Présentation des Roux de Marseille, portraitistes de navires de 1750 à 1882
Une boutique d’hydrographe à Marseille
En 1750, entre l’église des Augustins au fond du vieux port et le fort Saint-Jean à l’entrée Nord du port, des dizaines de grands voiliers à quai se serraient bord à bord. Venus de tous les pays du monde, ils formaient une forêt de mâtures et de beauprés qui dominaient les alentours où s’activait toute une population qui vivait de la mer. Marins, armateurs, ouvriers des chantiers navals et autres professionnels de la mer, représentaient près du quart de la population marseillaise auxquels il faut ajouter les marins en escale.
Le long des quais ou à proximité, de part et d’autre de l’Hôtel de ville s’alignaient des boutiques d’hydrographes, de maîtres voiliers, d’accastilleurs, d’horlogers, de fournitures de denrées à embarquer, de vendeurs d’objets et produits exotiques. La nuit les tavernes, auberges, garnis à la nuit et autres bourdeaux, prenaient la relève. Tous ces commerces étaient florissants, sans cesse alimentés par les équipages des navires arrivant ou en partance.
Sur un panneau de bois ornant la devanture d’un magasin situé sur le port, à l’angle du quai rive Nord (Aujourd’hui Quai du Port) et de la rue Coin-de-Reboul qui rejoignait la rue Lancerie (Aujourd’hui rue de la Loge) parallèle au quai, on pouvait lire :
" Ingénieurs hydrographes, font et vendent toutes sortes de boussoles, compas d’azimuth et autres, sabliers de toutes qualités, sextans, octans, quarts de non ante, fleches, télescopes, lunettes acromatiques de différentes longueurs, lunettes de nuit, lorgnettes d’opéra, compas à pointer, échelles anglaises, étuis de mathématiques. Ils sont assortis en toiles et étophes de laine et de coton pour les pavillons ainsi qu’en portulans, plans de ports, cartes hydrographiques de tous les auteurs quelconques" (Orthographe d’époque).
C’est ainsi que la famille Roux, décrivait ses prestations. Le compas et l’octant qui figurent sur le tableau généalogique ci-dessus sont des images d’œuvres originales de Joseph Roux fils datés respectivement 1775 et 1780.
De l’extérieur on reconnaissait le magasin à son enseigne : « À la Boussole Couronnée » et aux deux statuettes en papier mâché représentant deux officiers de la marine de commerce en uniformes, tricorne en tête : l’un faisant un relevé d’élévation avec un octant et l’autre pointant sa longue vue vers l’horizon. On retrouvera ces mêmes motifs imprimés sur les papiers commerciaux de la famille jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Un historien local, Louis Brès, décrit le magasin des Roux qu’il a fréquenté : « Leur petite boutique avait une allure bien particulière. Par la grande fenêtre ouverte sur le port on voyait une large étagère encombrée de compas, boussoles, octants, sextants, pieds de roi, baromètres de mer, lochs, cartes marines, routiers, brochures d’hydrographie, lunettes et longues vues de bord. À l’intérieur on pouvait voir, dans l’ombre fraîche, des pavillons de toutes les couleurs qui donnaient à la boutique une décoration originale ; quand un rayon de soleil venait frapper la cuvette d’un compas ou se refléter sur les branches en cuivre de quelque bizarre instrument nautique, on pouvait distinguer dans le plus obscure recoin du magasin la silhouette de l’hydrographe penché sur une carte marine ou un tableau en cours ».
Joseph Roux , père (1682-1747) et fils (1725-1789) : de la carte de marine à la peinture de marines
On ne sait si le jeune Joseph arrivant de Martigues suivit une formation particulière à l’École d’hydrographie de Marseille avant d’ouvrir sa boutique. Cette école, créé en 1571, par lettre patente du roi Charles IX, demeure la plus vieille école supérieure de France après le Collège de France. Les professeurs étaient des capitaines ou des pilotes ayant cessé de naviguer, ou même des ecclésiastiques, qui, bénévolement, inculquaient à leurs élèves les connaissances pratiques et théoriques pour la navigation.
Toujours est-il que Joseph Roux, puis son fils du même prénom, né en 1725, vont développer leur affaire de fabrication, vente et entretien d’instruments de navigation et de cartes marines. Le père, bien que très occupé par ses affaires, va commencer à dessiner et à peindre lui-même des roses de compas à l’aquarelle puis à tracer des cartes marines pour répondre à des demandes croissantes de sa clientèle de capitaines de navires : le même historien local (Louis Brès) observe que les travaux de notre hydrographe" étaient fort appréciés en raison de la beauté de ses roses de compas et de la finesse de son écriture sur les cartes".
Joseph fils commence très tôt à travailler dans la boutique de son père et à dessiner les différents types de bâtiments qui font relâche dans le port. Bientôt il commercialise ses œuvres qu’il signe « Joseph Roux fils aîné ». En 1764 il est autorisé à porter le titre d’Hydrographe du Roi. Cette même année il dédie au duc de Choiseul une « Carte de la Méditerranée en douze feuilles » qui va être éditée l’année suivante ; en 1769 c’est un « Recueil de plans, ports et rades de la Mer Méditerranée » qu’il publie. Cet ouvrage qui comporte cent soixante-dix-neuf planches sera l’objet de plusieurs éditions originales souvent « piratées ».
L’échoppe marseillaise va ainsi connaître une grande renommée : les affaires sont prospères et Joseph fils est maintenant un notable de la ville.
Il va alors compléter les offres de la boutique par des dessins de paysages de ports et bientôt par des peintures à l’huile et des aquarelles représentant des navires en mer ou en approche du port de Marseille ainsi que des évènements maritimes. L’exactitude et la précision exigées dans le dessin des cartes de marine vont se retrouver dans ses dessins et aquarelles comme dans tous ceux de ses descendants. Quand il meurt en 1789, la relève va être assurée par son fils unique Ange-Joseph Antoine né en 1765.
- Joseph Roux fils, Le Bonhomme Richard, 1781
Ange-Joseph Antoine Roux ( 1765 – 1835) : le créateur du « portrait de navire » français.
Le jeune homme, que l’on nomme plus simplement Antoine, ou Tonin en famille, va passer son enfance dans la boutique et sur le quai du port où il s’ imprègne des odeurs, des bruits et des vues du port et des navires à quai. Très tôt il entend son père discuter dans la boutique avec des marins qui parfois lui permettent de s’aventurer sur les ponts de leurs navires où il découvre la variété des espars, gréements, manœuvres et poulies ; bientôt les différences entre un brick, une goélette, une corvette, une flûte, un lougre, n’ont plus de secrets pour lui pas plus que les différents pavillons des navires. Parfois même des amis ou relations de sa famille l’emmènent à bord pour une sortie en mer où il découvre les effets du vent dans la voilure, les allures, les changements de la mer.
Parallèlement Antoine s’initie au dessin et aux différentes techniques de l’huile, de la gouache et de l’aquarelle. La famille Roux possédant à Endoume, alors vieux village sur la côte Sud de Marseille (Aujourd’hui 7e arrondissement) un « cabanon » au bord de la mer, c’est à cet endroit qu’Antoine va remplir de nombreux carnets de croquis au crayon, à la plume, parfois aquarellés, représentant des matelots au travail, des vues du port, des barques échouées, des détails de navires. Le site web du Peabody Museum à Salem, Massachusetts (Voir : Roux Sketchbooks and ships portraits) permet de feuilleter très facilement deux de ses carnets de dessins avec des possibilités d’agrandissements.
En 1789, la famille n’ayant pas les idées révolutionnaires, va s’exiler quelques temps en Italie où Antoine va rencontrer des peintres qui lui donneront des conseils de technique picturale. De retour en France sous le Directoire, notre homme va alors se consacrer à son art en répondant aux demandes de tableaux qui commencent d’affluer, renommée aidant, dans sa boutique.
On considère qu’il fut alors le créateur en France d’un nouveau genre de peinture : le « portrait de navire ». Le succès est immédiat car la photographie est encore inconnue. Outre des reconstitutions de combats navals, les armateurs, capitaines et matelots lui commandent des reproductions de leurs navires, représentés le plus souvent quittant le port de Marseille.
Le bateau est souvent représenté sous deux allures : en gros plan vu par le travers bâbord ou tribord et en petit, au second plan, vu navigant « tout dessus » suivant un cap différent. Il s’agit essentiellement d’aquarelles avec le dessin du bateau, de ses gréements et de ses voiles surlignés à l’encre noire, grise ou sépia, permettant une grande précision des détails ; les arrière-plans, mer, ciel et paysages de ports ou des côtes, au contraire, sont moins colorés et ne sont pas surlignés, révélés seulement par des séparations de tons ou de couleurs. Ce léger effet de flou du fond donne un relief et une réalité « pré-photographiques » au bateau en premier plan.
La réputation d’Antoine Roux est très grande : les capitaines français et étrangers n’hésitent pas à faire même un détour par Marseille pour lui demander un portrait de leurs navires. À partir de 1806 et pendant le blocus continental, les succès remportés par les corsaires marseillais lui apportent une nouvelle clientèle : ceux-ci voulant immortaliser leurs combats et leurs victoires lui demandaient d’en peindre les tableaux. Sur une bande noire en bas du tableau le peintre commentait d’une belle écriture anglaise blanche l’événement représenté ; ainsi par exemple : « Le brick Dubourdieu, capitaine Mordeille,…, se dispose à prendre à l’abordage le vaisseau Arrow de trois cents tonnes ». Tous les détails étaient représentés avec une grande fidélité car le peintre travaillait sous les regards exigeants des témoins de l’action. La guerre anglo-américaine de 1812 vint aussi lui fournir les sujets de combats navals dont les capitaines américains voulaient conserver le souvenir peint. Les collections des musées américains de Salem et de Seaport témoignent du succès des tableaux d’Antoine Roux.
- Ange-Joseph Antoine Roux, Le Jean-Baptiste du Havre, 1823
Bientôt aussi les marins ayant échappé à une infortune de mer vont lui commander des ex-voto représentant leur navire pris dans la tempête ou faisant naufrage. Beaucoup de ces ex-voto marins peints sont exposés dans des chapelles de la côte méditerranéenne : Notre Dame de la Garde à Marseille, Notre Dame de la Garoupe à Antibes ou Sainte Anne à Saint Tropez par exemple.
Antoine Roux a continué à peindre jusqu’à sa mort à 70 ans, lors de l’épidémie de choléra de 1835 à Marseille. Au total sa production est considérable et il fut sans doute le plus prolifique de la famille. Il laisse quatre enfants dont trois garçons qui vont s’illustrer eux aussi dans les portraits de navires.
Mathieu-Antoine Roux (1799 – 1872) : l’aîné de la fratrie Roux.
Comme son père avant lui, le jeune Mathieu-Antoine va se retrouver très vite dans la boutique au contact des marins, dessinant aussi ce qu’il voyait sur les quais ou dans ses promenades aux alentours de Marseille. En 1820 il reprend une seconde boutique d’hydrographe sur le quai, non loin de celle de son père, entre l’Hôtel de ville et le fort Saint Jean. À la mort de son père en 1835, il reprend sa boutique avec son plus jeune frère François Geoffroi avec lequel il travaille dans l’atelier familial. Les affaires vont bien et on doit embaucher du personnel féminin pour réaliser les différents pavillons de toile utilisés pour communiquer entre bateaux ; un ancien capitaine est aussi embauché pour conseiller et vendre les instruments de navigation.
Antoine pour sa part continue à dessiner des cartes de marine et à peindre des portraits de navires qu’il va signer « Antoine Fils Aîné » ; il est cependant le moins prolifique des trois frères et considéré parfois comme le moins talentueux de la fratrie. Pourtant sa renommée est aussi grande que celle de son père auprès des armateurs et des marins. Ses tableaux et ses nombreux ex-voto sont souvent difficiles à distinguer de ceux de son père.
- Mathieu Antoine Roux, L’Océan, en route vers La Réunion, 1860
Quand il meurt en 1872 c’est son fils, Tonin, qui va reprendre le magasin d’hydrographe mais le jeune homme ne semble pas avoir eu le goût du dessin et on ne connait pas d’aquarelles signées par lui.Ce sont ses deux oncles qui prirent le relais de la peinture de marine et des portraits de navires : François Joseph Frédéric et François Geoffroi.
François Joseph Frédéric Roux ( 1805 – 1870) : de Marseille au Havre
Le second enfant d’Ange-Joseph Antoine était une fille : Ursule-Joséphine, née en 1801. On ne sait que peu de choses sur elle si ce n’est qu’elle fit aussi des dessins et des aquarelles représentant des paysages de la côte méditerranéenne mais en amateur, pour son plaisir personnel et sans en rechercher de profit : la peinture à l’aquarelle était une activité traditionnelle des jeunes femmes de la bourgeoisie de l’époque. Son goût pour les arts la fit ouvrir son salon aux peintres marseillais et elle fit partie du milieu artistique local où ses deux jeunes frères Frédéric et Geoffroi tiendront bientôt les premières places.
Troisième enfant et second fils d’Antoine aîné, Frédéric travaille dès son plus jeune âge dans l’atelier familial où son père lui apprend l’art pictural. Elève très doué il acquiert une parfaite maîtrise du dessin et des connaissances étendues dans la construction navale et la navigation dont il va tirer profit dans ses portraits de navires. Il vend ses premiers tableaux dès l’âge de 18 ans.
En 1825 il rencontre à Marseille le célèbre peintre de marines Horace Vernet ; celui-ci, admiratif des premières œuvres du jeune homme, lui propose de venir se perfectionner dans son atelier à Paris. C’est ainsi le premier de la famille Roux à avoir acquis une certaine formation technique à la peinture. Pendant son séjour à Paris il va réaliser, sur commande, une série d’aquarelles représentant les différents navires sur lesquels l’amiral Willaumez avait navigué.
En 1827 il va peindre, aussi sur commande, « L’album de marine du Duc d’Orléans ». Cet ouvrage comporte 23 aquarelles représentant les différentes classes de navires français.
Après avoir voyagé en Europe de l’Est jusqu’en Russie il revient en France pour s’établir hydrographe , comme son père et ses frères, mais au Havre, quai Lamblardie.
Sur leurs traces, il acquiert rapidement une renommée de portraitiste de navires et se fait une très nombreuse clientèle. Beaucoup de capitaines américains en particulier, nombreux dans le grand port de la Manche, lui commandent des aquarelles de leurs navires. En outre beaucoup de ses œuvres ont été gravées ou lithographiées pour répondre à la forte demande de l’époque.
- François Joseph Frédéric Roux, Le Philanthrope, 1865
Le talent de Frédéric Roux est reconnu dans ses portraits de navires classiques mais aussi dans ses marines qui représentent les navires sous des angles différents et dans des mers variées, du calme à la tempête.
Frédéric Roux passera le reste de sa vie au Havre où il meurt en janvier 1870 alors qu’un autre peintre havrais, Edouard Adam (1847- 1929) commence lui aussi à se faire une réputation de peintre de marines en suivant les évolutions : les grands voiliers se faisaient plus rares face navires mixtes puis aux vapeurs.
François Geoffroi (1811 – 1882) : un « peintre officiel de la Marine »
On a vu que ce troisième fils, cadet de la fratrie, avait très jeune commencé à dessiner et à peindre avec son frère aîné Antoine. Rapidement il participe lui aussi à la production familiale de portraits de navires. Passionné du monde de la mer il écoute les récits des marins, rêve à leurs aventures dans des contrées lointaines qu’il ne connaîtra pourtant jamais autrement car, contrairement à son frère Frédéric, ses voyages se limiteront à seulement deux destinations : Paris et Le Havre.
Grâce à sa sœur Ursule qui, comme on l’a vu, a ouvert son salon aux peintres marseillais, il va faire partie du milieu artistique local.
François Geoffroy Roux ne peindra qu’à l’aquarelle. Il passe pour être le plus consciencieux des trois frères. Autodidacte comme eux il parvient à une grande virtuosité dans les grands formats. Scènes de la vie à bord, détails de proues et de poupes, portraits de vaisseaux de guerre et de navires marchands, ses tableaux constituent une documentation unique sur les évolutions de l’architecture navale et la mutation de la marine au XIXe siècle.
Bientôt pourtant son unique spécialité de portraitiste de navire conduit les amateurs à déplorer son style classique voire conventionnel, son manque de créativité et la fixité de ses bateaux le plus souvent au mouillage sur une mer calme. En outre son travail à la commande nuit à sa notoriété. Et puis le genre devint l’affaire des photographes.
- François Geoffroi Roux, Le Renard, 1876
Pour autant ses œuvres servent toujours de références pour l’exactitude et la précision de ses représentations de navires de guerre du XIXe siècle. Reconnu comme spécialiste officiel des vaisseaux de la marine de guerre François Roux fut nommé en octobre 1875 « Peintre titulaire de la Marine pour services exceptionnels rendus à l’architecture navale par la reproduction de tous les types de navires de guerre de la Marine française » et au moment de sa mort il reçoit du vice-amiral Paris cette flatteuse appréciation : « La Marine vient de perdre l’un des artistes dont on peut dire qu’ils l’ont représentée avec le plus de vérité et d’élégance. »
Quand il meurt à Marseille le 30 septembre 1882, disparaît le dernier peintre de marines de la dynastie des Roux. Comme on l’a dit la boutique familiale d’hydrographe de Marseille fut reprise par le seul descendant de la lignée : François-Antoine Roux (1826 – 1897) qui ne peindra pas mais héritera d’un important stock de tableaux réalisés invendus que des clients oublieux ou trop lointains n’étaient pas venus chercher.
L’œuvre des Roux aujourd’hui
Un critique facétieux avait donné la recette du « portrait de navire » : « Peignez en bleu-vert une étendue de mer jusqu’à l’horizon et posez dessus un bateau à voile auquel vous donnerez l’illusion de la vie en bombant ses voiles et en orientant ses drapeaux dans le sens contraire à celui de la marche ». Il aurait pu ajouter : « Peignez toujours le bateau sortant d’un port sans vous soucier de sa destination… » Beaucoup s’y sont donc essayés avec plus ou moins de bonheur et sans toujours respecter ces principes de base.
À côté des plus célèbres peintres de marines, officiels ou non (Crépin, Garneray, Gudin, Hue, Isabey, Morel-Fatio, Vernet, etc.) les Roux ont une place à part, spécialisés comme ils le furent, pendant trois générations, dans les seuls portraits de navires. Aussi bien sommes nous peut-être avec eux plus en présence d’artisans remarquables que d’artistes, au sens où on l’entend parfois : ils ne connurent ni les états d’âme, ni les affres de la création, mais peignirent des bateaux en famille, le plus souvent à la demande, comme un champ de pommiers fait des pommes. Sans chercher à exprimer une vision subjective, ils ont des yeux qui observent, des mains qui dessinent, des talents de coloristes. S’ils donnent toute la place à leurs uniques sujets, les bateaux, c’est parce qu’ils les ont sous les yeux ou parce qu’ils les imaginent tels que leurs clients les leur demandent.
Notons au passage que, plus que les photographes, ce sont aujourd’hui des dessinateurs de bandes dessinées tels Patrice Pellerin (La saga maritime de L’Epervier), Johannes Roussel (H.M.S.) ou François Bourgeon (Les passagers du vent) qui, par leur souci du détail et de la perfection, ont repris le genre en mettant en scène la marine à voile des XVIII et XIXe siècles.
- Exposition François Bourgeon, Musée de la Marine, 3/02 au 3/05 2010, Paris
Selon un expert et collectionneur, Jean Meissonnier, le total de la production familiale des Roux sur un peu plus d’une centaine d’années atteindrait six ou sept mille dessins ou peintures, soit environ 70 création en moyenne par an ce qui parait vraisemblable car les Roux ne consacraient pas tout leur temps à la peinture mais aussi à leur activité d’hydrographe. En outre, comme on l’a remarqué, chacun des Roux fut plus ou moins prolifique.
Comme les tableaux ont été souvent commandés par des marins de passage à Marseille on retrouve de nombreuses aquarelles dans les musées ou les collections particulières du monde entier. On trouve ainsi beaucoup d’œuvres des Roux aux USA (au Peabody Museum de Salem, notamment) où ces peintres sont plus connus et réputés qu’en France. Le musée Peabody, heureusement, sait utiliser internet et les nouvelles technologies pour mettre en valeur et présenter les œuvres des Roux au plus large public mondial.
En France le Musée national de la Marine à Paris détiendrait plus de 150 tableaux dont la moitié constituée par des aquarelles de François-Geoffroi Roux. Malheureusement le « malthusianisme » de ce musée le conduit à ne pas exposer ces tableaux conservés jalousement dans ses caves et sa conception restrictive du service public lui fait ignorer les possibilités de diffusion offertes par le web.
Les œuvres originales ont donné lieu à des gravures, à des lithographies et à de nombreuses reproductions en noir et en couleurs. Sur le marché de l’art une aquarelle originale des Roux peut valoir 3.000 à 7.000 euros et les huiles atteignent parfois le double. On trouve de belles gravures noir et blanc pour 40€ et des lithographies couleurs pour 250€. Par exemple image ci-dessous : aquarelle 43x58cm signée Antoine Roux, 1818 : le brick La Confiance, capitaine Pinatel, sortant du port de Marseille le 14 avril 1818. Vendu à Drouot Paris par Cabinet Robert et Baille, vente du 26-11-2010 : 3.000€
- La Confiance, Antoine Roux (1765-1835) (Photo par l’auteur en salle des ventes)
Curieusement aucun des Roux n’est mentionné dans le Robert des noms propres et les Roux n’avaient pas les honneurs de Wikipedia jusqu’à ce que nous ajoutions l’article « Famille Roux (peintres de marine) » où l’on trouvera désormais un résumé du présent article d’Histoire Généalogie.
N.B. : On connait des homonymes, eux aussi peintres de marines, mais sans liens de parenté avec les Roux présentés ici :
- Emile Dominique Roux, de Vannes (1822 – 1915)
- Louis François Roux, de Marseille ( 1817 – 1903)
Sources et bibliographie :
- Jean Meissonnier : Aquarelles d’Antoine Roux. Voiliers de l’époque romantique. Ed. Edita, Lausanne, 1968. L’âge d’or de la marine à voile : Les Roux, Hachette, 1963.
- Louis Brès : Antoine Roux et ses fils, Marseille, 1883.
- Philip Chaldwick Foster Smith :The Artful Roux, Marine Painters of Marseille. Peabody Museum of Salem, 1978.
- Catalogue d’exposition du musée Cantini : Antoine Roux et ses fils, Marseille, 1955.
- André Alauzen : La peinture en Provence du XIVe siècle à nos jours. Ed la Savoisienne, Marseille, 1962.
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