Deux mois plus tard, l’Utile est envoyée à Madagascar pour ramener des vivres pour l’île de France. Pour éviter, d’augmenter le nombre de bouches à nourrir à l’île de France, le gouverneur Antoine Desforges-Boucher interdit au capitaine de l’Utile de ramener des esclaves de Madagascar.
Mais Jean de La Fargue, capitaine de l’Utile, enfreint les ordres et embarque à Foulpointe des esclaves (nombre non connu mais aux environs de 100 probablement). Une fois l’embarquement réalisé, l’Utile quitte Foulpointe le 22 juillet et dans la nuit du 31 juillet au 1er août, s’échoue sur l’île des Sables.
Le navire se disloque. Vingt hommes de l’équipage périssent dans le naufrage ainsi que beaucoup de noirs car les écoutilles étaient fermées. Les rescapés atteignent la terre et commencent à s’installer en montant des tentes avec les restes des voiles et en récupérant tous les jours des vivres et des débris. La principale difficulté pour ces hommes, sur cet îlot désert, est de trouver de l’eau potable. Mais rapidement ce problème est résolu par l’eau donnée par un puits creusé dans le sable.
Les hommes se mettent alors à construire une embarcation de type chaland plat (33,5 pieds de long, 12 pieds de large et 5 pieds de haut) et la baptise Providence. Ils se nourrissent des oeufs des nombreux oiseaux présents sur l’île et pratiquent aussi la pêche avec un petit catamaran de leur fabrication.
Le 27 septembre, ils mettent à l’eau la grande embarcation et y embarquent à 122. Ils laissent sur l’île 60 Malgaches - avec 3 mois de vivres - qu’ils promettent de revenir chercher. Le 1er octobre, ils arrivent à Foulpointe après un parcours de 74 lieues estimées.
Les secours ne retournèrent pas rechercher les esclaves abandonnés sur l’île des Sables. Ce n’est que quinze années après, le 29 novembre 1776, que la corvette la Dauphine récupéra sept femmes et un enfant de huit mois. Cette corvette était commandée par Jacques Marie Boudin de Tromelin qui donna plus tard son nom à l’île.
Dans les archives du Service historique de la Défense – département Marine à Lorient, il existe deux documents qui relatent ce naufrage et les évènements qui suivirent. Le premier, non daté et non signé, est une « Relation » sous forme de journal quotidien. Il est présumé écrit par l’écrivain de l’Utile. Le deuxième, aussi non daté et non signé, est une déclaration du capitaine de l’Utile à un personnage non identifié. Ces deux documents sont répertoriés dans le dossier intitulé « Lettres particulières de la CI à Roth, directeur à Lorient – septembre 1760 – décembre 1761 ». Ce sont donc des copies reçues à Lorient par le directeur local de la Compagnie. La première est référencée 1 P 297 b, liasse 14, pièce 85 (7 pages) et la deuxième 1 P 297 b, liasse 84, pièce 84 (6 pages).
Je diffuse ci-après, pour les lecteurs intéressés, une transcription de ces deux documents. La pagination, les lignes et l’orthographe (majuscules, accents et ponctuation) sont respectées. Ces transcriptions ont été réalisées à partir du microfilm.
Bibliographie :
Guérout, Max, Le navire négrier l’Utile et la traite française aux Mascareignes dans les Cahiers des Anneaux de la Mémoire, N°9, Nantes, 2006, p. 315 à 329.
Un roman sur ce naufrage :
Irène Frain, Les naufragés de l’île Tromelin, Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2009.