Comment parler d’Histoire quand on n’est pas Historien ?
Cette question s’est imposée à moi lorsque, au cours de mes errances généalogiques, j’ai découvert avec ahurissement la grande corvée royale.
Celle-ci m’est apparue tellement anachronique, tellement démesurée et aux conséquences tellement importantes et irréversibles sur le mode de vie de la société rurale de l’époque, allant même jusqu’à perturber le long fleuve tranquille qui guidait depuis des siècles le cursus de nos généalogies personnelles…
Je n’ai pas pu résister à mon incoercible besoin d’écrire pour vous faire partager ma vision de cet événement qui dura un demi-siècle.
Alors je vous livre mes élucubrations, mais je le fais en restant à ma place de conteur d’histoires sans aucunement prétendre à l’auréole de raconteur de l’Histoire ; j’espère que vous me suivrez néanmoins avec intérêt dans cette divagation.
Mais d’abord, il me faut vous donner deux repères :
➢ En 1715, pour parcourir en véhicule hippomobile [1] les 500 km qui séparent Strasbourg de Paris, le voyage s’éternisait pendant … 12 jours !!!
➢ En 1765, le même trajet s’effectuait en seulement 4 jours et demi…
Quels progrès techniques ont rendu possible ce prodigieux gain de performance ?
• La réponse est étonnante : aucun !
• Certes, il y a bien eu d’importantes avancées technologiques : la mobilité du train-avant permettant de mieux négocier les virages, le cerclage métallique des roues de meilleur qualité , les essieux et rayons en fer ; la suspension du véhicule par des chaînes…
• Mais tous ont eu lieu au siècle précédent et, s’ils ont grandement amélioré la sécurité et diminué l’inconfort, ils n’ont eu aucun impact sur la durée du voyage.
Alors quelle est la cause de ce prodigieux changement ???
• Puisque ce n’est pas l’amélioration des véhicules, c’est forcément celle …
… du réseau routier !
L’état des routes et chemins au premier tiers du 18e siècle :
• Des routes héritées de Rome, il n’en restait plus que 3000 km dans la moitié nord de la France et 3000 km dans la moitié sud au début du siècle…
• Ces routes et les ponts qui enjambent nos rivières n’avaient été entretenus que de manière très sommaire depuis l’effondrement de l’empire romain : des siècles d’usage, les dégradations naturelles amplifiées par les vicissitudes des guerres de religion, puis la frénésie guerrière de Louis XIV en avaient rendu la fréquentation ardue et dangereuse…
• Quant aux chemins, ils étaient rendus bien peu avenants par l’affaissement des fossés, les fondrières, la végétation envahissante et … les brigands de grands chemins.
• Certes, sous Henri IV, Sully avait essayé de réagir, mais son action fut totalement disproportionnée avec les besoins réels ; puis, sous Louis XIV, Colbert avait tenté de s’atteler au problème, mais les guerres et la dispendieuse construction du château de Versailles vidaient les caisses de l’Etat…
• La démographie galopante du début du 18e siècle (+ 20% entre 1700 et 1760 !) rendait le problème de plus en plus crucial car, plus d’habitants, cela signifie plus de trafic et donc encore plus de dégradations.
• Suite aux progrès technologiques du 17éme siècle, les véhicules, plus nombreux, étaient devenus plus lourds et transportaient des charges bien plus élevées aggravant fortement la dégradation des routes et des chemins.
• L’état des voies de communication était donc devenu catastrophique et constituait un handicap majeur pour la vie économique du pays.
• Bref, se contenter de maintenir le statu quo eut été suicidaire ; il était devenu impératif et urgent de rendre les routes et chemins …carrossables !
Disons, pour parler imagé, qu’il fallait sortir la diligence de l’ornière …
• Les besoins étaient immenses : il fallait réparer, consolider et agrandir l’existant ; il fallait multiplier les créations de nombreuses nouvelles voies terrestres et fluviales (les canaux) et il fallait assurer un efficace entretien permanent du réseau.
• Mais prendre le problème à bras le corps, cela signifierait lancer des chantiers impressionnants à la fois par leur nombre et par leurs dimensions.
Quant à l’effectif de la main d’œuvre nécessaire à la réalisation de ces objectifs, il serait gigantesque et sa seule rémunération serait déjà insupportable pour le trésor royal.
• Le coût hautement prohibitif de tant de main d’œuvre était donc l’obstacle rédhibitoire !
Pourtant il put être contourné par un habile et stupéfiant subterfuge : il suffisait de …
… ne rien payer !!!
• Pour cela, il suffisait de remettre en usage un vieux privilège royal multiséculaire tombé quelque peu en désuétude du fait de l’usage très modéré, très localisé et très temporaire qui en était encore fait : la corvée royale !
La corvée royale 1738-1787 :
• L’usage de la corvée fut expérimenté pendant une quinzaine d’années dans divers chantiers localisés en plusieurs régions.
• Un corps des ingénieurs des ponts et chaussées fut créé en 1716 pour assurer un encadrement de qualité, la formation des ingénieurs fut assurée par ce qui deviendra l’Ecole royale des ponts et chaussées (formalisée en 1747).
• Les projets d’élargissement des routes et chemins furent sur mis à l’étude dès 1720 [2].
• En deux décennies la prestigieuse institution des ponts et chaussées était opérationnelle !
• En 1738, un simple décret du conseil royal généralisa la corvée sur l’ensemble du royaume pour mettre les chantiers … en route !
L’organisation de la corvée royale :
• Deux lignes parallèles situées à 4 lieux (16 km) de part et d’autre du tracé de la route ou du chemin étaient tracées ; toutes les paroisses comprises en tout ou partie dans cet espace large de 16 + 16 km étaient concernées par la réquisition [3].
• Dans chaque paroisse concernée, tous les membres valides des familles assujetties à la taille étaient corvéables : les hommes, les femmes et les enfants (garçons et filles) à partir de 12 ans ! …taillable et corvéable !
• Tous les taillables ! … Tous et pas seulement les travailleurs agricoles, mais aussi les artisans, commerçants, bourgeois et … jusqu’aux notables roturiers…
Même le personnel des aristocrates, le bedeau et la bonne du curé !
En théorie, seuls étaient exemptés les nobles, les ecclésiastiques, les militaires et les fonctionnaires.
En pratique, il y eut évidemment bien des passe-droits…
Et, bien sûr, il était possible d’éviter les ampoules aux mains et les courbatures en se payant un remplaçant…
• Tous les taillables ! Mais pas seulement eux, car leurs charriots, leurs animaux de trait, leurs outils étaient requis avec eux et sans eux pour les moins valides et les trop âgé(es).
• Chaque corvéable était redevable de 30 jours par an !
Compte tenu des dimanches et des fêtes religieuses - évidemment non travaillés - cela représente un dixième du temps annuel de travail disponible ; c’était en quelque sorte une dîme supplémentaire en travail !
• Le chantier était saisonnier en respectant les périodes des gros travaux agricoles ; il débutait en mai et en septembre ; chaque corvoyeur [4] effectuait son quota de temps de corvée par tranches de 2 ou 3 jours ; cette durée d’astreinte relativement limitée avait le double avantage de permettre au requis d’assumer quand même ses obligations personnelles et de lui faire paraître la corvée un peu moins insupportable.
• La corvée royale souleva un vif mécontentement et un ressentiment accru envers les nobles et les exemptés, mais pas de révolte ; sans doute parce que les corvéables étaient bien conscients que les chantiers étaient à la fois d’intérêt public et indispensables.
• Mais évidemment, elle ne souleva pas l’enthousiasme des requis et des mesures de coercition furent imaginées pour stimuler les récalcitrants :
➢ La gestion des corvoyeurs, des animaux et charriots requis était confiée à un « syndic » qui était un membre de la paroisse : le malheureux était donc en porte-à-faux entre ses donneurs d’ordre et ses concitoyens…
➢ Des références sur les durées nécessaires à la réalisation des tâches avaient été établies grâce à l’expérience acquise par les cadres des ponts et chaussée lors des travaux réalisés pendant la période précédant la généralisation de la corvée en 1738.
➢ Les dysfonctionnements étaient d’abord réglés par les classiques sanctions simples (avertissement, amende, récupération du temps de retard…) ; lorsqu’elles restaient inefficaces, il était fait recours au machiavélique procédé de « la garnison » qui était une version édulcorée des dragonnades de Louis XIV : les cavaliers de la maréchaussée qui assuraient la police du chantier allait alors « loger » chez le syndic trop peu motivé et chez les récalcitrants ! .
➢ Un cas de nouvel échec, les tâches non accomplies étaient mises en adjudication auprès d’entrepreneurs au frais de la paroisse, laquelle ne manquait pas de réagir vigoureusement auprès des renâcleurs …
• Outre les travaux sur le chantier, les corvoyeurs mâles assuraient l’extraction locale des matériaux (pierres et pavés). Le complément indispensable était assuré en mettant à contribution (évidemment non rétribuée) les charriots livrant des marchandises à Paris et dans les grandes villes : pour le voyage de retour, il leur était imposé de faire un détour par une carrière et de compléter leur cargaison par un quota de pavés.
Le bilan de la corvée royale :
• Les 6000 km de voies en bien triste état héritées des romains furent repensés, élargis, consolidés et régulièrement entretenus ; les routes furent repavées, les grands chemins furent empierrés, les fossés consolidés, les abords restaurés ; les voies nouvelles se multiplièrent …
• En 1774, prés de 24.000 km de voies étaient pavées ou empierrées sur trente centimètres d’épaisseur.
• En 1790, le seul réseau des routes dites royales s’étendait sur 27 000 km et celui des chemins empierrés sur 50 000 km…
• L’avènement d’un réseau routier de qualité s’est accompagné de la multiplication des relais de poste pour changer de chevaux ; les véhicules pouvaient pousser des pointes à plus de 25 km/heure … L’âge d’or des bandits de grands chemins était donc révolu et les voyages de nuit devinrent la règle. La sécurité des routes était assurée.
La corvée royale a changé l’histoire de France :
➢ D’abord parce que ces 50 ans de mécontentement populaire, de sentiment d’injustice et d’abus, de ressentiments envers les privilégiés ont largement contribué à créer les conditions propices à la révolution.
➢ Mais aussi parce que la fuite de Louis XVI à Varennes n’aurait pas eu lieu sans elle : l’idée de fuir Paris à l’allure d’escargot du début du siècle (= 4 km/h) aurait été totalement débile…
Rappelons le synopsis de cet événement :
➢ Le projet de fuite était donc parfaitement réaliste en cette année 1791 : c’est la corvée royale qui avait permis de tripler la vitesse qui existait au début du siècle et rendue possible la circulation de nuit permettant le départ incognito et donnant une indispensable et substantielle avance aux fuyards.
➢ Et Varennes engendra le discrédit du roi… qui permis la prise du pouvoir par Robespierre… De fil en aiguille, le roi perdit son royaume et sa tête… Et il y eut la République… Et il eut l’Empire…
La corvée royale a bouleversé la société rurale :
➢ Avant elle, le monde de nos ancêtres se limitait quasiment à leur village et aux communes limitrophes : c’est si vrai qu’au début du 18e siècle, 85 % des époux étaient originaires de la même paroisse ou plus rarement de deux villages mitoyens. Ils n’étaient plus que 50 % des mariés au seuil de la Révolution.
Le canton était le bout du monde pour l’immense majorité de nos ancêtres : ils y restaient quasiment « cantonnés » ; d’ailleurs, pour se rendre au-delà, il fallait être muni d’un certificat d’origine de sa paroisse à présenter aux autorités dans les villages d’outre-canton.
➢ La corvée royale a constitué de facto un site de rencontres affectives en faisant se côtoyer durablement (jusqu’à 30 jours par an, année après année, pendant 50 ans !) des hommes et des femmes qui, sans elle, ne se seraient jamais rencontrés…
Et donc nous, sans elle, nous ne serions pas leurs descendants : nos aïeux pestaient fort contre la corvée, mais la corvoyeuse avait de si beaux yeux et le corvoyeur était si beau garçon…
➢ La corvée royale a constitué de facto un site de rencontres entre chercheurs d’emploi et chercheurs de main-d’œuvre puisque ceux-ci y étaient conjointement astreints en un travail solidaire pendant une durée conséquente : les uns pouvaient y jauger les compétences et la fiabilité des autres.
➢ La corvée royale a donc déclenché une vague de brassage de la population rurale et favorisé sa dispersion.
➢ La corvée royale a donc fait exploser l’espace vital de nos aïeux, mais en même temps, elle a fait imploser le temps puisque le réseau routier qui en découle, en accélérant la circulation des marchandises et des gens, a considérablement facilité la circulation des directives du pouvoir, mais aussi des informations (vraies ou fausses), des nouveautés et inventions et surtout des idées.
Et la corvée royale dura un demi-siècle…
➢ Pendant un demi-siècle, nos aïeux ont été corvoyeurs, c’est à dire des presque-bagnards intermittents… Cela ne se passait pas au moyen âge, mais en plein siècle des lumières !
➢ Paradoxalement, c’est la corvée royale - cette pratique d’un autre âge qui était presque tombée en désuétude depuis des décennies - qui permit la réalisation de la trame du réseau moderne de nos routes et la création du corps prestigieux des ponts et chaussées.
➢ Par 50 ans de mécontentement populaire, de sentiments de profonde injustice et d’abus, de ressentiments envers les privilégiés, la corvée royale - cette privation majeure de liberté basée sur l’inégalité - a largement contribué à faire graver sur le fronton de nos mairies les deux premières mentions de notre devise nationale : liberté - égalité .
Certes la corvée royale a quitté notre mémoire collective pour tomber dans les poubelles de l’Histoire, mais elle a pourtant laissé des traces…
➢ Des traces topographiques : de nos jours, plus de 400 lieux-dits sont encore désignées sous une appellation comportant le mot corvée :
➢ Des traces odonymiques [5] : le site « annuaire des rues de France » recense 694 rues, impasses, chemins, ruelles… dont le nom comporte les deux mots la corvée :
Mais il n’existe aucune RUE des CORVOYEURS et aucune RUE des CORVÉABLES.
Ainsi s’achève notre récit de
l’incroyable odyssée des routes de France au siècle des lumières
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Le problème des routes était crucial en ce début du 18éme siècle ; mais l’état des finances du royaume ne permettait pas de le résoudre.
Dans le contexte de l’époque, le recours à la corvée royale s’est imposé comme la seule solution permettant de contourner l’obstacle du financement.
Osons transposer le problème à notre époque : que diriez-vous si notre gouvernement nous réquisitionnait pour construire et entretenir nos autoroutes…
• manu militari et sans rémunération,
• quelque soit votre profession,
• durant trente jours chaque année,
• avec votre conjoint, vos fils et vos filles âgés d’au moins douze ans ?
Imaginer cette perspective vous aidera sans doute à calmer vos ruminations quand vous pesterez dans les embouteillages de vos vacances sur les routes bâties par vos aïeux corvoyeurs.
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Addendum
1-Réflexions personnelles sur la grande corvée :
➢ corvéable et corvoyeur ne sont pas synonymes :
• Le corvéable était redevable de la corvée (= susceptible de la subir) tandis que le corvoyeur la subissait.
• Le corvéable était redevable de trente jours par an ; le corvoyeur était requis en fonction des besoins du chantier dans la limite maximale de trente jours ; stricto sensu, ce n’était donc pas un impôt, puisque si la charge maximale potentiellement redevable par le corvéable était définie, la charge réelle dépendait des effectifs de corvéables disponibles.
• Les corvoyeurs étaient désignés parmi les corvéables opérationnels : les invalides définitifs étaient donc dispensés, mais aussi les non-valides temporaires (maladie, grossesse, allaitement, …).
• Les besoins des chantiers locaux en corvoyeurs étaient évolutifs au fil des années : lorsque la construction ou la remise en état d’une route était terminée, son seul entretien nécessitait une main d’œuvre moins nombreuse et pour une durée plus faible : les 30 jours d’astreinte ne durèrent probablement que les premières années de chaque nouveau chantier…
➢ L’éloignement des chantiers par rapport à l’habitation des corvoyeurs les plus éloignés m’interpelle : 16 km (voire plus si la paroisse n’était que partiellement incluse …), à pied pour se rendre au travail (et en revenir…), c’est irréaliste pour nos mœurs du 21e siècle ; mais l’était-ce en ce temps-là ?
D’ailleurs ce problème de la distance à parcourir était celui du corvoyeur, pas celui des cadres des ponts et chaussée : les requis arrivaient donc la veille, couchaient sur place et rentraient le lendemain de la fin de session de corvée ; la contrainte réelle de chaque épisode de travail forcé n’était donc pas de deux ou trois jours, mais de trois ou quatre… L’hébergement et la nourriture étaient-ils fournis ou laissés à la débrouillardise des requis [6] ?
La distance de 16 km concernait la parallèle à la route ; mais quid de l’éloignement dans l’axe de la route ? Je n’ai pas trouvé la réponse. Il y a lieu de remarquer que, dans cette direction, la voie devenait carrossable au moins partiellement au fur et à mesure que les travaux avançaient et donc pouvait permettre le passage de charriots et favorisant les déplacements.
2- Combien de vos Sosa ont été corvéables ?
➢ Pour en faire l’estimation, il faut faire la somme de vos Sosa vivants entre 1738 et 1787 et âgés de 12 à 60 ans pendant cette période ; bien sûr, il faut éliminer les implexes, ceux qui étaient devenus invalides avant l’âge de 12 ans et les aristocrates [7].
➢ Mais il est possible pour chacun d’entre nous de s’en faire une idée :
• 1738, c’était il y a 285 ans et il fallait être âgé de 12 ans au moins pour être corvéable ; l’intervalle générationnel moyen peut-être estimé à 30 ans ; ce sont donc vos Sosa de la 8e (voire 9 éme) génération qui vous précède qui furent les premiers corvéables.
• A la 8éme, vos Sosa portent les numéros de 256 à 511 ; ils étaient donc 256 corvéables soit 128 couples [8].
• Pendant les 50 ans de corvée, ces 128 couples ont engendré 128 de vos Sosa- corvéables qui ont eux-mêmes engendré 128 de vos Sosa-corvéables.
• Ce qui fait au total 256 +128 +128 = 512 corvéables !!!
• Ces 512 corvéables ont été corvoyeurs pendant un nombre variable d’années : au maximum 30 jours par an, de 12 à 60 ans ; pour les hommes les plus malchanceux, cela ferait donc une durée cumulée de travail forcé de 4 ans.
Mais, bien sûr, pour la plupart d’entre eux, la durée fut bien moindre en raison de divers facteurs :
✔ la diminution des besoins en main d’œuvre sur les chantiers anciens.
✔ les périodes d’inaptitudes (maladies, nombreuses grossesses, allaitement et maladies des enfants, accompagnement des infirmes, malades et vieillards…).
✔ la mortalité ou l’invalidité précoce.
Si on admet une participation moyenne aux corvées de 10 % du maximum de 4 ans trouvé pour les plus malchanceux, vos Sosa-corvoyeurs auraient fourni ensemble (512 x 4 /10 années), soit plus de 2 siècles de travaux forcés !
• Mais ce n’est pas la seule contribution de vos Sosa à la grande corvée royale car ils ont eu d’autres fils et filles qui n’étaient pas vos Sosa et qui furent eux-aussi corvéables ; eux-mêmes ont eu des fils et filles également corvéables.
Si on admet une moyenne de 2 enfants non-Sosa et 3 enfants de ces enfants ayant survécu au delà de 12 ans, cela donne (256 x 2) + (256 x 2 x 3) = 2048 corvéables supplémentaires.
➢ Au total, votre famille aura fourni de l’ordre de 2500 corvoyeurs et un millénaire de travail forcé cumulé pour le réseau routier contre lequel vous pestez dans les embouteillages de vos vacances…
La grande corvée royale n’a donc rien d’un épisode anecdotique dans votre généalogie.
3- Fantasmes d’un généalopathe besogneux…
➢ L’épopée des routes a été un événement majeur du 18e siècle ; majeur par sa durée (50 ans !) ; majeur par l’ubiquité et l’ampleur des chantiers ; majeur par l’importance des moyens et par l’énormité du volume de main d’œuvre impliquée ; majeur par ses conséquences historiques et sociologiques.
➢ La grande corvée a eu pour conséquence le dessouchage de nos aïeux du cercle étroit de villages mitoyens où était ancrée leur famille depuis des siècles et elle a généré un brassage et une dispersion des populations rurales à des distances certes modérées, mais suffisantes pour avoir grandement perturber nos généalogies.
➢ La gestion d’une telle aventure a forcément laissé des traces dans nos archives d’autant que le donneur d’ordres était la prestigieuse institution des ponts et chaussées.
Des traces dans nos archives… ?
➢ Ce serait fabuleux et le généalogiste besogneux que je suis se prend à rêver : et si, grâce à elles, je pouvais sortir de quelques une de mes impasses ?
• Je suis bloqué sur mon plus lointain Sosa (=128) portant mon patronyme (= Jean Baumgarth ° vers 1700 à ? - 1764) qui a fait souche à Friesenheim (67) venant de je ne sais où et je ne sais quand ; une source indirecte me laisse supposer qu’il était originaire de « Masmunster en Sundgau [9] », c’est à dire de Masevaux (68). Sa présence à Friesenheim est attestée en 1752 [10].
Il a donc été corvéable …
Et s’il figurait sur une liste de corvéables concernant un chantier entre Masevaux et Friesenheim ?...
• Comme tout adepte de généalogie descendante, j’ai nombre de lacunes sur les enfants-non Sosa de mes Sosa dont je n’ai retrouvé que leur naissance.
Certains ont vécu lors de la grande corvée et, s’ils ont survécu suffisamment pour être corvoyeurs, peut-être ont-ils trouvé l’amour ou un patron à l’occasion d’une session de corvée et fait souche dans un village le long du chantier…
Je veux croire à l’existence d’archives sur la grande corvée ; mais qui saurait me dire où elles se cachent.