Le 30 décembre 1758, dans le chantier de la Compagnie des Indes de Lorient, rive droite, une flûte [1] est lancée [2]. Ce navire se nomme le Massiac. Il porte le nom du secrétaire d’état à la Marine de l’époque, Claude de Massiac [3].
Dans le chantier de Lorient, les autres navires de la Compagnie mis à l’eau, en 1758, sont : le Chameau (750 tx) en janvier, le Boulongne (600 tx) et le Boutin (600 tx) en septembre, la Subtile (190 tx) en novembre et la Gracieuse fut commencée. Deux vaisseaux pour le Roi furent aussi construits et lancés cette même année, le Robuste (1600 tx) et le Solitaire (1100 tx). Seuls le Massiac, le Boulongne et la Subtile furent entièrement construits dans l’année.
Le Massiac est bâti sous les plans d’Antoine Groignard [4], ingénieur constructeur du Roi et de la Compagnie. C’est un voilier qui appartient à la catégorie des navires de 900 tx construits et conçus par cet ingénieur et les autres navires du même tonnage sont : le Berryer, le Bertin, le Duc de Choiseul, le Penthièvre et le Duc de Duras [5].
Le Massiac fut construit à la journée et le prix de la main d’œuvre du gros œuvre s’éleva à 55 743 livres. Le coût global peut-être évalué, à partir des données de Philippe Haudrère, à 223 200 livres [6].
- Le Massiac
- Vue de l’arrière de la maquette du Massiac
au musée de Port-Louis
Cliché du Musée de la Compagnie des Indes à Port-Louis
Les principales caractéristiques du Massiac sont :
- Longueur : 140 pieds [7].
- Largeur : 35 pieds.
- Tirant d’eau : 18 à 19 pieds.
- Creux de la cale : 15,4 pieds.
- Hauteur d’entrepont : 5,1 pieds.
- Port en tonneaux [8] : 900 à 950 tx.
- Déplacement [9] : 1604 tx.
- Nombre de canons : 24 de 12 et 8 livres.
- Nombre de sabords : 48.
- Mâture : 1 grand mât, 1 mât de misaine, 1 mât d’artimon et un mât de beaupré à l’extrême avant.
Le Massiac fut en service pour la Compagnie des Indes de 1759 à 1770 [10] . En avril 1770, à la dissolution de la Compagnie des Indes, il est vendu à la Marine Royale [11]. A sa rentrée à Lorient en avril 1771, il est remis à la Marine Royale et est alors estimé à 53 924 livres [12].
Ensuite, il est vendu en octobre 1771 à l’armement Foucault [13]. Pour cet armement, il naviguera jusqu’en 1173. Il était destiné à transporter des marchandises entre Lorient et l’île de France, les Indes ou la Chine. Il effectua les sept voyages [14] au long cours suivants, toujours au départ de Lorient :
- Le 1er voyage aux Indes du 22 mars 1759 au 27 janvier 1760 avec pour capitaine Nicolas-Charles Claëssen.
- Le 2e voyage aux Indes du 27 mars 1760 au 19 février 1761 avec pour capitaine Alexandre-Georges Chaigneau.
- Le 3e voyage à l’île de France du 2 février 1762 au 10 janvier 1764 avec pour capitaine Louis de Winslow.
- Le 4e voyage aux Indes (Pondichéry) du 23 février 1766 au 20 avril 1768 avec pour capitaine Jean-François Haumont et René Bouvet.
- Le 5e voyage à l’île de France du 7 août 1768 au 23 mai 1769 avec pour capitaine François Villebague-Ribretiere.
- Le 6e voyage aux Indes du 20 mars 1770 au 27 avril 1771 avec pour capitaine Joseph Huot de Vauberey.
- Le 7 ème voyage en Chine de1771 au 13 juillet 1773 avec pour capitaine Villepirault [15].
Le retour de ces voyages s’est toujours effectué sur Lorient.
- Le Massiac
- Coupe du Massiac revenant de Chine avec une cargaison de porcelaines, de thé et de soieries
Cliché du Musée de la Compagnie des Indes à Port-Louis.
Pour ces navigations, le Massiac a eu un effectif d’équipage variable allant de 159 à 199 marins. A chaque voyage, quelques décès furent dénombrés, de 1 à 16 marins sont morts en cours de navigation ou en escale. Le Massiac pendant ces voyages a très souvent transporté non seulement des marchandises mais aussi des passagers et des soldats.
En 1765, le Massiac subit une opération de radoub [16]. Il fut échoué, le 21 juin 1765, sur la cale de Caudan, en même temps que la frégate le Duc de Choiseul. Pendant cet entretien, il y eut quelques modifications. Celles qui nous sont connues sont :
- Le déplacement du mât de misaine vers l’arrière en raison de la prise de poids du navire et de l’augmentation de la surface des voiles. Ceci amena à l’égalité du mât de misaine et du grand mât suivant les principes de M Bourdé. Cette modification fut un succès car le capitaine Haumont écrivit " le Massiac s’est bien trouvé de l’égalité des mâts à tous égards ".
- Le déplacement de la cale à eau au milieu. Cette modification fut moins heureuse car elle a rendu humide la partie généralement la plus sèche du navire occasionnant des dommages aux marchandises.
- Le remplacement des 24 canons par 20 canons de fer de 8 forés.
- La suppression de la dunette et la galerie arrière, qui fut envisagée pour alléger le navire, afin qu’il se fatigue moins, ne fut pas effectuée.
Pendant ces voyages, durant la guerre de sept ans, le Massiac fit une prise et participa aux opérations dans l’océan Indien sous les ordres du chef d’escadre Grout de Saint Georges.
La prise faite par le Massiac fut au départ de son 3e voyage. Le 27 février 1762, il arraisonne la Betty, un senau anglais. La Betty est rançonnée puis relâchée [17].
Dans l’océan Indien, l’escadre de monsieur Grout de Saint Georges fit prisonnier 7 navires et l’équipage du Massiac fut concerné pour le partage des prises suivantes, le vaisseau le Walpoold, le brigantin l’Aiderabax, le senau l’Avanture, le both l’Heureux [18] et le senau le Désir [19].
Le Massiac a donc servi 11 années pour la Compagnie des Indes, 1 année pour la Marine Royale et 2,5 ans pour l’armateur privé Foucault. Il a effectué 7 voyages au long cours à l’île de France, aux Indes et en Chine, et de nombreux marins ont donc servi à son bord. Parmi ces marins, nous trouvons un personnage connu comme Julien Crozet [20] qui a donné son nom à l’archipel français de l’océan Indien méridional au sud de Madagascar et qui a embarqué sur le Massiac pour le voyage de l’île de France à Lorient en 1760, et des marins inconnus comme le novice François Thoumelin qui fit le voyage aller à l’île de France en 1762.
Pour se faire une idée de l’allure de ce valeureux navire, le mieux est de se rendre au musée de la Compagnie des Indes à Port-Louis où il existe une maquette du Massiac de belles dimensions (plus de 3 mètres) et une autre maquette à une échelle plus réduite montrant comment étaient embarquées les marchandises à son bord.