La retraite sur Lowenberg
Embouteillage provoqué par les équipages, les ambulances et les parcs des 3e et 11e corps de MACDONNALD qui ont étés défaits plus au nord sur le plateau de Janowitz. C’est la confusion. Devant ce spectacle, le sergent BOITARD nous dit d’un ton désabusé « Conscrits, j’ai bien peur que ce soit le début de la fin... ». En effet, c’est la première fois que nous battons retraite dans ces conditions.
Toute la nuit nous marchons, relativement en ordre, vers Goldberg. La marche est éprouvante dans la nuit noire et sous la pluie. Nous devons traverser des ruisseaux qui se sont transformés en torrents. Nous sommes trempés. Les chemins sont de plus en plus défoncés et encombrés de caissons embourbés. En plus, la faim nous tenaille car nous n’avons pas mangé depuis le matin.
Nous arrivons à Goldberg au lever du jour. Nous nous arrêtons là quelques heures pour nous reposer et nous restaurer. Nos rations sont maigres, elles consistent en quelques biscuits et un quarteron de vin. Une fois restauré, je m’endors comme une souche, près du feu de camp, transi de froid dans mes vêtements détrempés.
Dans la matinée du 27 août nous reprenons notre marche sur Lowenberg. Marche tout aussi éprouvante que celle de la nuit précédente. En début d’après midi nous arrivons en vue de Pilgramsdorf, au bord de la Schnelle Deichsel, avec assez de difficultés, car le terrain est fangeux. Il fallut encore pousser les canons et les caissons.
Une fois arrivés aux ponts qui traversent cette rivière, l’avant-garde de la cavalerie russe nous attaque. Nous réussissons à garder les ponts et à les passer. Comme souvent, ce sont nous les artilleurs qui passons les premiers avec nos canons et nos caissons. Les fantassins suivent mais avec plus de difficultés, certains se noient.
De l’autre côté de la rivière le terrain est encore plus fangeux et les chemins quasi impraticables. Notre batterie étant en fin du convoi, nous avons de plus en plus de mal à avancer. Pièces et caissons s’embourbent, même avec l’aide des chevaux il est de plus en plus difficile d’avancer. Au bout d’un moment nous devons nous résoudre à abandonner pièces et caissons. Seule la première moitié du convoi arrive à continuer sa marche tant bien que mal.
Nos pièces abandonnées, nous continuons notre route à travers champs en direction de Lowenberg.
Nous formons des groupes plus ou moins conséquents. Le notre est composé de l’équipage de notre batterie, c’est à dire une vingtaine d’hommes. Nous n’avons pas d’officiers avec nous. Ces derniers étant à cheval sont en tête du convoi. Seuls les sous-officiers chefs de pièces sont avec nous.
Moi je suis toujours avec François et le sergent BOITARD, nous marchons côte à côte. François et moi commençons à être éprouvés. Le sergent nous encourage « Allez conscrits, courage, ce n’est rien à côté de la retraite de 1812 où nous avions en plus le froid et la neige ».
En début de soirée, éreintés, nous nous arrêtons dans un grand bois à mi-chemin entre Pilgramsdorf et Lowenberg. Nous voyons là, éparpillés dans la forêt, de nombreux groupes de soldats qui se préparent à bivouaquer. Nous décidons d’en faire autant. Là nous nous construisons, avec des branchages, des abris sommaires pour nous protéger de la pluie. Nous ne pouvons faire de feu à cause de la grande humidité. Je dois avouer que maintenant le moral n’est plus au plus haut. Durant toute la nuit la pluie tombera à torrents…
Le 28 août au matin nous nous réveillons avec difficulté après un profond sommeil. Difficilement nous nous remettons en route dans les mêmes conditions que la veille.
Au soir après avoir passé Lowenberg, nous nous arrêtons dans la région de Plagwitz ou nous retrouvons la partie du 5e corps qui a pu battre en retraite dans l’ordre. Nous rejoignons nos officiers surpris de voir le restant de leurs hommes avec leur équipement pouvant encore combattre. Nous séjournons là pendant deux jours. Nous pouvons, maintenant, nous reposer, nous laver et nous restaurer. Nôtre moral se rétablit. Nôtre confiance en nous revient comme au début de la campagne. Durant ce séjour de nombreux traînards rallient notre position.
Sur le chemin de Dresde
Le 31 août nous quittons Placwitz pour nous installer à Lauban. Du 1er au 5 septembre nous alternons les bivouaques à Lauban et à Görlitz sans autres activités.
Le 6 septembre nous quittons Görlitz en direction de Horkirch. Nous n’avançons pas vite car le mauvais état des chemins ralentit notre marche. En chemin, le 9, nous subissons une attaque des russes à Kitttlitz. Attaque sans conséquences qui se résume à un simple engagement entre tirailleurs, nous prenons vite le dessus. Au soir, nous bivouaquons à cet endroit.
Le 10 septembre, très tôt, nous prenons la direction de Bautzen. Nous arrivons le soir au sud de cette ville où nous nous installons devant des marais. Nous nous retranchons pour parer une attaque de l’ennemi.
Le 14 septembre nous quittons les marais de Bautzen, jugés comme mauvaise position par l’Empereur, pour les hauteurs au-delà de Bautzen. Le 16 nous atteignons ces collines et nous nous installons à Drebnitz où nous restons deux jours. Séjour qui se passera dans la tranquillité.
Le 19 septembre, nous nous rendons à Fischbach où le général LAURISTON installe son quartier général et sa réserve d’artillerie dont notre compagnie fait partie. Nous y restons jusqu’au 24.
Au début de notre installation dans cette position, l’Empereur se rend sur les hauteurs d’un village voisin de Fischbach, Harthau. Le 21 septembre au matin, de notre position, nous pouvons l’apercevoir, au loin, près de la ferme d’Harthau, entrain de haranguer sa garde. Au bout d’un moment nous entendons un formidable ‘vive l’empereur’ qui détonne dans le lointain, suivi d’autres clameurs provenant de différentes collines. A notre tour, tout le parc d’artillerie, comme un seul homme, y va de son ‘vive l’Empereur’. Le capitaine WITTEN et ses lieutenants, sabre au clair, ne sont pas les derniers à s’époumoner.
C’est alors que commence l’attaque générale qui durera trois jours. Les troupes galvanisées par la présence de l’Empereur se battent avec acharnement. Les 3 divisions de notre corps se battent, elles, à Stolpen et à Neustadt pour finalement repousser les russes derrière la Spree. Nous, malheureusement, n’avons pas eu à intervenir. Seules les artilleries divisionnaires ont participé à l’attaque.
Le 25 septembre nous laissons ces divisions dans ces deux villes et nous rentrons avec la réserve d’artillerie dans la ville de Dresdes ou se trouve l’Empereur. »
Trois jours avant la fin de l’armistice, c’est le prussien BLÜCHER, à la tête de l’armée de Silésie, qui reprend les hostilités en occupant le large ‘no man s land’ décrété lors de l’armistice. NAPOLEON, de Dresde, demande à ses troupes de rester sur la défensive et ordonne une retraite stratégique afin de pouvoir mieux répliquer aux troupes russo-prussiennes. Le corps de LAURISTON, lui, se retire en deçà de Lowenberg, dans la direction de Dresde.
Le 21 septembre, NAPOLEON décide d’attaquer. Il rejoint le 5e corps qui se trouve à l’ouest de Lowenberg. Là, à la tête de ce corps il occupe la ville qui vient d’être évacuée par les russoprussiens et défait ces derniers à Plagwitz. Ensuite il dirige les 5e et 11e corps sur Goldberg. Le 11e occupe la ville qui vient d’être abandonnée pendant que le 5e chasse l’ennemi des hauteurs du Walberg et du Flensberg, au sud-est de la ville. Le 3e corps, lui, occupe Liegnitz. Les russo-prussiens retraitent en désordre vers Jauer.
A ce moment là, Napoléon apprend que les autrichiens s’apprêtent à attaquer Dresdes. Il décide alors de revenir dans cette ville. Il donne le commandement des 5e, 11e et 3e corps à MACDONALD. Arrivé à Dresdes, sachant que NEY, à la tête du 3e corps, accepterait mal d’être commandé par MACDONALD, il lui demande de le rejoindre.
Là se produit un quiproquo. NEY pense qu’il lui demande de le rejoindre avec son corps d’armée. Le 3e corps part donc de Liegnitz pour Dresdes.
Quand il est parti pour Dresdes, NAPOLEON a demandé à MACDONALD de continuer à poursuivre l’ennemi au-delà de Jauer puis de s’établir sur le Bober de Lowenberg à Bunslau de manière à tenir l’armée de Silésie loin de cette ville.
MACDONALD voyant ses troupes dynamisées par la présence récente de NAPOLEON auprès d’elles et surtout, croyant les russo-prussiens en quasi débandade, suit ardemment les recommandations de l’Empereur.
De son côté, BLÜCHER ,voyant le 3e corps de NEY se diriger vers Dresdes, croit à une retraite de l’armée française. Il stoppe ses troupes et les dirige alors vers le nord, vers la Katzbach, par le plateau de Janowitz.
Le 25 août au soir le 3e corps est de retour à Liegnitz, mais affaibli par cette contremarche. Le lendemain MACDONALD décide d’attaquer malgré un temps désastreux qui fait déborder les rivières et rend les chemins quasiment impraticables.
Il lance ses trois corps d’armée sur Jauer. Le 5e et le 11e à partir de Goldberg et sa région, le 3e à partir de Liegnitz à travers le plateau de Janowitz.
Ainsi les deux armées marchent l’une contre l’autre, croyant, l’une et l’autre, être à la poursuite de l’autre.
Les 5e et 11e corps arrivent sans grands incidents à la limite du plateau de Janowitz dans la direction de Jauer. C’est le 5e corps qui est le plus en avance sur Jauer.
Par contre le 3e corps, ne pouvant traverser la Katzbach à Liegnitz pour suivre la route de Jauer, pour cause d’inondation, dut la franchir en amont, au confluent avec la Wutten-Neiss. Il dut donc accéder au plateau de Janowitz par le ravin de cette rivière. La progression de plus de 20 000 fantassins, 5 à 6 000 cavaliers et une centaine de bouches à feu fut extrêmement difficile et lente dans un ravin très encaissé donc sur un chemin étroit et peu praticable.
Lorsque l’avant garde du 3e corps déboucha sur le plateau, elle fut repérée par l’avant garde de la cavalerie ennemie qui était bien avancée. BLÜCHER, voyant la difficulté des français pour accéder au plateau, envoya la presque totalité de ses troupes, 40 000 hommes, pour les culbuter dans le ravin.
Il y arriva, après d’âpres combats à la baïonnette car l’extrême humidité interdisait l’utilisation des fusils. Les français furent donc repoussés dans le ravin et là ce fut une extrême confusion entre ceux qui s’échappaient et le reste de la colonne qui continuait à monter. Un nombre énorme d’hommes moururent noyés dans la rivière.
Les 5e et 11e corps apprenant la nouvelle du désastre de la Katzbach arrêtèrent leur progression et battirent retraite, en ordre. LAURISTON qui était aux prises avec les russo-prussiens de LAUGERON préféra rompre le combat et se retirer calmement sur Goldberg.
Cette défaite de la Katzbach masqua la belle victoire de Dresdes contre les autrichiens et a réduit à néant tous les espoirs de NAPOLEON de pouvoir exploiter ce succès.
En fait, les deux facteurs qui ont contribué à cette défaite sont le quiproquo entre NEY et NAPOLEON et les affreuses conditions météorologiques. En effet si BLÜCHER n’avait pas été averti du retrait du 3e corps vers Dresdes, il aurait continué sa retraite sur Jauer. Et si le 3e corps avait pu passer la Katzbach à Liegnitz il aurait pu traverser le plateau de Janowitz par la route normale, sans encombres.
Certains spécialistes reprochent à MACDONALD son impétuosité qui l’a poussé à ne pas attendre l’amélioration des conditions météorologiques pour poursuivre l’ennemi.
Sur le chemin de Leipzig
« Du 25 au 30 septembre nous cantonnons à une lieue de Dresdes, sur la route de Freiberg. Là nous nous approvisionnons en nourriture et en munitions. C’est durant cette période que le général MURAT prend le commandement de notre corps d’armée et de celui du général VICTOR, le 3e.
Le 1er octobre nous nous rendons à Nossen où nous remplaçons les troupes du général PONIATOWSKI.
Du 3 au 10 octobre, nous nous installons à Mittveida où le général LAURISTON aménage son QG. Notre parc d’artillerie est maintenant au complet, toujours sous les ordres du général DE CAMAS.
Le 11 octobre nos trois divisions prennent Borna, occupée par les russes. Seules les artilleries divisionnaires interviennent. Nous, nous restons en réserve.
Le 12 nous prenons position à Liebertwolkvitz, au sud de Leipzig, où nous restons jusqu’au 15 octobre.
Nous investissons ce village et sa périphérie. C’est une assez grosse bourgade abandonnée par ses habitants, nos troupes peuvent s’y retrancher aisément. Notre parc d’artillerie s’installe dans sa bordure nord. A l’Est, se trouve une hauteur, le Galgenberg, au nom évocateur, la colline des potences. Derrière cette proéminence se trouve le village de Wachau où nous entendons s’installer le 2e corps du général VICTOR.
Là, nous reprenons des forces, recevons de l’équipement, notamment des souliers neufs. C’est aussi le temps des récompenses. Le dernier jour, le 15, l’empereur nous rend visite pour donner de ses mains, à chaque régiment, son Aigle ( sculpture en bronze d’un aigle qui, monté sur une hampe avec un drapeau, sert d’étendard lors des batailles).
Tous nos régiments forment les trois côtés d’un immense carré, le quatrième côté étant occupé par le cortège impérial. Les officiers se placent devant leurs hommes, au centre du carré. Après la remise des Aigles par l’Empereur, ce dernier fait un bref discours de sa voix vibrante qui pénètre l’âme. Il nous demande de préférer la mort à l’abandon des Aigles qu’il nous a confié. Il finit sa courte allocution en nous demandant : « vous le jurez ? ». Alors sort du plus profond de nos entrailles, à tous, un formidable : « Nous le jurons, vive l’Empereur ! ». Nous sommes tous subjugués par la puissance magique qui émane de cet homme.
La bataille de Leipzig
Le 16 octobre 1813
A la ‘Diane’, le temps est froid, le brouillard envahit la plaine et il pleuvine. Nous nous préparons au combat car les mouvements de troupes de l’ennemi, la veille, nous font prévoir une attaque imminente.
En effet, vers 8 heures du matin, nous subissons une première attaque des russes du général GORCHAKOV. Nos troupes la repousse sans problèmes. Notre parc d’artillerie reste toujours en réserve. Cette première attaque sera suivie par six autres, toujours sans succès pour les russes.
Dans la matinée, nous recevons l’ordre de nous rendre à la ’colline aux potences’ (Galgenberg) avec nos 32 bouches à feu. En arrivant à la colline nous voyons de nombreux convois d’artillerie provenant de différentes réserves qui se dirigent vers nous. C’est bientôt un tohu-bohu épouvantable entre les canons et les fourgons qui se mettent en place, les claquement de fouet des conducteurs et les cris de colère des équipages qui essaient de se frayer un chemin.
En peu de temps prés de 150 à 200 canons sont déployés à intervalles réguliers entre Lieberwolkwitz et Wachau, sur la crête de la colline. Le brouillard est maintenant complètement levé. On peut apercevoir au lointain, en contre-bas, les troupes russes qui avancent lentement vers nous, précédées par une grande batterie d’au moins une centaine de pièces.
Une fois totalement installés, un groupe d’officiers supérieurs nous passe en revue. A la vue du groupe, le sergent BOITARD s’écria " Hé, conscrits, c’est le ’moine’ ! ". François et moi nous nous tournons vers lui d’un air interrogateur. " Oui, c’est le général DROUOT, le plus grand artilleur de notre armée".
Quand le général passe devant nous, alors que nous lui présentons les armes, il fait un petit signe amical à notre commandant de compagnie, le capitaine WITTEN. Nous apprendrons plus tard que ce dernier a longtemps combattu sous les ordres directs du général. Quant au surnom de ’moine’ de ce grand artilleur, il le doit à son comportement d’ascète et au fait qu’il a toujours une bible sur lui, même sur les champs de bataille.
La revue terminée, le groupe se positionne en arrière et au centre de la grande batterie. Peu de temps après, à midi, l’empereur rejoint le général et c’est à cet instant que ce dernier fit un signe brusque avec son sabre. Signe qui déclencha une canonnade de feu de dieu.
D’immenses quantités de fumée s’élèvent, obscurcissant toute vision. Les équipages des canons deviennent indiscernables à travers la fumée. Heureusement qu’il y a un peu de vent, car, trop aveuglés, nous ne pourrions voir nos voisins en ligne. Les chargements, les tirs, le danger, la peur et l’excitation nous mettent dans un état second. La ’colline aux potences’ ressemble à un véritable volcan avec sa fumée âcre qui rend la respiration difficile.
La batterie ennemie réplique immédiatement. Mais ses tirs sont imprécis du fait de notre position en hauteur. Cette canonnade infernale dure pendant une à deux heures, je ne saurai le préciser. Donc au bout d’un certain temps les tirs de l’ennemi deviennent moins réguliers pour finalement s’arrêter.
Nous avons finalement peu de dégâts en ce qui concerne les équipages et les canons. Par contre, ce sont les chevaux de trait qui ont été les principales victimes de cette canonnade. Il fallut en abattre un certain nombre.
La canonnade terminée, nous pouvons apercevoir un champ de bataille dévasté par les boulets avec de nombreux canons endommagés, plein de fourgons éventrés, de nombreux cadavres de chevaux de trait, certains encore agonisants. Le reste des canons et fourgons s’enfuit vers Gulden Gossa. De nombreux artilleurs fuient à travers champs, toujours dans cette direction.
Une fois l’artillerie russe disparue, ce sont les russes du 2e corps d’infanterie du prince Eugène de WUTTENBERG qui deviennent notre principale cible. Ils tiennent bon pendant un moment, mais finissent par succomber sous notre feu. Une partie se retire précipitamment sur la ferme Auenhain et l’autre sur Gulden Gossa.
Vers 15 heures la cavalerie du général MURAT traverse notre ligne, sous nos acclamations, pour poursuivre les fuyards. Nos fantassins leur emboîtent le pas et nous, nous suivons le mouvement. Nous avançons de cent à deux cent pas en position de soutient.
Nous voyons, au loin, les cavaliers du roi de Naples (MURAT) qui déciment la cavalerie russe du général PAHLEN. Cette dernière semble avoir accusé le coup, suite à notre bombardement intensif.
Nos troupes occupent maintenant la bergerie d’Auenhain après y avoir délogé le prince EUGEN et sa garde. Elles occupent aussi Gulden Gossa, plus au sud.
Au bout d’un moment, nous voyons les cavaliers de MURAT se replier devant les cosaques qui proviennent de la réserve russe. Nous disposons nos batterie en carrés pour que les cavaliers français puissent traverser notre ligne sans encombre.
Une fois les derniers cuirassiers passés, nous chargeons nos pièces de mitraille et attendons d’avoir les cosaques à portée de tir. Une fois ces derniers à distance, c’est un feu ininterrompu pendant un bon moment. Les cavaliers russes sont décimés, les survivants s’enfuient à vive allure vers leurs lignes.
Après la débandade de la cavalerie russe, nous voyons, au lointain, arriver les réserves du général SCHWARTZENBERG. C’est une masse de troupes russes, prussiennes et autrichiennes qui se dirige vers nous, grande batterie en tête. Ils ont probablement l’intention de reprendre Gulden Gossa et la ferme de auenhain. Nous nous positionnons pour soutenir nos troupes qui tiennent ces positions.
Alors s’engage une canonnade nourrie de part et d’autre. Le combat fait rage, nos troupes se battent comme des forcenés. Après plusieurs attaques, le village de Gulden Gossa est repris par les russo-prussiens et la ferme Auenhain, elle, est reprise par les autrichiens. Mais l’ennemi ne peut aller plus avant, car nos troupes sont bien retranchées sur leurs positions et tentent de reprendre, à plusieurs reprises la ferme et le village. Le combat finit par se limiter à un duel d’artillerie qui va se terminer à la nuit tombante.
La canonnade terminée des milliers de feux de camps s’allument, tous les belligérants, épuisés, s’y blottissent étroitement autour d’eux. C’est ce que nous faisons, nous aussi, aux pieds de nos pièces. Nous sommes éreintés après cette journée infernale. Wachau et Liebertwolkvitz sont en flammes. De nombreuses flammèches s’élèvent en tourbillonnant dans la nuit noire. L’ambiance est presque féerique...
Le 17 octobre 1813
Quand nous nous réveillons à la ’Diane’, un spectacle dantesque s’offre à nous. Tout le champ de bataille de la veille est jonché d’armes et de matériel militaire : canons endommagés, fourgons détruits, mousquets, sabres, tambours, ceintures croisées, cartouches, shakos, casques, lances, chevaux morts et blessés. Quelques bêtes survivantes, déharnachées, errent au milieu des débris. L’ami et l’ennemi gisent morts ou blessés côte à côte. La plupart des blessés au-delà de tout espoir ont déjà été dépouillés de chaussures et de vêtements. Des dizaines d’hommes portent des camarades blessés sur des manteaux ou les prennent dans leurs bras, la tête pendante. Beaucoup d’agonisants gémissent pour avoir de l’eau.
Devant cet effroyable spectacle, je ne peux m’empêcher d’avoir un sentiment mêlé d’émotion et de respect pour tous ces hommes qui ont donné leur vie courageusement, les uns pour l’Empereur, les autres pour leur patrie.
Nous considérons notre combat d’hier comme une victoire, car nous avons gagné du terrain. Ceci malgré la supériorité en nombre de l’ennemi. Mais malheureusement ce n’est pas une victoire décisive, nous n’avons pu faire la percée espérée qui nous aurait permis de le prendre à revers et de le mettre à notre merci.
C’est maintenant l’heure de faire le bilan de ce combat. Parmi toutes les compagnies qui forment notre grande batterie nous comptons 162 victimes (tués et blessés). Ce chiffre reste relativement modeste par rapport aux énormes pertes que nous avons infligées à l’ennemi.
En milieu de matinée nous voyons les troupes ennemies se positionner pour attaquer. Vers 18 heures nous recevons l’ordre de nous replier sur Probstheida. Notre grande batterie s’installe sur le plateau du même nom. Notre compagnie se tient à droite de la batterie à proximité de notre corps d’armée, le Ve, qui occupe le village. De l’autre côté de la batterie se tient la jeune garde qui occupe le village de Dosen. Une fois installés et réapprovisionnés en munitions, nous attendons de pied ferme. Nous ne sommes plus à l’offensive, mais sur la défensive. La nuit se passe sans incidents.
Le 18 octobre 1813
Dans la matinée, il commence à pleuvoir, le village de Wachau brûle toujours. En début d’après midi nous voyons les troupes ennemies qui se déplacent vers nous. Elles sont extrêmement nombreuses.
Le soleil sort des nuages et illumine le champ de bataille. L’infanterie ennemie, précédée de sa puissante artillerie, au moins 200 pièces, avance vers nous. On entend les orchestres régimentaires russes, prussiens et autrichiens qui jouent des marches militaires pour ajouter, sans doute, un air martial à l’assaut. Ou bien veulent-il nous impressionner ?...
Au bout d’un moment, la grande batterie ennemie ouvre le feu. Nous ripostons instantanément. La canonnade devient assourdissante. Des nuages à l’odeur acre couvrent notre position et diminuent notre champs de vision. Progressivement, nous prenons le dessus, bien que nous soyons en état d’infériorité.
Les prussiens attaquent rageusement le village de Probstheida tenu par notre corps d’armée. Le combat est rude, à la baïonnette. Au bout d’un moment ils sont expulsés du village et se retrouvent en pleins champs. Là, nous orientons nos pièces et nous les explosons. Les cuirassiers du général MURAT les chargent et leur inflige de lourdes pertes. Ils évitent la décimation grâce à la cavalerie russe qui arrive à retenir de nouvelles charges de la cavalerie française.
Les prussiens tentent une nouvelle attaque mais sans résultat. Au fur et à mesure qu’ils avancent nos canons ne leur font pas de quartier. Ils sont décimés et retirés du combat.
Une troisième attaque est lancée par les russes du prince EUGEN. C’est ce dernier en personne qui mène le combat. Mais ils n’arrivent pas à pénétrer dans le village, nos troupes les repoussent à la baïonnette.
Une quatrième attaque est lancée. Cette fois nous devons faire face à 4 divisions d’infanterie russes, 2 brigades prussiennes et 2 divisions de grenadiers russes. C’est un assaut furieux. L’Empereur lui même vient nous diriger. Nos tirs déchiquettent les russes qui sont finalement repoussés par la jeune garde.
Les russo-prussiens n’attaquent plus, seule leur batterie continue à nous asperger. Nous rendons coups pour coups. La canonnade dure jusqu’à la tombée de la nuit. Nos réserves de munitions sont au plus bas.
En milieu de nuit nous recevons l’ordre de nous replier sur Leipzig, c’est le début de la retraite."
La bataille de Leipzig (16–19 octobre 1813), à cette époque appelée bataille de Leipsick, aussi connue comme la « bataille des Nations », est une des plus importantes qui ait été livrées au cours des guerres napoléoniennes.
Après l’échec catastrophique de la campagne de Russie de 1812, elle oppose la Grande Armée, en partie reconstituée, aux forces de la Russie , mais aussi de la Prusse , de l’ Autriche et de la Suède qui ont rejoint la Sixième Coalition contre Napoléon.
Menacé par la jonction de BENNINGSEN (russes), qui vient du sud-est, de BERNADOTTE (suédois) et BLÜCHER ( russo-prussiens), qui viennent tous les deux du nord, et de SCHWARTZENBERG (russes, prussiens, autrichiens), qui, lui, vient du sud, NAPOLEON, avec ses 160 000 hommes, se porte à leur rencontre à Leipzig.
Le 16 octobre, BLÜCHER attaque MARMONT au nord de la ville, mais est stoppé par NEY
(REYNIER, SOUHAM). SCHWARZENBERG, qui attaque au sud, est contenu par NAPOLEON
(PONIATOSWKI, VICTOR, DROUOT, LAURISTON) à Wachau et Lieberwolkwitz.
Le 17 octobre, BERNADOTTE arrive par le nord et BENNIGSEN par l’est et le sud-est. Les alliés entourent maintenant les français avec 320 000 hommes. NAPOLEON fait reculer sa ligne du sud vers Probstheida.
Le 18 octobre, au nord, après les combats de Paunsdor, de Schönefeld et la trahison des saxons et de divers corps de la confédération du Rhin, les français se replient sur Leipzig. Au sud, la ligne française, après plusieurs attaques vigoureuses, tient ses positions.
Au soir du 18 octobre NAPOLEON constate que les réserves en munitions, pour l’artillerie, sont au plus bas. Elles ne permettent pas de continuer le combat. En cinq jours la Grande Armée a tiré entre 220 000 et 250 000 coups. La réalimentation en munitions ne pouvant se faire qu’aux dépôts de Magdebourg ou d’Erfurt, il devient nécessaire de quitter Leipzig. Il décide donc de battre retraite pendant la nuit.
Le 19 octobre l’armée française continue de battre retraite. Cette dernière se déroule bien, dans l’ordre, jusqu’au moment où, par erreur, vers 15 heures, un artificier fait sauter le pont sur la Pleisse qui permettait le retrait des français. Quasiment toute l’arrière garde (un tiers de l’armée) s’est trouvée coincée dans la ville et fut décimée par l’ennemi.
Leipzig a été l’une des rares batailles dans lesquelles Napoléon a été clairement vaincu. Cela a entraîné la destruction de ce qui restait de la puissance française en Allemagne et en Pologne. Plus jamais l’armée de Napoléon n’est entrée en Allemagne. A Leipzig, les pertes de Napoléon étaient de 40 000 à 45 000 tués, blessés, laissés dans les hôpitaux, 15 000 à 30 000 prisonniers et 300 pièces à feu. Les pertes des alliés furent de 50 000 à 55 000 tués et blessés.
La retraite vers la France
" Nous arrivons en convoi, avec les autres compagnies qui formaient la grande batterie, à Leipzig, en milieu de nuit. Là, c’est un grand embouteillage. Nous rencontrons d’autres convois d’artillerie qui viennent de différents points du front. Devant notre étonnement de voir tant de canons et de fourgons, le sergent BOITARD nous donne l’explication :" L’Empereur veut préserver son artillerie, alors il nous fait tous partir en premier".
La traversée de la ville dure une éternité. Nous arrivons enfin à un pont qui traverse la Pleisse. Une fois la rivière passée, nous retrouvons une allure normale. C’est le pont, véritable goulot d’étranglement, qui occasionnait tout cet embouteillage.
Nous prenons alors la direction d’Erfurt. Nous allons bon train. Nous mettons deux jours et demi pour arriver à cette ville, en passant par Iéna, soit à peu près 8 à 10 lieues par jour.
Le 23 octobre nous sommes donc à Erfurt où nous pouvons nous reposer, nous substanter correctement, car cela fait près d’une semaine que nous nous nourrissons de faibles rations. Là aussi, nous sommes réapprovisionnés en munitions et en équipement.
Le 24 octobre, nous sommes rejoints par les restes de notre 5e corps qui faisait partie de l’arrière garde. C’est là que nous apprenons l’affreuse nouvelle. Les deux tiers des hommes se sont trouvés bloqués dans Leipzig et durent affronter les troupes de la coalition qui étaient bien supérieures en nombre. Tous furent tués ou faits prisonniers. Notre général LAURISTON fut parmi ces derniers. En effet, lorsque l’avant garde de notre corps venait juste de passer le fameux pont sur la Pleisse, ce dernier, à cause d’une maladresse d’un artificier, sauta, ce qui empêcha toute sortie de la ville. De nombreux hommes, voulant traverser la rivière à la nage, moururent noyés.
Le 25 octobre, les corps d’armée rescapés de Leipzig sont réorganisés. Le notre comprend maintenant 3 divisions de 2 brigades de ligne chacune et 3 escadrons de cavalerie légère. notre 15e compagnie fait toujours partie de la réserve d’artillerie. Nous sommes maintenant, avec le 3e et le 6e corps, sous le commandement supérieur du maréchal MARMONT.
Le 152e de ligne, le régiment qui était au dépôt à Strasbourg et dans lequel a été incorporé notre ami Samuel HERMANN fait partie, maintenant de notre corps d’armée. Avec François, nous décidons de nous rendre au bivouac de ce régiment pour essayer de voir notre ami.
Nous le trouvons au milieu d’un groupe de soldats autour d’un feu de camp. Nous l’interpellons, il se retourne vers nous, son visage est fermé, un semblant de rictus apparaît pour disparaître aussitôt. Nous lui demandons de ses nouvelles. Il est peu loquace et abrège la conversation.
Avec François, nous nous regardons étonnés, puis retournons, dépités, à notre compagnie. Le Samuel enthousiaste et pétillant n’est plus. Il a été tué par la guerre. Il a dû en voir des atrocités et, peut-être aussi, en faire...
Le 26 octobre, ce qui reste de la grande armée s’ébranle dans la direction de Mayence. Nous sommes en deuxième position derrière l’avant garde. Juste derrière nous se trouvent l’infanterie et l’artillerie de la garde. Cette dernière est toujours commandée par la général DROUOT.
La bataille de Hanau
En cinq jours nous faisons les 50 lieues qui séparent Erfurt d’Hanau, soit 10 lieues par jour. A proximité de cette dernière ville, à l’orée d’une grande forêt, la forêt de Lamboi, nous faisons halte. Il semble que les austro-bavarois du général DE WREDE nous barrent la route à la sortie de cette forêt. L’avant garde (les corps de VICTOR et MACDONALD et la cavalerie de SEBASTIANI et NANSOUTY) se met en position pour pousser l’ennemi hors de la forêt. Ce qu’elle fait sans peine.
Au bout d’un moment la réserve d’artillerie de DROUOT nous dépasse et nous avons ordre de la suivre. Nous arrivons à un chemin forestier assez éloigné de la lisière du bois pour être caché de l’ennemi. Nous l’empruntons à la queue leu-leu. Au bout d’un moment, nous arrivons au débouché de la forêt, protégés des tirs ennemis par les premières batteries arrivées. Nous nous installons progressivement, bientôt nos 80 bouches à feu entrent en action sous le feu intense de la batterie ennemie, qui, à première vue, comprend une soixantaine de pièces.
Un duel d’artillerie acharné va durer pendant près de 2 heures. Nos dégâts ne sont pas trop élevés, notre position étant plus favorable que celle des canons ennemis. Ces derniers s’éteignent petit à petit, apparemment faute de munitions.
Les pièces de la batterie ennemie doivent reculer à travers les lignes de cavalerie et d’infanterie.
Pour masquer ce mouvement délicat, la cavalerie bavaroise se prépare à charger notre grande batterie. Prévoyant cela, DROUOT nous fait charger à mitraille et donne l’ordre de tirer au tout dernier moment.
On aperçoit les Chevaux Légers bavarois qui commencent leur charge, d’abord au trot puis au galop. On voit les cavaliers se mettre sabre au clair. Au milieu du bruit du galop des chevaux, on perçoit des cris rageurs, probablement des jurons contre nous afin d’exciter leurs bêtes et, peut-être, de se donner du courage.
Une fois arrivés à 50 mètres de notre batterie, toutes nos pièces font feu en même temps. La fumée dissipée, nous avons, devant nous, un horrible spectacle. Les chevaux, souvent mutilés par la mitraille, s’effondrent à terre. Les cavaliers qui ne sont pas blessés par le feu ennemi, sont écrasés par leurs montures ou celles de leurs compagnons. Excités par l’odeur du sang et de la poudre et par les mugissements d’agonie des hommes et des chevaux, les bavarois qui ont échappé au carnage se ruent comme des forcenés sur nos pièces.
S’ensuivent alors, des images d’horreur qui vont probablement rester à jamais gravées dans ma mémoire. Nous nous défendons comme des lions, qui avec son sabre, qui avec sa baïonnette, qui avec son écouvillon ou son levier. Même le général DROUOT se bat au corps à corps.
En ce qui me concerne, je ne suis plus moi même. Je ne pense plus, je suis devenu une mécanique qui manie la baïonnette pour tuer. Peut-être, est-ce cela l’instinct de survie ? Les cavaliers bavarois font de redoutables moulinets avec leurs grands sabres. Certains des nôtres, aux prises avec deux ou trois bavarois, sont littéralement hachés. Les uniformes noirs des Chevaux Légers deviennent rouges de sang.
La situation devient dramatique pour nous, jusqu’au moment où les Dragons et les Grenadiers à cheval de la Garde viennent nous dégager et refoulent l’ennemi. Nous, les survivants, sommes galvanisés par la fureur et, peut être aussi, libérés par la peur qui nous tenaillait jusque là. Sous les ordres du général DROUOT, nous avançons nos canons de 400 mètres et faisons feu de toutes pièces dans la plaine. Le feu devient insoutenable pour l’ennemi qui se replie sur Hanau.
Nous revenons sur notre première position. Là, nous pensons nos blessures. Par chance, François et moi n’avons que des blessures superficielles, quelques entailles sans gravité. Mon shako a été défoncé, probablement par un coup de sabre. La bible que j’avais placé à l’intérieur est à moitié tranchée. Elle m’a probablement sauvé la vie.
Le sergent BOITARD, notre ami, a eu moins de chance que nous. Son corps gît sur un fût de canon, le sabre à la main, tailladé de toute part. François et moi pleurons notre ami. Nous l’imaginons qui, de la-haut, nous dit :" Ne pleurez pas, conscrits, rappelez vous la harangue du capitaine WITTEN, à Strasbourg : l’artilleur ne quitte jamais sa pièce, meurt auprès d’elle, ou est pris avec elle."
C’est maintenant l’heure de l’appel. Il y a de nombreux blessés dont notre chef de compagnie en second, le capitaine SOULE, et le lieutenant SABOURET, notre chef de batterie. Il y a eu, malheureusement quelques tués, comme notre ami le sergent BOITARD.
Le 31 octobre, au petit matin, la route pour Frankfort étant devenue libre nous nous mettons en route après les derniers préparatifs. La chaussée devient de plus en plus encombrée par le grand nombre de troupes qui s’y déplace, les colonnes s’embarrassent mutuellement ce qui provoque des arrêts intempestifs. Par endroits nos canons roulent sur de nombreux cadavres de bavarois. Parfois nous sommes dépassés par des bandes, pour ne pas dire des troupeaux, de soldats ayant jeté leurs armes, ayant un simple bâton à la main. Ce sont les ’fricoteurs’, leurs deux seules préoccupations sont de subsister en maraudant et de rentrer le plus rapidement en France.
Pendant 3 jours nous progressons vers le Rhin, toujours dans les mêmes conditions de confusion et de désarrois. Durant tout le trajet, les horribles images du combat au corps à corps à Hanau assaillent mon esprit. Je n’arrive pas à m’en détacher.
Enfin, le 2 novembre 1813, nous passons le Rhin sur le pont de bateaux de Mayence. En traversant ce pont, je ne peux m’empêcher de penser au jour où nous l’avons traversé dans l’autre sens pour aller au combat. Notre état d’esprit n’était pas du tout le même qu’aujourd’hui. Nous avions hâte d’en découdre. Nous étions avides d’honneurs et de gloire.
Malheureusement, cette campagne nous a appris que si l’honneur et la gloire ont concerné un nombre minuscule d’entre nous, le plus grand nombre a connu de nombreuses souffrances physiques et morales et beaucoup, beaucoup trop, ont perdu leur vie dans des conditions horribles pour, au final, un résultat désastreux."
La bataille de Hanau fut l’ultime bataille de cette campagne de Saxe. Elle s’est soldée par une victoire française qui a permis à ce qui reste de la Grande Armée de rejoindre la France. C’est la réserve d’artillerie sous le commandement de DROUOT qui a été artisane de ce succès.
Arrivée à Mayence, la 15e compagnie du 1er RAP y séjourne deux jours pour se ravitailler en provisions et en munitions. Au bout de ces deux jours elle est envoyée à la place forte de Maestrich dans la 25e division militaire, dans le département de Meuse inférieure.
Rentré en France, NAPOLEON renforce ses frontières du nord en envoyant des troupes dans certaines places fortes. La forteresse de Maestrich est une de celles-là. Elle est commandée par le lieutenant-général MERLE, gouverneur de la place. La 15e compagnie s’y installe à la mi-novembre 1813.
En décembre 1813 la place est assiégée par l’armée commandée par BERNADOTTE (autrichiens, prussiens, russes, suédois, britaniques et hollandais). Le siège dure jusqu’au 5 mai 1814, date de la reddition des français, à la demande de leur nouveau gouvernement. NAPOLEON ayant abdiqué le 6 avril 1814.
La 15e compagnie rentre à son dépôt de Strasbourg courant juillet. Le 7 septembre 1814, le 1er RAP est réorganisé, nos deux conscrits sont affectés à la 21e compagnie, Jean STOLL avec le grade de 1er canonnier.
Pendant les cent jours la 21e compagnie est restée en Alsace. Le 1er RAP est dissout en septembre 1815. Jean quitte ce régiment le 21 septembre 1815 pour rejoindre la Compagnie Provisoire d’artillerie du Bas Rhin, stationnée à Strasbourg.
Le 1er mai 1816, il est affecté au 5e régiment d’artillerie à pied, formé sur les fonds de l’ancien régiment et des canonniers du Bas Rhin, Haut Rhin, de la Meurthe, des Vosges et de la Haute Saone. Ce régiment prend le nom de Régiment de Strasbourg, ville dans laquelle il est cantonné.
A son arrivée dans cette unité, son signalement physique reste le même que celui du 1er RAP, en 1813. Il indique cependant, en plus, dans les signes particuliers : légèrement marqué de la petite vérole. Cette maladie est en fait la variole qui est une infection virale extrêmement contagieuse qui, à cette époque, évoluait par épidémies et avait un taux de mortalité élevé. Autrefois cette maladie sévissait énormément dans les armées en campagne.
Cette remarque nous étonne car dès 1805 NAPOLEON ordonne de vacciner contre la variole tous les soldats de la Grande Armée n’ayant pas contracté cette maladie. Jean a pu être contaminé pendant le siège de Maestrich, mais il ne semble pas qu’il ait été fortement atteint.
Jean restera donc au 5e RAP, comme 1er Canonnier, jusqu’au 31 décembre 1820, date de sa libération définitive. Durant cette période il mènera une vie de garnison, partagée entre la vie militaire et les congés. C’est probablement au cours de l’un d’eux qu’il fera la connaissance de Marie HEYD, jeune fille de Bouxwiller(67).
Marie accouchera le 10 mars 1817 d’une petite fille qu’elle nommera Marie Catherine. Le 22 janvier 1819 suivra la naissance d’un petit garçon appelé Jean, comme son père. Ce dernier, bien que non marié, reconnaîtra les enfants dés leur naissance. François, toujours canonnier, lui aussi au 5e RAP, est son témoin pour la naissance du petit Jean.
A sa libération Jean rentre à Rosheim, son village natal. Il y exerce le métier de tuilier. Le 30 avril 1821, quatre mois après sa libération, il se marie avec Marie HEYD, la mère de ses enfants, au village de Bouxwiller, Marie est enceinte de deux mois, le 14 octobre 1821 elle mettra au monde un petit Frédéric. Après ce mariage, Jean s’installe, avec sa famille, dans le village natal de sa femme, où il exercera la profession de journalier jusque vers 1836, date à laquelle il déménage à Strasbourg.
De 1821 à 1836, Marie et Jean aurons eu encore cinq enfants ; Georges (01.04.1824), Henri (22.11.1826), Frédéric (13.06.1829), Madeleine (10.03.1832) et Marguerite (04.12.1834). Ils eurent une huitième et dernière enfant, Salomé, à Strasbourg le 15.07.1837.
Vers 1836, ils s’installent à Strasbourg où Jean est employé au magasin à fourrage, situé à proximité de la place de la balance à foin et des hangars d’artillerie ( plan de l’époque, ci-dessous). Ce bâtiment est tenu par l’armée, Jean y a eu un emploi, probablement en qualité de vétéran de la grande armée.
Le 15 juillet 1837, Marie accouche de son huitième enfant. C’est une petite fille qu’ils nommeront Salomé. Les témoins sont Jacques FISCHER, tisserand, et Michel KLEIN, tailleur. Le 7 janvier 1841, le couple marie leur premier fils, Jean, toujours à Strasbourg.
Jean STOLL décède à Strasbourg le 27 octobre 1855 à son domicile du 5 rue Grettrel, à l’âge de 63 ans.
Remerciements :
Un grand merci à Odile JUBLOT pour son aide pour la rédaction de cette article. Un grand merci aussi à monsieur Jacques DECLERCQ dont le livre "Quand les belges se battaient pour Napoléon 1813-1814 Le 5e corps d’infanterie dans la tourmente." m’a été d’une aide précieuse pour la chronologie de ce récit.
Sources :
*Documents d’archives.( AD du Bas Rhin)
- Registres d’état civil de Bouxwiller : 5MI 61,17,18,23. -Liste de tirage des conscrits du canton de Rosheim : 1 R 153.
*Documents d’archives.( Service Historique de l’Armée de Terre. Vincennes). -Registre de contrôle de la 18e cohorte du Bas-Rhin (1812):23 YC 86. -Registre de contrôle du 1er RAP (1813) : 25 YC 6.
- Registre de contrôle du 5e RAP (1816) : 36 YC 170. -Historique du 1er RAP. -Historique du 5e RAP.
*Documents bibliographiques.
- Histoire d’un conscrit de 1813. Erckman et Chatrian. Normandie roto impressions 1999. -Napoléon, 1813 la campagne d’Allemagne. Jean Tranié et J-C Carmigniani . Pygmalion. 1987. -HANAU, 1813. Les grandes batailles de l’histoire. Jean Tramson. Socomer éditions 1990. -Quand les Belges se battaient pour NAPOLEON 1813-1814 Le 5e corps d’infanterie dans la tourmente. Jacques DECLERCQ. Historic’one. 2013. -Souvenirs du maréchal Macdonald” (écrits en 1825), Paris, 1892. -Journal des opérations des IIIe et Ve corps en 1813”, publié par G. Fabry, Paris, 1902. -La Katzbach, 26/08/1813. © 2003. Fédération Française du Jeu Napoléonien. -PLAIDOYER POUR LE MARÉCHAL NEŸ A BAUTZEN (par Diégo Mané, 30 mai 2013 et 28 juillet 2017)
*Cartes et plans.
- Un aspect méconnu de la place de Strasbourg : le polygone d’artillerie du 18e et 19e siècle. J M BAILLET. 2017. -L’Allemagne en 1813. Napoléon, 1813 la campagne d’Allemagne. Jean Tranié et J-C Carmigniani . Pygmalion. 1987. -Strasbourg-Magdebourg. Géographie de l’Allemagne. Wikipédia. -Halberstadt. Atlas to alison’s history of europe. JOHNSTON, KEITH. Édimbourg, Londres. 1848, 1850. napoléon-monuments.eu. -Combat de Möckern. napoléon-monuments.eu (Dominique TIMMERMANS). -Sur le chemin de Leipzig. napoléon-monuments.eu (Dominique TIMMERMANS). -Le combat de Weissig(1). napoléon-monuments.eu (Dominique TIMMERMANS). -Le combat de Eichberg. http://malefricmusings.blogspot.com -Bataille de Bautzen (1). Illustration de la Conférence prononcée par Diégo Mané pour l’Académie Napoléon le 8 Juin 2013 au Musée d’Histoire de Lyon. -Bataille de Bautzen (2). Illustration de la Conférence prononcée par Diégo Mané pour l’Académie Napoléon le 8 Juin 2013 au Musée d’Histoire de Lyon -Poursuite jusqu’à Breslau. napoléon-monuments.eu (Dominique TIMMERMANS).
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*Iconographie.
- Artilleurs à pied 1812. Images de soldats. André JOUINEAU. -Artilleurs. Printerest. Histoire du monde.net.
- Artillerie à pied 1812.Wikipédia.
- Train d’artillerie. maquetland.com.
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- http://napoleonistyka.atspace.com.
- Leipzig, 16 octobre 1813.
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- Combat d’artillerie. maréchal.davout.free.fr.