À l’heure où il est de bon ton de prêter aux nouvelles technologies issues du multimédia toutes les vertus (convivialité, rapidité et proximité des échanges), et où, avec la numérisation des archives d’état civil (une urgente et salutaire nécessité), l’on voudrait nous faire croire que l’on pourra bientôt faire sa généalogie sans sortir de son salon, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que faire une recherche généalogique, de préférence aussi historique, c’est d’abord interroger ses proches (l’enquête orale préliminaire à toutes recherches) mais aussi et surtout pratiquer avec plaisir et patience, méthode et rigueur (un binôme n’empêche pas l’autre) la lecture et l’interprétation de documents d’archives...
Car « construire » ou assembler une généalogie à la manière d’un puzzle, ou tel un détective en quête d’indices, cela suppose, outre une évidente bonne dose d’optimisme, de travailler à la source sur des documents d’archives, des documents originaux... dans lesquels le lecteur devra se plonger pour s’imprégner de l’époque... et parfois aussi se noyer devant les difficultés de lecture de l’écriture manuscrite ou de compréhension du vocabulaire...
En effet, rien ne vaut, à mon sens, le contact tactile et visuel avec le registre ou le parchemin et, par-delà les siècles, par la grâce du toucher et de la caresse de la page, cette étrange et insolite sensation de proximité avec le scribe.
Car lire l’archive est une chose ; la toucher, s’en imprégner, la sentir vivre sous les doigts et sous son nez en est une autre... un petit bonheur que l’on ne peut percevoir que si l’on prend conscience à la fois de l’unicité et de la préciosité du document.
Jamais mes ancêtres ne m’ont paru plus proches que lorsque j’ai pu tenir entre mes mains et sous mes yeux, le fragile registre où je cherchais fiévreusement la trace à jamais scellée de leur destin... c’est cela tout simplement « le plaisir de l’archive ».
P.-S. : ce texte est librement inspiré de ma lecture de l’ouvrage de l’historienne Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Éditions du Seuil, Points Histoire n° H233, 1989 (Une réflexion sur l’écriture de l’histoire à partir des mots retrouvés dans les archives de la police).