Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les équipements collectifs pour le lavage du linge se multiplient dans les villages. Leur construction et leur aménagement résultent à la fois d’une prise de conscience de l’importance de la salubrité publique et d’une plus large autonomie budgétaire acquise par les communes.
Lieuran était jusqu’à une date récente un village essentiellement viticole. A l’époque des vendanges on venait faire tremper les « comportes » près des lavoirs.
- Cheval se rendant au lavoir
Les chevaux étaient alors nombreux d’où l’arrêté municipal ci-dessous qui nous montre que l’approvisionnement en eau est une préoccupation majeure des élus tant pour les besoins domestiques que pour les besoins agricoles.
Arrêté municipal du 1er Juillet 1879
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La fontaine et le lavoir sont des lieux privilégiés de la sociabilité villageoise, surtout féminine. Parfois aussi des lieux de rassemblement pour les besoins d’une séance photographique. Ainsi à Lieuran-Cabrières comme en témoignent les cartes postales ci-dessous :
- La source et les lavoirs publics
Sur cette première carte postale, le lavoir public est peut-être déjà utilisé uniquement pour les besoins domestiques... et parfois aux séances de poses photographiques des deux écoles villageoises... car la séparation des deux écoles existait bien à Lieuran, mais avec une particularité propre à cette commune : l’instituteur devait fournir le local scolaire. C’était un couple qui, dans sa propre maison, assurait l’instruction des enfants.
- Les maîtres et les élèves de l’école confessionnelle
A gauche, les filles avec « Madame » à l’école privée.
- Les élèves de l’école publique
A droite, les garçons à l’école laïque avec « Monsieur » : on appelait ainsi à l’époque l’instituteur. Avez–vous remarqué la « coupe de cheveux » de certains enfants, les poux faisant partie de la panoplie scolaire et le rasage des cheveux était un remède radical.
Sur le second document ci-dessous, le lavoir public est devenu une fontaine qui semble exclusivement réservée aux usages domestiques...
- La fontaine
Il y a maintenant un écoulement des eaux qui est canalisé alors que dans « la source » l’eau s’écoule librement ; quelques pierres plates assurent les pieds au sec.
- Les familles de Lieuran près de la fontaine
Plusieurs familles et plusieurs générations sont représentées sous l’ombrage. A noter que le signe de référence polie devant le photographe a disparu : la casquette demeure sur la tête alors que dans la première carte postale, tous les couvre-chefs sont à la main.
C’est la belle saison, il fait chaud mais l’ombre est généreuse et les visages radieux.
- L’origine murale de la source
On distingue deux hommes, peut-être trois, qui, d’un geste de la main, indiquent l’origine de la source (cf. la vanne contre le mur en pierres jointées) et soulignent ainsi son importance pour le village.
- Les lavandières à la fontaine
A droite, les lavandières prennent la pose avant de reprendre leur labeur... d’échanger des menus services et parfois des paroles amènes ou amères, car le lavoir et la fontaine sont souvent le lieu de naissance et de propagation des rumeurs et des cancans.
- Les lavoirs aujourd’hui
- On retrouve le mur de pierre et les bassins modernes qui ont été déplacés de quelques mètres.
Pour approfondir le sujet :
- Jean-Pierre Goubert, La conquête de l’eau, Paris, Editions Robert Laffont, 1986, réédition dans la Collection Pluriel sous le titre suivant : Une histoire de l’hygiène - Eau et salubrité dans la France contemporaine.
Ouvrir un robinet d’eau : voilà qui, aujourd’hui, fait partie de notre vie de tous les jours ; nous n’y prêtons pas attention. Pourtant, derrière l’automatisme du geste, se cache une longue conquête qui marque le XIXe siècle et le début du XXe siècle. C’est cette conquête, d’abord scientifique et technique, que ce livre pionnier retrace avec pittoresque. Comment l’eau, domestiquée, devenue l’eau courante, chez soi , s’est progressivement installée dans la vie quotidienne, comment elle a modifié les gestes, les usages de la toilette, et donné naissance à la civilisation de l’eau qui est la nôtre. Un ouvrage disponible sur Alapage.com
Note : Dans les premières années du XXe siècle, nombre de municipalités rurales, profitant des subventions de l’Etat, vont remplir d’importants dossiers qui vont leur permettre d’améliorer leur approvisionnement en eau de qualité. Ces dossiers sont généralement consultables aux archives municipales. |