlever lesdites herbes croisans dans ladite rivière : grâce que lesdits batteliers suppliants attendent Monseigneur de Vôtre Equité ordinaire et ferer Grâce.

Daniel VOLTZ, Jean George Schäffer, Joseph Schäffer, marque de Antoni A.D. Dietrich, marque de Ignace J.J.N. JOHNER.

Veu la présente requête.

Nous conseiller d’Etat et Intendant susdit avons fait très-expresses inhibitions et deffenses aux habitans et pêcheurs le long de la rivière d’Ill et à tous autres de couper, arracher ou enlever les herbes qui croissent dans la dite rivière et ce à peine de trois cens livres d’amende et de plus grande peine q’il y echet ; enjoignons à nos Subdeleguez et aux baillis, prévôts et Magistrats des villes, Bailliages et communautés de cette province de tenir chacun en droit soy la main à ce qu’il ne soit point contrevenu à nôtre présente Ordonnance, qui sera leue, publiée et affichée par tout où besoin sera à ce qu’aucun n’en puisse prétendre cause d’ignorance.
Fait au camp de Weinolsheim, le 27 juin 1735.

Signé Feydeau, et plus bas par Monseigneur Perault ».

AMC DD.130/12

Ignace GERBER fut donc le dernier batelier de cette lignée.
Son gendre, Georges KOHLER, époux de Marie, ne quittera pas toutefois la rivière de l’Ill, exerçant la profession de tanneur, à Sélestat, métier qui se pratiquait aussi sur les bords de la rivière.

Nous n’avons pas non plus quitté l’Ill !

Nous habiterons à Benfeld, au nord de Sélestat, une maison située à moins de cent mètres de la rivière, puis Strasbourg, près de la "Petite-France" et des Ponts-Couverts sous lesquels serpente également l’Ill.

C’est donc une voie fluviale qui a pour nous une grande signification !

Quatorze générations, dont 9 de GERBER, séparent Bastian GERBER, pêcheur de l’Ill à Sélestat, du dernier (en date !) de mes petits-enfants né en 2005 à Strasbourg.


Sources :

  • ADBR 9626 (à voir sous Sélestat sous 239/1).
  • Archives municipales de Sélestat - Corporations - Série HH
  • Corporation des marchands (Wothlenthzunfft).
  • Livre de la corporation 1671-1790.
  • Registres d’état civil de Sélestat.
  • Extraits des recensements de 1841 et 1856 de Sélestat.
  • "L’Ill, rivière oubliée" - A. et JL. Eichenlaub - Ed. du Rhin - Mulhouse - 1990.
  • Inventaire de Léonard Baldner (1666), naturaliste Strabourgeois.
  • Sources et documents familiaux.

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