Dans le journal « L’Echo de Vienne » du dimanche 13 septembre 1896, cet article :
- Une bouteille au Rhône
Nouvelles Régionales :
M. Morel, mécanicien aux Roches-de-Condrieu, a trouvé flottant sur le Rhône, une bouteille contenant la lettre suivante :
« Lyon, le 23 août 1896.
« Je ne puis me résoudre à vivre avec Marie. Je préfère me donner la mort. Je laisse une affection sérieuse qui m’ennuie beaucoup, mais je meurs content. Le Rhône gardera mon cadavre. Adieu à tous. Gleize, méc. »
« Je laisse tout ce que je possède à Marie Gros ».
L’original de cette lettre a été déposée à la Mairie des Roches-de-Condrieu.
Voilà qui pose bien des questions !
- Qui est ce "Gleize, méc(anicien ?)" qui se suicide parce qu’il ne peut "se résoudre à vivre avec Marie" ?
- Cette Marie pour qui il a "une affection sérieuse" doit être Marie Gros à qui il laisse tout ce qu’il possède.
- Pourquoi cette "affection" l’ennuie t-elle beaucoup au point de se "donner la mort" plutôt que d’y succomber ?
- Marie est-elle mariée ? L’est-il aussi ? Un amour contrarié ?
- En tous cas, il meurt "content" ; en paix avec sa conscience. Selon sa lettre d’adieu, Gleize a respecté "les conventions" !
Ce Morel "mécanicien" est peut-être Bernard Morel, désigné comme "voiturier sur le Rhône" Rien d’étonnant alors qu’il trouve cette bouteille. Dans le recensement de 1896, « rue du Péage » aux Roches de Condrieu, sont notés Bernard Morel, 37 ans, « voiturier » marié à Claudine Flachet, 33 ans, « ménagère » et Marguerite leur fille de 2 ans. Marguerite Jamet, 59 ans, « épicière » vit avec eux. Elle est la « belle mère » de Bernard Morel. Mais peut être est-ce plutôt Denis Victor Morel, 59 ans en 1896, époux de Marie Meunier. Ils se sont mariés aux Roches le 28 mai 1878. Dans le recensement de 1896, il habite "rue de l’église" et est "menuisier" mais lors des naissances de ses trois enfants, entre 1879 et 1885, il est dit "mécanicien" Mais là n’est pas l’important car cette bouteille aurait pu être repêchée ailleurs et par quelqu’un d’autre. |
A force de chercher un peu partout, j’ai une piste bien fragile :
Il y a bien à Lyon une famille Gleize... J’ai d’abord trouvé l’acte de décès du père, Pierre Augustin, "chauffeur-mécanicien" demeurant 90 rue Tête d’Or à Lyon ; décédé le 19 août 1893 à Lyon 6e. Il est né à Valréas (Vaucluse) le 8 septembre 1822 et est « époux de Jeanne-Marie-Aimée George ».
C’est son fils, Pierre Augustin lui aussi, qui déclare le décès : « monteur en bronze » il a 36 ans et habite à la même adresse que ses parents.
J’ai donc recherché son acte de naissance : il est né à Lyon le 20 février 1857, au 29 Cours Vitton. Son père est alors « entrepreneur de démolition ».
En marge de cet acte, il est indiqué son mariage le 8 octobre 1898 à Lyon avec « Marie Louise Nicole Nicollet ».
Je me suis dis : "dommage, ce ne peut être lui qui se jette au Rhône deux ans plus tôt !" Il est supposé être mort... sauf s’il a été sauvé in extrémis ou qu’il a renoncé au dernier moment.
En consultant l’acte de mariage, j’ai eu une grosse surprise : Pierre Augustin Gleize (41 ans) est « mécanicien » demeurant 200, rue Garibaldi à Lyon (alors dans le 3e arrondissement). Sa mère, veuve, habite 14, rue Masséna… et la mariée, née à Lyon le 7 octobre 1853 (elle a eu 45 ans la veille), habite elle aussi au 200, rue Garibaldi ; et est « veuve de Martin Gros » mort le 16 mai 1896 à Lyon 3e, trois mois avant « la lettre mystérieuse » ! [1]
Marie Gros, veuve, vit donc avec Pierre Augustin Gleize avant de se marier.
Autre énorme surprise : en consultant l’acte de décès de Martin Gros ; « corroyeur » né à Lyon le 14 juillet 1852 et domicilié 182 rue Mazenod ; je retrouve Pierre Augustin Gleize ! C’est l’un des deux « déclarants » en mairie : il est « étalagiste » et habite 82 rue Masséna.
- Acte de décès de Martin Gros
- "Gleize Pierre Augustin, étalagiste, rue Masséna 82, trente neuf ans"
Si je pouvais retrouver l’original de "la lettre mystérieuse" en mairie des Roches et comparer les signatures, cela confirmerait mon hypothèse... mais ne dirait rien de la "survie" de Pierre Augustin.
Marie Louise l’a-t-elle convaincu ou empêché, juste à temps, de ne pas se jeter dans le Rhône alors qu’il avait déjà lancé la bouteille ?
Qui pourrait m’aider à résoudre cet énigme ?
Merci à tous pour votre aide...