« A son excellence Monsieur [Raymond-Théodore] Troplong, président du Senat [et membre du Conseil privé de l’Empereur], A Messieurs les sénateurs [1],
- Pétition aux Sénateurs
Messieurs les Sénateurs,
Le nombre des successions ne pouvant se liquider faute d’héritiers reconnus légitimement parents des décédés, s’accroît de jour en jour, et à un tel point, que des héritiers même du troisième degré se trouvent privés de leurs droits héréditaires [2].
Quelle est la cause de cet état de choses ? Je la trouve toute entière dans la forme adoptée pour la rédaction de nos actes de l’état civil, surtout en ce qui concerne des actes de naissance.
Ainsi, prenez un exemple entre mille semblables :
supposez deux frères nés à Paris, l’un portant les nom et prénom Frédéric Dupont, l’autre Jacques Dupont, fils de Germain Dupont et Victoire Chatelain. Frédéric quitte Paris à l’âge de vingt-un ans, après avoir recueilli la succession de ses père et mère décédés. Quatre ans après, il se marie à Bordeaux, avec Françoise Quinton ; il en part ensuite pour aller s’établir à Lyon, et, dans cette dernière ville, il a de son union une fille nommée Ernestine. Cinquante ans après avoir habité Lyon, Frédéric et Françoise meurent laissant leur fille Ernestine unique héritière. A l’âge de soixante-dix ans, Ernestine apprend qu’un vieillard de quatre-vingts ans nommé Jacques Dupont vient de mourir à Paris ne laissant aucun héritier. Ernestine avait entendu dire à son père qu’il avait à Paris un frère qui avait seize ans de moins que lui, et portant pour prénom Jacques ; elle devait donc penser que cet homme était son oncle. Elle se présente au domicile de ce dernier pour revendiquer la succession comme fille de feu Frédéric Dupont, décédé à Lyon, et par conséquent comme l’unique nièce de Jacques Dupont. Mais comme depuis cent cinquante ans, il est né, tant Paris que dans le reste de la France, plus de vingt personnes portant le nom de Frédéric Dupont, et que sur ces vingt personnes dix ont quitté Paris sans que l’on ait su ce qu’elles étaient devenues, Ernestine ne peut donc prouver qu’elle est réellement la nièce de Jacques ; ne possédant pas l’acte de naissance de son père, ne connaissant pas le lieu où il a été marié, elle ne peut remonter aux auteurs communs, c’est-à -dire à Germain Dupont et Victoire Chatelain.
Eh bien, dans cette position, elle est forcée d’abandonner une succession qui lui appartient légitimement et non légalement, par suite d’omissions dans la rédaction des actes.
Pour remédier à ce grave inconvénient, l’exposant à l’honneur de proposer que, dans l’acte de naissance, on soit tenu d’ajouter après fils ou fille de ... décédé ou domicilié à ..., né le ... 186-, à ...... arrondissement de ....... département de ......, et de ........ ou domicilié à ..., né le ... 186-, à ...... arrondissement de ....... département de ......
Par cette simple addition à l’acte de naissance, l’héritier retrouvera toujours l’auteur commun, quand même il ne serait parent qu’au vingtième degré.
Telle est, Messieurs les sénateurs, la simple addition nécessaire pour éviter désormais des recherches de parenté souvent longues et toujours coûteuses, et encore plus souvent abandonnées par suite des difficultés qu’on éprouve à les faire.
L’exposant à l’honneur d’être, Messieurs les Sénateurs, votre très humble et obéissant serviteur, Huchot...Maire de Saclas (Seine et Oise).
Visitez mon site www.lescheminsdupasse.fr