En cherchant dans les registres BMS en ligne du Puy de Dôme, j’ai trouvé à Perpezat, un acte où le curé marie onze couples à la fois, le même jour, le 10 février 1755.
Il cite les couples un par un. Ils viennent tous de différents petits villages de la montagne près de l’actuelle commune de La Bourboule.
L’an 1755 et le dixième février après avoir observé toutes les règles prescrites par l’Eglise, nous avons donné la bénédiction nuptiale à onze époux et onze épouses en présence de leurs parents et amis cy après nommés.
Premièrement à Joseph Soubre fils à Louis et de Marguerite Courtial du village de Buges, avec Marie Monedons fille a feu Estienne et de deffuncte Gabrielle Rouel du village de Luc Haut.
Plus à Michel Morange fils à Antoine et de deffuncte Susanne Monier du village du bourg, avec Marguerite Brousse fille à feu Jean et de Louise Esbelin du même village.
Plus à Ligier Aubiet fils à feu Joseph et de deffuncte Jaquette Rousses du village du Foix avec Marie Magemont fille à Jean et de Marie Blancheix du village
Plus à Louis Magemont fils à Michel et de Marie Blancheix du village de Bouchatel, avec Marie Rouil fille à Jaques et de deffuncte Marie Roussel du village de Luc Haut.
Plus à Joseph Bellet fils à feu Michel et de deffuncte Anne Monier du village de la Plane avec Marie Valeix fille à Michel et de Margueritte Esbelin du village du Barry.
Plus à Jean Pellisier fils à feu Louis et de Marie Marge du village de Angle bas avec Françoise Goy fille a Jean et de deffuncte Marie Maillot du village de la Roche.
Plus à Antoine Mege fils à Damien et de Gabrielle Bonaboi du village d’Angle bas avec Marie Goy fille à Jean et de deffuncte Marie Mailhot du village de la Roche.
Plus à Michel Bonaboi fils à Jacques et de Françoise Bonaboi du village d’Angle haut avec Anna Chardon fille a feu Antoine et de Jeanne Oriol du village de la Roche.
Plus à Gilbert Gendreau fils à autre Gilbert et de deffuncte Marguerite Gendreau avec Marguerite Boucheix fille a feu Louis et de deffuncte Anna Brousse du village de Bonaboi.
Plus à Jean Giraud fils à feu Michel et de Gabrielle Goy du village de la Chabane avec Anna Touzon fille a feu Martin et de Michelle Vidal du village de Luc.
Plus à Jean Traton fils à feu Martin et de Michelle Vidal du village de Luc avec Françoise Giraud fille a feu Michel et de Gabrielle Goy du village de la Chabane.
Tous ces onze mariages ont été faits en présence de mre François Aubier prêtre et chanoine de la queuille et de Jaques Rouel de Luc, Louis Soubry de Buges et Jean Goy de la Roche qui ont signé et grand nombre d’autres parents et amis qui ont déclaré ne savoir signer de ce enquis. Aubier prêtre.
Registre paroissial de Perpezat (63), BMS 1748-1768, 6 E 272/2, vue 68/362.
C’est tellement rare que l’on peut s’interroger sur les raisons de cette cérémonie collective.
Tout d’abord, en parcourant le registre, nous remarquons une concentration des mariages en janvier et début février. Ainsi, en milieu rural, les mariages ont souvent lieu en dehors des périodes réservées aux grands travaux agricoles. De plus, en région d’élevage comme ici, le mois de février était celui où l’on sacrifiait le cochon... ce qui assurait aux invités une solide nourriture au repas des noces... mais il devait en falloir des cochons pour onze noces !
Par ailleurs, l’hiver devait être rude dans ces contrées, la neige devait recouvrir en abondance la montagne, rendant ainsi les déplacements difficiles. Peut-être que les intempéries ont empêché la célébration des mariages aux dates initialement convenues, d’où cette célébration collective pour satisfaire tout le monde.
Mais peut-être faut-il simplement y voir un lien avec la période du Carême. En effet, en 1755, la date de Pâques était celle du 30 mars. Celle du Mardi gras était le 11 février (47 jours avant Pâques) et celle du mercredi des Cendres était donc le 12 février (le lendemain de Mardi gras)... Or, tous ces mariages ont été célébrés le lundi 10 février 1755, soit la vieille du Mardi gras. Sans doute, le curé s’empresse-t-il de célébrer ces onze mariages avant le début du Carême, période interdite par l’Église pour convoler en justes noces.
On remarque également que cet acte n’est pas à sa place dans le registre : en effet, il est daté du 10 février mais il est inséré après les actes du 12 et du 13 février et avant les actes du 14 février, tous signés par le curé Rigaumont, desservant habituel de la paroisse. Un signe dièse dans la marge souligne cette anomalie (pages 67 et 68 du registre). Pourquoi la chronologie des actes n’est-elle pas respectée ? Le curé pouvait-il oublier un tel acte, si particulier ? Comme il s’agit de l’exemplaire de la série du greffe (référence 6 E), donc la copie de l’exemplaire original, il serait utile de le comparer au registre issu de la série communale (référence 3 E).
Enfin, on note que le prêtre et chanoine de Laqueuille, paroisse voisine, est venu en renfort de son confrère et signe, à sa place, l’acte de mariages collectifs. Mais pourquoi cet acte du 10 février est-il signé seulement par le sieur Aubier curé de Laqueuille et non par le curé de Perpezat ? Mystère...
Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?
Il s’agit du premier numéro de Théma
, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.