Dans cet article, nous en présentons deux, avec quelques commentaires. Les autres suivront dans nos prochains épisodes.
- Situation de Fromeréville
- Carte extraite du JMO du Service de Santé divisionnaire de la 42e division d’infanterie
Pour bien comprendre la situation au nord-ouest de Verdun, de fin avril à fin mai 1916, nous renvoyons le lecteur à l’incontournable site Le Chtmiste et à l’article fort documenté du Capitaine Laxagne "Les combats de la cote 304 en mai 1916" paru dans le N° 103 de la Revue militaire française de janvier 1930 [1]. |
- Emplacement des éléments du 32e Corps d’Armée au 6 avril 1916
Sur cet état au 6 avril, c’est à dire avant l’arrivée à Fromeréville de "notre" Section Automobile de Projecteurs, on constate que sur place stationne déjà une "1/2 section de projecteurs". C’est celle de la 42e division.
À partir du 4 avril 1916, la 40e Division d’Infanterie est relevée dans le secteur du Mort Homme par la 42e DI.
Le 5 avril, dans le J.M.O du 32e Corps d’Armée [2] est indiquée que la ½ Section de Projecteurs de la 42e DI, venant de Beauzée sur Aire, arrive à Julvécourt.
Le 6 avril est précisé ceci : « Pendant la journée, la ½ Section de Projecteurs précédemment rattachée à la 42e Division se porte de Julvécourt à Froméréville où toute la Section de Projecteurs est réunie »
Pourquoi cette précision ? Le tableau de la « Relève de la 42e Division » dans le JMO du 32e C.A. nous livre l’explication :
La note insérée à la suite de l’indication du mouvement de la « ½ section de projecteurs » à la date du 8 avril, précise : « Cesse d’être mise à la disposition d’une Division particulière. Tous les projecteurs sont en service au profit de la Division de 1re ligne »
Ainsi, toutes les Sections de Projecteurs présentes sur ce front sont chargées d’épauler les troupes et l’artillerie, sans distinction de division d’origine…
« Notre » Section de Projecteurs, qui n’est alors qu’à Rampont, rejoindra donc celle de la 42e DI... et certains membres de son équipe, nous le verrons, seront occupés à bien d’autres tâches.
Nous savons par les carnets de guerre de Victor Christophe [3] que la météo n’est pas clémente pour les premiers jours d’installation à Fromeréville de Charles Bourcet, du "camarade Bonnon" et de leurs compagnons de la S.A.P :
« 17 avril : mauvaise journée pluvieuse… 18 avril : toujours le mauvais temps… 19 avril : quelle semaine de temps horrible, pluie, grésil, neige… 22 avril : toujours mauvais temps… 23 avril : Pâques, jour de fête. Le soleil à l’air de revivre aujourd’hui.. »
Notre cantonnement
- 6 mai 1916 Notre cantonnement à Froméréville
On reconnait bien les voitures Berliet transportant ou tractant les projecteurs de campagne, soigneusement protégés sous des housses de tissu.
- Des véhicules de toutes sortes
Un passage du JMO du G.B.D 40 (Groupe de Brancardiers Divisionnaires de la 40e DI) nous aide à comprendre cet alignement de véhicules :
"17 avril – 4 mai : le service des évacuations continue comme au 1er séjour (de la 40e DI sur ce secteur) à se faire uniquement de nuit. Il est impossible, avant 19 h et après 2 h 30, de déplacer du personnel et des voitures pour l’évacuation des postes régimentaires, du poste de Marre et de 272.
De Fromeréville partent chaque soir :
- Des voitures autos en nombre variable qui amènent au P.S central de Fromeréville les blessés de Marre et 272 et repartent ensuite à ces postes (en général 7 autos sur Marre, 3 sur 272).
- 4 grandes voitures pour blessés sur Marre (transport de blessés assis) – un seul voyage par nuit.
- 2 ou 3 chariots de parc et voitures de régiments ? (transport de cadavres sur Marre).
- 2 à 4 petites voitures pour blessés sur 272.
- Éventuellement, 1 voiture de régiment ? pour cadavres sur 272".
La relève
Fromeréville est l’un de ces villages où vont, à tour de rôle, "au 1/2 repos" les combattants de la 40e DI et de la 69e DI relevés des tranchées des Bois Bourrus. S’y abritent les États-Major avec, entre autres, des unités du Génie.
« L’allongement de la durée de la guerre impose une rotation des effectifs aux tranchées. Le système implique une alternance entre première ligne, tranchée de réserve, et cantonnement de repos. Mais le temps que l’on passe dans les trois positions est sujet à de nombreuses fluctuations… La relève, moment souvent très pénible, se fait de nuit… Mais l’obscurité rend la circulation particulièrement difficile. Il faut des heures pour avancer de quelques centaines de mètres… C’est évidemment la station en première ligne qui est la plus pénible… Les périodes de repos dans un village même proche du front permettent de respirer… » [4]. |
En parcourant les JMO des 40e et 69e Divisions d’Infanterie
« Le 22 (avril 1916) matin, le Général Leconte et l’État-Major de la 40e DI montent de Fromeréville au Fort de Bois Bourrus où ils viennent relever le Général Tauflieb et l’État-Major de la 69e DI… Le Général Leconte prend à 15 heures le commandement du secteur ».
« 22 avril : l’État-major de la (69e) DI quitte le PC de Bois Bourrus par échelon pour venir au ½ repos à Fromeréville. Le Général passe à 13 heures le commandement au Général Leconte commandant la 40e DI… »
« 25 avril : continuation du ½ repos de l’EM (État-Major) et d’une partie des troupes de la (69e) DI. Fromeréville et Sivry la Perche sont bombardées par des pièces à longue portée ; deux hommes sont tués par ce bombardement au 306e ».
« 1er mai : départ de Fromeréville à 7 h 30… Arrivée au Fort de Bois-Bourrus à 9 h… »
« 1er mai : en exécution de l’ordre N° 795 du 30 avril du 32e CA, le Général Leconte, commandant la 40e DI, passe le commandement du secteur, le 1er mai à 10 heures, au Général Taufflieb commandant la 69e DI au PC du Fort des Bois Bourrus et vient à Fromeréville ».
« 11 mai : le Général Taufflieb remet le commandement au Général Deville à quatorze heures et vient avec son état-major au ½ repos à Fromeréville ».
- Emplacement des éléments du 32e Corps d’Armée au 23 mai 1916
Au 23 mai, telle est la situation des éléments du 32e Corps d’Armée.
Si l’on la compare à celle du 6 avril ci-dessus, les changements sont légion.
Église ambulance et cimetière
"Enfin, nous étions à Fromeréville. Il était 3 h. 30 ou 4 heures du matin.
L’ambulance était dans l’église. Quel capharnaüm, bon Dieu !
Plusieurs détails de ce tableau bougent dans ma mémoire, mais quoi qu’il puisse m’arriver en cette guerre, je ne crois pas que rien me fasse oublier l’église de Fromeréville.
En entrant, à gauche, près du porche, un poêle. Des blessés étaient assis : là, on distribuait du thé et du pain... Boire du thé chaud, je n’ai connu que dans cette nuit-là quel suprême délice cela peut être.
À droite, on soulageait les blessés de leur harnachement, de leur fusil. Seul, j’avais un fusil à remettre : de mes camarades, les uns avaient laissé le leur à Marre et les autres, comme je viens de le dire, en chemin.
L’église était remplie de blessés sur leurs cadres, tels que les brancardiers les avaient transportés. Les cadres se touchaient et à peine pouvait-on passer, pour gagner le chœur, où opéraient les chirurgiens.
Nous avions à subir la vaccination antitétanique et à recevoir notre fiche définitive d’évacuation.
Y avait-il, dans le chœur, deux ou trois tables d’opérations ? Celle que j’aperçois le plus distinctement était dressée tout contre le maître-autel, sinon au haut des degrés de l’autel. J’en vois une autre à main droite.
Les deux ou les trois chirurgiens besognaient sans une seconde de répit, sans un à coup, sans bruit. Sur la table du maître-autel était étendu un blessé dont on déboîtait le genou. Le patient n’était pas endormi.
Deux ou trois aides assistaient l’opérateur, maintenaient l’opéré.
Pas un cri... Au reste, dans cette église remplie de blessés qu’on amenait sous le couteau, qui étaient sous le couteau, ou qu’on remportait, on ne percevait que de sourds et profonds « hhan !... hhan !... » de pauvres diables qui se renfonçaient dans la gorge leur besoin de crier.
On louait la merveilleuse maîtrise des chirurgiens et l’ardeur muette et méthodique dont on les sentait animés. Cela, c’était bien de l’atmosphère d’héroïsme... ou je me suis bien trompé.
J’eus affaire au major du maître-autel... Lecture de la fiche dont j’étais porteur. Bref interrogatoire... Invitation à me dévêtir pour présenter à nu mon bas-ventre... Le laconisme de ce diable d’homme serait admiré même à Sparte.
Aussitôt qu’il eut, suis-je tenté de dire, prise sur mon individu, sans prononcer une parole, il me saisit à pleins doigts un ample pli de peau, et d’un geste sans réticence, son autre main m’enfonça le trocart dans cette membrane distendue : je pensais que j’allais être crevé de part en part. Je ne sentis même pas la piqûre !... Je me rhabillai, et un carton portant la mention « blessé évacuable » fut accroché à ma capote.
Cette fois, j’avais reçu tous les sacrements... médicaux" [5].
- 26 /5/ 1916 cimetière de Fromeréville
- Il n’y avait que 8 tombes de soldats au 20/4/1916
Inhumations à Fromeréville
« La zone de l’avant étant constamment battue par le bombardement, les inhumations sont rendues pratiquement impossibles près des lignes et l’on a du renoncer à les faire aux cimetières de Cumières, de la côte 224, de la station de Chattancourt et de Marre où l’on enterrait auparavant.
Tous les cadavres sont transportés de nuit par les chariots de parc des G.B.D et des voitures de réquisition prêtées par le C.V.A.X à Fromeréville où ils sont inhumés par les soins de la G.B.D de la division en ligne.
Des corvées de brancardiers aidées par des territoriaux ou des hommes du bataillon au repos à Fromeréville travaillent au creusement des fosses.
Mr l’Officier d’Ad(ministration) Coyon, de l’Ambulance 7/6, au repos à Fains, a été détaché à Fromeréville pour le travail des identifications et des successions.
Un autre petit cimetière est organisé à Germonville où sont enterrés les morts de la zone du bois Bourrus.
Il a été transporté ainsi et inhumé à Fromeréville du 13 au 20 avril 401 cadavres. » [6].
« Ainsi qu’il l’avait fait pour le secteur de Douaumont, le médecin divisionnaire organise le service des inhumations pour la région du Mort-Homme à Cumières. 1e Transports cadavres : il obtient de l’intendant du Corps d’Armée 5 voitures du C.V.A.X destinées au transport des cadavres. Autant que possible, les cadavres ne sont pas enterrés, soit sur le terrain, soit dans de petits cimetières organisés à proximité des P.S (Postes de Secours) des régiments, mais ramenés à Froméreville, au cimetière militaire. Chaque soir, ces voitures vont à la cote 272 et à Marre et rentrent le matin. 2e Inhumations : des équipes de fossoyeurs sont demandées aux Territoriaux (145e Territorial) pour creuser des tranchées pour les soldats et des fosses individuelles pour les officiers. Deux brancardiers, menuisiers, fabriquent des cercueils pour les officiers, et des croix pour marquer l’emplacement précis où repose chaque soldat. 3e Successions-inventaires : le travail d’inventaire des objets possédés par les soldats décédés et de rédaction des actes d’état civil est confié par le médecin divisionnaire à l’officier d’administration de Bal ? Coyon de l’ambulance 7/6, nommé à cet effet officier de l’état-civil. Il est détaché le 13 avril avec une infirmière secrétaire, au G.B.D 42 (Groupe de Brancardiers Divisionnaires de la 42e DI) où il prend la direction du service des successions et des inhumations. Au moment de la relève de la 42e Division, il continue avec le G.B.D de la 40e son double service pour les troupes de la 40e Division » Extrait du JMO du Service de Santé divisionnaire de la 42e DI [7] |
- L’église de Fromeréville-les-Vallons aujourd’hui
- Le cimetière entoure toujours l’église ; d’autres croix ont remplacé les croix de bois des tombes des soldats.
Pour lire la suite : "Tiens, voilà du boudin !"