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La vie ordinaire d’un manouvrier haut-bourguignon sous le règne de Louis XIV (1669-1724)

Le vendredi 9 février 2024, par Claude Thoret

En remontant dans le temps pour identifier les ascendants de la branche bourguignonne de ma généalogie, je me suis arrêté sur un manœuvrier, Claude GAUTHEROT (1668-1722), habitant à Eringes, petit village de Bourgogne du Nord, situé dans le bailliage de l’Auxois. Ayant vécu dans une époque particulière de notre histoire, le siècle de Louis XIV, nous nous proposons de lui laisser le soin de nous raconter le déroulement de sa vie. Mais auparavant situons le village d’Eringes et sa région.

Le village d’Eringes et sa communauté à la fin du 17e siècle

A la fin du 17e siècle, c’est Louis XIV qui règne sur le royaume de France. Ce dernier est composé de 19 provinces, dont la Bourgogne, qui sont divisées, administrativement, en bailliages.

C’est le prince de Condé qui est le gouverneur du duché de Bourgogne. Son gouvernement est composé de 23 bailliages. Celui de l’Auxois ( Semur-en-Auxois ) se situe au nord de la province, entre le bailliage de la Montagne (Châtillon-sur-Seine ) et celui d’Avallon. (carte ci-dessus). Ses principales villes sont Semur, Montbard, Flavigny et Noyers.

Sur le plan géographique, l’Auxois est une dépression d’origine tectonique située entre le massif du Morvan, à l’ouest, et la ’montagne’ châtillonnaise, à l’est, premiers contreforts du plateau de Langres. C’est une région de plaines parsemées de buttes témoins et de larges vallées aux versants souvent adoucis que surmontent les tables horizontales, ou doucement inclinées, de plateaux de calcaire bajocien. Ces vallées sont celles du Serein et celle de l’Armençon et de ses affluents que sont la Brenne , l’Oze et l’Ozerain.

Eringes se trouve au nord-est du pays d’Auxois, à deux lieues (environ 11 km) de Montbard et à trois lieues et demi de Semur en Auxois (environ 18 km), à la limite du bailliage de la Montagne. Il se situe à l’extrémité d’un vallon relevant de l’arrière vallée de la Brenne. Il y court un petit ruisseau, le ’ru d’Eringes’ qui se jette dans la dite Brenne.

C’est un village entouré d’un mur d’enceinte, provenant de la transformation, au 16e siècle, d’une grange à dîme appartenant à l’abbaye de Fontenay. Son seigneur est l’abbé commendataire de l’abbaye.

Cet extrait du cadastre napoléonien du début du 19e siècle peut nous aider à imaginer Eringes à la fin du XVIIe siècle. Le mur d’enceinte en pierre, garni de petites tourelles, entoure de nombreux bâtiment disposés d’une manière assez confuse.

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Pour mieux appréhender ce village et sa communauté au siècle de Louis XIV nous allons nous aider du rapport de B B CANABELIN, conseiller maître de la cour des comptes de Dijon, chargé, de 1683 à 1686, d’organiser la visite des communautés de tout l’Auxois afin de redéfinir l’assiette de l’impôt. Pour cela ses commissaires inspectaient successivement toutes les communautés et procédaient à de véritables enquêtes administratives.

Dans ce rapport les maisons sont décrites en pierres, couvertes de laves et en assez bon état. La plupart sont entourées d’un espace plus ou moins grand qui comprend aisances, jardin et verger, le tout entouré d’une haie , voire d’un muret. C’est ce qu’on appelle, en Bourgogne, le ’meix’.

L’église, d’un roman primitif, entourée de son cimetière, est l’ouvrage des moines de l’abbaye de Fontenay. C’était, primitivement, la chapelle grangiale, vouée à St Barthélémy. Elle est encore une succursale de l’église de Fresne, village voisin d’Eringes situé à une lieue, au nord ouest de ce dernier.

Les autres bâtiments importants sont le four à pain et le relais de poste. Eringes étant sur le trajet Montbard-Chanceaux.

Sur le plan géographique, le rapport indique que son ’finage’ (territoire) est relativement petit, puisque composé seulement de 600 journaux de terre labourable (environ 120 ha) sur une demie lieue ( environ 2,5 km) de longueur. Il n’y a pas de forêts, ces dernières se situent sur les collines environnantes, à l’est, vers la montagne Châtillonnaise. Il n’y a pas de prés ni de communs, seuls quelques arpents de broussailles servent de pâture aux bêtes.

En ce qui concerne les habitants, on dénombre 50 ’feux’ (foyers fiscaux), compris 6 ou7 femmes veuves. 17 de ces feux sont des laboureurs, 4 ou 5 des petits artisans (charpentier, ’tissier’, savetier), et les autres sont de simples journaliers. Chez les femmes veuves, deux d’entre elles sont laboureurs, les autres sont mendiantes ( il faut comprendre : ne gagnent juste que de quoi subsister). En plus de ces 50 ’feux’, il faut compter le maître de poste et le curé. Ces deux derniers figurant sur le rôle de taille, mais comme ’ privilégiés’, car ils ne payent pas d’impôts.

En ce qui concerne les laboureurs, le rapport CANABELIN distingue, à Eringes, 3 catégories :

  • Le métayer à une ’charrue’, étant aussi propriétaire de quelques biens.
  • Le métayer à ’demi-charrue’, tout petit propriétaire.
  • Le métayer à ’demi-charrue’, qui ne possède rien et ne cultive que les ’héritages
    d’autruy’

Éclairons un peu ces catégories en définissant ce qu’est une ’charrue’. Ce mot désigne l’outil, mais aussi une surface. C’est la superficie de terre labourée en une année par un homme à la charrue. Cette unité agraire varie avec les régions selon la nature des terres. En ce qui concerne Eringes, le commissaire écrit : « Les terres sont fort pierreuses et rudes au labeur. Il faut au moins 4 à 6 bestes pour labourer, chevaux, bœufs ou vaches. La charrue entière n’en pouvant cultiver qu’environ 18 à 20 journaux de chaque saison ». Le journal de terre étant la surface labourée en une journée, soit environ 23 ares en Bourgogne. Ce qui fait qu’à Eringes, une charrue correspond à une exploitation d’environ 4 à 4,5 hectares. La demi-charrue, par conséquent, cultive à peu près 2 à 2,25 hectares.

Le commissaire décompte 5 laboureurs à une ’Charrue’, dont un, le plus ’côté’ ( qui paie le plus d’impôts), Antoine REBOURS, est fermier à demi-charrue de l’abbé commendataire de l’abbaye de Fontenay, l’abbé ANET COUSTIN DE MANASDAUT, et propriétaire de ses bâtiments et de l’autre demi-charrue. Parmi les 12 laboureurs à demi-charrue, 3 d’entre eux ont déclaré être propriétaires de près de la valeur de ce qu’ils cultivent. Les autres sont simples métayers.

Le commissaire ajoute :« Il y a dans ladite communauté environ 20 Chevaux, 60 bœufs et vaches, 200 brebis, tenus par les dits ’habitans’, la plus grande partie à titre de cheptel, et plusieurs chèvres ». Et en évoquant le niveau de vie des habitants :« ny ayant que le dit fermier ( Antoine REBOURS) qui nous aye paru commode et assez bien meublé, tous les autres l’étant méchamment ».

Voyons maintenant l’organisation de la communauté de ce village. Eringes, comme chacun des villages haut-bourguignons, formait une communauté villageoise qui s’administrait elle même, sous le contrôle seigneurial. Les habitants se réunissaient régulièrement lors des ‘grands jours’ sous forme d’assemblée. Souvent dans l’église ou dans le cimetière de cette dernière. Cette assemblée désignait, tous les trois ans, parmi les siens, ses prud’hommes, qui étaient au nombre de deux ou trois. Ces derniers étaient chargés de répartir la Taille [1] attribuée à la communauté. Chaque foyer avait donc sa ’côte’ (côte-part) selon ses revenus. Ils participaient aussi à la reconnaissance du ’mésus’ (mauvais usage de la coutume), faisaient, après décès, les estimations des biens et assuraient la police du village et du ’finage’, sous l’autorité du seigneur, ici l’abbé commendataire de l’abbaye de Fontenay, et de la communauté.

La justice était rendue par le seigneur, ici l’abbé commendataire, au ’grands jours de justice’. Ces derniers avaient lieu tous les ans au mois de mai, c’était le cellérier de l’abbé commendataire de l’abbaye de Fontenay (numéro deux dans la hiérarchie de l’abbaye) qui rendait la justice au nom de l’abbé. Il rendait haute, moyenne et basse justice. Pour cela, il avait à disposition les ’fourches patibulaires’ [2] (gibet constitué de deux piliers en pierres sur lesquels reposait une traverse de bois), la prison, les amendes ou l’exil.

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A Eringes la ‘fourche patibulaire’ se situait sur la route Mombard-Chanceaux, entre Marmagne et Eringes (étoile rouge).

Finissons ce paragraphe par les astreintes des habitants. Commençons par les impôts : en plus de la Taille , les habitants devaient aussi s’assujettir de la dîme, du ’four banal’ et du ’cens’.

La dîme était l’impôt levé par l’église. Dans le cas de Eringes, c’était encore l’abbaye de Fontenay qui en était bénéficiaire, elle en redonnait une petite partie au curé de la paroisse, c’est ce qu’on appelait la ’portion congrue’. Le laboureur, à la fin des moissons devait donner le dixième de sa récolte totale. C’était la ’dixième gerbe’.

Les habitants devaient cuir leur pain dans le ’four banal’, situé dans le village, un peu à l’écart des autres habitations, à cause du risque d’incendie. Ce four appartenait au seigneur ( toujours, bien sûr, l’abbé commendataire de Fontenay). Ce dernier, au nom du droit de ban (droit seigneurial), percevait une redevance équivalant à la vingtième partie du pain cuit.

Les propriétaires, eux, étaient assujettis au cens (ou la cense), redevance foncière perçue, là aussi, par le seigneur. A Eringes, cette taxe ne semblait pas, à en croire le rapport du commissaire, être très importante ; « Les héritages sont chargés de quelques petites censes ».

Il faut aussi compter parmi les impôts, les plus injustes, c’est à dire les indirects comme la gabelle qui taxait le sel.

Comme astreintes il y avait aussi la corvée de la communauté. Tous les habitants qui étaient assujettis à la Taille étaient corvéables. Ils devaient participer à l’entretien du village et des voies de communication qui appartenaient au finage.

Ces quelques lignes qui nous donnent une idée assez précise du village d’Eringes et de sa communauté à la fin du XVIIe siècle vont nous permettre de mieux appréhender le récit de Claude.

Claude

« Je m’appelle Claude GAUTHEROT, je suis né en 1669 à Eringes dans la ferme que tenaient mes parents, François GAUTHEROT et Antoinette COMPAROT. Tous les deux issus de familles de laboureurs. Mon père était métayer à une charrue, son propriétaire, le sieur JOLLY, conseiller et secrétaire du roi en la chambre des comptes du parlement de Dijon, possédait à Eringes deux autres métairies, toutes deux à une demi charrue, tenues par Jean POUPEE et Nicolas PEROT.

Je fus baptisé par le curé BAUDRY dans les fonds baptismaux de l’église d’Eringes vouée à Saint-Barthélémy [3].

La ferme où mes parents vivaient à ma naissance, ils y ont d’ailleurs vécu jusqu’à leur décès, était de pierre couverte de laves. C’était un bâtiment ‘logis-grange-étable’ comme la plupart des structures agricoles de Bourgogne du nord.

La partie ‘logis’ comprenait deux pièces. La première était une grande pièce au fond de laquelle se trouvait une cheminée. L’âtre était l’endroit le plus important avec sa crémaillère, ses chaudrons, ses poêles et autres ustensiles. C’était là où ma mère faisait la cuisine et devant lequel on mangeait et où se faisaient les veillées, souvent avec de la famille ou des voisins. Mon père avait deux frères, Jacques et Germain, le premier était vigneron du sieur CHATILLON qui habitait Montbard (ville située à 3 lieues au nord-ouest d’Eringes), le second, lui, était manouvrier. Tous deux habitaient avec leur famille dans le village.

Le mobilier était plus que rudimentaire, il se composait d’un coffre en bois de fruitier où étaient rangés les habits, d’un autre coffre à pétrir, d’une grande table en chêne munie de ses deux banc et de deux paillasses-lits entassées dans un coin de la pièce pendant la journée et placées devant l’âtre pour la nuit.

La seconde pièce était une chambre froide (sans cheminée). Plus petite que la première elle servait de débarras, où étaient rangés des outils, différents objets de tout ordre, et de cellier.
La partie ‘étable’ qui jouxtait la deuxième pièce était aménagée pour abriter nos deux bœufs qui étaient nos bêtes de trait, nos deux vaches qui nous fournissaient le lait et nos quatre chèvres pour le fromage.

La partie ‘grange’ servait à engranger la paille et le foin, mais aussi à abriter ‘l’araire’ [4] et tous les autres outils agricoles.

Le bâtiment était entouré du ‘meix’ avec sa cour, sa soue, pour notre cochon, flanquée, au dessus, de sa gélinière (poulailler) pour une dizaine de poules avec leur coq, son potager et son verger.

A ma naissance ma mère était âgée de 30 ans, j’étais son premier enfant. Après l’accouchement je fus coiffé d’un bonnet, emmailloté [5], mis dans un berceau, placé devant l’âtre, que mon père avait bricolé avec du bois de fruitier. Elle m’allaita tout de suite jusqu’à l’apparition de mes dents.

C’est à ce moment là que je fus démailloté pour revêtir une petite robe en toile de lin et soumis au sevrage qui, pour moi, se passa bien [6].

Sorti d’une vie quasi végétative, je devins physiquement indépendant et commençais à communiquer. Mon entourage faisait alors plus attention à moi surtout quand je parvenais à gambader à quatre pattes à travers les pièces de notre logis.

Je commençais à peine à marcher quand ma mère accoucha, le 29 janvier 1670, d’une petite fille que mes parents nommèrent Anne. A partir de ce moment je pouvais plus facilement me détourner de son attention, car ses tâches ménagères et l’allaitement de ma petite sœur l’accaparaient totalement.

J’en profitais pour ‘explorer’ le bâtiment et notre ‘meix’. Dans la cour je poursuivais les poules, cela m’amusait de les voir se sauver devant moi en caquetant, toutes effrayées. Je traînais aussi dans la grange au milieu des outils agricoles inconscient du danger que cela représentait pour moi. Je jouais aussi avec des petits objets en bois que me confectionnait mon père.

Le 19 avril 1673 ma mère accoucha d’un petit garçon qu’ils nommèrent, avec mon père, François. j’avais 4 ans, à partir de ce moment là je commençais à faire des petits travaux domestiques pour aider ma mère. Je m’occupais des poules, je donnais à manger au cochon, j’arrachais les mauvaises herbes, etc..., etc...

Mon petit frère vécut à peine plus d’un an, il fut victime d’une dysenterie bacillaire [7].

Le 19 avril 1675, c’est une petite sœur qui vint au monde. Mes parents la nommèrent Charlotte.

De mon enfance à ma jeunesse

A l’âge de 7 ans, pour moi les choses devinrent plus sérieuses. J’ai quitté la robe pour des habits d’adulte. Ce furent une chemise de toile de chanvre, des hauts et bas de chausses, une manière de vieux manteau-houppelande pour le mauvais temps, des sabots et parfois un chapeau ou un bonnet pour le soleil. Le tout, souvent de couleur sombre.

Ainsi équipé, j’allais aider mon père en effectuant des petits travaux, comme entretenir les bêtes de somme, garder les vaches, ficeler avec du fil de lin les gerbes de blé que mon père et ma mère coupaient à la faucille, glaner, etc... J’aidais aussi ma mère pour le potager où nous cultivions des raves, des poireaux, des choux et des faveroles ( fèves). Je m’adonnais aussi à d’autres activités, comme aller chercher du bois mort, l’été, préparer les coupes de bois, l’hiver et ramasser des glands pour le cochon, tout cela dans les bois de la Fortelle [8].

J’avais aussi des occupations plus distrayantes et moins contraignantes. Avec les gamins du village, l’été nous allions aux champignons, essentiellement des girolles et des cepes, dans les bois environnants, nous allions aussi cueillir des fruits rouges. Avec mes cousins François et Germain GAUTHEROT nous allions pécher, à la main, les truites qui abondaient dans le ’ru de Eringes’, en prenant bien soin de ne pas attirer l’attention du ’messier’ [9], car le braconnage était interdit par le seigneur, l’abbé de Fontenay.

Sept ans, c’était aussi l’âge où le curé BAUDRY nous initiait, avec les autres enfants du village de mon âge, à la ’vraye foy’. Un jour par semaine il nous réunissait dans l’église et nous enseignait le catéchisme en se servant des statues des saints, de la vierge et d’images saintes car nous ne savions pas lire. Il insistait aussi beaucoup sur la mort et nous décrivait l’enfer d’une façon horrifique, probablement pour nous effrayer… Il nous apprenait aussi le ‘plain-chant’ pour pouvoir chanter différents cantiques pendant l’office dominical.

Vint ensuite l’âge de la communion, 12 ans. Ce jour là, lors de la grand-messe, l’abbé de Fontenay vint nous bénir. Ce fut un événement dans le village. Je m’engageais donc, à partir de ce moment, à aller tous les dimanches à la messe et aux vêpres, me confesser au moins une fois par an et à assister à toutes les fêtes religieuses.

Ces dernières étaient souvent prétexte à des réjouissances comme à Noël, la Pentecôte et Pâques. Lors de ces fêtes c’était l’occasion pour toutes les familles du village, après les offices religieux, de se réunir autour d’une table et de festoyer tant bien que mal, quand elles le pouvaient, bien sûr… Chez nous, ces festins étaient souvent une soupe améliorée...

Une fête religieuse qui était moins festive, c’était celle des Rogations car il fallait jeûner pendant les trois jours qui précédaient l’Ascension. Là, le curé BAUDRY organisait une vaste procession à travers tout le ‘finage’. Tout le village devait y assister. Je me rappelle de ces longues marches éreintantes, le ventre creux, souvent sous le premier soleil du printemps, qui n’en finissaient pas. Le curé bénissait un grand nombre d’endroits comme les fontaines, le four à pain, les maisons, les croix et les champs. Ces derniers, afin que les ‘bleds’ encore verts puissent pousser et mûrir sans que la ‘rouille’ [10] et la ‘verse’ [11] ne les atteignent. Entre ces différentes haltes nous chantions tous des cantiques liturgiques.

Ma communion passée, mon père me fit travailler avec lui à plein temps. Là j’entrais dans le vif du sujet. Il ne me fallut pas trop de temps pour comprendre comment cela fonctionnait avec son bailleur, le secrétaire JOLLY.

Ils étaient liés par un contrat de ‘renterre’, c’est à dire que mon père gardait les 2/3 de la récolte. Mais cette ‘renterre’ était fixe ; tant par journal de terre. Si ce contrat était intéressant lors des bonnes années, il l’était moins lors des mauvaises, quand la vie devenait plus chère.

Tous les ans à la fin de l’été ou en début d’automne, selon les années, les ‘sbires’ du sieur JOLLY venaient récupérer leur dû. Ce n’était jamais les mêmes. D’ailleurs mon père n’a jamais eu affaire avec son bailleur, même à la signature du contrat ce dernier s’était fait représenter par un de ses secrétaires.

A la même époque de l’année, c’était le cellérier de l’abbaye de Fontenay qui venait récupérer le produit de la dîme ; la ‘dixième gerbe’. C’était encore dix pour cent de notre récolte qui s’envolaient...

Avec le temps je prenais des forces et mon père, patiemment, m’apprenait à guider nos deux bœufs pour les labours. C’était dur car la terre était caillouteuse, mais petit à petit j’y arrivais. Si bien qu’à 14, 15 ans je faisais quasiment le même travail que lui ; labourer, semer, faucher les bleds à la faucille, les battre avec le fléau, etc, etc…

En plus du travail à la métairie, en septembre, j’allais faire les vendanges chez mon oncle Jacques GAUTHEROT qui tenait des vignes dans le finage. C’était souvent une semaine de dur labeur, et parfois sous la canicule.

A cette époque là je travaillais dur mais j’avais aussi, comme tous les habitants du village, quelques distractions. Celles que je prisais le plus étaient les fêtes patronales, la notre, à la Saint-Barthélémy, et celles des paroisses aux alentours comme Frênes, Fains, Bussy-le-Grand, Lucenay­le-Duc, etc.

L’après midi c’étaient des jeux, souvent sportifs comme les quilles, le lancer de boulets, la quintaine, etc. Ces jeux nous servaient de défouloir de notre dur labeur quotidien. Une fête où nous aimions aller avec mes cousins, c’était à celle de Bussy-le-Grand, à environ une lieue et demi d’Eringes soit une heure de marche. Elle avait lieu à la Saint-Antonin, début mai, à proximité du château du seigneur du lieu, le comte de BUSSY [12].

Nous aimions bien y aller car c’était la seule fête patronale des environs où on pouvait jouer à la quintaine. C’était un jeu hérité du moyen âge. Nous devions courir, juchés sur un cheval, armés d’une lance, afin d’atteindre un écusson de bois, en évitant d’être frappé par un sac, ici, pour l’occasion, rempli d’herbes.

Je m’y étais essayé, mais je n’étais pas très doué. Le sac a souvent connu ma nuque. Par contre, mon cousin François GAUTHEROT, lui, y excellait. Il faisait l’admiration de l’assistance et surtout des jeunes filles. Il a eu droit, une fois, à la bise de la reine de la fête.

Dans ces fêtes, après les jeux, il y avait un bal où on dansait, souvent au son du violon, les danses bourguignonnes. C’était aussi l’occasion de se défouler en riant et en chantant. C’est à partir de 17, 18 ans qu’avec mes cousins nous fréquentions ces bals. Ces derniers se terminaient souvent par des beuveries car il y avait toujours un cabaret éphémère installé à proximité.

Il y avait aussi d’autres petites fêtes, plus restreintes, comme la ‘tue chien’ [13] ou la fête du 1er mai. La première se fêtait dans chaque ferme à la fin des moissons ou des vendanges. Je me rappelle les ‘tue chien’ que mon père organisait à la fin des moissons et principalement quand celles-ci avaient été bonnes. Tous les manouvriers qui y avaient participé venaient avec leurs familles, c’était un grand moment de convivialité autour d’une table bien garnie.

Après un repas bien arrosé avec le vin provenant des vignes de mon oncle Jacques GAUTHEROT, Pierre BACHELET, un de nos manœuvriers, prenait son violon et nous faisait danser et chanter au son de chants bourguignons. C’était un moyen pour tout le monde, jeunes et moins jeunes, de se défouler après une période de dur labeur. Comme j’allais tous les ans aux vendanges de mon oncle Jacques, là aussi je fêtais la ‘tue chien’.

La fête du 1er mai, elle, était très attendue par tous les jeunes du village. On y célébrait le renouveau de la nature et la saison des amours. Tous les ans, la veille du 1er mai, tous les hommes célibataires âgés de plus de 18 ans allaient dans la forêt de la Fortelle pour y abattre un charme. Chacun s’en coupait une branche. La nuit venue, ces dernières que l’on désignait sous le nom de ’mai’, étaient plantées devant chaque maison où il y avait une fille ou une femme à marier. L’amoureux transis, lui, allait placer son ‘mai’ sur le toit de la maison où habitait sa bien-aimée. S’il venait le reconnaître le lendemain, les parents le considéraient comme un prétendant et, si il leur convenait, ils l’invitaient à manger le dimanche suivant.

Cette gracieuse fête champêtre assemblait la jeunesse du village, qui se livrait à la gaîté la plus grande, en dansant dans des rondes animées où l’on chantait tous en chœur. Je me souviens encore de quelques paroles d’une de ces chansons :

« Voici le mois de mai,
le mois de toutes les fleurs
où toutes les jeunes filles
auront des serviteurs.
Aimez moi ma brunette ,
aimez moi d’un grand cœur. »

Autres distractions où nous aimions aller avec mes cousins, c’était aux foires de Montbard, à environ 3 lieues de Eringes. Nous y allions avec mon oncle Jacques qui nous emmenait dans sa carriole tirée par un cheval.

Il y avait 6 foires dans l’année, mais c’était surtout à celle de la Saint-Martin que nous allions. C’était une foire attrayante bien qu’elle ait périclité depuis le siècle dernier. A cette époque, parait-il, c’était une très grande foire avec moult épiciers, changeurs, pelletiers, fripiers, bonnetiers, cloutiers, serruriers, etc... Les drapiers de Troyes venaient en nombre et étalaient leurs draps près du prieuré de Saint-Thomas.

Mais elle était restée une foire attractive. Il y avait aussi, en plus des différents métiers, les saltimbanques qui faisaient le spectacle : jongleurs, montreurs d’ours, bonimenteurs, acteurs de théâtre, etc, etc.

Les veillées familiales étaient aussi notre moment de détente quotidien. Elles avaient lieu à tour de rôle chez nous où chez les deux frères de mon père. C’était l’occasion de commenter l’actualité de la région et, aussi, les ragots du village… C’était aussi, pour mon père et mes oncles, le moment de nous parler de leurs parents et grands parents.

En 1688, j’avais 19 ans, lors d’une assemblée de communauté, le syndic nous a annoncé la création par le roi d’une milice pour suppléer l’armée [14]

car on venait d’entrer en guerre contre la ligue d’Augsbourg [15].

Chaque communauté bourguignonne devait fournir au moins un volontaire. Cette nouvelle nous a tous interloqué. Les volontaires ne se bousculaient pas. Seul Claude MERVAUX, un jeune journalier qui arrivait à peine à subsister, leva la main, sans enthousiasme…

Dès le début de cette guerre, il régnait un réel malaise dans les campagnes environnantes. Malaise dû au passage des troupes du roi qui se rendaient vers la Comté, l’Alsace et l’Italie. Ces régiments, lors de leur passage, avaient tendance à vivre sur le dos des paysans. Les pillages et les maraudes n’étaient pas rares, même très à l’écart des axes principaux de passage. Aussi notre syndic décida que tous les soirs les portes de notre mur d’enceinte seraient fermées afin de nous protéger de toutes éventuelles exactions.

1688 fut aussi l’année de mes fiançailles avec Élisabete, LANDROT de son nom de famille. Je l’avais rencontrée l’année précédente à la fête patronale de Flavigny [16], son village natal, le dimanche 26 août 1687.

Dès notre première rencontre nous avons senti une attirance mutuelle. C’était une belle jeune fille de mon âge au regard franc et rieur. Sa chevelure blonde, coiffée d’un bonnet agrémenté de dentelles, s’écoulait sur de belles épaules que laissait devinait un casaquin de fine toile. Ce dernier était ajusté sur une jupe longue en coton qui chutait sur des petits sabots ornés de gravures en forme de fleurs.

Ce jour là, nous avons passé toute la soirée à danser, à rire et à chanter. A partir de ce moment nous nous sommes revus souvent, toutes les occasions étaient bonnes. Les dimanches après-midi j’allais à Flavigny la retrouver. Nous allions dans un cabaret tenu par un de ses oncles où l’on pouvait danser jusqu’en début de soirée. Ensuite je revenais à Eringes au bout de deux heures de marche…

La veille au soir du premier mai qui suivit notre rencontre, c’est à dire le 1er mai 1688, je suis allé accrocher mon mai sur le toit de la maison de ses parents. C’était une petite ferme de vigneron. L’opération était périlleuse car à chaque pas je manquais glisser sur les laves du toit.

Le lendemain j’ai été reconnaître mon mai. Les parents LANDROT m’ont bien reçu. Le père, Nicolas, qui était vigneron connaissait mon père de réputation car ce dernier, à l’époque, faisait partie du syndic de Eringes. Je pense que c’était un bon point pour moi, ce qui expliquait cet accueil bienveillant.

A partir de ce jour j’allais presque tous les dimanche chez les LANDROT. Si bien que nous nous sommes fiancés le dimanche 26 août de cette même année 1688, le jour de la fête patronale deFlavigny. Mes parents n’ont pas critiqué mon choix. Ils jugeaient Élisabeth de bonne famille, cela leur suffisait.

Mon mariage avec Elisabete

Le 17 septembre 1689, un peu plus d’un an après nos fiançailles, fut élaboré notre contrat de mariage par maître BROCCOT, notaire à Lucenay-le-Duc. La signature a eu lieu à Eringes à 11 heures du matin chez Charles GUENEBAULT, un ami de mon père, marchand au village. Nos deux familles étaient représentées. Du côté d’Élisabete il y avait ses parents et ses quatre oncles paternels ; Claude, Pierre, Benjamin et Guy LANDROT, tous les quatre de Flavigny. De mon côté il y avait mes parents, bien-sûr, mon oncle Germain GAUTHEROT et mon parrain Claude NOIROT, marchand au village. Les autres témoins étaient Henry SIROT, lui aussi marchand au village, le curé SADON de notre paroisse et, bien sûr, Charles GUENEBAULT, notre hôte.

Dans ce contrat mes parents acceptaient que nous vivions, Élisabete et moi, en communauté avec eux le temps que nous voulions. Pour cela ils s’engageaient à nous nourrir et à nous vêtir, ainsi que nos enfants à venir, à condition, bien sûr, « de rendre tous les services nécessaires que de bons ’enffans’ sont obligés et tenus de faire à père et mère ». Autrement dit, nous devenions les manœuvriers de mes parents, nourris, logés et entretenus, sans salaire bien sur...

Il était aussi stipulé qu’au sortir de cette communauté, nous devions emporter la dote d’Élisabete et les biens lui appartenant. Nous recevrions aussi, tous les ans, les revenus de deux ’journaux’ de terres appartenant au métayage que mon père tenait du secrétaire JOLLY. A savoir, un ’journal’ de ’Bled’ courant et un ’journal’ de froment. Le tout, aux frais de mes parents (labourage, ensemencement, moissonnage, etc...). Je recevrai aussi, de mon père, toujours dans le cas d’une sortie de la communauté, deux pièces de terre de 2 ’journaux’ chacune (environ 80 ares en tout) situées dans le ’finage’ d’Eringes.

Pour ce qui concernait Élisabete, elle devait recevoir de ses parents une dote de 30 livres en argent payable en deux fois et une « trousselle honnête » ( petit trousseau). Je devais aussi « l’enjoueller », aux frais de mes parents, de bijoux nuptiaux d’une valeur de 10 livres tournois.

Les autres articles de ce contrat suivaient la coutume du duché de Bourgogne. Nous serions en union et communion de tous biens, par moitié. La ’douaire’ (portion de biens réservée par le mari à sa femme, dans le cas où celle-ci lui survivrait) était fixée à vingt livres tournois. Au décès de l’un ou de l’autre, le survivant aurait, avant tout partage, son lit garni et ses habits. Pour le cas d’Élisabete, elle aurait en plus sa douaire et ses joyaux.

Une fois l’acte lu, le notaire sollicita l’approbation de l’assistance, qu’il obtint sans problème, et demanda aux témoins de signer. Seuls les sieurs GUENEBAULT, SIROT et NOIROT signèrent avec le curé SADON et le notaire.

Après la signature de l’acte nous nous dirigeâmes vers une grande table qu’avait dressée Charles GUENEBAULT. S’ensuivit un bon repas bien arrosé pour concrétiser le contentement des deux familles.

La célébration du mariage eut lieu en l’église d’Eringes le 8 novembre 1689 en fin de matinée, soit un peu plus de deux mois après la signature du contrat. C’était une cérémonie toute simple qui s’est limitée à notre bénédiction, à Elizabete et moi, par le curé SADON, devant les deux familles. Il n’y avait pas de témoins. Les deux mamans ne purent retenir leur émotion.

Après l’église nous nous dirigeâmes tous vers la ferme de mes parents située à seulement 50 toises (à peu près 100 mètres) de l’église. Nous avions débarrassé la grange du mieux qui put, tendu des draps sur les murs et dressé une grande table avec ses bancs au milieu de l’espace dégagé.

S’ensuivit un grand repas avec moult charcuteries, une bonne potée bourguignonne, plat que l’on ne faisait qu’aux grandes occasions, et des garguèses en dessert, le tout arrosé avec du vin de Flavigny des vignes de mon beau père. La goutte provenant de nos pruniers ne manquait pas à l’appel. Les chants bourguignons ont égayé ce petit festin et les danses de cette même bourgogne l’ont clôturé en soirée toujours au son du violon de Pierre BACHELET, le manouvrier de mon père.

Après le mariage, avec Élisabete nous nous installâmes chez mes parents, dans la chambre froide. Chambre qui n’était pas si froide que cela car nous bénéficiâmes d’une partie de la chaleur de la pièce de vie et d’une partie de celle de l’étable. Mes parents, eux, couchaient dans la pièce de vie avec mes deux sœurs Anne et Charlotte âgées respectivement de 19 et 14 ans.

En ce qui me concerne je continuais à travailler avec mon père comme avant mon mariage. En plus je travaillais aussi avec mon oncle Jacques comme journalier quand il avait besoin de main d’œuvre pour entretenir ses vignes. Cela me faisait un petit revenu en monnaie sonnante et trébuchante ce que je n’avais pas avec mon paternel.

Élisabete, elle, aidait ma mère et mes sœurs à l’entretient des bêtes, à la culture du potager et à la cuisine où elles préparaient les soupes faites avec nos légumes, agrémentées parfois d’un bout de lard salé. Elle participait aussi aux travaux des champs quand nous avions besoin d’elle.

J’étais donc, à partir de ce moment là, devenu chef de foyer et à ce titre je devais payer la Taille, assister obligatoirement aux grands jours de la communauté ainsi qu’à ceux de la justice et j’étais aussi devenu corvéable.

Notre vie en communauté avec mes parents

C’est en 1690, plus exactement le 25 décembre, que j’ai payé ma première côte-part de la Taille. Cette année là mon père et François LEVRET étaient prudhommes assesseurs, ce sont eux qui ont eu la lourde tâche de répartir l’impôt par foyers fiscaux.

Je me rappelle, mon père à chaque fois qu’il était prudhomme appréhendait ce moment de la répartition. C’était un homme foncièrement honnête, c’est d’ailleurs pour cela qu’il a été élu à plusieurs reprises, et il ne voulait léser ou favoriser personne. Ce n’était pas facile car il était sollicité dans les deux sens.

Ma côte-part était de 1Livre 10 sols. Cela correspondait à mes gains obtenus lors de mes journées de travail chez mon oncle Jacques.

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La côte-part de mon père était beaucoup plus élevée. Il devait payer Sept Livres sept sols six deniers. Ses revenus étaient beaucoup plus conséquents que les miens. En effet depuis 1682, grâce à une météo favorable, les récoltes furent abondantes et de qualité. Par son contrat de ‘rentère’ qui le liait au sieur JOLLY, il récupérait les deux tiers des récoltes ce qui lui faisait des revenus honnêtes.

Cette année-là l’intendant avait fixé la redevance pour Eringes à 197 Livres. Somme qui a été répartie sur 52 habitants dont 10 veuves. Denis LUCEROT, le maître de Poste et le curé SADON, eux, étaient exemptés.

Le 8 septembre 1690, Élisabete mit au monde notre premier enfant. Ce fut un garçon que nous avons appelé Charles. Je me rappelle bien de ce premier accouchement. Avec mon père nous attendions dans la pièce de vie. Nous entendions les vociférations de la matrone, la veuve GUILLIER, les cris de douleur d’Elisabeth et les paroles de réconfort que ma mère lui prodiguait. J’essayais d’imaginer la scène ; ma femme sur la chaise d’accouchement, agrippée aux montants de cette dernière, entrain de souffrir, la matrone affairée entre ses jambes et ma mère qui lui épongeait le front tout en la consolant.

L’attente fut longue, c’était un premier accouchement. Enfin, nous entendîmes un dernier cri de douleur d’Elizabete et les vagissements du nouveau né. Au bout d’un moment la matrone vint vers nous avec l’enfant dans les bras, tout emmailloté et coiffé d’un petit bonnet. Elle le mit, près de l’âtre, dans le berceau que j’avais confectionné en bois de fruitier, puis elle se tourna vers nous et nous dit, toute fière, « c’est un garçon ! ». Avec mon père nous nous regardâmes satisfaits, car il était de bon ton que le premier enfant soit un mâle.

Charles fut baptisé le lendemain par le curé SADON. Avec Élisabete nous lui avons donné comme parrain Charles GUENEBAUT, l’ami de mon père, et comme marraine Antoinette LUCEROT, la femme du maître de Poste.

Le 6 novembre 1691, c’est une petite fille qui arriva au monde. Nous la nommâmes Anne, comme ma sœur. C’est toujours le curé SADON qui la baptisa. Nous lui avons donné comme parrain Jean SORDOILLET un ami d’Élisabete et comme marraine ma sœur Anne. Suivit, le 3 juin 1693, la naissance d’une deuxième fille que nous appelâmes Charlotte.

Avec l’année 1693 débuta une longue période de misère. Après un hiver rigoureux, un printemps et un été pluvieux, les récoltes furent mauvaises. A la métairie nos récoltes de blé et de froment diminuèrent d’un tiers par rapport à l’année précédente qui était une année moyenne. De plus nous n’avons pût vendre nos ‘bleds’ au meunier à un prix raisonnable, car les munitionnaires qui nourrissaient l’Armée les lui achetaient à des prix dérisoires. S’ensuivit une crise monétaire qui n’arrangea pas les choses. Si bien que la famine commença à sévir à partir du mois de décembre.

Dès le mois d’octobre, prévoyant la crise à venir, ma mère et Élisabete commencèrent à nous rationner. Les soupes devinrent plus claires, le morceau de porc et les grosses tranches de pain qui baignaient dedans furent de plus en plus rares.

Mon père vendait, au meunier, ses ‘bleds’ à un prix dérisoire par-contre il lui achetait sa farine à des prix de plus en plus excessifs. Même la farine ‘sale’ ( farine mélangée au son) restait à un prix exorbitant par rapport à la qualité du produit.

En 1694 l’hiver fut glacial, la famine continuait à sévir dans la région. Nous aussi nous eûmes à souffrir de ce fléau. Nos maigres réserves s’amenuisèrent de jour en jour. La soupe devint de plusen plus claire. Élisabete avait du mal à Allaiter la petite Charlotte alors âgée de seulement huit mois. Parfois son lait ‘passait’, le bébé se nourrissait mal et s’affaiblissait de jour en jour pour, finalement, rendre son dernier soupir à la fin de l’hiver. Au village aussi, les plus fragiles comme les jeunes enfants et les vieillards ne purent résister à la faim et, parfois, au froid, bien que nous n’avions aucune difficulté pour nous chauffer grâce au bois de la forêt de la Fortelle.

Le printemps et l’été furent plus clément cela nous permit d’avoir une récolte moyenne. Ce qui n’empêcha pas le prix du blé d’être aussi bas et celui de la farine aussi excessif. A la maison c’était toujours la disette, nous résistions tant bien que mal.

L’Hiver 1694-95 fut précoce et long. Il sévit d’octobre 1694 à fin mars 1695. Il fut très rigoureux avec de fortes gelées et une neige abondante. Durant toute cette période, comme pour l’hiver précédent, nous dûmes lutter contre la faim. Suivit alors un printemps plus clément, mais malheureusement, propice à la propagation des maladies.

C’est la fièvre putride pourprée qui s’abattit sur notre village [17]. Nous fûmes plusieurs dans la famille a avoir été contaminés, Élisabete, mon père, notre aîné, Charles, et moi. Nous souffrions tous d’une fièvre intense, d’une grande lassitude, de douleurs dans tous les membres, de nausées, de vomissements et de diarrhées. Ma mère qui, dans sa jeunesse, avait été frappée par cette maladie, nous fit faire une cure de décoction de camomille pendant 15 jours à raison de trois fois par jour. Malgré cette cure, Charles, âgé de trois ans, ne put résister à la maladie et mourut de déshydratation.

Durant cette année 1695, en plus de l’hiver rigoureux et la maladie, nous eûmes à subir le poids du nouvel impôt [18].

L’intendant avait fixé la redevance pour Eringes à 627 Livres, dix sols. Nous étions loin des 197 livres de 1690 alors que le nombre de foyers fiscaux n’avait guère changé puisqu’il y en avait 53 au lieu de 52. Le foyer fiscal supplémentaire était celui de Denis LUCEROT, le maître de Poste, qui, auparavant était privilégié, cette année là il paya 13 livres. Avec ce nouvel impôt, la Capitation, ajouté à la taille, tous les foyers furent concernés, même les privilégiés, seuls les pauvres qui payaient moins de 30 sols de Taille furent exonérés.

Ma côte-part tripla, de 1 Livre elle passa à 3 Livres. Celle de mon père passa de 7 Livres 7 sols six deniers à 10 Livres. Cette augmentation inattendue fut pour nous un véritable coup de massue. Heureusement, comme l’année précédente, le printemps et l’été furent plus cléments et nos récoltes furent bonnes ce qui nous permit de compenser en partie cette hausse d’impôts. Nous recommencions à nous nourrir à peu près correctement.

Le 13 février 1696, ma sœur Anne se maria avec un gars SIROT, un fils de bonne famille car cette dernière était bien en vue dans le village. Le père SIROT, François de son prénom, a été élu, comme mon père, à plusieurs reprises comme prudhomme. L’heureux élu se prénommait Chrétien.

Bien que nos revenus ne fussent guère élevés, mon père tenait à fêter l’évènement de belle façon, comme pour moi, aussi on fit un bon repas festif avec la famille de Chrétien et la nôtre, dans la joie et la fraternité.

Le 5 juillet de cette même année Élisabete accoucha d’un petit garçon que nous avons prénommé Chrétien, comme son parrain. En effet ce dernier était notre nouveau beau-frère, Chrétien SIROT. La marraine était Catherine BOUQUIN, la fille de Claude BOUQUIN, le plus gros métayer du village.

En octobre 1697 nous apprîmes la fin de la guerre contre la ligue d’Augsbourg et par conséquence la suppression de la Capitation à partir de l’année 1698. Au village ce fut une bonne nouvelle tout le monde se réjouissait.

Le 5 décembre 1697, Élisabete accoucha d’une autre petite fille que nous prénommâmes Reigne comme sa marraine, Reigne GAUTHEROT, la sœur de Germain GAUTHEROT, mon cousin germain et ami qui fut aussi le parrain de la nouvelle née.

En 1698 l’intendant fixa la redevance du village à 561 Livres soit 26 Livres de moins que l’année précédente. Cette année-là mon père était de nouveau prudhomme assesseur. Il nous disait que cette faible différence montrait bien que si la capitation avait été supprimée, la Taille, elle, avait été bel et bien augmentée, bien qu’il y ait eu deux foyers fiscaux de moins qu’en 1697.

En ce qui me concernait, la suppression de la Capitation n’a pas changé grand-chose car ma côte ­part était restée à trois Livres alors que l’année précédente j’avais payé 1 Livre pour la Capitation.

Par contre, mon père, lui, avait payé 5 Sols de moins que l’année précédente où il avait payé 3 Livres pour la Capitation, diminution dérisoire. Le seul habitant du village qui avait vraiment bénéficié de la suppression de cet impôt, c’était Denis LUCEROT, le maître de Poste qui était redevenu privilégié de la Taille Royale en étant exonéré de cette dernière.

Ce qui fait que la suppression de la Capitation n’a pas changé grand-chose dans notre mode de vie quotidien qui restait toujours aussi austère.

Les années de misère

En mai 1699, ma deuxième sœur, Charlotte qui avait 24 ans, se maria avec Jean SIROT, le frère de Chrétien, le mari de ma sœur Anne. Le couple nous remplaça dans la communauté avec nos parents, dans les mêmes conditions que les nôtres.

A l’annonce de leur mariage je me suis mis à chercher un logement. C’est Claude NOIROT, mon parrain, qui me prêta la maison de ses parents qui était inoccupée. C’était une petite maison de deux pièces. Comme toutes les maisons du village elle était de pierre et couverte de laves, située contre le mur d’enceinte près de la porte de la route de Chanceaux.

La pièce principale, assez grande, avait une cheminée et son âtre, seules la porte d’entrée et une petite fenêtre perçaient le mur qui donnait sur la rue. La deuxième pièce était une petite chambre froide avec une fenêtre qui donnait elle aussi sur l’extérieur.

Nous déménageâmes donc avec nos trois enfants dans cette maison que nous venions de meubler. Ameublement rudimentaire comme chez mes parents. Dans la pièce de vie nous y avions mis un coffre pour les habits et une maie à pétrir. Autour de l’âtre avec sa crémaillère étaient rangés les instruments de cuisine et différentes sortes de chaudrons et seaux. Une table avec ses bancs trônait au milieu de la pièce.

La chambre froide servait un peu de débarras et de cellier j’y mettais aussi mes outils et différents objets comme le berceau de famille par exemple. Les paillasses étaient entassées dans un coin durant la journée.

A l’extérieur, juxtaposée au mur de la maison, il y avait une soue à cochon au dessus de laquelle avait été installée une gélinière. Dans le ‘meix’ qui entourait la maison il y avait un potager et un petit verger.

Au sortir de la communauté avec mes parents, je reçus donc de mon père, comme il était stipulé dans le contrat de mariage, deux pièces de terre, de deux journaux chacune, situées dans le finage, avec les revenus de deux journaux de ‘bleds’ qu’il devait m’octroyer tous les ans cela nous permettait de subsister. De plus je ne m’interdisais pas de travailler comme journalier chez différents laboureurs. Pour travailler mes deux lopins de terre j’empruntais les deux bœufs de mon père.

Le 10 octobre de cette même année 1699, Élisabete accoucha dans notre nouveau logement de notre sixième enfant. C’était encore une petite fille que nous prénommâmes Marie. Nous lui donnâmes comme parrain Jean SIROT, notre nouveau beau-frère, et comme marraine Marie ROCHEROT, une cousine d’Élisabete.

Le 2 mai 1701 c’est une cinquième petite fille qui vint au monde, nous la prénommâmes Antoinette. Nous lui donnâmes comme parrain Chrétien SIROT, le mari de ma sœur Anne, et comme marraine Antoinette GAUTHEROT, une des filles de mon cousin Germain GAUTHEROT.

Malheureusement la pauvre petite décéda, par déshydratation, le 23 décembre de cette même année. L’été fut caniculaire, s’ensuivit un automne pluvieux ce qui fit le lit d’une épidémie de dysenterie dans le village. Le curé BOUILLOT, le desservant de l’époque, nous disait que cette année là il avait fait 20 inhumations de plus que lors d’une année normale. Les deux tiers des décès concernaient des enfants en bas âge.

En juin 1702 nous apprenions le retour de la guerre, pour la succession d’Espagne [19], et aussi le retour de la Capitation pour 1703. Cette dernière nouvelle amena la consternation dans le village. Nous avions déjà été échaudés avec la capitation de 1698…

Peu après cette nouvelle, Jeanne DUBOIS, la sœur du charpentier du village qui vivait seule avec sa sœur Charlotte et que je connaissais bien, vint me voir pour me proposer un ‘commun’ [20].

Elle avait quelques ‘héritages’ que jusqu’ici elle exploitait avec l’aide de sa sœur et d’un journalier. Avec le retour de la Capitation, elle pensait ne plus pouvoir payer leur journalier et seules toutes les deux elle ne pourraient plus continuer à exploiter leurs terres.
Cette proposition ne m’a pas déplu car, à première vue, elle pouvait aussi m’avantager.

Avant de prendre une décision, j’en ai parlé à mon père qui m’a tout de suite encouragé dans ce sens. Il m’a dit que cela s’était déjà fait, bien que cela soit resté limité, par exemple une veuve avec son gendre ou un chef de famille avec une femme seule. Il a souligné que cela était souvent à l’avantage des deux parties car si la côte-part était augmentée, parfois de peu, divisée par deux elle devenait, généralement, plus faible ou, au plus, égale à celle payée individuellement auparavant. Il a rajouté que si la Taille continuait à augmenter, ce genre d’association allait se multiplier. Fort du conseil de mon père, je concluais l’affaire avec les femmes DUBOIS.

Ainsi en 1703 notre côte-part s’élevait à 6 Livres 9 sols, divisée par trois, nous avons payé chacun un peu plus de 2 Livres. Mon père avait raison car même avec la Capitation rajoutée j’ai payé moins que l’année précédente. Même chose pour les sœurs DUBOIS.

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Le terme de ‘mendian’ à l’époque voulait dire : a juste les moyens de subsister.

Par contre pour mon père ce n’était pas la même chose, sa côte-part est passée de 8 Livres 10 sols à 11 Livres 2 sols.

Avec le retour de la guerre, les recruteurs battaient les campagnes. Mon cousin François GAUTHEROT, encore célibataire, s’était laissé convaincre et finit par s’engager. Nous n’avons plus eu de nouvelles de lui depuis son départ.

Le 18 octobre 1702 a vu la naissance de notre sixième petite fille que nous avons prénommé Jeanne comme sa marraine Jeanne REBOURG, la femme du tissier en toile du village. Le parrain était François SIROT, le père de mes deux beaux-frères.

Après cette naissance nous continuâmes notre vie précaire faite de dur labeur, de souffrances et de sacrifices avec nos six enfants.

Durand l’hiver 1704 charlotte DUBOIS, l’une de mes associées, succomba à une infection pulmonaire. Je me retrouvais seul avec sa sœur Jeanne. A partir de ce moment notre côte part n’était plus divisée par trois mais par deux. Ce qui fait qu’ en 1705 j’ai payé une Livre de plus que l’année précédente...

Le 31 juillet 1706 a vu le décès de ma mère, Antoinette COMPAROT. Je me souviens, le jour de l’inhumation il faisait une chaleur caniculaire. Malgré ça, beaucoup de monde l’a accompagnée dans sa dernière demeure. Elle et mon père étaient bien vus et respectés par tous les habitants. C’est le curé BOUILLOT qui l’a inhumée.

Ma pauvre mère avait 68 ans, elle est morte usée par un dur labeur et tous les sacrifices qu’elle à dû enduré pour nous rendre la vie meilleure. Mon père se retrouvait seul, il a eu du mal à accuser le coup, heureusement sa fille Charlotte et son gendre l’ont entouré du mieux possible.

Le 24 septembre 1706, Élisabeth accoucha de notre septième petite fille, prénommée Nicole. Son parrain fut Germain LEFEVRE et la marraine Nicole SIROT.

De 1706 à 1708 il n’y pas eu d’incidents météorologiques majeurs, aussi les récoltes furent moyennes, voire bonnes. Mais les prix continuaient d’augmenter, à cause de la crise monétaire et des revers de l’Armée, nous disait-on... Si bien que nous, paysans, nous avions toujours de grosses difficultés à vivre convenablement. Aussi, durant cette période nous avions placé nos deux filles aînées comme domestiques. Anne qui avait 15 ans, chez la veuve de Claude BOUQUIN, qui était métayer, et Reigne, âgée de 11 ans, chez Charles GENNEBAUT, aussi métayer. Cela nous faisait deux bouches en moins à nourrir.

Mon père avait raison quand il m’avait dit en 1702 que si la situation continuerait à se dégrader les ‘communs’ se multiplieraient. En 1708 il y en avait 10, moi et Jeanne compris, sur 40 cotisants. Entre autres, il y avait mes deux oncles Jacques et Germain.

Le sieur CHATILLON n’avait pas renouvelé la ‘renterre’ de mon oncle Jacques, aussi ce dernier devint manouvrier et ne vivait que de ses quelques pièces de terre. Ce qui le décida de faire un ‘commun’ avec son frère. En ce qui me concerne j’étais toujours en ‘commun’ avec Jeanne et cela fonctionnait bien.

Les terribles années 1709, 1710

En 1708 l’hiver a été assez doux sans fortes gelées, le printemps et l’été furent pluvieux, par contre l’automne s’était rafraîchi. Fin octobre nous avons connu une première gelée, pas trop forte, qui se termina à la Toussaint. Une seconde vague de fraîcheur ( gelée blanche) survint fin novembre pour quelques jours. La première quinzaine de décembre fut marquée par un froid plus intense, pénétrant, et une neige abondante, par contre la quinzaine suivante connut une douceur inattendue pour cette période de l’année, nous pensions l’hiver terminé. Ce qui ne nous prédisposait pas à subir le terrible hiver 1709.

Le froid vint brusquement pendant la nuit de l’épiphanie du 5 au 6 janvier. Il a gelé très fort [21]. La terre était glacée sur plusieurs dizaines de pouces de profondeur. Le ‘ru d’Eringes’, notre ruisseau, n’était que glace. A cela s’ajouta un vent très fort et très froid pendant une bonne quinzaine. En plus il y eut de grosses tombées de neige pendant plusieurs jours si bien que la couche avait fini par atteindre un pied [22] d’épaisseur. Les chemins étaient devenus complètement impraticables.

Dans de telles conditions il était difficile de vaquer à ses occupations ordinaires ou de travailler. Ceux qui s’y risquèrent revinrent avec les pieds ou les doigts de la main complètement gelés. Nous étions condamnés à rester chez nous et à ne sortir qu’en cas de nécessité. Ce fut une période très difficile à vivre. Dans la maison il faisait froid malgré un feu d’enfer. J’étais obligé d’aller chercher du bois, dans la cour sur le tas dressé contre le mur de la soue, plusieurs fois par jour et même la nuit.

Je sortais très peu, seulement quelquefois j’allais chez mon père pour voir comment cela allait. Eux aussi souffraient du froid malgré, en plus de la cheminée, la chaleur des animaux. Ces derniers, les bœufs et les chèvres, perdaient leurs poils à cause de la froidure. Le verger de mon père était dévasté par le gel.

Je profitais de ces visites pour ramener des faverolles pour mettre dans la soupe qui chez nous devenait de plus en plus claire. Cette dernière était agrémentée du lard salé du cochon tué à l’automne et des quelques morceaux de viande de nos poules mortes de froid dans notre gélinière.

Je sortais aussi, de temps en temps, pour faire cuire notre pain au four banal. Nos provisions de farine diminuaient à vue d’ œil. Lors de mes quelques sorties j’étais pris à la gorge par le froid ce qui me faisait cracher, le crachat gelait en atteignant le sol. Des gouttes de glace s’agrippaient aux poils de ma barbe.

La seule sortie que nous faisions en famille, c’était pour aller à la messe du dimanche et aux vêpres. Le curé BOUILLOT avait installé de nombreux réchauds afin de rendre l’atmosphère de l’église plus supportable. A noter qu’il faisait fondre le vin de messe sur un de ces réchauds afin de pouvoir le boire.

Le 25 janvier le redoux s’installa accompagné de pluie. Nous pouvions enfin sortir, notre priorité , comme tous les habitants du village, était d’aller faire du bois dans la forêt de la Fortelle, car nos réserves étaient épuisées. Dès le premier jour de dégel, mon père attela ses deux bœufs à un tombereau et nous partîmes en direction de la forêt.

Sur la route qui menait à Montbard nous avons rencontré quelques petits groupes de malheureux plus ou moins dépenaillés qui se dirigeaient vers cette ville dans l’espoir d’y trouver de quoi se nourrir et du travail.

Arrivés à la forêt de la Fortelle un spectacle effroyable nous attendait, de nombreux arbres avaient été abattus par le vent fort qui avait soufflé pendant deux semaines, beaucoup de ceux qui restaient debout étaient fendus, certains de bas en haut, les buissons de ronces et de houx pourrissaient et de nombreux cadavres d’oiseaux et de petits animaux des bois gisaient sur le sol.

Pendant près d’une semaine nous avons fait notre bois. C’était assez facile car souvent les troncs se fendaient en deux au premier coup de hache.

Avec le dégel la poste aux chevaux reprit du service, Denis LUCEROT, le maître de poste du village, nous a dit, un jour, que plusieurs voyageurs lui avaient affirmé que dans le Morvan voisin, près d’Autun, ils avaient vu dans les champs des malheureux dépenaillés qui cherchaient et mangeaient des racines. Ils lui avaient aussi dit que sur leur trajet ils avaient traversé plusieurs villages vidés de leurs habitants.

Une dizaine de jours après le dégel, alors que la terre restait gorgée d’eau et de neige fondue, le gel revint pour une semaine. Autour du 10 février, le dégel reprit lentement, sans pluie cette fois, laissant renaître en nous l’espoir d’un temps plus clément. Malheureusement, une nouvelle vague de froid s’abattit le 22 février. Nous étions tous atterrés, heureusement que nous avions du bois pour nous chauffer [23]. Ce grand froid dura à peu près une semaine.

Le 3 mars le vent d’ouest nous apporta la pluie mais cela ne dura qu’une semaine. Le 10 mars le gel revint et la pluie se transforma en neige, nous étions complètement abattus nous avions l’impression que cet hiver ne finirait jamais. Au bout d’une semaine le dégel revint et cette fois, définitivement.

Nous avons eu en tout, en comptant les gelées de la fin de 1708, sept vagues de froid ce qui poussaitle curé BOUILLOT, dans ses sermons, à les comparer aux sept plaies de l’Égypte. En fait pour les bleds d’hiver semés en octobre 1708, ce ne sont pas les très fortes gelées des 3 semaines de janvier qui les ont décimés, la couche de neige les ayant protégés, mais celles de la fin février et de mars qui les ont complètement anéantis.

Au printemps, avec mon père, on a quand même essayé de resemer ce bled mais le résultat n’a pas été flagrant s’il a bien verdit les moissons ont été catastrophiques car il n’a pas donné d’épis. En fait, pour mon père, cela lui a fait de l’herbage pour ses bêtes.

Après ce terrible hiver nous étions tous dans un état désespéré, nous ne croyions plus en l’avenir. Certains d’entre nous en voulaient à ce roi qui nous avait mis dans la misère par orgueil et soif de pouvoir. Mais en juin, le 12 exactement, l’état d’esprit général changea du tout au tout.

En effet ce jour là, le curé BOUILLOT, nous lut, comme dans toutes les églises de France, un message du Roi à son peuple. Le souverain nous expliquait que dans les conditions difficiles que nous vivions, il voulait retrouver la paix pour son peuple, pour cela il avait fait de très grosses concessions mais l’ennemi ne voulait rien entendre et ne voulait que la défaite totale de la France. Aussi il nous demandait de l’aider à surmonter ces difficultés pour enfin retrouver la paix.

Ce message nous a tous troublés profondément car, cette fois-ci, le Roi ne nous demandait pas de lui obéir, mais de l’aider. Ceux qui, la veille, lui en voulaient étaient maintenant prêts à tous les sacrifices pour l’aider dans l’adversité.

Vint 1710 qui, pour nous les GAUTHEROT et beaucoup d’habitants du village, fut une période catastrophique. L’année commença par un hiver froid mais non comparable à celui de l’année précédente. Nous avions suffisamment de bois pour nous chauffer correctement, mais hélas ce n’était pas le cas pour nos provisions de nourriture.

Les récoltes étant nulles nous n’avions eu aucun revenu et mon père ne put me fournir les revenus des deux journaux de bled qu’il devait m’octroyer tous les ans. Nous avions pu tuer le cochon à l’automne précédent mais la pauvre bête qui avait énormément souffert du froid du ‘grand hiver’ n’avait pas une once de gras. Nous n’avions pas pu en tirer grand-chose.

Même s’il avait été de poids normal, cela aurait été la même chose car nous n’avions presque plus de sel pour la salaison car à cause de l’augmentation de la gabelle nous ne pouvions pas en racheter.

Dans la première moitié de l’hiver Elisabete a pu nous nourrir à peu près correctement sur les quelques réserves que nous avions pu faire, mais la soupe restait quelques fois encore claire malgré l’ajout de morceaux de couenne du cochon, de graines de faverolles, de raves et de rares bouts de vieux pain fait avec de la farine sale. Nous allions le moins possible faire cuire notre pain car nous devions payer au cellérier de l’abbaye de Fontenay une redevance égale à la vingtième partie du pain cuit.

Par contre la fin de l’hiver a été plus difficile, mais nous avons pu résister jusqu’à la fin du printemps où nous avons commencé à vivre sur le potager et le produit de nos volailles.

L’été qui a succédé a été très chaud et humide, ce qui fatalement a fait le lit des épidémies. D’autant plus que les mois de privations nous avaient tous affaiblis. Le village a dû faire face à deux infections. D’abord à une contagion de dysenterie qui, malheureusement, frappa aussi notrefamille. Nous fûmes atteints tous les cinq, Chrétien, Jeanne, Nicole, Élisabete et moi. Nous avions eu tous les mêmes signes de cette maladie. Cela avait commencé par une grosse fatigue générale, des ressentiments douloureux dans la région du bas ventre et des reins suivis de vomissements et de diarrhées. Pour remédier à cela nous prenions trois fois par jours le remède habituel, une décoction de son lavé à laquelle on ajoutait une cuillère d’huile. Ce remède n’a pas été bénéfique à Nicole, notre benjamine, âgée de 4 ans, qui périt par déshydratation. Jeanne DUBOIS, mon associée, a subi le même sort que Nicole. J’ai été très touché par son décès, c’était une femme bien, travailleuse et honnête. Nous avions de forts liens d’amitié.

Au début de l’automne, ce sont mes deux beaux-frères, Chrétien et Jean SIROT, ainsi que mon oncle Jacques qui passèrent de vie à trépas. Tous les trois, comme de nombreux habitants du village, succombèrent de la petite vérole. Cette année là le curé enterra trois fois plus d’habitants qu’habituellement.

Ces quatre décès furent un vraie catastrophe pour notre famille. Mes deux sœurs se retrouvaient veuves avec, pour Anne quatre enfants de 7 à 14 ans et pour Charlotte aussi quatre enfants de 10 à 3 ans. Charlotte qui hérita des quelques pièces de terre de son mari quitta la communauté avec mon père ce qui lui valu de recevoir de ce dernier deux pièces de terre de 1 journal chacune et une rente annuelle égale au revenu de deux journaux de bled. Ce qui lui permettait de pouvoir subsister à peu près correctement avec ses enfants. Anne, elle, se mit alors en ‘commun’ avec mon père pour pouvoir continuer à exploiter les quelques pièces de terre héritées de son mari.

En ce qui me concernait, l’absence de Jeanne aux travaux des champs fut compensée par l’aide de mon fils Chrétien âgé de 14 ans qui ne se dérobait pas devant la tâche. Cela tombait bien car cette année là, la récolte fut assez abondante.

Après le décès de mon oncle Jacques, mon oncle Germain succéda à la veuve de René BOUQUIN, terrassée par la dysenterie, qui tenait la métairie du sieur GUILLIER.
Dés le début de l’été de cette année 1710, des groupes d’individus, dépenaillés et plus ou moins faméliques, traversaient le village en direction de Montbard ce qui incita les prudhommes à faire, de nouveau, fermer les portes de l’enceinte dès la nuit tombée afin d’éviter d’éventuels pillages durant les nuits, comme cela s’était produit dans certains villages de la région.

Les années noires de l’après crise

En 1711 l’hiver a été froid, surtout en février, et la neige abondante. Le printemps, lui, fut plus clément et les bleds commencèrent à verdir. Par contre l’été fut très pluvieux, surtout en juillet où les pluie furent si abondantes qu’elles détériorèrent la moisson sur pied. Notre récolte fut très amoindrie. Cette année là n’étant plus associé avec Jeanne, ma côte-part de Taille était quasiment la même que celle que nous avions tous les deux auparavant, malgré l’’impôt du 10e [24] créé l’année précédente. Cette contribution supplémentaire n’ayant presque pas affectée ma côte-part vu que les revenus de mes deux journaux de terres, cette année là, ont été minimes. Mais cette fois-ci j’étais seul à payer…

Par contre mon père et ma sœur Anne qui s’étaient associés n’ont payé que 5 livres, alors que mon père quand il était seul payait un peu plus du double. C’est là que je réalisais vraiment l’avantage du ‘commun’.

Les années 1712 et 1713 bien qu’un peu moins arrosées que l’année précédente ne furent pas plus clémentes pour les moissons.

L’année 1712 avait été pour nous une année noire car nous perdîmes notre patriarche, mon père François. Il allait atteindre ses soixante sept ans. C’est la vieillesse et sa vie de durs labeurs et de sacrifices qui ont eu raison de lui. Ce fut une grande perte pour notre famille car tout au long de sa vie il nous a aidé, nous ses enfants, et conseillé afin de nous rendre la vie meilleure. Dans le village aussi il a été regretté car il était considéré comme un ‘sage’ de notre communauté.

Ma sœur Anne se retrouva toute seule avec ses 4 enfants pour subsister à leurs besoins. Elle avait du mal à travailler son journal de terre mais elle y arrivait. Elle avait aussi une portion de bois dans la forêt de la Fortelle qui lui fournissait du bois qu’elle vendait et qui lui permettait aussi de se chauffer.

C’est encore cette année là que je fis une association agricole avec Reigne OUDIN, la veuve de Jean NOIROT, qui était ‘pastre de vaches’ et aussi le fils de feu Claude NOIROT, mon parrain. Mon père étant décédé, je travaillais nos terres avec les bœufs de mon oncle Germain. Si bien qu’en 1713 notre côte-part de la Taille fut de 6 Livres 10 sols, ce qui faisait pour mon compte 3 Livres 5 sols, soit 1 Livre de moins que ma côte-part de l’année précédente, ce qui n’était pas négligeable en ces temps durs...

1713 fut aussi l’année de la fin de la guerre de succession d’Espagne mais nous étions toujours en guerre contre l’Autriche. La vie était toujours aussi dure pour tout le monde. Il y avait toujours des groupes de mendiants dépenaillés qui traversaient le village, le jour, en quête de nourriture. En janvier de cette même année le curé de Fraisne, qui officiait à Eringes, enterra un jeune garçon, d’une douzaine d’années, trouvé mort, probablement de faim, sur le grand chemin.

1714 fut encore une année noire. En février, Claude LEGRAND, un fermier du village trouva, gisant sur le bord du grand chemin, un enfant de 7 ans, à demi nu. Il l’habillât et le logeât dans son écurie. Le pauvre garçon mourut dans la nuit.

Au printemps de cette même année, un véritable fléau s’abattit sur notre région ; la peste bovine. Quasiment tout le cheptel bovin du village fut atteint. Les 4 bœufs de mon oncle Germain n’y ont pas échappé. Ils eurent de fortes poussées de fièvre, des lésions érosives dans la bouche, des écoulements du nez et des yeux, de la diarrhée profuse et finirent par se déshydrater. Pour Germain il n’y avait pas de doute sur la nature de la maladie.
Après un printemps froid les bleds avaient du mal à lever mais la récolte fut malgré tout honorable...

Cette épidémie fut une véritable catastrophe pour nous, paysans cultivateurs, car elle nous privait de notre outil de travail. A l’automne, au moment des labours, l’absence des bœufs de mon oncle posa problème. Il n’y avait qu’une solution, remplacer l’araire par la ‘maille’.

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Maille.

Cet outil nous permettait de défoncer le sol jusqu’à une dizaine de pouces. C’était un travail très pénible surtout dans notre ‘finage’ où la terre était très caillouteuse. Mais cette besogne ne faisait pas peur à mon fils Chrétien âgé alors de 17 ans qui, comme je l’ai déjà dit, ne se dérobait pas devant l’ouvrage.

C’est aussi cette année là que la guerre avec l’Autriche se termina mais ce n’était pas pour autant que la Capitation fut supprimée..

L’année 1715 a été une année plutôt douce, sans hiver, avec des pluies normales au printemps et en été. Avec mon gars et Reigne nous avons pu bien travailler nos terres. Les récoltes ont été bonnesaussi bien au potager, où Élisabete à pu produire et ramasser quantité de choux, de fèves et d’autres légumes, que dans les champs ou les bleds furent abondants et de qualité.

Cette année là, avec Reigne, notre côte-part de la Taille a été diminuée par rapport à l’année précédente. En ce qui me concernait je n’ai payé que 2 Livres au lieu de 3 en 1714. Cela était peut-être dû à la récente suppression du 10e. Cette diminution contribua à améliorer notre vie quotidienne qui restait encore précaire.

Mais en septembre 1715 nous apprîmes le décès de notre grand Roi. A la messe du Dimanche, le curé FRANNIOT fut très élogieux envers le défunt souverain en ventant ses qualités de grand monarque et de grand chrétien. Il finit même son oraison en le traitant de « fils aîné de l’église et héros véritablement chrétien ».

Au sortir de l’office les commentaires allaient bon train et dans l’ensemble tous trouvaient que le « Héros véritablement chrétien » ne s’était guère soucié de son petit peuple. Il semblait que l’état d’esprit des lendemains du 12 juin 1709, où beaucoup étaient prêts à tous les sacrifices pour aider leur roi, s’était évaporé depuis un bon moment… Ce fut le duc d’Orléans, neveu du feu Roi, qui prit la régence du royaume.

Contrairement à 1715, 1716 fut une année un peu plus contrastée. L’hiver fut abondamment neigeux. Pendant un mois nous avons eu une couche de neige d’à peu près trois pieds d’épaisseur [25].

Le printemps et l’été qui suivirent furent secs. Les ‘bleds’ bien protégés par la neige ont bien verdi, malgré une sécheresse plus ou moins accentuée pendant l’été, la récolte fut bonne et nos revenus ont sensiblement augmentés. Comme notre côte part de Taille qui est passée de 4 Livres à 5 Livres deux Sols...

1716 a été aussi l’année où Reigne et moi avions décidé de rompre notre association agricole. Nous ne nous entendions pas bien. Nous n’étions jamais d’accord sur la gestion des terres et des semences et elle se trouvait défavorisée par rapport à moi quant au partage de la côte-part en deux parties égales.

Les années 1717-1718, sur le plan météorologique, furent tout à fait comparables à 1716, ainsi que sur le plan frumentaire [26]. Les récoltes furent honnêtes. Avec leurs revenus nous pûmes engranger quelques provisions.

Ces années là, ma côte-part de la Taille fut évaluée à 55 sols 44 deniers soit quasiment 3 Livres. C’était à peu près la somme que je payais quand j’étais en association avec la veuve NOIROT.

1719 fut une année différente sur les deux plans, météorologique et frumentaire, caractérisée par une sécheresse sans précédent. L’hiver fut relativement doux et peu pluvieux, le printemps sec et l’été archi-sec et très chaud. Ce qui a fait que les blés d’hiver poussèrent mal et ceux de Printemps ne levèrent pas du tout. Automatiquement la récolte fut désastreuse. Heureusement, il nous restait quelques réserves des années précédentes. De plus le potager n’avait pratiquement rien produit.

Mais ce qui a le plus marqué cette année 1719 fut l’épidémie de fièvres pestilentielles [27] qui s’abattit sur notre village après l’extrême sécheresse de l’été, la dysenterie et la fièvre putride pourprée. La première provoqua un nombre important de décès, surtout des enfants en bas âge et des vieillards. La seconde fut moins meurtrière mais affecta toutes les tranches d’âges. C’est elle qui frappa notre famille. Nous n’avons pas déploré de décès, mais de nombreux infectés comme Élisabete, ma femme, mes deux filles Anne et Reygne, ma sœur Charlotte et sa fille Anne, ainsi que le garçon de ma sœur Anne. Tous furent bien malades mais c’est grâce à moult décoctions à base de camomille que nous avons pu éviter le pire.

De 1720 à 1723 la météo fut à peu prés semblable à celle des années 1716-1718, mais avec des récoltes moyennes qui ne nous permirent pas de faire des réserves suffisantes. Notre situation restait précaire.

Par contre, malgré la stagnation de nos revenus, les impôts ne cessèrent d’augmenter ainsi que la cherté de la vie. Ainsi ma côte-part de la Taille passa de 3 Livres en 1720 à 6 Livres 4 Sols en 1723 avec une augmentation de 1 Livre par année. La venue au pouvoir du régent depuis 1715 n’avait pas arrangé les choses, bien au contraire...

Cela devenait de moins en moins supportable pour tout le monde. Dès 1721 au village il y eut des mouvements de mécontentement. Lors des assemblées certains s’en prenaient aux assesseurs qui, malheureusement, n’y étaient pour rien. En 1722 le vicaire FRANNIOT a dû intervenir à plusieurs reprises lors des assemblées pour rétablir le calme face aux emportements de certains.

Comme en 1719, l’année 1723 s’est caractérisée par un été caniculaire, mais cette fois-ci la sécheresse a duré de la mi-mars jusqu’au mois de novembre. Les bleds d’hiver n’ont pas levé, même chose pour les bleds de printemps. La récolte fut quasiment nulle... »

Le récit de claude s’est arrêté là en 1723. Il mourut le 14 août 1724, à l’âge de 55 ans. Nous ne connaissons pas la cause de son décès, peut-être la maladie car l’été de cette année là fut aussi très chaud et très sec, ce qui a pu provoquer une épidémie de dysenterie. Ou alors, usé par une vie de dur labeur et de sacrifices a-t-il été victime, au mois d’août, d’un coup de chaleur fatal ?… Sa femme, Élisabete LANDROT, est décédée deux ans après lui, en 1726.

Ce qu’il faut retenir de ce récit

Il nous montre à l’évidence le malheureux sort du petit paysan français du 17e siècle qui doit subir les effets de la météorologie, de la maladie, de la pression fiscale et la misère qui en a découlé.

* La météorologie.

La météorologie a toujours eu un impact sur la production agricole. Encore plus, avant le 19e siècle où les techniques agraires étaient précaires. Aussi un hiver long et froid, un printemps où un été pluvieux, où tous ces phénomènes dans la même année, cela pouvait avoir de grosses conséquences sur les exploitations en général et plus particulièrement sur les frumentaires qui étaient l’activité principale des paysans de l’ancien régime.

La période du début du 14e siècle à la fin du 19e, caractérisée par une série d’hivers longs et froids, est appelée par certains auteurs le ‘petit âge glaciaire’. Ce dernier a eu plusieurs pics de grande froideur comme les années 1693-94, 1709-1710 et 1816. Ces hivers de grand froid ont énormément augmenté la mortalité aussi bien par le froid que par la faim.

Bien que l’ hiver 1693-1694 ait été le plus meurtrier (1 300 000 morts), ce sont ceux de 1709 et 1710, avec moins de décès (600 000), qui, par des températures quasi sibériennes, ont eu des conséquences désastreuses sur la population avec une forte baisse de la natalité [28] et une forte dégradation de la vie économique du pays durant les 10 années succédant à cette crise. Contrairement à l’après 1693-1694 où la natalité, malgré une forte mortalité, n’a pratiquement pas été perturbée ainsi que la vie économique.

D’une manière générale lors de ces deux crises majeures, le froid a fait quasiment autant de victimes que la faim. Par contre à Eringes il y a eu peu de victimes de la froidure car les habitants, grâce à leur affouage [29] dans la forêt de la Fortelle pouvaient avoir du bois à volonté pour se chauffer. Ce qui n’était pas le cas dans la plupart des autres villages où les bois étaient, souvent, propriétés exclusives du seigneur.

Toujours lors de ces deux pics de froid, les récoltes frumentaires de l’année précédente furent peu abondantes. Les paysans abordèrent donc l’hiver avec très peu de réserves et ne purent échapper à la malnutrition qui, pour un bon nombre, fut fatale.

Louis XIV a bien pris des mesures pour lutter contre la famine comme par exemple :

  • La construction de canaux et de systèmes d’irrigation : pour améliorer l’approvisionnement en eau des terres agricoles dans certaines régions.
  • La réglementation des prix des denrées alimentaires afin d’éviter les hausses excessives et de garantir l’accès à la nourriture pour tous, même en période de pénurie.
  • La création de greniers à blé dans différentes régions du royaume, où des réserves de céréales étaient stockées pour faire face aux périodes de disette.
  • La distribution de nourriture aux plus démunis, notamment en distribuant des rations alimentaires aux pauvres et en organisant des soupes populaires dans les villes.
  • La promotion du commerce des céréales en supprimant les taxes sur leur importation et en facilitant les échanges commerciaux, ce qui devait permettre d’assurer un approvisionnement régulier en cas de pénurie.

Mais ces mesures si elles ont atténué la famine, surtout dans les villes, elles n’ont pas eu de grands effets dans les campagnes où les petits paysans n’en ont pas ou peu vu les résultats.

* La maladie.

De 1670 à 1724, la période de vie de Claude, une série d’épidémies s’abattirent sur la bourgogne du nord, comme dans d’autres régions du royaume, d’ailleurs. Les plus ravageuses furent celles de la petite vérole (variole), de la dysenterie et de la fièvre putride pourprée (Typhoïde).

La petite vérole a été très destructrice à cette époque car étant une maladie virale, elle était très contagieuse. Cette contagion était favorisée par le manque d’hygiène, les voyages qui se développaient à cette époque et, en période de guerre, par les nombreux passages de troupes. Ces dernières étant souvent infectées en raison des conditions de vie souvent précaires dans lesquelles elles se trouvaient. Lorsque cette maladie ne tuait pas elle laissait des séquelles importantes comme des visages défigurés ou la perte de la vue.

La dysenterie et la fièvre putride pourprée, toutes deux maladies bactériennes, ont fait aussi beaucoup de ravages à cette époque. Leurs contagions étaient favorisées par le manque d’hygiène en ville comme en campagne. Les fortes sécheresses favorisaient le souillage des eaux, celles-ci étant utilisées notamment pour la cuisine, infectaient la nourriture.
Louis XIV a aussi pris des mesures pour lutter contre les épidémies, comme :

  • L’instauration de de quarantaines pour limiter la propagation des maladies. Les navires arrivant dans les ports français étaient soumis à une période d’isolement pour s’assurer qu’ils ne transportaient pas de malades.
  • La mise en place de contrôles aux frontières pour limiter l’entrée de personnes infectées. Des mesures de quarantaine ont été appliquées aux voyageurs venant de régions touchées par des épidémies.
  • Le renforcement des mesures d’hygiène en encourageant la construction de fontaines publiques et de systèmes d’égouts dans les villes et les villages pour améliorer l’approvisionnement en eau potable et l’évacuation des déchets.
  • La création de l’Hôtel-Dieu de Paris et de nombreux hospices en province. En bourgogne du nord, dans la région d’Eringes, le roi a encouragé la fondation de l’hôtel-dieu de Montbard en 1669 par François DE BROSSE, marquis de Montbard. Il a aussi aidé au réaménagement de celui de Châtillon-sur-seine, datant du 12e siècle, en faisant construire de nouveaux bâtiments afin d’accueillir un plus grand nombre de malades.
  • La création de la première école de médecine : En 1674, Louis XIV a fondé l’Académie royale de chirurgie, qui est devenue plus tard la première école de médecine de Paris. Cette institution a permis de former des médecins compétents pour lutter contre les épidémies.
  • La création de la première pharmacie royale : En 1672, le Roi a créé la première pharmacie royale à Paris. Cette institution était chargée de produire et de distribuer des médicaments pour lutter contre les épidémies.

Malheureusement ces mesures, pour certaines, se révélèrent inefficaces par manque de compréhension et de coordination. Ainsi pour la mise en quarantaine des navires et le contrôle aux frontières, elles n’étaient pas appliquées de manière stricte et les épidémies se propageaient toujours malgré les efforts du roi.

Les dispositions prises contre l’absence d’hygiène et la mise en place de systèmes d’approvisionnement d’eau n’ont pas toujours été suivies, souvent par manque de ressources, peut-être aussi, par un certain laxisme de la part des autorités subalternes et, surtout, par le manque de coordination entre les différentes régions du royaume qui rendait difficile la lutte contre les épidémies à l’échelle nationale.

Malgré toutes ces mesures, plus ou moins bien appliquées, ces épidémies n’ont pu être contenues et ont continué à ravager le royaume.

* La pression fiscale.

Nous avons vu plus haut les différents impôts auxquels étaient assujettis les habitants d’Eringes. Pour rappel ; ceux redevables à l’Abbé Commendataire de l’abbaye de Fontenay, à savoir la Dîme et le droit de Ban pour le four, et ceux dus au Roi, la Taille, La Capitation et le Dixième, pour les directs, et la Gabelle, pour les indirects.

Les impôts directs royaux, contrairement à ceux dus aux seigneurs, étaient injustes. La Taille ne concernaitpas tout le monde. Les nobles, le clergé, les officiers de l’État et ceux de la justice en étaient exemptés. Pour ce qui était de la capitation, à l’origine elle concernait tout le monde. Mais avec le temps nobles, clergé, gros bourgeois et militaires réussirent à s’en faire exemptés.

Les impôts dus à l’abbé commendataire de Fontenoy variaient suivant la récolte, pour la Dîme, et l’utilisation du four, pour droit de Ban. Ils ont toujours gardé le même rapport, 1/10 pour la première et 1/20 pour le second.

Par contre en ce qui concerne les impôts dus au Roi, ce dernier pouvait les augmenter ou en créer d’autres, si besoin était, selon sa volonté. Ce qu’il ne se privait pas de faire, ceci s’expliquait par les besoins financiers croissants de l’État, notamment en raison des guerres menées qui ont nécessité des dépenses militaires importantes et aussi, il faut le dire, pour financer les fastes de la cour.

Mais revenons à Claude et ses ‘communautaires’ qui ont vu leur côte-part augmenter régulièrement depuis 1697 à tel point qu’il leur était de plus en plus difficile de vivre correctement. Surtout pour les manouvriers et les ‘mendians’.

Il semble qu’à Eringes l’esprit communautaire ait été assez développé, ainsi des habitants trouvèrent une parade pour lutter contre cette pression fiscale. Ils eurent recours, en nombre, à une structure agraire qui a toujours existé mais était peu usitée auparavant, le ‘commun’.

Dans ce système, ils mettaient en commun, à deux ou trois personnes, leurs terres, leurs outils et leurs animaux de travail. Ils travaillaient ensemble pour cultiver les terres, semer les graines, récolter les cultures et entretenir les animaux. Les bénéfices étaient ensuite partagés entre les membres de l’association, en fonction de leur contribution en termes de travail, de terres ou de ressources. Ce type d’association était considéré par le fisc comme un foyer fiscal, ainsi la côte-part à la Taille, était-elle aussi partagée de la même manière.

Ce sont les plus nécessiteux comme certains manouvriers, les ‘mendians’ et les veuves qui eurent recours à ce système agraire afin d’alléger autant que possible leur côte-part de la Taille. Ce type d’association concernait le plus souvent une fratrie dont l’un des membres était en difficulté, une belle mère, veuve, et son gendre, un père de famille et la veuve d’un ami ou deux pères de famille dont l’un était dans la nécessité, par exemple.

Le nombre de ces associations s’est développé à partir de 1694 jusqu’à atteindre un bon tiers du nombre total des foyers fiscaux à la veille du ‘grand hiver de 1709. Cela montre un certain esprit de solidarité de la part des éringeois devant les grosses difficultés qu’ils ont dû subir durant ces années de misère.

* La misère.

Pendant le règne de Louis XIV, la France a connu plusieurs périodes de mauvaises récoltes et de famines, qui étaient souvent dues à des conditions météorologiques défavorables. Les hivers rigoureux, les étés secs ou les pluies excessives pouvaient entraîner des pertes de récoltes importantes, ce qui conduisait à une augmentation des prix des denrées alimentaires, ce qui a eu un impact direct sur le pouvoir d’achat des populations les plus pauvres et à une pénurie de nourriture.

La famine qui suivit le désastre du grand hiver 1709 fut terrible. Les riches furent réduits à manger du pain d’avoine et les pauvres à brouter, au printemps, l’herbe des prés comme les bêtes. La mort faucha des familles entières. On vit des paroisses perdre les trois quarts de leurs habitants. Comme souvent en ces moments là, la maladie s’attaque aux organismes affaiblis et mal en point. Ceux qui n’étaient pas morts de faim, durent subir les foudres des grandes épidémies puisque l’été revenu, tous les vagabonds, paysans et autres gens sous-alimentés et affaiblis qui étaient partis sur les chemins de France pour tenter de trouver de quoi se nourrir et travailler, contribuèrent à la propagation des grandes épidémies de dysenteries, de fièvres typhoïdes, de scorbut, ou encore de variole, emportant des milliers de personnes. Les vieillards et les enfants payèrent un lourd tribut aux infections.

Les épidémies ont également eu un impact majeur sur la vie économique de l’époque. Elles ont entraîné une diminution de la population, ce qui a eu des conséquences sur la main-d’œuvre disponible. Elles ont aussi entraîné une baisse de la natalité. De plus elles ont également conduit à une baisse de la demande de biens et de services, car les populations étaient souvent confinées ou évitaient les lieux publics par peur de la contagion.

Sur ce tableau désastreux s’ajouta la pression fiscale qui n’arrangea pas les choses. Si à Eringes certains habitants ont pu trouvé une solution dans le ‘commun’, cela n’a pas été le cas partout.

Louis XIV semble avoir pris conscience en 1709 du mécontentement populaire en faisant son appel du 12 juin 1709, en demandant à son peuple de l’aider à surmonter ces dures épreuves. Appel qui peut être considéré comme un ‘coup’ politique qui, semble-t-il, n’a pas eu un grand effet dans le temps. Car dans les années qui suivirent la crise 1709-1710 le peuple a quand même gardé un ressentiment contre le roi et l’absolutisme. Ressentiment qui s’est accru de plus en plus au fil des décades face à l’injustice sociale devant l’impôt et la justice, entre autres, pour aboutir, 80 ans plus tard, à la révolution de 1789.

Documentation :
Documents d’archives (AD de côte d’or).
Cessation de la forêt de ’La Fortelle’ par l’abbaye de fontenay aux habitants d’Eringes. 1481. 15H114.
Procès verbal, par B.B. CANABELIN, de visites de feux (1683-1686).C 4765.
Rôles de Taille et des vingtièmes de Eringes (1687-1712,). C 7284.
Registres paroissiaux de Eringes (1670-1712). 5MI 21R23.
Contrat de mariage GAUTHEROT-LANDROT. 4E 117/16. Documents bibliographiques.
Description générale et particulière du duché de Bourgogne.C COURTEPEE. 1775.
La vie quotidienne des paysans du XVIIe siècle. Pierre GOUBERT. 1987.
Les paysans de la Bourgogne du nord au dernier siècle de l’ancien régime. P de SAINTJACOB. 1995.
Monographie de l’abbaye de Fontenay. J B CORBOLIN. 1882.
Les 2000 dates qui ont fait la France. J L CHARMET. 1988.
Les fêtes populaires et religieuses de mai dans l’Auxois. Hippolyte MARLOT. 1895.
La milice ou les débuts du service militaire, de Louis XIV à la révolution. Léon MENTION.1900.

Iconographie :
Carte des bailliages de Bourgogne sous l’ancien régime. Archives départementales de côte-d’or.
Eringes. Carte de CASSINI.
Plan cadastral de Eringes (XIXe siècle). AD de côte d’or. 3 P Plan 256/6.
Église d’Eringes.(Photographie personnelle).
Maison Bourgogne du nord, XVIIIe siècle.(Photographie personnelle).
Fourche patibulaire de Eringe sur la route de Montbard-Chanceaux. Carte du duché de Bourgogne et des comtez dépendans. 1709. Guillaume DE L’ISLE. Gallica.
’Petit paysan 17e’. Jean-Daniel WUILLERMOZ.
La quintaine. Yannick DRILLET. Noir et blanc.html.
Contrat de mariage GAUTHEROT-LANDROT. 4E 117/16.
Rôle de Taille 1690. Côte-part de Claude GAUTHEROT. C 7284.
Rôle de Taille 1690. Côte-part de François GAUTHEROT. C 7284.
Rôle de Taille 1703. Côte-part de Claude GAUTHEROT et les sœurs DUBOIS. C 7284.
Rôle de Taille 1703. Côte-part de François GAUTHEROT. C 7284.
Rôle de Taille 1705. Côte-part de Claude GAUTHEROT et Jeanne DUBOIS. C 7284.
Rôle de Taille 1708. Côte-part de Jacques et Germain GAUTHEROT . C 7284.
Hiver 1709. Petit poucet.overblog.
Forêt de la Fortelle. Carte du duché de Bourgogne et des comtez dépendans. 1709. Guillaume DE L’ISLE. Gallica.
Rôle de Taille 1711. Côte-part de Claude GAUTHEROT . C 7284.
Rôle de Taille 1711. Côte-part de François GAUTHEROT et de sa fille Anne. C 7284.
Maille. Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. DIDEROT et D’ALEMBERT. 1751. Gallica.
Rôle de Taille 1714. Côte-part de Claude GAUTHEROT et la veuve NOIROT. C 7284.
Rôle de Taille 1716. Côte-part de Claude GAUTHEROT et la veuve NOIROT. C 7284.
Rôle de Taille 1718. Côte-parts de Claude GAUTHEROT et de la veuve NOIROT. (séparément). C 7284.


[1La Taille était un impôt direct arbitraire assis sur les personnes, portant sur leur patrimoine et leurs revenus. En étaient exemptés : les nobles, les marchands des villes, les ecclésiastiques, les étudiants, les universitaires. Elle tendait à devenir ainsi propre aux paysans.

[2Ces ’fourches patibulaires’ étaient placées, ordinairement, aux confins du ’finage’, à proximité d’une voie de passage, afin de signaler aux voyageurs le siège d’une haute justice. Il semblerait que celle d’Eringes n’ait jamais servi à l’époque de Louis XIV. C’était plus une ’arme de dissuasion’ qu’autre chose.

[3Claude fut très probablement baptisé en l’église d’Eringes, mais nous n’avons pas les noms des parrain et marraine car les registres paroissiaux de cette paroisse ne commencent qu’en 1670. Nous savons que claude est né en 1669 car sur son acte de décès de 1724 il est âgé de 55 ans.

[4Charrue.

[5Le ‘maillot’ était composé de langes qui recouvraient tout le corps , tenus par des bandelettes biens serrées. Ces dernières étaient censées bien maintenir le nouveau né afin de le modeler.

[6Le sevrage à cette époque était un moment difficile pour le nourrisson. N’étant plus protégé par les anticorps de la mère, il devenait plus sensible aux divers agents infectieux.

[7En 1674, la mortalité à Eringes a triplé. Sur un acte de sépulture le curé parlait bien de maladie. Il s’agit probablement de dysenterie, car les 2/3 des décédés étaient de jeunes enfants. Ces derniers étant plus sensibles à cette maladie. Ce genre d’entérite était très probablement d’origine bacillaire, car l’hygiène, à cette époque était exécrable.

[8Ces bois, situés à quelques lieues d’ Eringes, dans la forêt de l’abbaye de Fontenay, ont été cédés par cette dernière, au 16e siècle, aux habitants de ce village. Ces derniers pouvaient ainsi se chauffer sans problèmes et gratuitement. Chose très appréciable à l’époque.

[9Prud’homme chargé de la police du ’finage’.

[10Maladie des plantes causée par des champignons de l’ordre des urédinales.

[11Accident de végétation atteignant principalement les céréales, provoqué par la pluie, le vent ou une attaque de parasites et couchant les tiges au sol.

[12Roger de RABUTIN, comte de BUSSY, ancien lieutenant-général des armées de Louis XIV.

[13Dans la fête des moissons, comme dans celle des vendanges, on célébrait la fin d’un labeur pénible auquel étaient assujettis les paysans, véritables ‘chiens’ de la société de l’ancien régime, labeur qu’ils avaient eux même qualifié de ‘tue chien’.

[14C’est en 1688 qu’on lève pour la première fois des miliciens. On réunit une vingtaine de bataillons mal vêtus, mal équipés, mal commandés, qui sont employés en Catalogne ou en Italie à des services auxiliaires.

[15La ligue d’Augsbourg comprenait l’Empire Germanique, l’Espagne, la Suède, plusieurs princes Allemands et finalement l’Angleterre.

[16Flavigny était un village d’un peu plus de 330 ’feux’, au milieu du 17e siècle. Il se situait à 2 lieues (environ 10 km) au sud de Eringes. C’était un gros bourg fortifié perché sur un éperon rocheux cerné par trois rivières ; l’Onzerain, la Recluse et le Verpant. La foire de la saint Simon qui s’y tenait à l’automne était un rendez-vous important pour toute la population de la région. Les vignes et le vin de Flavigny avaient, à l’époque, une grande renommée.

[17La Typhoïde.

[18Face aux grosses difficultés économiques dues à la guerre, Louis XIV mit en place un nouvel impôt, la Capitation. C’était un impôt sur les ’feux’, comme la taille, et rajouté à cette dernière. Tous furent touchés, même les privilégiés, sauf les pauvres qui payaient moins de 30 sols de Taille.

[19Le 15 juin 1702 la coalition de La Haye ( Angleterre, Provinces Unies, Prusse et Autriche) déclare la guerre à la France et à l’Espagne après la désignation du duc d’Anjou (petit fils du roi de France) comme nouveau roi d’Espagne.

[20Le ’commun’ était une association agricole qui se traduisait par la mise en commun de terres et des revenus entre laboureurs.

[21Cette nuit là dans la région il a été relevé des températures de -20° à -30°.

[22Une trentaine de centimètres.

[23Les températures relevées lors de cette vague de froid ne tombèrent pas au dessous de -15°.

[24En 1710, les grandes difficultés financières liées à la guerre de succession d’Espagne obligent le roi à créer un nouvel impôt : le dixième. Les propriétaires d’immeubles et de terres, les fonctionnaires, les commerçants et les industriels doivent verser 10 % du revenu de leurs biens et activités. Le clergé catholique rachète sa contribution en versant un don gratuit, les nobles arrivent à y échapper.

[25De 90 à 95 cm de neige.

[26Qui se rapporte au blé.

[27Fièvres qui ressemblaient beaucoup à la peste par leurs ravages, excepté qu’elles étaient plus fréquentes et un peu moins meurtrières, et qu’elles n’avaient pas nécessairement une origine étrangère, elles pouvaient être épidémiques sans contagion, ou présenter ces deux caractères à la fois comme la dysenterie ou la fièvre putride pourprée (Typhoïde).

[28200 000 naissances de moins par rapport à la moyenne habituelle (10 % de la population de la France de cette époque).

[29Droit de prendre du bois de chauffage dans une forêt.

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