Une des branches de ma famille porte le nom BIGUET. C’est une famille d’origine bretonne, basée à Domagné, petit village de l’Ille et Vilaine, situé à 30 km à l’Est de Rennes. La langue locale n’est pas le breton mais le gallo. Moins connue que le breton, cette langue concerne pourtant une région aussi vaste que le breton, toute la Bretagne à l’Est d’une ligne entre Vannes et St Brieuc. C’est une langue romane issue du latin populaire qui s’est enrichie au cours du temps, le gallo n’a rien à voir avec le breton qui est une langue celte. Le gallo est encore parlé et/ou compris par les personnes âgées en campagne et plusieurs associations la font vivre et connaître aux générations plus jeunes. Les personnes qui parlent le gallo sont des gallesants. L’existence du gallo est attestée depuis le Moyen âge en Haute Bretagne et cette langue est aujourd’hui reconnue par le conseil régional de Bretagne tout comme le breton.
L’ancêtre le plus ancien que j’ai trouvé pour cette famille est Pierre BIGUET qui s’est marié en 1704. De cette date jusqu’à aujourd’hui, l’orthographe du nom de famille BIGUET est stable sauf entre les années 1858 et 1861, période de naissance de mon arrière-grand-père Constant Prosper (1861) et d’une de ses sœurs Florentine (1858).
La prononciation par contre a évolué avec la généralisation du français. En Français, le nom se prononce BIGUET avec un « GUE » et en gallo BILLET avec un « YE », les personnes les plus âgées de la famille se souviennent encore de la prononciation en gallo. Certains lieux-dits de la commune de Domagné présentent la même différence entre l’orthographe et la prononciation.
La situation de mon arrière-grand-père Constant Prosper est originale : BILLET sur son acte de naissance, BILLET sur son registre militaire, BIGUET sur son acte de mariage et son acte de décès.
De plus, Constant Prosper savait lire et écrire car il signe les actes de naissances de ses enfants d’un joli BIGUET.
Idem pour sa sœur Florentine : BILLET sur son acte de naissance et BIGUET sur son acte de mariage et les autres membres de la fratrie, les frères et sœurs de Constant Prosper portent bien le nom de BIGUET sur tous leurs actes !
J’ai donc cherché une explication à ces bizarreries orthographiques, j’ai finalement trouvé que cette orthographe BILLET est due à une seule personne, le Maire de Domagné, Mr Victor Alexandre GANDON. Pendant tout son mandat et ensuite sa présence au conseil municipal, il a écrit le nom de ma famille comme il se prononce en gallo, c’est-à-dire BILLET.
Quant à son registre militaire, Constant Prosper a dû aller à Rennes pour son enregistrement en 1881, il a sûrement prononcé son nom BILLET comme il était habitué à le faire en gallo. Dans la grande ville de Rennes, le gallo était déjà moins présent ou le militaire en charge de son enregistrement n’était pas de la région, il a écrit son nom comme il l’a entendu. Sûrement intimidé de quitter sa campagne et de faire son service militaire, mon arrière-grand-père alors jeune conscrit, n’a pas signalé que son nom s’écrivait avec un G. Et c’est comme ça que plus de 100 ans après, je me suis posé bien des questions sur cette orthographe fantaisiste !
PS : Dans la série M des archives départementale, on peut trouver les archives des mairies et en particulier les comptes rendus d’élection. Les 16 membres du conseil municipal de Domagné ont été élus le dimanche 12 septembre 1852. La liste électorale a été arrêtée le 31 mars 1850, elle comportait 521 électeurs, c’était un siècle avant le vote des femmes ! Le scrutin a eu lieu dans la salle de l’école de 8h à 16h. Les électeurs ont été appelés les uns après les autres par ordre alphabétique et devaient remettre chacun un bulletin fermé contenant autant de noms que de conseillers municipaux à élire. Il y a eu 208 votants soit 60% d’abstention ! et Victor GANDON a obtenu 206 suffrages.
Lors de l’élection suivante le dimanche 19 août 1860, Mr GANDON a été réélu dans le conseil municipal sans être maire.
Source : Archives départementales de l’Ille et Vilaine.