Vu de loin, chaque village est d’abord un clocher qui domine la ligne des plaines ou les courbes des monts et des champs. Lorsque j’étais enfant, ma mère m’avait appris à reconnaître les clochers qui pointaient entre les sucs du Velay, symboles hiératiques de l’identité des villages et de la communauté des habitants. Elle me disait aussi que les cloches de chaque paroisse se répondaient de leur voix métallique, ce langage sonore qui rythmait alors la vie rurale.
Aujourd’hui, en souvenir de ces moments d’enfance, j’aime beaucoup lire et relire un passage du très beau livre de l’astrophysicien Hubert Reeves intitulé Malicorne, réflexions d’un observateur de la nature. Il s’agit du texte introductif au chapitre 10, page167.
Le voici :
Un clocher au-dessus des hêtres pourpres
Le clocher de Malicorne se laisse voir de très loin dans la campagne. Au-dessus des champs de blé, sa silhouette grise s’encadre bien dans le paysage. Il sonne toutes les heures du jour et de la nuit. Ses appels à la prière nous remettent en mémoire la ferveur religieuse des temps passés. Aujourd’hui la porte presque toujours verrouillée de l’église nous envoie un autre message : le clocher a survécu à la tradition.
L’image de ce clocher désuet nous interroge sur les rapports houleux entre la science et la religion. [...] Quel sens pourrait maintenant prendre ce carillon de joyeuses notes dans la campagne ?
Pour aller plus loin :
- Hubert Reeves, Malicorne, réflexions d’un observateur de la nature, Paris, Éditions du Seuil, 1990.
- Gabriel Le Bras, L’église et le village, Paris, Flammarion, 1976.
- Alain Corbin, Les cloches de la terre, paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Paris, Flammarion, Collection Champs, 1994.
- Jean-Pierre Gutton, Bruits et sons dans notre histoire, Paris, PUF, Collection Le nœud gordien, 2000.
- Sur le web : les clochers de France