Dans la présentation de son site internet, l’auteur annonce sa méthode de travail : "Retrouver, pour une époque donnée, le maximum d’informations permettant de reconstituer, dans le détail et dans son contexte social, administratif et géographique, la vie d’un ancêtre donné. (...) Après m’être intéressé à tous mes ancêtres patronymes dans une région donnée, (...), je focalise mes recherches sur l’un d’entre eux soit parce qu’il a eu une vie originale soit parce qu’il semble typique de son époque. Si j’ai la chance de pouvoir rassembler de nombreuses informations sur lui, il devient le héros d’une monographie qui lui est consacrée."
L’auteur par lui même : "Ingénieur en retraite, passionné de généalogie depuis de nombreuses années, mais ne disposant du temps nécessaire aux recherches que depuis quelques années, j’ai dabord acquis une bonne formation à la paléographie. J’ai pu ainsi retrouver et lire assez facilement, dans leur écriture d’origine, des documents notariés, juridiques, fiscaux ou d’état-civil à partir desquels la reconstitution du contexte devient un jeu passionnant."
Les Chédaille en Laonnois et Thiérache
"Avant cette première recherche généalogique je ne connaissais, de mes ancêtres, que l’existence d’un grand-père paternel, que je n’ai pas directement connu, venu mourir en région parisienne après avoir pris comme troisième épouse une jeunette qui n’eut pas l’heur de plaire à la famille.
Plutôt que de considérer la généalogie comme une course effrénée à l’ancêtre le plus ancien, je préfère y voir l’occasion de retrouver les conditions de vie du passé et, par suite, d’évaluer le chemin parcouru dans le confort et l’amélioration de la vie.
Cette recherche m’a fait découvrir un terroir, au pied de la ville de Laon, essentiellement agricole, constitué de petits villages proches les uns des autres et dont la plupart ont eu, dans le passé, un ou plusieurs CHEDAILLE comme habitants.
Une excellente opportunité de découvrir l’histoire locale de ce petit coin de France, théâtre de nombreux faits guerriers, aux confins du pays, soumis aux attaques des envahisseurs de l’est, peuplé, vers 1700, de paysans vignerons, remplacés, à ce jour, par des éleveurs de vaches et producteurs de betteraves sucrières.
Les principaux événements de la vie de Jean-François CHEDAILLE, meunier au moulin à vent banal de Montchâlons (02501), puis ouvrier vigneron à Parfondru (02587), constituent le fil conducteur d’une époque découverte à travers :
- des actes de baptêmes, mariages et sépultures, dans les registres paroissiaux,
- des actes notariés auxquels nos ancêtres avaient souvent recours,
- des actes de dénombrement et d’arpentage de la propriété seigneuriale, établis à chaque succession, par la famille du seigneur de Montchâlons, véritable potentat local.
Mes aïeux de l’époque étudiée (1707-1768) ont eu, pour la plupart, une vie courte, avec beaucoup d’enfants, plusieurs épouses successives qui ne connaissaient pas la contraception, et des journées de travail longues et physiquement épuisantes.
Et surtout, leurs enfants directs ont vécu la Révolution Française, aboutissement logique de la situation de misère dans laquelle les seigneurs les ont entretenus pendant de nombreuses années.
Alors que nous sommes envahis de toutes parts par des torrents d’informations, d’images venues de tous les pays de la planète, il est très difficile de s’imaginer le contexte d’une telle époque, sans électricité, sans journaux, où l’essentiel du temps de nos aïeux était absorbé par la recherche des éléments d’une survie sans confort, dans un monde rural où savoir écrire et lire était une rareté sociale.
De même la notion de distance est un autre paramètre difficile à concevoir. C’était un frein notable à la vie de l’époque dont les déplacements se faisaient le plus souvent à pied ou, au mieux, à dos de cheval.
En l’espace de huit générations, se sont progressivement mis en place des moyens de locomotion, les congés payés, la semaines de 48, puis 39 heures, des antibiotiques, des outils électroménagers.
Puissent mes enfants et petits-enfants se souvenir que le confort dans lequel ils vivent actuellement n’a pas été conquis sans peine et qu’il leur appartient de contribuer, eux aussi, à l’amélioration des conditions de vie de leurs descendants
Les Chédaille en Laonnois et Thiérache
Ce deuxième fascicule, consacré essentiellement à Simon CHEDAILLE et sa soeur Marie CHEDAILLE qui vécurent à la même époque à Eppes, constitue en soi une entité indépendante du premier fascicule consacré à Jean-François CHEDAILLE, fils de Simon.
Cependant, je n’y ai pas repris les actes de naissances, mariages et décès déjà cités dans le fascicule 1. J’ai supposé que ces actes étaient maintenant connus du lecteur. A vrai dire, je ne savais pas, en fin de rédaction du premier fascicule quels seraient l’époque, le lieu et les personnages du fascicule 2. C’est le hasard de la recherche qui m’a apporté suffisamment d’éléments cohérents et liés entre eux pour constituer matières à cette nouvelle monographie.
Simon et sa soeur Marie sont deux enfants de Martin CHEDAILLE, boulanger à Eppes où il mourut en juillet 1684. Ce Martin est mon aïeul direct à la huitième génération.
Au risque de produire un document un peu trop volumineux, je n’ai pas voulu dissocier les récits des événements importants vécus par Simon et Marie, tels que révélés par les archives, parce qu’ils se sont déroulés à la même époque, dans le même village et interfèrent entre eux. Marie est la soeur aînée de Simon, née vers 1658 tandis que Simon est né vers 1666. Ils sont tous deux restés dans le village de leur naissance, comme c’était fréquent à l’époque. Ils ont cependant eu des chemins très différents.
Marie n’a pas de vraie jeunesse : mariée très jeune, vers 13/14 ans, à un maçon du village de 13 ans plus vieux qu’elle, elle passe la moitié de sa vie à procréer à la cadence infernale de 14 enfants en 20 ans. Et puis un jour, son mari décède, à l’âge de 58 ans, lui laissant un héritage très important, alors qu’elle n’a que 41 ans. Voilà notre Marie qui prend sa revanche sur le destin en épousant un maçon de 20 ans plus jeune qu’elle. Elle ne sait pas lire, comme la plupart des femmes du peuple de l’époque, mais son nouvel époux va gérer son héritage. Ils deviennent hôteliers au village. Malheureusement, un de leur gendre qui est aussi frère de l’époux, commet une indélicatesse notable en dilapidant l’argent de la taille qu’il était chargé de recueillir. Et voilà l’héritage de Marie, la jeune veuve, en partie détruit pour sauver l’honneur de la famille du nouveau mari. Étrange destin que le transfert de la fortune des de SOYE aux LONGUET via une Marie CHEDAILLE ! Le maçon Antoine de SOYE s’est usé la santé à rassembler une fortune agraire que les LONGUET dilapident.
Quant à Simon, le jeune frère, je l’avais imaginé, dans le fascicule 1, comme un pauvre laboureur sans moyens, condamné à passer l’essentiel de sa vie professionnelle à labourer pour les autres. Les archives trouvées depuis m’ont obligé à modifier cette opinion. C’était un ambitieux prudent qui tenait à travailler pour son compte, en prenant des risques calculés. Il avait un faible pour les épouses jeunes. Il en a eu trois et c’est peut-être cette jeunesse permanente au foyer qui l’a conduit à vouloir de plus en plus de terres à cultiver, au risque d’y perdre la santé.
En cette fin du XVIIe siècle, début du XVIIIe, les gens des villages, vivant essentiellement des ressources de la terre, n’ont pas à leur disposition les banques, caisses d’épargne ou coopératives agricoles que nous connaissons. Ils sont tributaires de prêteurs fortunés situés dans les villes. Il est donc impératif de développer, au niveau du village, une solidarité de voisinage, basée sur le bon sens et la libre décision. On cherche, en commun et dans le village, des solutions entre habitants réunis au son de la cloche.
De nos jours, les peuples ont créé la Communauté Européenne à qui la moindre intempérie ou épidémie est une occasion de demander des subventions. La réflexion commune est abandonnée au profit de barrages routiers qui n’indisposent que des automobilistes innocents. Est-ce un progrès ?
Une vie à toute vapeur : Les Chédaille en Laonnois et Thiérache
Né dans une famille modeste, d’un père bourrelier et d’une mère fileuse, second enfant d’une famille qui en a compté huit, Charles Alexandre CHEDAILLE est l’exemple même du bénéficiaire de l’ascenseur social dont ont profité, avant la guerre de 1870, les jeunes gens remarqués par l’Église de France.
C’est la période de la naissance du socialisme, des premiers pas de la presse écrite, avec la remise en cause du pouvoir religieux qui conduira à la séparation de l’Église de l’État en 1905.
Enlevé à sa famille dès l’âge de 11 ans et totalement pris en charge par l’évêché, le jeune séminariste, après un séjour au petit séminaire de Soissons, sera envoyé au séminaire parisien de Saint Sulpice. Il y révélera très rapidement son goût pour les lettres et recevra une formation littéraire dans la meilleure école parisienne de l’époque, l’École des Carmes, pour se retrouver précepteur dans une célèbre famille noble bruxelloise, celle du comte de MEEUS, à l’origine de la Société générale de Belgique, qui lui offrira son premier voyage en Terre sainte, alors qu’il n’a que 25 ans.
Appelé comme vicaire à la basilique de Saint-Quentin, il y retrouve un collègue de Saint Sulpice, Euxède Isodore MIGNOT, avec qui il noue une amitié de longue durée. Les deux amis effectuent un voyage en Terre sainte dans le sens contraire de celui adopté par les pèlerins de l’époque.
MIGNOT progresse dans la hiérarchie catholique. Il est nommé évêque d’Albi. Intelligent et honnête, il se pose des questions sur certains dogmes de l’Église catholique. En tant que Directeur de la Semaine religieuse de l’évêché de Soissons, CHEDAILLE use de son influence locale pour diffuser les remises en question de MIGNOT.
A chaque disparition d’un évêque en France, les deux compères intriguent pour faire nommer CHEDAILLE à la place du défunt. Les nominations dépendent, à l’époque, du gouvernement français, en la personne du Ministre des Cultes. CHEDAILLE est tellement dévoré par son ambition qu’il commet des maladresses irréparables lui barrant toute progression hiérarchique.
Il devra se contenter des cures de Chauny et Saint-Gobain. Il s’y installe avec un certain confort, parmi une bourgeoisie locale qui doit beaucoup à la présence de la Compagnie de Saint-Gobain exploitant des usines dans ces deux paroisses.
Les archives révèlent de nombreuses informations sur ces deux personnages et leur époque : leurs visions personnelles des événements s’expriment à travers des échanges épistolaires nombreux, leurs positions publiques à travers prêches, discours et publications officielles.
On découvre que, comme dans le monde professionnel de la société civile, la société religieuse a ses intrigants, ses ambitieux, ses courageux, ses lâches. Il ne peut en être autrement puisqu’elle est aussi constituée d’hommes avec leurs qualités et leurs défauts, ces derniers ne disparaissant pas automatiquement lors de la prononciation des voeux par les jeunes prêtres.
Un avis : Trop rares sont les généalogistes qui publient le résultat de leurs travaux... comme si l’exercice, l’ultime épreuve, leur semblait insurmontable ! Avec brio, en trois volumes (qui en appellent sans doute d’autres), Jacques Chédaille nous prouve le contraire !
Pour "rendre vie" à ses ancêtres, notre auteur utilise pleinement toute la panoplie des sources mises à sa disposition : actes des registres paroissiaux, actes notariés, actes de dénombrement et d’arpentage, lettres manuscrites, articles de la presse écrite... Tous les documents sont d’ailleurs reproduits et transcrits au fil du texte. Des tableaux généalogiques complètent l’ensemble.
Les personnages sont replacés dans leur contexte historique et la difficile notion du temps et de l’espace est prise en compte... le temps et l’espace des personnages.
Bien que romancé pour donner vie et chaleur aux personnages, le récit est plaisant à lire, sérieux et rigoureux, même si l’auteur laisse parfois un peu trop parler ses sentiments d’homme de notre époque... pour évoquer ceux de ses ancêtres.
Bref, si vous souhaitez vous aussi "donner vie" à vos ancêtres, je vous conseille fortement de lire au moins l’un des trois volumes de Jacques Chédaille... et de découvrir son site : Incursion dans le passé.
Thierry Sabot
www.histoire-genealogie.com