Voici le climat de l’époque lorsque éclata l’affaire Gauffridy "le curé des Accoules".
Louis Gauffridy est né en 1572 à Beauvezer (Alpes de Hautes Provence), il est fils de berger. Christobal Gauffredy, l’oncle de Pourrière de Louis, se rendait de temps en temps dans sa famille à Beauvezer, il trouva à son neveu une grande vivacité d’esprit et un appétit de savoir surprenant pour un garçon de ce milieu. Christol Gaufridi parvint à convaincre les parents de Louis d’en faire un prêtre.
Il demeura à Pourrières jusqu’à ses 18 ans, où là, dans le vaste presbytère, il était entouré de livres pieux, apprit de son oncle la lecture, l’écriture, des rudiments de latin, la liturgie ainsi que l’administration des sacrements.
Sa soif d’apprendre le poussait à consulter tous les livres à sa disposition... et un autre, bien moins catholique, un vieux traité de cabale. Ce document contenait des dessins, des symboles et des figures qui passionnèrent le jeune homme qui en fit un de ses sujets d’étude favori. Ensuite, il partit à Arles poursuivre des études de théologie, perfectionner son latin. Il continuera jusqu’à la prêtrise.
Il fut ordonné prêtre à Marseille et célébra sa première messe à Beauvezer, entouré de sa famille et de ses compatriotes.
Il se fixa à Marseille en 1595. Il desservit plusieurs paroisses dont celle de Saint-Loup et devint curé des Accoules. On peut supposer que cette charge fort lucrative fut obtenue grâce à l’appui de la famille Demandolx de la Palud, famille noble et fort influente, originaire comme lui de Beauvezer.
Louis Gauffridy tissa d’importante relation avec ses protecteurs, il devint le directeur spirituel de la mère et de ses trois filles. Tout au long de son instruction religieuse, il suivit particulièrement la plus jeune, Madeleine, qu’il avait vu bébé, dans son berceau. Quand elle eut grandi, il lui fit faire la première communion, et plus tard quand jeune fille, il pensa qu’elle était en danger, car psychologiquement fragile, il influença la famille Demandolx de la Palud, pour que Madeleine fut placée chez les Ursulines d’Aix.
Dans ce couvent règne alors une atmosphère très spéciale...
- La paroisse des Accoules
- Photo Géraldine Surian
L’église des Accoules (à Marseille) était toujours pleine, rayonnante de son élocution. Louis Gauffridy jouissait de l’estime de ses pairs et de l’amitié de son évêque.
Ce jeune curé plaisait, il était bien fait, doué parait il des dons de la nature, et son charme opéra auprès de certaines de ses pénitentes. Mais ce qui surprit, c’est qu’il était toujours passionné par l’ésotérisme et la sorcellerie, disait-on.
La mère supérieure du couvent se rendit compte que la jeune fille avait un attachement démesuré pour le plus beau curé de Marseille. Et celui-ci dans sa défense, victime ou complice, accusa la mère supérieure d’avoir perverti la jeune fille. Quoi qu’il en soit, un jour après la communion, Madeleine se jeta dans les comportements exacerbés de la crise hystérique. Ses mouvements sont convulsifs et des contorsions horribles agitent tout son corps. Au fil des jours les crises augmentent d’intensité. Elle hurle, aboie, se tord par terre dans des mimiques obscènes. Trois sœurs sont nécessaires pour la contenir. Dix novices ne pouvant vivre dans le tintamarre quittent le couvent.
Crise d’hystérie, de folie ou d’épilepsie... Plusieurs siècles, il est difficile de ce faire une opinion sur l’état des relations du curé et de sa paroissienne Madeleine de Demandolx...
Madeleine fut envoyé à la Sainte Baume et exorcisée par le vicaire général des frères prêcheurs de Sainte Maximin.
Elle fut ensuite conduite à l’archevêché d’Aix en Provence, et y fut interrogée. Mais pendant son interrogatoire, elle se livra à des folies érotiques.
Gauffridy fut lui arrêté et conduit à Aix, il se défendit mal et sous la torture, il finit par se reconnaître sorcier.
De nombreux provençaux témoignèrent qu’il était un homme de bien. Mais il se trouva un homme pour dire que le curé était souvent visité par un gros chat gris, et que ce chat devait être le diable.
Madeleine sans doute consciente du mal qu’elle avait fait tenta de se suicider. Elle voulut se poignarder, s’étrangler avec un cordon, et elle alla même jusqu’à s’enfoncer une longue épingle dans l’oreille (qu’on dut extraire à l’aide d’une pince). L’emprisonnement de l’homme qui la troublait profondément n’arrêta pas pour autant ses crises hystériques, et les yeux révulsés, elle continua ses contorsions.
On le déclara coupable de sorcellerie, rapt, séduction, impiété et magie. On le condamna à être brûlé vif le 30 avril 1611 sur la place des prêcheurs à Aix. Quant à Madeleine de Demandolx, elle fut exilée loin de Marseille et fut assignée à résidence à Châteauvieux dans le Haut-Var, près de Castellane.
Sources :
- André Bouyala D’Arnaud, Evocation du vieux Marseille, Paris, Les éditions de minuit, 1959.
- Pierre échinard, L’Almanach de la provence, Paris, Larousse, 2003.
- Le magazine "La provence d’hier à aujoud’hui", Quand la provence croyait au malin ou l’affaire du curé Gauffridy.