Bref rappel historique
Les combats terrestres qui ont tué des millions d’hommes ont parfois fait oublier les 12000 marins, excusez-nous du peu, que la Marine a perdu avec ses 115 navires coulés lors des combats navals. La « Convention » d’armistice lue à la tribune des deux chambres le 12 novembre 1918 par le président du Conseil en fixait d’ailleurs les clauses navales (Par. E – clauses XX et suivantes).
La Marine s’est battue en mer et y a joué un rôle important. Elle assurait l’escorte des convois marchands destinés à maintenir le ravitaillement essentiel de notre pays, elle protégeait les côtes de nos colonies et assura ou défendit les transports de troupes qui en provenaient ; ensuite et à partir de 1917 elle protégea aussi les transports de troupes des corps expéditionnaires américains. Ces différentes missions de protection étaient d’autant plus nécessaires en raison des attaques de véritables navires corsaires Allemands, tel le célèbre Felix von Lückner sur son Seeadler qui avait coulé 14 bateaux Alliés en deux ans.
En même temps la flotte française fut engagée dans de nombreuses actions pour lutter contre les forces navales de l’Axe (Empire Allemand, Autriche-Hongrie, Royaume de Bulgarie et Empire Ottoman), en particulier en Mediterranée jusqu’en Adriatique, et en Turquie où, au cours de la désastreuse bataille des Dardanelles en 1915, le seul naufrage du cuirassé Bouvet ne laissa que 75 survivants sur 700 hommes d’équipage.
Au total, sur ces 115 bâtiments français coulés pendant le conflit,42 l’ont été par des mines, 56 par des sous-marins, 16 par des tirs de canons et un, le sous-marin Foucault, détruit par une bombe larguée d’un avion. Beaucoup de pertes s’expliquent par les nouvelles armes que constituaient alors les sous-marins ou les mines et la mobilisation d’un grand nombre d’hommes fut nécessaire : marins de la Royale bien sûr, mais aussi engagés volontaires ou jeunes appelés, marins de pêche ou de commerce ; on y trouve aussi des soldats de l’armée de terre, passagers d’un jour, et « l’armée des indigènes » qui était aussi diverse à la mer qu’à terre : coolies, chinois, zouaves, soutiers sénégalais, marins libanais…
Enfin on peut signaler le rôle des marins aviateurs à une époque où le simple fait de piloter un avion, un hydravion ou un dirigeable relevait encore d’un exploit. Ces étonnants pilotes parfois simples matelots rapidement formés vécurent des aventures incroyables à l’image du second maître Le Borgne qui, forcé d’amerrir avec son hydravion avarié, attaque au pistolet un avion ennemi, le fait fuir, répare, parvient à redécoller et à ramener son appareil criblé de balles. Observons aussi à cet égard le rôle déjà important joué par nos pionniers de l’aviation de guerre en appui de nos forces terrestres et navales.
Un mémorial aux marins morts pour la France
C’est le 23 juin 1920 que fut d’abord prononcé à la Chambre des Députés par le Ministre de la Marine, Georges Leygues, un premier et vibrant hommage particulier à l’activité de la marine pendant la guerre : « Nos marins ont monté la garde pendant des années, sur des mers pleines d’embûches, cherchant un ennemi qui se dérobait mais qui rôdait sans cesse autour d’eux. Ils ont lutté contre la mine, la torpille, le canon et contre les éléments souvent plus redoutables…leur cœur n’a jamais faibli. Nos marins de commerce ont fait preuve de la même énergie et du même courage. Ils ont accompli sans défaillance une tâche écrasante. Il faut que justice soit enfin rendue à tous ces braves et que le pays sache la reconnaissance qu’il leur doit ».
À la suite du ministre, le 15 décembre suivant, le vice-amiral Guépratte, héros des Dardanelles, député du Finistère proposa à la Chambre des députés le vote d’une loi destinée à glorifier par un monument, la mémoire des marins morts pour la France :
« Messieurs, l’hommage solennel rendu par la patrie au soldat inconnu embrasse dans un culte grandiose les combattants des armées de terre et de mer qui lui ont fait le sacrifice suprême. Le soldat inconnu, arraché à la boue sanglante du front dévasté, rayonne maintenant dans la gloire étincelante de son apothéose. Et, n’ayant pour seul linceul que les flots de l’océan, nos marins méritent aussi que leur obscur sacrifice soit honoré à jamais.
Pour conserver dignement le culte de ses enfants disparus dormant au sein des flots leur dernier et glorieux sommeil, la République tiendra à l’honneur de leur tailler un mausolée en plein roc, dans l’une de nos falaises, à un croisement de routes maritimes….et les navires, en passant salueront les marins disparus sous les flots pour assurer la grandeur de la Patrie ».
Son souhait fut exaucé puisqu’une loi, portant création d’un monument aux marins disparus fut votée fin 1920 et promulguée le 26 juillet 1923. Le site choisi est la pointe Saint Mathieu sur la commune de Plougonvelin dans le Finistère.
La stèle couronnée d’un buste de femme en coiffe de deuil fut inaugurée le 12 juin 1927 par Georges Leygues, ministre de la Marine. En 1990 l’esplanade où est érigée la stèle prit le nom d’ « Esplanade du Souvenir Français ». Grâce à l’action de l’association « Aux Marins » et au soutien du maire de Plougonvelin et du Secrétaire d’Etat à la mer, le fortin voisin devint en 2005 un cénotaphe « À la mémoire des marins morts pour la France », lieu de recueillement et de pèlerinage pour « perpétuer le souvenir des marins disparus qui se sont sacrifiés pour la liberté de leur pays ».
Souhaitons qu’à l’avenir un itinéraire mémoriel présidentiel plus complet prévoie une étape à la pointe Saint Mathieu pour rappeler le rôle de nos marins dans la guerre de 14/18.
Références :
• Colloques
• La Marine et les marins : 1914-1918. Une autre histoire de la France en guerre. Colloque Académie de marine – Université Paris IV – 24&25 mai 2016 Ecole Militaire
• Sites web :
- www.netmarine.net
- www.meretmarine.com
- www.auxmarins.com
- Wikipedia : Guerre navale durant la première guerre mondiale
Bibliographie :
• La marine française pendant la Grande Guerre, G. Clerc-Rampal, Larousse Paris 1919 (Consultable sur Gallica-BNF)
• La marine française dans la Grande Guerre, Gérard Prévoteaux, 2 tomes, Lela Presse 2017
• Navires et Histoire, revue publiée par Lela Presse Avions-Bateaux, 87100 Le Vigen.