L’Empire libéral
"La liberté, avait dit Louis-Napoléon, ne fonde pas les institutions, elle les couronne lorsqu’elles sont consolidées."
A partir de 1860, Napoléon III va essayer de réaliser ce programme de manière très prudente et progressive. Les causes qui ont orienté l’Empereur vers le libéralisme sont multiples et complexes ; notamment les aléas de la politique extérieure (question romaine, difficultés au Mexique, insurrection de Pologne, etc.). Il faut aussi mettre en cause le caractère de l’Empereur et l’influence de son entourage.
Les principales réformes qui concrétisent l’évolution de l’Empire autoritaire vers l’Empire libéral sont, entre autres, l’accroissement des pouvoirs du Corps législatif par sénatus-consulte du 24 novembre 1860.
Le Corps législatif obtient le droit de voter une adresse sur la politique générale, en réponse au discours que l’Empereur prononce à l’ouverture des sessions. Par-là même, l’Assemblée a la possibilité de faire connaître son avis et de critiquer le gouvernement.
Un sénatus-consulte du 14 mars 1867, transforme les attributions du Sénat et permet à ce dernier de jouer le rôle d’une seconde assemblée législative.
Une loi du 11 mai 1868 supprime, en matière de presse, l’autorisation préalable et défère les délits de presse aux tribunaux correctionnels, ce qui équivalait à l’abrogation presque complète du décret-loi du 17 février 52 encadrant de manière très serrée la Presse.
Ces concessions n’eurent pour effet que de rendre possible l’organisation et le renforcement de l’opposition. Les élections de 1863 amenèrent au Corps législatif 35 députés non-officiels, dont 17 républicains. A partir de 1866, un groupe politique nouveau se constitua sous la direction du républicain Emile Ollivier : ce fut le Tiers Parti. Celui-ci va entreprendre en mai, juin 1869 une campagne d’agitation qui va rendre nécessaire une nouvelle évolution de l’Empire.
L’Empire parlementaire
Les élections de 1869 avaient marqué un réveil de l’opinion publique. L’opposition comptait, maintenant une soixantaine d’élus, dont 38 pour le Tiers Parti. A partir de l’automne 69, l’Empereur se préoccupe d’instaurer un ministère parlementaire.
Les négociations qu’il entreprend à ce sujet avec le chef du Tiers Parti aboutissent à la formation d’un Ministère Emile Ollivier. Ce ministère est définitivement constitué le 2 janvier 1870.
Dès lors, il sembla à l’opinion Publique que l’Empire allait évoluer de façon décisive dans le sens libéral. Dans une lettre du 21 mars 1870, l’Empereur annonçait de nouvelles réformes. On semblait donc se rapprocher du régime parlementaire. Toutefois, l’Empereur refusait de renoncer au plébiscite, pas plus qu’à la responsabilité personnelle qu’il revendiquait pour lui-même devant le peuple français.
La "vieille garde" bonapartiste, inquiète de cette évolution libérale du régime de Napoléon III, conseillait constamment au souverain de replonger son autorité dans sa source même : le peuple.
A l’occasion d’un "sénatus-consulte" l’Empereur se décide à faire plébisciter son pouvoir de nouveau, pour la première fois depuis 1852. Ce plébiscite du 8 mai est intéressant à plus d’un titre.
La formule proposée au peuple était la suivante : "Le peuple approuve les réformes libérales faites depuis 1860..." Une habile proclamation de l’Empereur précédait : "vous conjurerez les menaces de la révolution, vous assoirez sur une base solide l’ordre et la liberté, et vous rendrez plus facile la transmission de la Couronne à mon fils".
- Bulletin de vote OUI
L’habileté était d’obliger chaque citoyen à répondre en bloc, soit oui soit non, à la fois sur l’acceptation de la libéralisation du régime et sur l’acceptation pour l’avenir du régime lui-même, transmis "de mâle en mâle par ordre de primogéniture" dans la descendance directe et légitime de Louis-Napoléon Bonaparte.
La réponse fut : 7 350000 oui, contre 1 570000 non, avec un fort chiffre d’abstentions. A Paris, qui restait irréductible, le nombre des non dépassait de près de 50 000 le nombre des oui. Peu importait à l’Empereur : "J’ai mon chiffre", dit-il.
Le procédé du plébiscite confirmait son excellence. Le régime que d’aucuns avaient cru voir "ébranlé", en "décomposition" dès 1866, s’en trouvait affermi. Il était consolidé par un "nouveau blanc-seing" de la nation.
Le mois de juin 1870 fut, paraît-il, "un des plus calmes de l’Empire." Gambetta, peu suspect de faveur envers Napoléon III, dit avec douleur à un ami, que le Second Empire était "plus fort que jamais."
Pourtant, quelques semaines plus tard, il allait rapidement sombrer après la défaite de Sedan (4 septembre 1870).