J’ai rencontré Diogène, un jour déjà bien lointain, au cours d’une randonnée dans l’Atlas marocain, du côté du KANDHAR, à la recherche des débris d’un JU52 qui s’y était écrasé quelques mois auparavant.
C’était peu après la dernière guerre mondiale, j’étais encore un soldat victorieux, bien équipé, nanti de provisions, et sans doute bien imbu de mon rôle civilisateur...!
Lui marchait pieds nus, vêtu d’une djellaba en haillons. Son tonneau n’était qu’une minuscule toile tendue, et quelques fascines formaient les murs d’un abri précaire de quelques mètres carrés.
Deux chèvres partageaient le logis.
Une bruine glaciale enveloppait la forêt, et son gourbi nous était apparu soudain au bord de la piste, à la fin d’une ascension pénible.
Dédaignant sardines à l’huile (du Maroc), chocolat (ration U américaine), et autres douceurs occidentales que la commisération nous poussait à lui offrir, ce fut lui qui nous obligea à entrer sous la tente, pour boire le “thé” très à la menthe, dans une unique coupe ébréchée, dans laquelle nous trempâmes alternativement nos lèvres.
Chacun s’exprimant dans une langue inconnue de l’autre, l’entretien qui s’ensuivit n’est pas rapportable, bien que nous finîmes par très bien nous comprendre, avant un “barak’Allah oufic ” qui nous éloigna à jamais, lui, Diogène empli de sagesse, et moi, petit Alexandre, qui croyait encore conquérir le monde...
Ayant rejoint mon univers de technique et de compétition, je n’ai jamais oublié mon Diogène berbère, dont la brève rencontre eut plus tard, tant d’influence sur ma propre façon de considérer "l’autre’, mon frère en humanité...
Et puis, un jour récent, un film, tragique comme beaucoup de films qui se voudraient comiques, [1] me fit rencontrer à nouveau Diogène sous les traits d’un adorable buschman, hélas entraîné dans le sillage d’alexandres de pacotille” au risque d’y perdre son âme...
Le film se termine bien, me direz vous, et nous avons bien ri. Où est le tragique ?
Suite au succès international du film, le héros principal, authentique aborigène parmi les derniers représentants de son groupe ethnique, fut envoyé en “tournée” aux Etats-Unis et au Japon...
Il y serait mort m’a-t-on dit, complètement fou ?
Ô, Dieux, que n’avait-il eu la réponse de Diogène, quand un misérable “Alexandre” lui proposa le mirifique contrat... :
Et l’anecdote, transposée devint allégorie...