Les causes des migrations
L’ingratitude des conditions locales (pentes, sol, climat), la pression démographique entraînent l’insuffisance des ressources. La longueur de l’hiver et le désoeuvrement en l’absence d’industries d’appoint, une façon d’échapper à la milice ou la conscription mais surtout un moyen de rechercher du numéraire pour payer l’impôt ou garder le bien (indemnisation des cohéritiers).
Des raisons psychologiques pour échapper à une vie trop monotone, un travail trop uniforme ou trop pénible. Ces multiples raisons sont amplifiées par l’expérience des parents et des parrains revenus fortune faite au "pays".
Quelle durée de migration ?
Migration saisonnière liée aux activités rurales, 15 jours pour les cueilleurs de pommes en Limagne, 7 à 8 mois en morte saison pour les scieurs de long et en belle saison pour les maçons mais retour périodique au "pays" pour les gros travaux d’été ou pour exercer un métier secondaire.
Migration pluriannuelle (maçons de la Creuse et des Combrailles, sucriers de Saugue, marchands de toile Cantaliens en Espagne) on revient quand on a gagné suffisamment pour amortir le voyage ou pour des nécessités impérieuses (décès d’un proche, règlement d’héritage etc...)
Migration viagère qui suppose l’idée d’un retour, après 10 à 30 années d’absence au "pays" et une installation de caractère permanent dans la région d’accueil, le retour est lié à la réussite sociale et au désir de laisser sa place à la descendance.
L’émigration définitive est souvent due à la fixation des héritiers dans le "pays" d’accueil, on ne revient plus au "pays" que durant le mois de vacances.
Les conséquences des migrations
Démographiques, les naissances obéissent au rythme des retours, les causes de décès sont multipliées par les déplacements, les métiers dangereux (scieurs de long, maçons), routes peu sures (les voyages se font souvent en groupe), la nuptialité comme la natalité est saisonnière (on revient très souvent au "pays" pour se marier). Les mariages hors du "pays" créent un déséquilibre, pour les filles qui restent les chances de trouver un conjoint diminuent.
Economiques, pour les régions de départ moins de bouches à nourrir, malgré une déperdition de main d’oeuvre, il est vrai à une période pas trop gênante ; pour les régions d’accueil une surcharge démographique passagère (mais la région est supposée plus riche) mais un apport de bras indispensables à cause de la période (migrants de récoltes), de la pénibilité des tâches (délaissées par les autochtones), de l’abondance des matériaux (bois pour les scieurs de long), de l’habileté présumée (étameurs, chaudronniers) ou dû au savoir faire commercial (métiers de "la chine" , du colportage, des marchands de toile et des négociants en vin).
Sociologiques, la migration permet d’adopter des attitudes nouvelles impensables dans le milieu d’origine. Nombre de métayers abusés par les hobereaux locaux vont trouver l’éveil de leur sentiments d’exploités, le migrant qu’il soit maçon ou cocher n’est plus isolé et prend une conscience plus exacte de son sort. Il se forge une solidarité de classe et lutte pour des gains plus substantiels et des conditions de travail moins pénibles.
La migration procure la possibilité d’une réussite professionnelle et sociale bien improbable au "pays", le migrant du Massif Central par son aptitude au travail pénible, son habileté dans l’artisanat, son endurance, son énergie, ses qualités de finesse, son aptitude à discuter et convaincre particulièrement dans le domaine du négoce va réussir.