Le 23 avril 1810, François Mayance, âgé de près de trente-neuf ans, militaire retiré à Vignory, épouse la demoiselle Marie Thérèse Thériot, âgée de près de vingt-cinq ans, demeurant à Vignory.
Lui est un militaire expérimenté, "retraité" depuis peu, orphelin de père et de mère, célibataire, déjà âgé pour l’époque ; elle est jeune et célibataire, orpheline de père, et elle vit avec sa mère de modeste condition puisqu’elle est lingère. À première vue, il s’agit d’un mariage comme un autre... si ce n’est la mention suivante qui nous intrigue :
"tous les deux choisis par la Commission chargée par le dernier paragraphe de l’article six du décret impérial du vingt-cinq mars dernier, pour l’arrondissement de la justice de paix du canton de Vignory, suivant le procès-verbal de la dite commission du sept avril présent mois dont expédition sera annexée au présent acte après avoir été certifié et paraphée ne varietur par le maire de cette commune à qui elle a été adressée. Lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage projeté entre eux..."
Puis, à la suite de la transcription de l’acte de mariage de François et Marie Thérèse, nous trouvons une longue annexe explicative qui nous éclaire enfin sur les circonstances particulières de cette union arrangée :
L’an mil huit cent dix le sept avril a dix heures du matin, la Commission composée de M.M.Theriat curé de Vignory, bourgeois desservant les communes de Daillancourt et Guindrecourt, Husson Cottenet maire de Vignory, et Duchatelier Maire de Vraincourt, choisis et nommés par arrêté de Monsieur le Baron de l’Empire Prefet du Département de Haute Marne en date du deux avril présent mois, et réunis sous la présidence de nous Claude Bon Lecollier juge de paix du Canton de Vignory en notre domicile a l’effet de faire choix dans le dit canton d’un militaire en retraite ayant fait au moins une campagne, pour être marié le vingt deux avril présent mois à une fille, a laquelle il sera accordé une dote de six cents francs, conformément au décret impérial du vingt cinq mars dernier.
La Commission ainsi organisée s’est occupée de la dite désignation, et après y avoir murement délibéré, elle a d’une voix unanime déclaré que François Mayance natif de Vignory, fils de défunt Jean Mayance et de Barbe Perardot militaire retiré en cette commune, qui est arrivé le 1er 7bre 1793 au 1er bataillon de Chaumont, qui a servi les ans 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, et 9, embarqué à Rochefort le 18 nivose an 13 sur le vaisseau le Magnanime, rentré en France le 24 mars 1808, le tout suivant son congé en bonne forme donné à Napoléon le 13 juin 1809, qui est âgé de trente huit ans, qui s’est toujours bien comporté depuis sa retraite, s’étant distingué par la pureté de ses mœurs, était celui qui réunissait les qualités et conditions voulues pour le décret précité, et méritait les suffrages. En conséquence il a été choisi.
La Commission considérant que Marie Thérèse Theriot fille majeure de vingt cinq ans de déffunt Joseph Theriot et d’Antoinette Jolly aussi de cette commune, a toujours tenu une conduite pure et régulière, et est en possession de la meilleure réputation, mérite d’être désignée pour l’épouse du dit Mayance, Elle l’a choisie et nommée a cette fin.
Lesdits Mayance, Marie Thérèse Theriot et Antoinette Jolly mère de cette dernière appelés, après que lecture leur a été donnée de la présente déliberation, ont déclaré qu’ils acceptaient leur nomination.
De tout quoi il a été rédigé le présent procès verbal que les membres de la Commission ont signé avec nous les an et jour susdits, pour servir et valoir ce que de raison. Signé à la minute Bourgeois desservant de Daillancourt et Guindrecourt, Theriat curé de Vignory, Duchatelier Maire de Vraincourt, Husson Cottenet Maire de Vignory, et Lecollier Juge de Paix du Canton de Vignory.
Délivré a Monsieur le Maire de Vignory pour expédition conforme a la Minute. Signé L’Ecollier.
Certifié véritable et paraphé ne varietur par nous maire de la commune de Vignory au désir de l’acte de mariage de ce jour. Vignory le vingt trois avril mil hui cent dix signé Husson commissaire. Pour copie conforme.
Source : Texte trouvé dans le registre d’État-civil de Vignory, Haute-Marne, année 1810, vue 137-138-139-140/192.
Les ordres avaient dû mettre pas mal de temps pour arriver à Vignory, et il avait fallu faire vite pour respecter les délais...
D’après Contexte :
- Thierry Sabot, Contexte, guide chrono-thématique, Editions Thisa, 2012.
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