L’histoire commence de manière on ne peut plus classique : Pierre Graillot épouse Madeleine Hugon à Garchy, dans la Nièvre, le 6 avril 1875. Pierre est "garçon meunier" au moulin du village voisin de Saint-Quentin-sur-Nohain.
Un an plus tard, à Saint-Quentin, une naissance est consignée par la belle écriture de François Maire, Officier d’Etat-Civil, dans l’acte n°3 du 5 avril 1876. Comme à l’habitude on indique que Pierre Graillot a présenté un enfant du sexe masculin de lui déclarant et de Leteur Madeleine, son épouse, auquel il souhaite donner le prénom de François. Parfait… sauf que son épouse s’appelle Madeleine Hugon et non Madeleine Leteur !
Une mention marginale corrige cette erreur :
"Suivant jugement rendu par le tribunal de Cosne le 16 février 1903, l’acte de naissance ci-contre a été rectifié en ce sens que le nom patronymique de la mère sera indiqué comme étant Madeleine Hugon au lieu de Madeleine Leteur"
En poursuivant la lecture de l’acte, on s’aperçoit que les deux témoins signataires sont Eugène Leteur, meunier au moulin du village, et son frère Pierre Leteur, lui aussi meunier. Les frères Leteur ont une sœur, Madeleine Leteur, mariée à un certain Augustin Allègre, domestique meunier comme Pierre Graillot, et au même moulin. Ce sont peut-être les deux frères qui ont guidé la main du rédacteur et qui ont créé la confusion ?
Nouvelle naissance en 1878 consignée dans l’acte n°10 du 19 août. Toujours rédigé de la belle écriture de L’Officier d’Etat-Civil, François Maire, cet acte a toutes les apparences du sérieux et de la vérité : Pierre Graillot déclare que son épouse Madeleine Leteur (tiens donc, la même erreur !) vient de donner naissance à un fils, qu’il prénomme François, tout de même surprenant pour un second fils si près d’un premier François toujours vivant. Jean Connault, buraliste, et François Cendre, maréchal, certifient l’acte et signent avec l’Officier d’Etat-Civil, seul Pierre Graillot qui ne sait pas signer s’abstient.
Et là, il vaut mieux être assis quand on lit la mention marginale :
"Suivant jugement rendu par le tribunal civil de Cosne le 16 février 1903, l’acte de naissance ci-contre a été modifié en ce sens :
1° L’enfant y sera indiqué comme étant du sexe féminin et non masculin.
2° Elle portera le prénom de Madeleine Marie Marguerite, au lieu de François.
3° Sa mère y portera le nom patronymique de Madeleine Hugon, au lieu de Madeleine Leteur "
L’enfant aurait été "présenté" et aucun des trois signataires ne se serait rendu compte qu’il s’agissait d’une fille et non d’un garçon ? Le père lui-même ne s’en serait pas aperçu ? Et le dit père, sans doute sous le coup de l’émotion, se serait encore trompé sur le nom de son épouse ? Et là, pas de Leteur parmi les témoins.
Fort heureusement, en 1881 lorsque nait le troisième enfant, Monsieur le Maire de St Quentin, Augustin Toulon, a repris les choses en main ou tout au moins la plume et là, dans l’acte n° 10 du 13 mars 1881, Pierre Graillot, qui entre temps est devenu cultivateur, déclare que son épouse Madeleine Hugon a donné naissance à un enfant du sexe féminin à laquelle il donne le prénom d’Alexandrine. Aucune mention marginale, tout est bon, même le dénommé, Jean Connault, buraliste qui témoigne, ne s’est pas trompé !
Actes :
Mariage : Garchy, 1848-1876, page 776/833, acte n°3
Naissance 1 : St Quentin-sur-Nohain, 1869-1883, page 110/242 , acte n°3
Naissance 2 : St Quentin-sur-Nohain, 1869-1883, pages 149-150/242 , acte n°10
Naissance 3 : St Quentin-sur-Nohain, 1869-1883, page 199/242 , acte n°10.