Chacun de ces mariages a donné lieu à l’établissement d’un contrat par Maître CAILLEAU, notaire de Saint Sulpice en Pareds (Vendée).
Le premier contrat de mariage (Cmg1) entre Gilles VANDÉ et Mathurine GANDRIAU est daté du 25 mai 1670 (Cmg1) -AD85 – Saint Sulpice – 3 E 57 248-7-1 -Étude de Pierre Cailleau (1670-1698) – vues 1 et 2/320.
Une histoire fort banale en somme si ce n’est que le futur marié Gilles VANDÉ était décédé depuis le 12 avril 1670, soit 44 jours avant l’établissement du contrat de mariage lors duquel, il était censé être présent.
Saint-Sulpice-en-Pareds Registres paroissiaux -Sépultures juill.1645-juin 1680 (Vue 14).
« Le 12e jour d’Avril 1670, fut inhumé au cimetière de ce lieu, après la réception des saints sacrements, le corps de Gilles VANDÉ aagé de 38 ans ou environ. MICHEAU Prebtre, Prieur ».
La recherche de l’acte confirmant la célébration du mariage a été infructueuse.
Aucun acte n’a été enregistré sur le registre de Saint Sulpice en Pareds dans la période où logiquement le mariage aurait dû être célébré.
Toutefois la « quittance » du notaire datée du 3 septembre 1671 au bas du contrat, confirme le décès de Gilles VANDÉ, sans donner de date.
« Aujourd’huy, troisiesme jour du mois de septembre mil six cent soixante et onze, pardevant nous Nottaires des baronnies de Vouvant et Mairevant, soubsignés, Françoise CLERGEAU, Christofle DESCHAMPS et Hélenne VANDÉ, demeurant en communauté, avecq Mathurine GANDRIAU, ont recongnu avoir reçu de la ditte Mathurine GANDRIAU, auparavant ces heures, la somme de soixante livres en argent, un lit avecq son travers, qu’elle estait obligée par son contrat de mariage en sa personne avec defunct Gilles VANDÉ ».
Le contrat (Cmg1) définit et entérine les conditions d’entrée de Gilles VANDÉ et Mathurine GANDRIAU dans la communauté déjà existante de Françoise CLERJEAUD mère de Gilles, Christophe DESCHAMPS et son épouse Hélène VANDÉ, soeur de Gilles.
Il stipule que la future mariée devra apporter 60 livres en argent ainsi qu’une garniture de lit remplie de plumes pour entrer dans la communauté.
La quittance du 3 septembre 1671, ajoutée au bas dudit contrat, confirme que Mathurine GANDRIAU s’est bien acquittée de cette obligation.
Entre-temps, Mathurine GANDRIAU s’était remariée le 19 janvier de cette même année 1671, avec Jean OGIER.
Mais étrangement, le nouveau contrat de mariage (Cmg2) précédemment établi par le même notaire Maître CAILLEAU, ne précise pas qu’elle était veuve. Toutefois, dans ce document, Françoise CLERGEAU est dite « belle-mère », et Christophe DESCHAMPS et Hélène VANDÉ « beaux-frères » (pour beau-frère et belle soeur) de Mathurine GANDRIAU.
(Cmg2) -AD85 – Saint Sulpice – 3 E 57 248-7-1 -Étude de Pierre Cailleau (1670-1698) – vues 19 et 20/320.
« Sur le tretté (en) « faveur et prévision » de mariage encommencé à faire en face de nostre mère Ste Église catolique, apostolique et rommaine, des personnes de Jean OGIER, fils de Ollivier OGIER et Jacquette CLERC, avecq Mathurine GANDRIAU, fille de Jean GANDRIAU et Catherine BOURASSEAU, pour l’effet duquel mariage et pour consentir les clauses et conditions cy après, ont esté présents et personnellement establys en droit, à la cour des baronnies de Vouvant et de Mairevant, soubsignés Juré d’icelle ; ledit OGIER, proparlé d’une part et laditte GANDRIAU, proparlée d’autre, demeurant ledit OGIER à la Séguiniere, paroisse de St Maurice des Noues et laditte GANDRIAU au village de la Chervinière, paroisse de St Sulpice et encore Françoise CLERGEAUD, belle-mère de laditte proparlée et Cristofle DESCHAMPS et Elenne VANDÉ, sa femme, de luy bien et deüement octorisée au contenu de ces présantes, d’autre part ».
Un peu plus loin, on lira : « de la ditte Françoise CLERGEAUD, sa belle mère, de Cristofle DESCHAMPS et Helenne VANDÉ, ses beaux-frères ».
De même dans l’acte de mariage religieux de Mathurine GANDRIAU avec Jean OGIER, en date du 19 janvier 1671, il n’est pas mentionné qu’elle était veuve de Gilles VANDÉ.
AD85 – Saint Sulpice en Pareds – AC271 – Mariages août 1645 – février 1681 – vue 28/42.
« Le « 19 » janvier 1671, furent conjoints par mariage en la face de l’église, les cérémonies d’icelle deument gardées et observées, Jean OGIER de la paroisse de St Maurice des Noues, deument certifié et Mathurine GANDRIAU de cette paroisse et ont esté présents Olivier OGIER, père dudit Jean , Paul GANDRIAU, frère de ladite Mathurine, François CAILLEAU …….. de la Chervinière, Julien LOYSON ….. qui tous ont déclaré ne scavoir signer fors les soussignés. MICHEAU Prieur, Curé – François CAILLEAU ».
Analyse et réflexions :
Quelle a pu être la raison qui a nécessité l’établissement de ce contrat de mariage (Cmg1) « posthume » ? Il ne fait aucun doute qu’il a été établi après le décès du futur marié.
Dans la formule « en faveur duquel mariage quy autrement n’ust esté faict et accomply » figurant dans ce contrat, l’emploi d’un verbe au passé pourrait signifier que le mariage a bien eu lieu avant.
Mais à la lecture du minutier, il semblerait que c’était le mode de rédaction habituel de maître CAILLEAU, le notaire et pour preuve la même formule dans le second contrat (Cmg2) qui a bien été établi avant mariage.
Le contrat (Cmg1) ne contient que peu de détails en dehors des clauses en usage à l’époque, de l’apport de la dot pour la future mariée afin d’entrer dans la communauté familiale avec une répartition à part égale des fruits pour chacun de ses membres.
Ce ne sera que le 3 septembre 1671, que le notaire inscrira au bas dudit contrat, la quittance attestant la liquidation de la dot versée sans en préciser la date, à la communauté par Mathurine GANDRIAU, ce qui indique qu’il n’y a pas eu d’annulation de contrat de mariage.
Le même jour il inscrira au bas du contrat de remariage de cette dernière, daté du 28 décembre 1670, une quittance concernant l’apport convenu, fait (on ignore à quelle date) par Jean OGIER à la même communauté.
« Aujourd’huy, Françoise CLERGEAUD, Cristofle DESCHAMPS et Helenne VANDÉ, ont recongnu avoir receu des mains de Jean OGIER associé avecq oeux en communauté, la somme de trante trois livres en argent, deux escuelles, une assiette, cincq boiceau de blé seigle, ainsi aux heurres que ledit OGIER estait tenu et obligé aporter …. en communauté par son contrat de mariage avecq Mathurine GANDRIAU ».
Les faits se passent en 1670. La France est encore sous le régime de l’édit de Nantes, ce n’est pas pour valider un mariage non reconnu par l’église catholique que ce contrat a été établi. D’ailleurs, Gilles VANDÉ étant décédé, sans avoir procréé, il n’y aurait eu que peu d’intérêt à cela, d’autant plus que Mathurine GANDRIAU, s’est remariée très rapidement après le décès de son premier mari.
Il y a toutefois un élément qui mérite d’être signalé. Selon la loi (délais de viduité [1]) en vigueur à l’époque, une veuve devait observer un délai de 300 jours avant de contracter un nouveau mariage.
Or le notaire a établi un premier contrat VANDÉ/GANDRIAU le 25 mai 1670 et le second OGIER/GAUDRIAU, le 28 décembre de la même année, mais le mariage de ces derniers n’a été célébré qu’en janvier 1671, de ce fait, la mariée était parfaitement en règle.
Après réflexion, une hypothèse m’est venue à l’esprit.
Gilles VANDÉ était le frère d’Hélène, tous deux enfants de Françoise CLERJEAUD. Probablement faisait-il déjà partie de la communauté familiale avant son mariage. En épousant Gilles VANDÉ, Mathurine GANDRIAU entrait elle-aussi dans la communauté. On ne sait pas depuis combien de temps ce couple était marié. Peut-être Gilles VANDÉ était-il malade et le mariage a-t-il eu lieu sans avoir eu le temps de faire établir le contrat ouvrant à Mathurine l’accès à la communauté familiale. Quand elle s’est remariée, Jean OGIER était étranger à la famille VANDÉ, pour qu’il soit admis dans la communauté, il fallait que Mathurine en fasse déjà partie et ait fait légaliser son entrée en y apportant une dot. puis en tant que veuve VANDÉ, elle a pu faire entrer son nouveau mari dans la communauté moyennant selon l’usage, un apport qu’il a effectué en argent, vaisselle et céréales.
Le mystère n’est pas résolu pour autant. Rien ne peut confirmer mon hypothèse.
Il eût-été plus simple que Mathurine GANDRIAU et Jean OGIER entrent tous deux dans la communauté moyennant les mêmes conditions pour chacun. Existait-il chez les VANDÉ, une sorte de règle éthique pour empêcher cela ?
Pourquoi l’acte de mariage religieux est-il resté introuvable. Peut-être la cérémonie a-t-elle eu lieu dans une autre paroisse et que les nombreuses lacunes existant dans les registres m’ ont empêché de le retrouver.
Peut-être est-ce la communauté qui a été fondée peu avant le mariage de Gilles VANDÉ et Mathurine GANDRIAU, mais le mariage de Christophe DESCHAMPS et Hélène VANDÉ ayant été célébré en 1664, cela semble improbable, d’autant plus que Françoise GANDRIAU, pour être seule membre de la communauté, devait être veuve.
A cette époque, dans le milieu rural, la création d’une communauté familiale entre parents, enfants et conjoint(e)s, permettait de sauvegarder le patrimoine en évitant le partage des biens et des terres au moment des mariages (dot) ou des décès (héritage). Tous travaillaient à faire fructifier l’exploitation, dont les fruits étaient répartis en fonction des clauses de ladite communauté dans lesquelles étaient généralement précisées les répartitions en cas de résiliation, naissances ou décès.
Il faut souligner d’autre part, que le minutier de 1670 est le premier mis en ligne par les archives départementales de Vendée, dans la liste de l’étude de Pierre CAILLEAU. Premier numérisable ou premier de son exercice ?
De plus, le contrat de mariage VANDÉ/GANDRIAU a été inscrit à la page 1.
Le notaire n’était-il pas encore tout à fait opérationnel avant le 25 mais 1670 ?
Cela peut constituer une seconde hypothèse qui expliquerait la raison pour laquelle Maître CAILLEAU a enregistré ce contrat qu’il avait en instance, sachant que Gilles VANDÉ était malheureusement décédé entre-temps, mais que pour des raisons administratives ou fiscales, le minutier n’a pu être ouvert avant cette date ?
Ce contrat posthume (Cmg1) aurait été destiné à officialiser les conditions d’entrée de Mathurine dans la communauté afin qu’elle puisse faire valoir ses droits en cas de résiliation ou pour les besoins d’une succession même si entre-temps elle était remariée.
En effet, le contrat de mariage (Cmg2) concernant son union avec Jean OGIER, ne mentionne que l’apport de ce dernier dans la communauté.
Finalement, cette seconde hypothèse me semble plus plausible que la première mais je crains que malgré la poursuite de mes recherches, aucune réponse probante ne puisse être apportée.
Non élucidée également la raison qui a poussé Mathurine à épouser un autre homme si rapidement après le décès de son premier mari. Moins d’un an s’est écoulé entre les deux mariages et dès 44 jours elle s’était déjà engagée par contrat avec
Jean OGIER, avec il faut le préciser, le soutien de sa belle-mère et de ses beau-frère et belle-soeur.
Dans le contrat (Cmg2) il est précisé qu’en cas de décès de Françoise CLERGEAU, l’héritage serait partagé par moitié entre les deux couples : Christophe DESCHAMPS et Hélène VANDÉ d’une part et Mathurine GANDRIAU et Jean OGIER d’autre part.
« en faveur du « futur » mariage, est accordé que après le décès de laditte Françoise CLERGEAUD, seront lesdits proparlé et proparlée pour la moitié de la dite communauté avec lesdits DESCHAMPS et VANDÉ, sans que pour ce, ils puissent demander la part qu’ils auraient droit de demander comme héritiers de ladite CLERGEAUD, leur mère et belle-mère »
Les sommes et autres objets apportés par Mathurine GANDRIAU et Jean OGIER pour entrer dans la communauté familiale, ne reflètent pas une richesse suffisante pour susciter un intérêt financier, mais après-tout les contrats établis par Maître CAILLEAU, ne sont pas très détaillés en matière de meubles et immeubles.
On n’ignore pas qu’à cette époque la sauvegarde du patrimoine comptant beaucoup, de nombreux mariages « arrangés » par les familles étaient célébrés outre les sentiments des futurs conjoints.
Il est vrai aussi que des veuves se remariaient rapidement pour subvenir aux besoins de leur famille, mais en l’occurrence, Mathurine n’avait pas eu d’enfants !
En replongeant dans ma mémoire, je me suis rappelée un roman évoquant l’histoire d’une jeune femme très amoureuse d’un jeune homme qui ressentait pour elle beaucoup d’amitié mais pas d’amour. En vérité, le cœur de cet homme était pris par la sœur de cette dernière et réciproquement. Par compassion, parce qu’une grave maladie condamnait cette jeune femme à brève échéance, les deux « amants » ont réalisé le rêve de la malade que le garçon a épousée.
Ainsi, ignorant la gravité de son état, la jeune épouse s’en est allée après avoir vécu un bonheur éphémère grâce au sacrifice de sa sœur et de son « amant ».
Comme je suis très romantique, j’ai imaginé Gilles VANDÉ en malade et Mathurine GANDRIAU en amie, qui l’aurait épousé bien qu’elle aimait un autre homme : Jean OGIER. Pour les remercier, Françoise CLERGEAU, Christophe DESCHAMPS et Hélène VANDÉ, les ont fait entrer dans leur communauté selon un déroulement que nous connaissons maintenant.
Mais n’est-ce pas un peu trop romantique pour l’époque ?