- 4 de la classe 1915
- La carte d’Henri Debacq
« Jeudi 22 avril 1915 Cher copin,
Il me semble que tu deviens paresseux pour écrire car il y a longtemps que je n’ai reçu de tes nouvelles. Je t’envoie la photo que j’ai fait faire avant que de quitter les copins, car je suis seul maintenant. Je suis quitté Guingamp le 8 mars pour faire un stage aux Sables d’Olonne comme mitrailleur, j’en suis parti le 9 avril pour le camp de Mailly dans l’Aube, et depuis trois jours je suis dans les tranchées dans la Somme, à 50 mètres des boches. Voici ma nouvelle adresse : Debacq Henri 410e rég(iment) d’inf(anterie), compagnie de mitrailleuses 1re section, Secteur Postal 163. Ton copin Henri Debacq »
Henri Debacq, l’un des « 4 mousquetaires », écrit, probablement, au « seul rescapé » Florimond Covet. Ce doit être ce dernier qui a porté, plus tard, les annotations en rouge.
Les quatre soldats sont encore ensemble au 161e RI ; entre le 18 décembre 1914, date de leur incorporation, et début mars 1915. La photo, à voir leurs uniformes, peut être datée du tout début de 1915.
Henri est parti le 8 mars de Guingamp (Côtes-du-Nord). C’est là que le dépôt du 161e régiment s’est replié dès le début des hostilités. En garnison à Saint-Mihiel, il était trop exposé au feu de l’ennemi !
Henri est allé aux Sables d’Olonne se former au maniement des nouvelles mitrailleuses Colt. Le 9 avril, il est parti rejoindre le Camp de Mailly, aux portes de la Champagne, où se constitue le 410e d’infanterie, son nouveau régiment crée le 21 mars.
Il supporte mal cette séparation : « je suis seul maintenant » Surtout parce qu’il n’a pas de nouvelles de son copain Florimond. Henri lui envoie cette photo « qu’il a fait faire » avant son départ. Nous sommes le 22 avril 1915 : plus d’un mois qu’il « a quitté les copains » !
Pendant ce temps, dès le 18 mars, ses trois copains sont affectés au 71e RI. Ils y resteront jusqu’au 2 mai 1915. A cette date, Robert Cabaret et Florimond Covet passeront au 106e RI. André Cabois, lui, reviendra au 161e le 24 juin.
Depuis le 19 avril 1915, Henri Debacq est « dans les tranchées… à 50 mètres des boches ». Avec sa compagnie de mitrailleuses, il tient le secteur 71-110 vers le passage à niveau de la route entre Bray et Fricourt, dans la Somme.
- Carte tirée du JMO du 410e RI (26 N 768/17)
où sont signalées les deux lignes de tranchées ennemies.
Henri Debacq passe le 3 juillet 1915 du 410e RI au 403e RI, le régiment voisin. Il est nommé Caporal le 7 octobre 1915.
Les « trois mousquetaires »
Comme dans le roman d’Alexandre Dumas, ils sont quatre, tous de la classe 1915, recensés au bureau de recrutement de Compiègne dans l’Oise.
Trois sont nés à Estrées-Saint-Denis et un à Rémy (tout à côté) et ont probablement été des copains d’école avant d’être des copains de régiment.
Trois sont morts pour la France :
- A : André Louis CABOIS, 2e classe, 161e régiment d’infanterie, matricule 849, né le 19 décembre 1895 à Estrées-Saint-Denis, maçon en 1914, « Disparu le 16 avril 1917 au secteur de Sapigneul (Marne) »
« Cité à l’ordre du régiment. 23 octobre 1916 : agent de liaison du Commandant de Compagnie, s’est fait remarquer dans la période du 7 au 12 octobre en portant des ordres en terrain découvert sous une pluie de balles, agissant avec le mépris de la mort le plus absolu, donnant ainsi à ses camarades l’exemple du courage et du sacrifice. Croix de Guerre étoile de bronze » - B : Albert Robert CABARET, 2e classe, 106e régiment d’infanterie, matricule 848, né le 31 mars 1895 à Rémy, tuilier à Estrées-Saint-Denis en 1914, Mort pour la France le 25 septembre 1916 « au sud de Bouchavesnes (Somme) »
- D : Henri Camille DEBACQ, Caporal, 403e régiment d’infanterie « venu du 161e », matricule 858, né le 12 novembre 1895 à Estrées-Saint-Denis, chaudronnier en 1914, Mort pour la France le 16 novembre 1915 « à Mesnil-les -Hurlus (Marne) »
Le « 4e mousquetaire » et seul rescapé :
- C : Florimond COVET, 2e classe, 106e régiment d’infanterie, matricule 856, né le 21 février 1895 à Estrées-Saint-Denis, manouvrier en 1914.
Affecté au 106e régiment d’infanterie le 3 mai, il est « évacué pour fièvre typhoïde le 10 juin 1915 » Il est soigné dans plusieurs hôpitaux : - Hôpital de Neufchâteau du 22 juin au 9 juillet 1915.
- Hôpital dépôt de convalescents N°81 Dampierre à Dijon du 9 juillet au 3 août 1915.
- Deux mois de convalescence passées à l’œuvre de l’assistance aux convalescents à Talmay (Côte d’Or)
- Rentre au dépôt le 3 octobre 1915.
Florimond repart au front le 15 décembre 1915. Il est « évacué blessé le 29 mars 1918 »
- Entré à l’hôpital temporaire à Beauvais le 30 mars, il en sort le 1er avril pour entrer à l’hôpital 45 de Vichy du 2 avril au 28 mai 1918.
- A l’hôpital du « centre spécial de réforme » de Roanne du 28 mai au 1er juin 1918.
- Nouveau séjour à l’hôpital 45 de Vichy du 2 juin au 8 juin 1918.
Après une convalescence de 30 jours, il est affecté à la gare régulatrice de Creil le 9 juillet 1918.