Aux confins de la Bresse et de la Dombes , des loups trouvent refuge dans les bois environnants de la paroisse de Neuville les Dames. Chassés d’Italie, par les piémontais qui craignaient que les meutes s’installent chez eux, les canidés avaient franchis les Alpes. Ces derniers ont causés des drames terribles.
Dans le registre paroissial de 1738, le curé Foillard du village de Chaveyriat (voisin du village de Neuville) fait une annotation qui incite à la curiosité .Dans un rayon de dix kilomètres autour de Neuville les Dames vingt deux enfants ont été tués.
La cause des décès est rarement précisée dans les registres, néanmoins certains curés l’ont noté sur certains actes.
Chronologie des décès
Le 3 juin 1738 : Le premier drame se passe dans la paroisse de Sulignat. Les loups ont attaqués l’enfant de Benoit Chassiboud âgé de dix ans ,alors qu’ii était aux champs. Ils l’ont dévorés près d’un bois et n’ont laissé que la tête. Intacte celle-ci a été rapportée au curé du village qui l’a inhumée.
apporté la tete qui etoit tres entiere et dont le visage n’etoit point defigurée que les loups laisserent sur plaie et que j’ay inhumé secrete au cimetiere dudit lieu. Dutartre curé
Le 18 juin 1738 : Quinze jours plus tard, dans le village voisin de Clémenciat ,Anne Josserand âgée de neuf ans est dévorée au Mas de Pichoux (Hameau sur la carte de Cassini).
Le 30 juin 1738 : A Neuville les Dames , Marie Mayolet native de Polliat garde le bétail. A son tour, elle sera attaquée et dévorée . Seuls quelques ossements comme le précise l’acte, seront inhumés.
partie de la parroisse de Polliat et demeurante en cette parroisse depuis l’année dernier fêtes de Pâques agée d’environ douze ans. Le reste de son corps ayant été dévorés par
les loups etant à la garde du bestail ledit jours. Et c’est en presence de Toussaint Tusso.. laboureur de Neuville et maitre de ladite fille Marie Mayolet et de Jean Gouliou manouvrier de la parroisse de Roman, temoins illiterés enquis. Jean-Baptiste Fabre curé et archiprêtre
Le 11 juillet 1738 : De nouveau à Clémenciat, le loup sévit .Il s’attaque à Benoite Mazuir âgée de neuf ans et demie .Gravement blessée , elle agonisera quinze heures avant de s’éteindre et après avoir reçu les derniers sacrements de pénitence et d’extrême onction.
Le 26 juillet 1738 : A Neuville les Dames ,Joseph Poyard âgé de quatorze ans est dévoré alors qu’il garde le bétail.
scavoir enquis. Jean-Baptiste Fabre curé et archiprêtre
Le 26 juillet 1738 : Le même jour, à Sulignat , Benoit de SaInt Jean fils de feu Jean de Saint Jean âgé de onze ans ,natif de St Julien sur Veyle est tué par le loup et trouvé mort à quarante pas de la maison de son oncle.
De Sainct Jean Dutartre curé. Ce qu’ils etoient lâcher les ……. dans ce temps là de laisser ainsi devorer de ledit lieu aujourd’hui et pareil malheur arrivaient 150 chasseuls (chasseurs) et 60 bons chiens courants …………. bientôt faire justice et mordre la poussière aux vilains animaux 6 juillet 1841
Le 28 juillet 1738 : Le lendemain, à Clémenciat, encore au Mas du Pichoux, donc aux abords d’une ferme,le loup a faim. Vers 10h du matin, il dévore Benoit fils de Pierre Morel, un enfant de seulement deux ans et demi. Là encore, le curé Chambard n’enterre que la tête.
ce au maz de Pichoux et c’est en presence dudit père et d’ Antoine Bagez, tous illiterés de ce enquis. Chambard curé
Le 31 juillet 1738 : A Neuville les Dames le curé enterre la petite Marie Joberet âgée de onze ans, non pas dévorée mais étouffée par le loup, alors qu’elle gardait le bétail.
onze ans et c’est en presence d’ Antoine Roux et de Claude Roux père et fils laboureurs de Neuville. Le dernier a signé et non le premier pour ne scavoir enquis.
Claude Roux Jean-Baptiste Fabre curé et archiprêtre
Le 1er août 1738 : A Sulignat la petite Anne Rolin âgée de cinq ans est enlevée et égorgée près de la maison de ses parents .Poursuivi par les hommes,, le loup abandonne l’enfant au bois Buchet et n’a pas le temps de le manger. Mais une fois de plus il est trop tard.
mé au cimetière dudit Sullignat Anne de son vivant fille de Jean Rolin granger du sieur Charles … (alias ?) Escoffier paroisse de Sulignat et de Philiberte Mido. Ledit enfant a été tué et égorgée ce mattin par un loup près de la maison dudit Rolin xxx agée de 5 ans et a été enlevée par le loup xxxxxxxx portée jusqu’au bois Buchet xxxxx appartenant à Me Claude Thevenin où elle a été trouvé à la diligence des hommes qui ont courru après ledit loup
qui n’a pas eu le temps de la manger et a été inhumée au cimetire. Presents le nommé Roux et Denis Bas (?) … illiterés … enquis. Dutartre curé
Le 3 août 1738 : Trois jours plus tard ,toujours à Neuville le loup sévit de nouveau et s’attaque à Catherine Baillet âgée de dix ans. Elle est enterrée le jour même.
en presence dudit Michel Baillet père de la deffunte et de Jean Favre aussi manouvrier dudit lieu temoins illiterés enquis. Jean-Baptiste Fabre curé et archiprêtre
Le 4 août 1738 : Le lendemain de nouveau à Sulignat c’est Philibert Bugnot âgée de quatorze ans, qui se fait dévoré alors qu’il est aux champs.
Le 7 août 1738 : La paroisse de Saint Julien sur Veyle est pour la première fois touchée par ce genre de drame. Marie fille de Vincent Rodet ,bergère habitante de Sulignat est étranglée par le loup . Là on apprend qu’un procès verbal est dressé par le juge du Comté de Pont de Veyle.
present ainsy qu’il appert par le present verbail (verbal) dressé que monsieur le juge du Comté de Pont de Velle accompagné du p……….. d’office et du greffier dudit Comté en presence de Vincent Rodet et Claude Salin ches qui elle demeuroit en qualité de bergere audit
St Julien sur Veyle, illiterés. Daleux ( ?) Curé
Sur ces 22 enfants bergers ou bergères pour la majorité d’entre eux, tués en cet été 1738, j’ai retrouvé ces 12 actes de décès.
Le curé Foillard mentionne l’ancienne paroisse de Fleurieux (rattaché plus tard à Chatillon sur Chalaronne). Et pourtant dans cette paroisse, il n’y a pas d’actes de décès d’enfants durant cet été 1738.
Concernant L’Abergement (rattaché plus tard à Clémenciat), les registres paroissiaux de 1718 à 1744 ont disparus.
D’autres personnes ont sans doute été blessées par ces animaux féroces.
Trois ans plus tard, en 1741, dans la région montagneuse du Bugey, toujours dans le département de l’Ain, le curé d’Hotonnes fait lui aussi une annotation sur une triste série identique.
de la montagne que du costé d’Anglefort où ils ont fait beau coup du male (mal).
Les curés n’ont pas noté la cause des décès, mais parmi ceux-ci, les enfants sont sans doute les premières victimes…
Avec l’apparition des armes à feu, les battues au loup se multiplieront au cours des trois derniers siècles, afin d’éradiquer l’animal, mais ceci peut être le thème d’un autre récit.
Les loups venaient d’Italie, et aujourd’hui ils viennent encore d’Italie, l’histoire se répète…