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Le Grand Hyver de 1709

Document transmis par Evelyne Tavernier

Le vendredi 17 octobre 2025, par Evelyne Tavernier

Notre fidèle lectrice, Evelyne Tavernier, nous écrit : je viens de trouver dans le registre de Concriers (Loir et Cher) ce texte rédigé par le curé sur les désastres de cette année-là et je pense qu’il peut, peut-être, vous intéresser.

JPEG - 215.4 kio

E-dépôt 058/2 Vue 9/181

http://archives.culture41.fr/ark:/57457/vta5331db5e3ecf9/daogrp/0#id:1705071683?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00¢er=1319.991,-1168.871&zoom=7&rotation=0.000

Les bleds semés avant lhyver de mil sept cent huit furent gelés par toutte la france
On sema en leur place orges et avoines en mil sept cent neuf. Le bled vallut iusqu’a [1] vingt francs la mesme [2] à Boisyeney [3] et vingt-cinq livres à Janville et lorge huit francs : les orges semés à la place des bleds vinrent en abondance, le pain de bled vallois cinq sols la livre, et le pain d’orge trois sols. Presque tous les noyers furent aussy gelés surtout les anciens de cent ans et au-dessous, les vignes eurent aussy le mesme malheur ce qui nous envoia a la samaritaine [4] car le moindre se vendait jusqu’à deux cent livres le tonneau et la pinte dix sols et au dessus. Elles regelèrent lhyver mil sept cent dix à scavoir le dernier jour d’avril et le premier jour de may. Sa charté dura iusqu’a l’an [5]
On fit en plusieurs endroits de la bière et des cidres de pommes et de poires. Le peu le bleds qui n’avoient été semés en mil sept cent neuf estant prets a estre moissonnés en mil sept cent dix furent battus et renversés d’un vent très furieux qui dura depuis dix heures du matin iusqu’à sept heures du soir un lundy vingthuictieme jour de juillet de la ditte année [6] et causa la perte de près de deux semences et ailleurs deux mesme de la miesme.
J’ay ptre curé de St Firmin de Concriers ssgné certifié avoir écrit et remarqué fidelement ceque dessus ne le sachant que trop et de ma propre expérience en foy de quoi soussigné les présentes.

En marge la signature : Georges ptre curé de St Firmin de Concriers

Extrait de Contexte France, fiche 1709-1710 : Les hivers 1709-1710 sont très rudes : crise frumentaire, famine et mortalité considérable (800 000 victimes). À noter que les morts de l’année 1709 sont imputés au froid polaire et à la famine et que ceux de l’année 1710 le sont plutôt aux épidémies (notamment fièvre typhoïde). / Poursuite de la chute brutale des baptêmes avant une reprise soutenue à partir de 1711. Au total, pour les deux années, on enregistre en France 2 141 000 décès contre 1 330 800 naissances, soit une perte de 810 000 personnes, 3,5 % de la population. Selon F. Lebrun, la crise de 1709-1710 «  a eu des conséquences démographiques beaucoup moins dramatiques que celle de 1693-1694  », car «  les grains n’ont pas totalement manqué  », les récoltes d’orge ont procuré une nourriture de remplacement, et enfin les mesures de secours des autorités se sont révélées efficaces (distribution de céréales provenant de régions peu touchées ou de l’étranger, distribution gratuite de pain…). Il n’en reste pas moins que le «  grand hyver  » restera longtemps inscrit dans la mémoire collective. / Partout, les maisons d’assistance spécialisées (bureaux des pauvres, orphelinats municipaux, hospices pour aveugles ou pour vieillards, hôtels-Dieu et hôpitaux généraux) sont pleines (séries GG des AM et H des AD). / Des émeutes urbaines éclatent, notamment à Paris, dans les villes de la Loire moyenne, en Normandie, en Provence, en Languedoc. / En 1710, Fénelon publie un Mémoire sur la situation déplorable de la France en 1710 : «  Voici ce que je vois, et que j’entends dire tous les jours aux personnes les plus sages et les mieux instruites. Le prêt manque souvent aux soldats. Le pain même leur a manqué, souvent plusieurs jours ; il est presque tout d’avoine, mal cuit et plein d’ordure. Ces soldats mal nourris se battroient mal, selon les apparences. On les entend murmurer, et dire des choses qui doivent alarmer pour une occasion. Les officiers subalternes souffrent à proportion encore plus que les soldats. La plupart, après avoir épuisé tout le crédit de leurs familles, mangent ce mauvais pain de munition, et boivent l’eau du camp. Il y en a un très grand nombre qui n’ont pas eu de quoi revenir de leurs provinces ; beaucoup d’autres languissent à Paris, où ils demandent inutilement quelques secours au ministre de la Guerre. [...] Les peuples ne vivent plus en hommes ; et il n’est plus permis de compter sur leur patience, tant elle est mise à une épreuve outrée. Ceux qui ont perdu leurs blés de mars n’ont plus aucune ressource. Les autres, un peu plus reculés, sont à la veille de les perdre. Comme ils n’ont plus rien à espérer, ils n’ont plus rien à craindre. Le fonds de toutes les villes est épuisé. On en a pris pour le Roi les revenus de dix ans d’avance ; et on n’a point honte de leur demander avec menaces, d’autres avances nouvelles, qui vont au double de celles qui sont déjà faites. Tous les hôpitaux sont accablés ; on en chasse les bourgeois pour lesquels seuls ces maisons sont fondées, et on les remplit de soldats. [...] Les Français qui sont prisonniers en Hollande y meurent de faim, faute de paiement de la part du Roi. [...] Nos blessés manquent de bouillons, de linge et de médicamens. [...] On accable tout le pays par la demande des chariots ; on tue tous les chevaux de paysans. C’est détruire le labourage pour les années prochaines, et ne laisser aucune espérance pour faire vivre ni les peuples ni les troupes. [...] Les intendants font, malgré eux, presque autant de ravage que les maraudeurs. Ils enlèvent jusqu’aux dépôts publics. [...] On ne peut plus faire le service, qu’en escroquant de tous côtés [...]. »

[1jusqu’à

[2Peut être une unité de mesure ?

[3Un hameau ou village voisin ? Faut-il lire Beaugency ?

[4Est-ce que cela signifie, de façon humoristique, que, faute de vin à boire, les gens furent obligés de boire de l’eau, tirée du puits à l’exemple de la Samaritaine ? Est-ce un pèlerinage à une fontaine sacrée dans les environs ? Peut-être est-ce une expression imagée pour dire que ces malheurs obligèrent les gens d’aller mendier ? Voir La Samaritaine dans l’Evangile de Saint Jean (IV, 1-30)

[5Lire, comme plus haut, "jusqu’à l’an"… : le curé a laissé l’année en blanc !

[628 juillet 1710

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7 Messages

  • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 18:20, par jeanson

    Erreur de transcription. Lire Boisgency, variante de Beaugency.
    cf. votre note 3
    Bien à vous

    Répondre à ce message

  • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 11:22, par michèle dreux

    Les écrits par les curés à propos de cet hiver sont nombreux, cachés dans les différents registres mais toujours très intéressants à découvrir.

    https://archives.touraine.fr/ark:/37621/3rnmb5vx01gq/0780eb6c-e869-4ee5-a89b-14d08d766224

    Un autre exemple à la Chapelle aux Naux (Indre et Loire)

    6NUM7/056/004 vue 5/179

    Merci pour le partage, bien cordialement
    Michèle Dreux

    Répondre à ce message

  • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 11:11, par Franck Juin

    Bonjour,

    Merci pour ce partage. ces témoignages sont toujours intéressants.
    Pour votre note n° 2, je vous propose comme lecture "minne" qui correspond à "mine : Ancienne mesure de capacité utilisée pour les grains et les matières sèches et correspondant à environ 78,73 litres, c’est-à-dire six boisseaux ou la moitié d’un setier." Source : https://www.cnrtl.fr/definition/mine

    Pour votre note n° 3 Beaugency vs Boisgency (et non pas, selon moi, "Boisyeney"), voici ce que l’on peut lire sur la dans la partie toponymie pour ce village : "Il est vraisemblable que les formes Bosci de Jenci de 1210 et Boisgency en 1408, comprendre « Bois de Jency », isolées et peu anciennes, reflètent une confusion avec l’ancien français bosc, prononcé bô, devenu bois en français standard." Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Beaugency#Toponymie

    Pour votre note n° 5 , il faut peut-être comprendre cette tournure ainsi "jusqu’au nouvel an". Mais cela n’est qu’une hypothèse à infirmer ou à confirmer.


    J’avais rédigé un petit texte sur les décès durant cette période dans deux paroisses où j’ai des ancêtres : Dampniat (19) et Belmont-sur-Rance (12). Si cela intéresse quelqu’un ce texte est lisible ici : https://illusionspersistantes.wordpress.com/2024/05/21/1690-1709-meteorologie-excecrable-et-famines-lexemple-de-dampniat-19/

    Bien cordialement,

    Franck Juin

    Répondre à ce message

  • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 10:33, par martine hautot

    Bonjour ,
    Parfois les curés font des confidences et c’est bien intéressant
    Intriguée par cette samaritaine ,je pense qu’il s’agit d’ une fontaine...comme à Paris à l’origine
    réduits à boire de l’eau !

    j’ai chanté enfant :
    la samaritaine ,taine taine
    va à la Fontaine

    Répondre à ce message

  • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 10:16, par Michel J.

    Devant ce terrible témoignage il reste à espérer que la Cour à Versailles n’a pas subi d’aussi horribles épreuves…

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    • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 11:20, par Bernard de Fréminville

      Mais si, à Versailles on grelottait aussi... Les témoignages abondent : l’eau gelait dans les cuvettes et les encriers, Madame de Maintenon se recroquevillait dans un fauteuil spécial qui ne quittait pas la coin du feu. Mais l’on continuait à y manger à sa faim, contrairement à bien des villages, bien que les soupes aient le temps de se glacer entre les cuisines et la table des princes.

      Répondre à ce message

  • Le Grand Hyver de 1709 17 octobre 08:03, par Debant Guy

    Cet épisode c’est passé alors qu’une partie du nord de la France et ce que l’on à appelé les pays Bas Espagnols souffrait déjà de guerres depuis 1555 jusque 1611, tous ces gens ont terriblement souffert avec des centaines de millier de morts, la loi du plus fort était alors très souvent ce qui primait !

    Répondre à ce message

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